By Heart (Tiago Rodrigues / Théâtre les Tanneurs – Bruxelles)

(quand on ne lit pas la bible)
By heart ? Par cœur, je connais Parker… ? Mais ça ne fonctionne pas en anglais…

 

(de quoi ça parle en vrai)
Dans By Heart, Tiago Rodrigues nous raconte une histoire : celle de sa grand-mère qui, devenue aveugle, lui demande de choisir un livre qu’elle pourrait apprendre par coeur. Le metteur en scène portugais se pose la question de la signification de cet apprentissage « par cœur ». La mémoire du texte est montrée comme un acte de résistance. La mémoire, c’est ce qui nous appartient, ce qui est irréductible, que rien ni personne ne pourra nous enlever. Comment se tenir, avec le public, au plus près de cette question, de son urgence, de sa charge ? En conviant chaque soir dix spectateurs à apprendre par cœur un sonnet de Shakespeare, il ne se contente pas de brouiller les frontières entre le théâtre, la fiction et la réalité : il invite des hommes et des femmes à éprouver, partager, le temps de la représentation, une expérience singulière : celle de retenir un texte et de le dire. Un acte de résistance artistique et politique, de lutte contre le temps, l’oubli, le vieillissement, l’oppression, l’absence et la disparition. Un geste aussi intime que politique. (http://lestanneurs.be/saison/spectacle/by-heart)

 

By-heart-de-Tiago-Rodrigues
Photo de couverture : Axel Ito / Photo ci-dessus : Magada Bizarro

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)
Il s’agit ici d’une non-critique que j’aurais pu écrire à l’avance car c’est la troisième fois que je vois ce bijou écrit, mis en scène et interprété par Tiago Rodrigues. Une fois à Paris, une fois à Marseille et cette fois-ci à Bruxelles. C’est pas de ma faute : c’est le weekend de Pâques, je veux m’échapper de Paris, une très bonne amie y vit, par réflexe je consulte les programmes des théâtres bruxellois et me voilà. Et j’aimerais bien avoir une carte de fidélité ou de parrainage, parce qu’à chaque fois je viens avec d’autres personnes. « Spread your love » comme le chante Black Rebel Motorcycle Club.
Parce que ce n’est jamais pareil, By Heart. Le mécanisme est toujours le même, certes : Tiago Rodrigues invite dix spectateurs à s’asseoir à côté de lui sur scène pour apprendre le fameux sonnet 30 de William Shakespeare et le spectacle se terminera quand le peloton 30 connaitra et dira le poème. Je précise, je n’ai jamais tenté l’expérience. Si j’avais dû la tenter, je l’aurais fait lors de ma première fois, en janvier 2016 au théâtre de la Bastille. Après c’était trop tard, parce que je connaissais le dispositif, parce que l’Occupation Bastille première du nom à laquelle j’avais participé était passée par là… Se posent aussi les questions : Pourquoi aller sur scène ? C’est quoi la motivation ?
Tiago Rodrigues, et je n’invente rien, parvient dans son oeuvre maîtresse qu’est « By Heart » à allier savoir, légèreté, émotion, émotion, amour de la littérature. On découvre (ou pas) Ossip Mandelstam, George Steiner, on reparle de Ray Bradbury, François Truffaut, Boris Pasternak, c’est toujours passionnant. Il y a la résistance, la mémoire, mais il y a aussi la transmission, l’amour pour une grand-mère dans lequel on ne peut que se retrouver. Et même après la troisième vision de ce spectacle (sans parler de la lecture du livre paru chez les Solitaires Intempestifs), on est encore attendri, ému, amusé, même si… attention micro-critique… il peut y avoir certains effets un peu trop appuyés (mimiques, clin d’œil au public…).
Mais je voulais parler du collectif. La force de ce spectacle est que le public ne fait qu’un. Dix personnes apprennent sur scène le sonnet 30, mais c’est en fait tout une assistance qui le fait, qui répète en chuchotant, qui souffle à un des participants le mot qui lui manque. Ce qui est intéressant quand on voit ce genre de spectacles plusieurs fois dans différentes villes, c’est d’observer le public. J’enfonce une porte ouverte, mais le public de Bastille n’est définitivement pas le même que celui de Joliette et encore moins que celui des Tanneurs. Et heureusement pour moi. Dans mon souvenir, le public parisien était plus sage, dans l’écoute. Il me paraissait surtout habitué à ce genre de propositions, savait comment réagir. Tandis qu’à Bruxelles ou à Marseille, le public me paraissait plus hétéroclite, en tout cas, le jour où je m’y suis rendu. La disponibilité et la bonhommie de Tiago Rodrigues peuvent laisser penser au spectateur que nous sommes dans un dialogue, que nous pouvons intervenir quand bon nous semble, même si l’artiste lisboète le rappelle : « Vous êtes comme chez vous, ou presque : vous êtes comme chez moi. » Et certaines personnes hier soir ont eu du mal à se souvenir de ces paroles. Pas que celles-ci d’ailleurs.
Parce que ce n’est jamais pareil, By Heart. (je sais, je l’ai déjà dit, j’ai des problèmes de mémoire). Quand on a dix personnes, l’acteur doit composer avec ces dix personnes. A Marseille, beaucoup de jeunes (enfants et adolescents) étaient monté sur scène. Ce fut laborieux car les vers shakespeariens ne sont pas piqués des hannetons mais la magie avait opéré à la restitution finale du sonnet. (Et Tiago Rodrigues, d’après ses dires, aime quand ça rame, quand ça bafouille pendant l’apprentissage, je répète, PENDANT L’APPRENTISSAGE). Ce qui était génial à Bruxelles, c’était de voir ces dix personnes tellement différentes, jeunes, moins jeunes, hommes, femmes, d’origines diverses et variées et qui ont eu, pour certains, toutes les difficultés du monde à apprendre les tournures parfois alambiquées de ce sonnet 30. Mais, encore une fois, j’étais optimiste, je savais que la magie opèrerait à la fin, parce que tout est mis en œuvre pour que le « spectacteur » soit à l’aise et surtout pas mis en danger. Le texte est répété, une hostie laïque sur laquelle est imprimée le texte « antisèche » est même donnée. On peut la manger, l’ingérer pour que les paroles de Shakespeare ne fassent plus qu’un avec le récitant ou seulement grignoter les coins de l’hostie carrée comme un petit beurre.
Mais je voulais parler du collectif. (je sais, je l’ai dit, j’ai des problèmes de mémoire) Je voulais aussi parler de la conscience. Où suis-je ? Que fais-je ? Attention, je commence à m’énerver. Et je vais m’adresser à un.e participant.e ou plusieurs d’hier soir…

Je ne critiquerai jamais quelqu’un qui a eu le courage d’aller sur scène. Je ne l’ai pas fait, je n’ai rien à dire. Mais pourquoi viens-tu sur scène ? (faire le beau, y avait de la lumière, alors je suis venu ?) Écoutes-tu un peu de quoi on parle ? De la gravité, de la solennité des derniers instants : Dix proches de la grand-mère Candida se réunissent autour d’elles pour que cette dernière leur apprenne un sonnet avant que sa mémoire ne défaille. C’est Candida qui dit ce poème pour que jamais il ne disparaisse. Dans le spectacle, c’est le groupe qui personnifie Candida. On parle de la force d’un groupe, on parle de personnes qui se réunissent pour une personne, on parle du souvenir d’un membre de la famille très cher qui vit ses derniers instants. Encore une fois, tu n’arrives pas à dire les mots, pas de problème (je me suis pris un trou de mémoire de 45 secondes dans la dernière scène d’une adaptation du Procès de Kafka quand je participais à un atelier amateur, je sais trop ce que c’est). Mais si tu sais que tu ne vas pas y arriver, tu as ton petit papier pour t’aider. Y a juste à lire, prendre le temps… Parce que là, c’est la grand-mère Candida. Le peloton 30 dit le sonnet en français puis Tiago Rodrigues le répète mais dans sa langue natale. Et certains récitants se trompent tout de même, ne font pas l’effort, rigolent, commentent, brisent le contrat moral passé entre l’artiste et eux. Tiago Rodrigues dit à son tour le sonnet 30, en portugais. A côté de lui, un des récitants déchire doucement, mais on n’entend que lui, l’hostie. Tiago Rodrigues s’arrête, quelque peu décontenancé, tente de reprendre le fil du poème, un spectateur au premier rang applaudit comme pour lui donner du courage, l’auteur l’arrête d’un geste, termine bon an mal an… « Têm cura as perdas e as tristezas fim » FIN

À quoi pensent les gens ? Et je ne fais aucun procès d’intention de personnes qui n’auraient pas l’habitude d’aller au théâtre, qui ne connaitraient pas les auteurs cités. On s’en fiche. L’intelligence de cette pièce est justement qu’elle s’adresse à tout le monde, elle doit toucher quiconque qui a un tant soit peu de sensibilité. Peut-être à Paris, peut-être à Marseille, les spectateurs n’avaient pas non plus certains codes, pourtant de ce que j’ai pu constater, tous prenaient la mesure de ce qu’ils étaient en train de faire, respectaient ce moment délicat et fragile. Mais pas ce soir-là.

Chaque représentation est unique. Définitivement. Pour le meilleur et parfois pour le pire.

 

Vu le vendredi 30 mars 2018 aux Tanneurs, Bruxelles
Prix de la place : 12€

 

BY HEART
Ecrit et interprété par Tiago Rodrigues
Extraits et citations de William Shakespeare, Ray Bradbury, George Steiner et Joseph Brodsky
Accessoires et costumes : Magda Bizarro – Traduction en français : Thomas Resendes
En tournée dans le monde entier les 16 et 17 avril 18 à Brest, à New York aux Nations Unies en mai 2018, au théâtre français de Toronto en mai 2019…

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Les Émigrants – The Ghostchasers (W.G. Sebald / Volodia Serre / Théâtre de la Bastille)

(quand on ne lit pas la bible)

Les émigrants ? C’est l’histoire d’un vagabond au pantalon trop large et à la veste étriquée qui traverse l’Atlantique sur un cargo. Là il rencontre un autre vagabond à la petite moustache et aux chaussures portées aux mauvais pieds, qui, lui aussi veut rejoindre l’Amérique ?

 

(de quoi ça parle en vrai)

Avec Les Émigrants, au travers d’une émission de radio, Volodia Serre tisse une vaste toile de parcours migratoires, déroulant les fils d’un réseau complexe de destinées traversant l’Europe. Cinq vies, si l’on ajoute celle du narrateur, prouvent à travers leurs pérégrinations, à quel point l’émigration est consubstantielle à nos sociétés depuis leurs origines et qu’il est bien évident que, si les personnes émigrent, c’est qu’elles n’ont pas le choix. (http://www.theatre-bastille.com/saison-17-18/les-spectacles/les-emigrants-the-ghostchasers)

 

LES EMIGRANTS (Volodia Serre 2018)
Photo de couverture :  Pierre Grosbois / Photo ci-dessus : Victor Tonelli (avec les acteurs Olivier Balazuc et le magnifique sourire de Gretel Delattre)

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

C’est dans l’atmosphère ouatée d’une émission radiophonique que les quatre comédiens nous accueillent, aidés par la voix suave de Marianne Faithfull, avec la chanson écrite avec Nick Cave « There is a ghost ». J’en profite tout de suite pour souligner et saluer la création sonore, pas seulement musicale (Leonard Cohen en deuxième partie, encore Marianne Faithfull…) mais aussi d’ambiance qui enveloppe parfaitement les spectateurs. L’émission est retransmise en direct sur un site internet dédié au spectacle. Je peux même réécouter les passages que je n’ai pas compris et/ou pendant lesquels je me suis endormi. La pièce radiophonique est à la mode, les émissions de France Culture, par exemple, emportent un vif succès et le fait de pouvoir simplement fermer les yeux et entendre les voix des comédiens est un plaisir. Même s’il est plus que conseillé de les garder ouverts pour profiter de la scénographie, dans laquelle se cachent de multiples trésors, comme on pourrait imaginer Sebald collectant tous les objets, photos et autres souvenirs en rapport avec ses personnages. Certains sortent la grande artillerie, ici, rien de spectaculaire sauf un train électrique qu’on regarderait rouler des heures et des heures…

Ce sont les acteurs eux-mêmes qui présentent l’oeuvre de Sebald, en leurs noms et s’engagent à personnifier certains passages du roman, font vivre quatre personnages plus ou moins liés à Sebald et dont le point commun sera le déracinement.

On ressent la sensibilité et l’affection que peuvent avoir le metteur en scène/adaptateur/acteur Volodia Serre et ses trois comparses envers l’oeuvre de Sebald. Pourtant, je ne suis pas parvenu à totalement m’impliquer dans ces récits et je n’arrive pas à me l’expliquer (une des raisons serait ma fatigue chronique… qui ne m’a cependant pas empêché de revenir pour la 2e partie, preuve d’un intérêt pour cette oeuvre).

Ps : Il faudra qu’on m’explique pourquoi c’est la personne de sexe féminin qui s’est mise nue à la fin de la pièce. Je n’en ai pas perçu l’intérêt, sans parler que Gretel Delattre interprétait un personnage masculin.

Pps : La bible est très bien documentée et intéressante (reproductions de photographies, de paroles de chansons), à conserver (mais je conserve toutes les bibles et autres tickets dans les cartons que je reçois de la part d’une société de capsules de café)

 

Vu le mardi 27 mars 18 (1e partie) et le mercredi 28 mars 18 (2e partie) au théâtre de la Bastille, Paris.

Prix de la place : 13€/mois (Pass Bastille)

 

LES ÉMIGRANTS – THE GHOSTCHASERS

Avec Olivier Balazuc, Gretel Delattre, Pierre Mignard et Volodia Serre

D’après Les Émigrants de W. G. Sebald Spectacle de la compagnie Le cinq mai en collaboration avec En votre compagnie

Adaptation et mise en scène Volodia Serre (http://www.volodiaserre.com)

Scénographie Mathias Baudry – Lumières Kévin Briard – Son et musique Frédéric Minière – Costumes Hanna Sjödin

Jusqu’au 31 mars 2018 au Théâtre de la Bastille (+ SOIRÉE OH OUÏE ! « LE BRUIT DU TEMPS » le 30 mars)

 

(d’autres histoires)

– C’est moi qui fais des bruits avec mes entrailles, mais c’est pas des pets. Je ne sais pas ce qui m’arrive. Pourtant, ça fait longtemps que je ne bois que du lait sans lactose, parce que je suis intolérant au lactose. Cela voudrait-il dire que je ne peux même plus manger de fromage ou de petits suisses ? Parce que je mange des petits suisses le soir au dessert. C’est par période. Parfois des yoghourts, parfois du fromage blanc et en ce moment des petits suisses.

– C’est elle qui pensait que la pièce était en anglais, parce que « LES ÉMIGRANTS » était sous-titré « THE GHOSTCHASERS ». Elle a très vite compris sa douleur. Assise au milieu du rang, elle ne pouvait point s’échapper. Alors, par intermittence, elle consultait son téléphone portable. Pendant la pièce, la comédienne soliloquait, nous regardait, la regardait, ce qui ne l’empêcha pas de prendre son GSM et de liker les dernières parutions sur Instagram de chatons perdus.

– C’est lui qui chausse ses lunettes lorsque l’actrice principale, devant nous, se dévêtit, le haut puis le bas. Il a chaussé ses putains de lunettes. Il est assis au troisième rang et pile à ce moment-là…

– Ce sont les acteurs qui sont déjà présents sur scène, pendant que les derniers spectateurs prennent place, qui écoutent la voix de Marianne Faithfull et qui se demandent si les deux spectateurs au cinquième rang (derrière moi) vont arrêter de parler quand le compte à rebours affiché au-dessus d’eux arrivera à terme. Mais ils ne peuvent pas se la fermer, pensent-ils peut-être, et écouter cette sublime chanson ?

– C’est l’acteur qui me fait penser à quelqu’un. Mais pas à quelqu’un de maintenant, mais d’avant. Avec un peu plus de cheveux et une petite bouille enfantine et… L’acteur devant moi a joué dans un de mes films préférés quand j’avais douze ans, le genre de films que tu revois avec un peu de honte, mais que tu revois quand même.  Jusqu’à la fin. Volodia Serre jouait dans… « Génial, mes parents divorcent ! »

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Notre innocence (Wajdi Mouawad / La Colline)

(quand on ne lit pas la bible)

Notre innocence ? Je veux pas dire, mais c’est la deuxième fois que j’avais préparé cette partie en avance et c’est la deuxième fois que Wajdi Mouawad change le titre en cours de route. Mais est-ce qu’il pense parfois à moi ? Je ne suis pas une machine !

 

(de quoi ça parle en vrai)

Notre innocence est l’histoire d’un groupe d’amis confronté au décès brutal de l’une des leurs. Elle s’appelait Victoire, elle avait une vingtaine d’années. Portée par la force brutale de la poésie, elle croyait aux mots qui disent les maux. Dévastés, ses camarades oscillent entre la conviction d’un suicide et celui d’une mort accidentelle. Désemparés, ils refusent qu’il ne puisse exister qu’une seule réalité et sont obsédés par le geste qu’ils devront poser auprès d’Alabama, la fille de Victoire. Nul n’aurait pu imaginer la férocité de la transformation qu’une telle mort engendrerait chez chacun d’eux. Quand la disparition de l’un devient révélation pour soi, alors du nom de Victoire peut éclore l’élan de la vie. (http://www.colline.fr/fr/spectacle/notre-innocence)

 

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Crédits photos : Simon Gosselin

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Je ne sais pas par quoi commencer… Je ne sais pas…Je m’étais déjà posé la question pour Opéraporno : comment énoncer mes remarques sans cela soit blessant ou gratuit ? Je ne compare pas le spectacle de Pierre Guillois avec celui de Wajdi Mouawad, tout simplement parce que je connais un peu mieux le travail du directeur de la Colline et que ça n’a tout simplement rien à voir. En fait, je suis d’autant désappointé par Wajdi Mouawad que j’en attendais énormément après la merveille « Tous des oiseaux ». Déçu par l’écriture, la direction d’acteurs, les acteurs eux-mêmes… Comme s’ils avaient manqué de temps pour tout faire.

Pour les acteurs, j’ai un peu fait mes devoirs et je me suis aperçu que j’en avais déjà vu certains dans le spectacle « 60°Nord » au CNSAD en 2016 et que j’avais déjà été déçu par cette promotion que j’avais trouvé en grande partie fade (c’est très méchant ce que je viens d’écrire… en cherchant bien, vous pouvez trouver mon texte sur ce spectacle, un des tout premiers que j’avais écrits pour ce blog, avant que le blog n’existe, c’est dire…). Alors je ne sais pas, mais je me dis qu’à ce niveau-là, je ne dis pas qu’on doit trouver uniquement des bêtes de scène, mais en tout cas une qualité de jeu, des nuances que j’ai eu du mal à percevoir. Si je dois retenir certains visages, j’en citerai deux : Jade Fortineau et Etienne Lou. Ce dernier, peut-être aidé par le capital sympathie de son accent québécois et des mots qui vont avec, a su garder une fraîcheur et surtout un naturel dans son jeu. La scène autour de la table, dans laquelle on les voit réagir à la mort de Victoire est assez significative. Ils sont dix-huit et on voit dix-huit façons de montrer la tristesse. Ça crie, ça s’énerve, c’est articifiel : « Putain, c’est pas vrai » dit un des comédiens avec la mine renfrognée, les poings serrés qu’il gardera pendant tout le reste de la pièce jusqu’aux saluts. La question est : Pourquoi dix-huit comédiens, là où la moitié aurait permis à chacun de briller, de respirer et surtout d’avoir un vrai personnage à défendre, car c’est là où le bât blesse. (oui, je sais, c’est la promo d’un cours de théâtre, mais justement, on fait ce qu’on veut, si on veut qu’ils soient neuf, ben ils sont neuf !) Au début de la pièce, une des comédiennes explique comment elle aurait été embauchée par Wajdi Mouawad et que ce dernier l’aurait avertie qu’il n’aurait peut-être pas le temps de lui écrire un vrai rôle. Et c’est là le problème, pour la plupart, on voit des clichés de personnages. Et quand on tente d’inventer un background à ceux-ci, une origine étrangère, un conflit avec la disparue, on n’y croit pas et ça tombe comme un cheveu au milieu de la soupe.

Avant cela, il y a la fameuse scène de choeur (déjà vue ailleurs), impressionnante et maîtrisée mais dont le discours nous passe un peu au-dessus (la charge contre les aînés, la société de consommation…), une scène de danse (déjà vue au moins dans 1993 de Julien Gosselin), des comédiens qui se déshabillent (déjà vu), des chaises (déjà vu notamment dans la modeste et pas inintéressante « Parlons d’autre chose » de Léonore Confino). Après cela, l’apparition d’Alabama, la fille de Victoire la disparue, interprétée par une vraie petite fille, elle, hyper juste.

Pour conclure cette trop longue chronique, je suis très déçu et un peu colère, aussi par une écriture loin d’être convaincante (et j’ai toujours du mal avec les « tabarnak » et autres « osties » dits dans le choeur par des comédiens pratiquement tous français.)

 

vu le samedi 24 mars 2018 au théâtre national de la Colline, Paris.

prix de la place : 13€ (tarif carte Colline)

 

NOTRE INNOCENCE

texte et mise en scène Wajdi Mouawad

avec Emmanuel Besnault, Maxence Bod, Mohamed Bouadla, Sarah Brannens, Théodora Breux, Hayet Darwich, Lucie Digout, Jade Fortineau, Julie Julien, Maxime Le Gac‑Olanié, Hatice Özer, Lisa Perrio, Simon Rembado, Charles Segard‑Noirclère, Paul Toucang, Étienne Lou, Mounia Zahzam, Yuriy Zavalnyouk et Inès Combier, Aimée Mouawad, Céleste Segard (en alternance)

assistanat à la mise en scène Vanessa Bonnet – musique originale Pascal Sangla – scénographie Clémentine Dercq – lumières Gilles Thomain – costumes Isabelle Flosi – son Émile Bernard, Sylvère Caton – régie Laurie Barrère

Jusqu’au 12 avril 2018 à la Colline, Paris

 

(Livetweet)

  • Y a des chaises au fond de la scène. Il manquerait plus qu’ils dansent…
  • Elle est de Marseille et elle n’a pas même d’accent. Y a deux Québécois et eux ont gardé leur accent. Tu m’expliques ? (demande celui à qui on demande pourquoi il n’a pas d’accent alors qu’il est originaire de Marseille)
  • Combien de fois disent-ils « Je ne sais pas » ? Je ne sais pas.
  • Le choeur… Qui se cache ? Qui fait le poisson ? Qui parle plus fort que les autres ? Qui se trompe ? Pourquoi elle pleure ? Comment fait-elle pour déformer autant sa bouche ? Elle est jolie, elle… Lui, bof…
  • Pourquoi ils se changent ? Pourquoi elle enlève son soutif ? (ça fait monter mes stats, j’ai vu 5 fois des tétés en 6 spectacles cette semaine)
  • La danse… Pourquoi y a toujours une séquence « pétage de plombs » ?
  • Le gars qui se planque sous la table pendant toute la scène, trop fort. J’aurais bien aimé qu’il ne se justifie pas.
  • Mince, j’ai ri nerveusement au moment où il pleure : « Putain, c’est pas vrai… »
  • Y en a un autre qui ne parle jamais, ça c’est moi en soirée, qui écoute mais ne dis rien. C’est réaliste.
  • Au top, on change de position et on essaie de trouver une autre façon d’être triste ou en colère.
  • Je crois que le type qui répète « Putain, c’est pas vrai » m’a repéré. Il a l’air vraiment en colère, il va m’attendre à la sortie, j’en suis certain.
  • C’est la petite fille qui lance les saluts : C’est qui la patronne ?

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Opéraporno (Pierre Guillois / Théâtre du Rond Point)

(quand on n’a pas lu la bible)

Opéraporno ? J’hésite entre Jonas Kauffman et Natalie Dessay qui jouent dans Gorge profonde ou Ovidie et Rocco Siffredi (je ne suis pas très à jour quant à mes références pornographiques) dans La Traviata ?

 

(de quoi ça parle en vrai)

Tout aurait pu si bien se passer. Week-end à la campagne, bel étang, modeste baraque de famille. Mais la grand-mère reste enfermée dans la voiture. Le père s’ampute un doigt au sécateur. On le met au frigo, le doigt. On le prend vite pour un nem un peu dur. Tout le monde s’enfile dans une joie scatologique enchantée. Et le porno sort du bois, le genre n’est plus honteux. C’est une fête où tout dégénère, orgies, sexe à gogo et tous les liquides qui vont avec. Toutes les limites sont franchies. On vire à l’outrage, hilarant scandale. Mais la pièce fera la joie des partisans des valeurs sûres : il s’agit d’une œuvre lyrique, même si l’opéra traditionnel tire vers l’opérette. Une explosion du mauvais goût dans un écrin de soie. (https://www.theatredurondpoint.fr/spectacle/operaporno/)

 

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Crédits photos : Fabienne Rappeneau

 

(ceci n’est pas une critique mais un peu quand même…)

Autant vous dire que cette « non-critique » est passée par un peu toutes les couleurs de l’arc-en ciel, que j’ai d’ailleurs souvent retrouvées sur mon visage, selon mon humeur en écrivant, en repensant à ce spectacle.

JE SUIS CELUI QUI N’A PAS RI.

Régulièrement je me demande si je dois écrire sur tout ce que je vois. Le temps d’un instant, je baisse les bras sur telle ou telle pièce, parce que je suis fatigué, en retard, par manque d’inspiration, par manque d’envie (dois-je prendre du temps pour dire que je n’ai pas aimé ou compris un spectacle ?). Puis je me souviens de la promesse que je me suis faite : écrire durant la saison 17/18 sur tout ce que je vois.

J’ai donc vu Opéraporno. Je suis resté jusqu’au bout, je précise. Je n’ai pas applaudi à la fin de la pièce. J’ai dérangé la personne à côté de moi pour partir pendant les saluts. Pour commencer par la fin, je voudrais présenter mes excuses à l’équipe présente sur scène qui ne méritait sûrement pas mon mépris. Le pire, c’est que je n’ai évidemment rien à reprocher aux deux musiciens et aux quatre comédiens. Ils n’ont été nullement mauvais (pas tout à fait certain de ma double négation : ils étaient loin d’être mauvais, c’est ce que je voulais dire) et que ça chante pas trop mal si on aime l’opérette.

Ceci étant dit, ça faisait longtemps que je ne m’étais pas senti autant décalé par rapport au reste du public, même s’il y a eu quelque désaffections pendant la représentation. Durant le spectacle, j’entendais mes congénères s’esclaffer, rire grassement, tandis que je restais de marbre. Je pense avoir ri une fois : quand un rat s’échappe de la poubelle et se cache sous le buffet de la cuisine. Voir ce petit effet mécanique… oui, parce que ce n’était pas un vrai rat, m’a fait pouffer, oui.  J’ai peut-être l’air condescendant en écrivant tout cela, c’est possible, moi qui pourtant aimais le cinéma des frères Farrelly, de Kevin Smith, pourtant pas avare en blagues sexo-scato etc. (j’emploie l’imparfait, car ça fait bien longtemps qu’ils n’ont pas tourné de films dignes de ce nom), aime toujours les spectacles des Chiens de Navarre et ai découvert Angélica Liddell et Rodrigo Garcia au théâtre du Rond Point.

Alors certes, je n’avais alors vu aucune pièce de Pierre Guillois et j’ai profité de l’obligation dans l’abonnement de prendre quatre pièces se jouant dans la grande salle Renaud/Barrault pour découvrir son travail dont j’avais entendu du bien. On ne gagne pas toujours à ce jeu-là.

On va dire que je n’ai pas compris, que je suis passé à côté, que je n’étais pas assez reposé, que je ne possédais pas les clés. Ça m’arrive parfois quand je vois un spectacle de danse contemporaine ou une performance à laquelle je ne capte rien et je l’avoue bien volontiers. J’estime qu’il en faut beaucoup pour me choquer, ce qui n’a pas été le cas ici, même si j’ai poussé du bout des lèvres un « Oh non » quand la grand-mère montre son avant-bras souillé de la merde de son petit fils après un fist-fucking. En voyant ce spectacle, et je fais sans aucun doute un mauvais procès d’intention, mais je n’ai pu m’empêcher d’imaginer l’auteur avec ses post-its au mur sur lesquels étaient inscrits « mots, situations à caser » comme inceste, sodomie, godemiché, etc. (des mots qui vont permettre de faire monter mes stats…)

Bref je n’ai pas aimé.

 

vu le mercredi 21 mars 2018 au théâtre du Rond Point de Paris

prix de la place : 19€ (tarif abonnement)

 

OPÉRAPORNO

Texte et mise en scène : Pierre Guillois

Composition musicale et piano : Nicolas Ducloux

Avec : Jean-Paul Muel, Lara Neumann, Flannan Obé, François-Michel Van Der Rest

Violoncelle : Jérôme Huille En alternance avec : Grégoire Korniluk

Costumes : Axel Aust assisté de : Camille Pénager – Lumières : Marie-Hélène Pinon Son et régie son : Loïc Le Cadre – Scénographie : Audrey Vuong assistée de : Gérald Ascargorta – Accessoires : Judith Dubois, Patrick Debruyn – Régie générale : Fabrice Guilbert – Régie plateau : Colin Plancher, Elvire Tapie

Jusqu’au 22 avril 18 au théâtre du Rond Point de Paris, les 25 et 26 avril 18 au Carré Magique de Lannion et les 29 et 30 mai 18 au Quartz de Brest.

 

(une autre histoire)

Je suis allé une fois à l’opéra, c’était à Bastille pour La Dame de pique de Pouchkine. On voit de partout à Bastille, c’est bien.

Je suis allé plusieurs fois sur des sites pornographiques, je ferai l’impasse sur les noms, les titres, les tags, les pratiques (vous pouvez demander aux jeunes comédiens de « Notre innocence », prochainement sur ce blog…) J’ai mis un petit scotch sur la webcam de mon ordinateur. On ne sait jamais. Je suis quelqu’un de très curieux, avide de nouvelles expériences en tous genres, mais je ne me suis jamais enregistré ou filmé pendant quoi que ce soit. Je ne me supporte pas à l’écran et je n’aime pas ma voix. C’est uniquement pour cela. La première fois que j’ai vu un film olé olé… Tard… trop tard… Pas Canal à la maison, le magnétoscope est arrivé bien tard… Non, mais minute papillon, je ne vais pas parler de pornographie ici… Et encore moins de mes séances de paluchage dans mon lit, le soir, avant de me coucher… J’ai des murs très fins chez moi. J’entends souvent mon voisin, celui que je ne verrai jamais, puisque c’est celui de l’immeuble d’à côté. Je l’entends ronfler. Ça veut dire que son lit est placé tout contre le mur mitoyen. Donc si je l’entends, il doit m’entendre. Je pourrais mettre des écouteurs, mais ça me gêne. Alors je mets le volume sonore à 1 et je mords le polochon.

J’imagine certaines personnes qui arrêtent la lecture de cette histoire, préférant laver immédiatement leur cerveau de telles images… n’ayez crainte, je ne parle évidemment pas de moi, mais d’un autre, car tout ce que je raconte est de la fiction, bien évidemment : Je voudrais avouer ici que je ne me suis jamais masturbé. Et je suis toujours vierge, car mon film préféré est « 40 ans toujours puceau » de Judd Apatow avec Steve Carell et j’aurai gagné mon pari à la fin de cette année 2018. D’ailleurs, vous êtes tous invités à l’orgie que j’organise pour mes quarante ans. A bientôt ?

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

M comme Méliès (Vigier/Di Fonzo Bo/ Chaillot)

(quand on ne lit pas la bible)

M comme Méliès ? Connais pas. M comme Mathieu Chédid plutôt ?

 

(de quoi ça parle en vrai)

(…) Se glissant dans différents personnages, le voyageur dans la Lune (Georges Méliès) se démultipliera par sa voix, en off, s’incarnant à loisir et comme par magie dans divers objets, décors, machines ou accessoires. Conteur de lui-même par lui-même, il dévoilera son extraordinaire histoire aux prises avec de multiples transformations et transfigurations, de la fortune à la ruine. Inspirés par ses textes et entretiens, Élise Vigier et Marcial Di Fonzo Bo, inventeurs d’aujourd’hui et magiciens à leurs heures, donneront l’apparence de la réalité à ses rêves les plus chimériques, à ses créations les plus invraisemblables, et célèbreront cette folle du logis : l’imagination. Rien ne saurait être refusé au premier explorateur de la Lune! : Hervé Pons – http://theatre-chaillot.fr/elise-vigier-marcial-di-fonzo-bo-m-comme-melies

 

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Crédits photos : Tristan Jeanne-Vallès

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Au théâtre ce soir, on rend hommage à celui qui rendait lui-même hommage au spectacle vivant par le truchement du cinématographe (théâtre, cabaret, magie), j‘ai nommé Georges Méliès. Ce premier spectacle étiqueté « jeune public » du duo Elise Vigier / Marcial Di Fonzo Bo nous conte la vie et l’oeuvre de l’inventeur de nombre d’effets spéciaux, une histoire forcément sélective et idéalisée, un peu trop didactique à mon goût, avec une voix off qui nous accompagne dans sa vie et celle du monde d’alors au tournant du siècle avant-dernier grâce à des talentueux jeunes acteurs de l’École de la Comédie de Staint-Etienne qui savent tout faire : jouer, « marionnetter », « illusionner ».

On retrouve notre naïveté lors des reconstitutions de certaines scènes des films de Méliès. Oui, j’avais les yeux grands ouverts devant les acteurs qui lévitaient sous nos yeux ébahis et j’étais au troisième rang, mais aussi face aux jeux de miroirs, aux projections d’extraits des films originaux sur un écran de fumée.

Le spectacle est honnête même si pas aussi exceptionnel que ce que Méliès a créé pour le cinéma.

 

vu le samedi 24 mars 2018 au Théâtre national de Chaillot, Paris.

Prix de la place : 15€ (tarif abonnement)

 

M COMME MÉLIÈS

À partir de films et écrits de Georges Méliès

Mise en scène : Élise Vigier, Marcial Di Fonzo Bo, assistés de Marianne Cousin

Avec Arthur Amard, Lou Chrétien-Février, Alicia Devidal, Simon Terrenoire, Elsa Verdon (comédiens), Étienne Bonhomme, Louison Teruel (voix)

Stagiaire : Jeanne Kleinman – Musique originale : Étienne Bonhomme – Bruitage : Sophie Bissantz – Costumes : Pierre Canitrot assisté de Laurence Reveillon – Perruques et maquillages : Cécile Kretschmar assistée de Judith Scotto – Marionnettes : Luis Enrique Gomez Bastias assisté d’Ariane Gaine – Conseillers magie : Philippe Beau, Hugues Protat

Jusqu’au 29 mars 18 à Chaillot (Paris), puis le 4 avril 18 au théâtre des Salins (Martigues), les 11 et 12 avril 18 au théâtre de la Coupole (Saint-Louis), au Grand Théâtre d’Aix-en-Provence le 17 avril 18, du 15 au 19 mai 18 au théâtre Olympia (Tours), les 30 et 31 mai 18 à la Comédie de Reims.

 

(une autre histoire)

En vrai, c’est le cinéma que j’aime. Je suis toujours allé au cinéma alors que le théâtre… Mes parents n’allaient pas au théâtre donc je n’allais pas au théâtre. Je crois même que j’ai d’abord fait du théâtre avant d’en voir. Cela dit, mes parents n’allaient pas plus que ça au cinéma mais j’y suis allé. Tout seul souvent, en vacances dans les Alpes.

Quand j’écrivais, c’était sous forme de scénario. Pas de didascalies, mais des notes sur l’axe de la caméra par exemple. C’est seulement plus tard que j’ai écrit comme ça. Faut dire que la dernière fois où j’ai écrit un scénario, je l’avais transmis à une actrice qui ne m’avait pas rappelé. Faut dire que c’était très mauvais. Ça s’appelait Amore. Rien à voir avec Antonioni. On suivait une histoire d’amour entre un garçon et une fille puis au milieu du film, on découvre qu’on regardait les scènes d’un film qui était en train d’être tourné. L’acteur réalisateur venait d’avoir un malaise pendant le tournage d’une scène et dut arrêter celui-ci. Au repos forcé dans sa famille, il fouilla dans ses cartons et relut des anciennes lettres d’un amour perdu. Il se mit en tête de retrouver cette jeune fille malgré l’imminence de la reprise du tournage. Il apprit que la jeune fille disparut une nuit dans les flots de la Méditerranée, près du Cap Canaille, il y a des années de cela. Apprendre cette nouvelle le terrassa. De là naquit une obsession pour cette fille. Il passa ses nuits et ses jours à écrire une nouvelle histoire, à rêver sa vie s’il était resté avec cette fille. Il aurait pu la sauver, car on n’a jamais su ce qu’il s’était passsé cette nuit-là.

Je crois qu’il me manquait la fin. Je n’ai jamais relu ce scénario. Je ne sais même plus si j’avais imprimé un autre exemplaire que celui donné à l’actrice. Je dois seulement retrouver le fichier word du scénario, enregistré sur une disquette. Autrement dit : Mission Impossible.

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

21 Pornographies (Mette Ingvartsen / Centre Pompidou)

(quand on ne lit pas la bible)

21 pornographies ? Parce qu’il y en a vingt et une ?

 

(de quoi ça parle en vrai)

Partant du constat que la pornographie s’est répandue dans la société, Mette Ingvartsen explore ses effets à travers une série de matériaux érotiques et affectifs, dont peu ont à voir avec le sexe mais qui caractérisent la pornographie : les expressions de la cruauté, la précision clinique, la violence et la douleur, le rire, l’excitation. Le mélange des actions et des descriptions narratives crée une chorégraphie spéculative dont le spectateur ressent les sensations imaginaires et viscérales. (https://www.centrepompidou.fr/cpv/ressource.action?param.id=FR_R-8f3b52c442e56dc59cd9c4b2ee904f&param.idSource=FR_E-8f3b52c442e56dc59cd9c4b2ee904f)

 

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Crédits photos : Marc Domage

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Mette Ingvartsen est une artiste protéiforme qui n’a pas froid aux yeux et pas froid tout court, et en appelle à la danse mais surtout à la littérature, à la politique…

« Pour moi, la nudité est un costume. (…) Dans mes performances, j’ai toujours abordé le nu comme un rôle que nous jouons. »  (in http://www.telerama.fr/sortir/entre-rire,-degout-et-effroi,-la-choregraphe-mette-ingvartsen-explore-la-pornographie,n5533898.php)

Finalement, c’est quoi au juste la pornographie ? Si j’en crois mon ami Robert, c’est la représentation de choses obscènes destinées à être communiquées au public, l’obscénité étant ce qui blesse ouvertement la pudeur, surtout par des représentations d’ordre sexuel ou scatologique, ça c’est mon amie la Rousse qui me le sussurre au creux de l’oreille. Pour le commun des mortels, c’est des images d’ordre sexuel interdites aux moins de dix-huit ans mais qu’on peut retrouver à portée de clic. Ou bien n’est-elle pas omniprésente dans des formes, elles, admises et même accessibles encore plus facilement au plus grand nombre ?

Si on lit le « de quoi ça parle en vrai » ci-dessus, le pari est réussi. L’artiste est déjà dans la salle quand nous y pénétrons (c’est parce que je sais à quoi elle ressemble que je l’ai reconnue). On entend sa voix, en français, on passe d’une fête chez le Marquis de Sade au tournage d’un film coquin dans les années 70 en passant par une guerre indéterminée. Mette Ingvartsen a quelque chose de Angélica Liddell dans ce jusqueboutisme, cette façon de provoquer le spectateur mais jamais gratuitement, qui conclut sa performance de manière hypnotico-stroboscopique, jouant avec les ombres et les lumières d’un tube de néon, son corps prenant diverses formes assez inconcevables par la seule inclinaison du tube, puis qui tourne sur elle-même indéfiniment, le visage encagoulé, me laissant coi comme à la fin du film « Irréversible » de Gaspar Noé.

« 21 Pornographies » vaut bien plus qu’un Ferrero Roche d’Or, vaut bien mieux que cette non-critique d’ailleurs (branche d’ortie, flagellation, sado-masochisme… Sade encore lui…).

 

vu le jeudi 22 mars 2018 au Centre Pompidou à Paris.

prix de la place : 15,75€ (prix adhérent FNAC)

 

21 PORNOGRAPHIES

Concept, chorégraphie et performance : Mette Ingvartsen

Lumières : Minna Tiikkainen – Création sonore : Peter Lenaerts – Scénographie : Mette Ingvartsen, Minna Tiikkainen – Dramaturgie : Bojana Cvejic – Directeur technique : Hans Meijer – Assistant à la chorégraphie : Dolores Hulan

Production : Mette Ingvartsen / Great Investment

Dernier jour ce 24 mars 2018 au Centre Pompidou et en tournée en Europe

http://www.metteingvartsen.net/performance/21-pornographies/

 

(une autre histoire)

L’artiste nous invite à saisir un chocolat placé sous notre siège. J’ai faim. Je le cherche mais ne le trouve point. Ma voisine, de première jeunesse et déjà à quatre pattes, m’aide à le trouver. Je la remercie. Je souris même. Enfin je crois.

Un Ferrero Roche d’Or. Ouf, ce n’est pas un Mon Chéri. Parce que je déteste les Mon Chéri. Saviez-vous que ça s’appelle comme cela car cela vient du mot anglais « cherry » qui veut dire « cerise » ? Quand j’ai appris cela, ça a fait ma journée et depuis je répète à qui veut l’entendre cette anecdote, surtout lorsque je suis invité aux soirées de l’Ambassadeur. En règle générale, je n’aime pas les liqueurs avec du chocolat à l’intérieur. Pardon, c’est l’inverse. J’aime l’alcool, j’aime le chocolat mais je n’aime pas les deux en même temps.

J’engouffre le chocolat dans ma bouche, je manque de m’étouffer et évite l’accident malheureux. J’aurais peut-être dû demander à ma jeune voisine si elle avait son brevet de secourisme. Le problème, c’est que ça me donne faim et mis à part mes ongles, j’ai pas grand chose à me mettre sous la dent. Le parfum de la personne avec qui je partage un accoudoir n’arrange rien. J’ai l’eau à la bouche. Je ferme les yeux un instant.

Je vois une farandole de chocolats me tourner autour. Je tente de les attraper , en vain.

J’ouvre les yeux, une seconde a passé. En ce moment, je rêve beaucoup. L’autre soir pour The Great Tamer, par exemple… Je ne rêve plus dans mon lit, je rêve dans les salles de spectacle. Je ne sais pas si c’est bon signe. Ou bien dois-je demander à un.e ami.e de venir faire un seul en scène à la maison, je m’installerais dans mon canapé pas assez profond et je rêverais ? Parce que d’habitude, je note tous mes rêves dans un carnet noir de marque Moleskine (publicité clandestine) pour les réutiliser dans mes autres histoires… Comme ça, quand je n’ai absolument rien à raconter, je recycle. Je ne me souviens jamais quel jour passe la benne à ordures pour la poubelle jaune. J’ai envie de faire pipi. J’ai l’impression que l’artiste en face de moi a aussi envie de faire. Ça, c’est le thé. J’ai voulu me réchauffer tout à l’heure après la manifestation, un thé vert s’il vous plait ? Y avait un chocolat « Michel et Augustin » servi avec. Je l’ai mangé, même s’ils soutiennent la Manif pour tous. Je me suis senti honteux. Alors je suis allé aux toilettes. Et j’ai repensé à Angélica Liddell. Elle me manque. Son dernier spectacle, je n’avais pas pu le voir, il avait été annulé à cause des attentats du 13 novembre.

J’ai gardé l’emballage du Ferrero Roche d’Or offert par Mette Ingvartsen. Il est tout près d’une baguette chinoise qui m’avait été lancée par un des acteurs de Angélica Liddell à la dernière de Ping Pang Qiu.

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Ithaque – Notre Odyssée 1 (Homère / Christiane Jatahy / Odéon Théâtre de l’Europe)

(quand on ne lit pas la bible)

Ithaque ? Une nouvelle chance pour Nono le petit robot de percer dans le monde du théâtre contemporain ?

 

(de quoi ça parle en vrai)

(…) Christiane Jatahy (…) prendra pour point de départ (…) l’un des mythes fondateurs de la littérature occidentale : l’Odyssée. L’histoire d’un homme qui tente de rentrer chez lui après une longue guerre ; celle aussi de sa femme, qui l’attend pendant des années, sans même savoir s’il est encore en vie. Pour ce premier volet de ce qui s’annonce comme un diptyque, Jatahy s’est entourée de six comédiens (…) afin d’interroger le retour chez soi comme aventure vitale, à partir des notions d’exil et d’odyssée. (http://www.theatre-odeon.eu/fr/2017-2018/spectacles/ithaque)

 

Saison 2018-19 Théatre de l'OdeonITHAQUE Our Odyssey 1 by Christiane Jatahy  inspired by Homer’s work with Karim Bel Kacem, Julia Bernat, Cédric Eeckhout, Stella Rabello, Matthieu Sampeur, Isabel Teixeira
Crédits photos : Elizabeth Carecchio

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Mais que nous prépare Christiane Jatahy ? Elle aime les défis. J’entends parler de placement libre, de deux plateaux, d’échange de places… Sur scène, on ne voit pas de caméra. Y aurait-il du changement ? Le côté pair s’installe, on entend le côté impair de l’autre côté de la salle… J’ai toujours l’impression de prendre les mauvaises décisions : au lieu de prendre le métro, je préfère prendre le velib alors que je suis déjà en retard, que je vais arriver transpirant et que je ne trouverai pas une borne disponible parce que je n’aurai toujours pas regardé le tuto pour utiliser le câble qui accroche le vélo aux autres bicyclettes… Ici c’est toujours ailleurs que c’est mieux – paye ton Besherelle – on voudrait être de l’autre côté. (d’un côté Ithaque avec Pénélope et ses prétendants, de l’autre vers Ithaque, avec Ulysse et Calypso)

Une fête, on nous parle, il y a des moments d’ennui, où il ne se passe rien, des moments de rien, mais on entend ce qu’il se passe de l’autre côté, on devine aussi qu’on nous parle d’aujourd’hui, pourquoi pas du Brésil.

Dans cette pièce, nous retrouvons les 3 Soeurs qui m’avaient tant ravi dans « What if they went in Moscow », parmi elles Julia Bernat, l’actrice fétiche de Christiane Jatahy, toujours aussi magnifique de naturel. Les prétendants français sont en deça de leurs homologues brésiliennes, même s’ils ne déméritent pas (je me sens comme un petit vieux quand je me dis qu’ils pourraient faire un effort pour élever quelque peu la voix…)

C’est la mi-temps, nous obtempérons, nous attendons notre tour pour rester dans le même ordre (deuxième rang je suis, deuxième rang je serai). On passe de l’autre côté, on repère les chocolats posés sur la table des régisseurs…

Nous sommes toujours à la limite de la vacuité (que j’aime ce mot !) dans l’action pourtant il se produit quelque chose. On entend ce qu’il se passe de l’autre côté, là où nous étions, progressivement tout prend sens. On se prend à se demander : « Mais ce que je vois, ce que j’entends, ils le refont ou c’est une nouvelle pièce ? » On comprend mieux les tenants et les aboutissants : « Mais attends, y avait de l’eau tout à l’heure qui envahissait le plateau ? Où sommes-nous ? »

Parce que tout est identique mais surtout tout est différent. Je ne dévoilerai pas la suite, car c’est la meilleure partie, sauf que tout le monde est investi au niveau du jeu et de la technique et que c’est passionnant.

On imagine et on admire le parcours des comédiens, passant d’une histoire à une autre, gérant les accessoires, la partie filmée. Les histoires, les paroles s’imbriquent, rien n’a été laissé au hasard. On voit le fil qui relie tous les spectacles de Christiane Jatahy, en tout cas ceux qu’on a vus : Julia (découverte de Julia Bernat et du dispositif théâtre/vidéo), What if they went in Moscow (public en bifrontal, voir deux fois la même histoire mais pas la même histoire), A Floresta que anda (performance au milieu du public), La règle du jeu (un vrai petit film, ces moments de fête et de désoeuvrement, Ithaque (tout ça à la fois et bien plus encore).

Mais que va faire Christiane Jatahy ? Continuité, évolution (slogan politique)

Ithaque n’emporte pas immédiatement l’adhésion, mais s’insinue en nous, le temps fait son travail, on aime de plus en plus.

 

vu le samedi 17 mars 2018 aux Ateliers Berthier – Odéon Théâtre de l’Europe (Paris)

prix de la place : 28€ (abonnement)

 

ITHAQUE – NOTRE ODYSSÉE 1

Inspiré d’Homère

Dramaturgie, scénographie, réalisation : Christiane Jatahy

Avec Karim Bel Kacem, Julia Bernat, Cédric Eeckhout, Stella Rabello, Matthieu Sampeur, Isabel Teixeira

Collaboration artistique, lumière, scénographie : Thomas Walgrave – Co-création de la scénographie : Marcelo Lipiani – Collaboration artistique : Henrique Mariano – Création son : Alex Fostier – Direction de la photographie, – cadrage : Paulo Camacho – Costumes : Siegrid Petit-Imbert, Géraldine Ingremeau – Système vidéo :  Julio Parente – Assistance à la mise en scène, traduction : Marcus Borja

Jusqu’au 21 avril 2018 aux Ateliers Berthier – Odéon Théâtre de l’ Europe (Paris)

 

(une autre histoire)

Je n’arrive pas à me concentrer sur une seule tâche. Je ne parviens plus à rester plus de cinq minutes concentré. J’écris cette chronique mais mon regard se porte vers l’autre écran posé sur ma cheminée. L’écran s’illumine et je la vois apparaître.  Elle présente le flash info, est debout, devant moi, me regarde, anormalement maquillée, une mèche de cheveux cachant légèrement son oeil droit – « Si je fais un jour de la télévision, ils auront des difficultés avec ma tignasse », c’est ce qu’elle m’a dit la première fois qu’on s’est vu il y a trois ans maintenant – sa bouche se déforme à trop articuler, elle surjoue tout ce qu’elle annonce, on ne la sent pas à l’aise. C’est son premier flash, l’animateur l’a annoncé après le flash, comme pour l’excuser. Parce qu’à l’époque où je l’ai connue, elle faisait de la radio. C’était son rêve. Pas sur RTL ou Europe 1, non, sur Radio France. Elle n’avait pas de tranche à elle, car elle préférait faire des remplacements. Un peu la nuit, tôt le matin, à n’importe quelle heure, l’été, le 31 décembre…

Je l’avais déjà vue sur internet, car tout est désormais filmé à la radio. Pourtant elle n’avait perdu en rien son naturel, son haut noir, toujours le même, légèrement distendu, sa chevelure brune en liberté, n’arrête pas de gigoter sur son fauteuil. Elle a une voix profonde qui passe très bien en radio. Mais je ne dirai jamais qu’elle a un physique de radio, non. Elle est ravissante, je trouve. « Tu pourrais très bien faire de la télé », c’est ce que je lui avais dit.

On est sorti ensemble trois jours, il y a trois ans. C’est ridicule, je sais. C’est ridicule, parce que je m’en souviens très bien contrairement à d’autres relations qui ont duré bien plus longtemps. Ça me fait toujours quelque chose quand je la revois, quand je l’entends. Pourtant quand on s’était embrassé, je n’avais pas senti de picotement. Quand nos langues se sont frôlées, c’était pas génial non plus, assez maladroit même. Pas le maladroit qui fait du bien. Elle m’a dit qu’elle avait fait de la merde, que j’étais gentil, mais que bon… « c’est pas toi, c’est moi ». Elle avait raison, c’était pas elle dont j’étais amoureux, mais ce qu’elle représentait. Une certaine liberté.

Quand je serai grand, je serai journaliste. Ou quelque chose qui s’en rapproche.

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

The Great Tamer (Dimitris Papaioannou / La Villette / Théâtre de la Ville)

(quand on ne lit pas la bible)

The great tamer ? Le grand dompteur… Dernier spectacle bravant l’interdiction de représenter des grands fauves dans l’enceinte d’une salle de spectacles ?

 

(de quoi ça parle en vrai)

Entre images d’actualité et iconographie byzantine, ce nouvel opus gravite autour de la Grèce, terre mythique où les légendes se font et se défont. En quête désespérée de nouveaux idéaux, l’homme projette sur des mirages ses désirs les plus obscurs et les plus fous. Les performances de Dimitris Papaioannou font cet effet-là, celui de résumer l’humanité par des images fortes et accomplies où la beauté est une invitée de marque. (https://lavillette.com/evenement/dimitris-papaioannou/)

 

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Crédits photos : Julian Mommert

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

C’est sur les bons conseils de Ronan dans cette vidéo (-> ici) que je me décidai à franchir les portes de la Grande Halle de la Villette pour découvrir le travail de Dimitris Papaioannou, qui y reviendra d’ailleurs l’an prochain (et j’y serai… enfin j’espère) pour présenter sa nouvelle création avec la compagnie de Pina Bausch, la Wuppertal Tanztheater. Mais n’anticipons pas et profitons de ce rêve éveillé que fut The Great Tamer.

Le Beau Danube Bleu de Strauss qui conclut toujours le concert du Nouvel An à Vienne (et qu’on m’oblige chaque année à le regarder) sera le fil conducteur de ce spectacle, mais sera trituré, ralenti… Je pourrais parler des images : l’homme qui se deshabille, s’allonge, un linceul est déposé sur son corps, le souffle d’une plaque en bois qui tombe le fait s’envoler (action qui sera répétée) / Cet être composé d’un buste féminin et de deux jambes de deux danseurs, à la démarche déglinguée / Ces trappes qui referment diverses surprises / l’ombre du cosmonaute / les épis de blés qui se plantent telles des flèches au sol… Je pourrais parler de l’absence de couleurs, des références picturales qui me manquent mais qui ne me frustrent pas…

Le spectacle est d’une sombre beauté insondable et poétique.

(je ne sais pas d’où je sors ça, mais il serait vain pour moi et pas très intéressant pour vous de tenter d’expliquer cette expérience, j’ai préféré aller à l’essentiel)

 

vu le mardi 20 mars 2018 à la Grande Halle de la Villette

prix de la place : 10€ (tarif obtenu grâce à une amie qui travaille à la Villette)

 

THE GREAT TAMER

conception & direction : Dimitris Papaioannou

avec Pavlina Andriopoulou, Costas Chrysafidis, Ektor Liatsos, Ioannis Michos, Evangelia Randou, Kalliopi Simou, Drossos Skotis, Christos Strinopoulos, Yorgos Tsiantoulas, Alex Vangelis

Jusqu’au 23 mars 2018 à la Grande Halle de la Villette (avec le Théâtre de la Ville)

 

(une autre histoire)

Je vous jure, ça a duré une fraction de seconde. Sur scène, le gars était en train d’enlever ses chaussures, j’ai fermé les yeux, je les ai rouverts, il enlevait ses chaussettes. Je n’ai rien raté. Enfin je crois. Parce que dans ce genre de spectacles, ça se répète pas mal. Mais faut me comprendre, je fais un métier pénible, je n’arrête pas d’y penser, je dors mal et mes rêves, je les fais lors de mes micro-siestes pendant des spectacles.

J’étais à l’hôpital, j’allais me faire ouvrir le ventre. J’angoissais à l’idée qu’on farfouille trifouille dans mes entrailles et qu’on y trouve je ne sais quoi. Un peu comme quand le mois prochain j’irai chez le dentiste alors que je n’y suis pas allé depuis plus de trois ans. Une honte m’étreint. Dans ma chambre, une personne que j’ai rencontrée quelque part (le côté abstrait et flou est totalement voulu car j’ai clairement identifié la personne) est à mes côtés, elle me tient la main et est venue avec toute sa famille nombreuse. Je me sens bien avec eux.

Mais tout disparait. J’ai arrêté de travailler. Je vis reclus dans la maison familiale. Plus personne de ma famille n’existe sauf moi. Un jour, on m’a dit : « Tu sais, la lignée familiale tient dans tes couilles. Tu ne procréés pas, ton nom meurt ». Je suis tout seul. Je vis sur mes économies, j’ai vendu les dernières terres pour subsister jusqu’à la saison nouvelle, la maison est maintenant encerclée par de nouvelles villas et une nouvelle route départementale dont les voitures dépassent allègrement la limite autorisée. Je regarde autour de moi, à la recherche d’objets que je pourrais revendre ou échanger contre des boîtes de thon. Je suis tout seul, je vis dans un bric à brac, dans la maison de mes parents qui est devenue ma maison, j’ai sur le dos une vieille veste en laine qui sent le bois brûlé. Je ne sais pas trop ce que je fais. Je ne sais pas trop quoi penser, je n’ai jamais su.

J’ouvre les yeux et sur scène un homme enlève ses chaussettes après avoir enlevé ses chaussures.

J’ai cligné des yeux combien de temps ?

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Cubix (Mathieu Enderlin / Le Mouffetard)

(quand on ne lit pas la bible)

Cubix ? C’est l’histoire de personnes qui n’ont aucun lien apparent entre eux, qui sont enfermés dans un cube et qui sont tout nus ?

 

(de quoi ça parle en vrai)

Sur une table, des cubes blancs. Deux joueuses les manipulent. Elles les déplacent, les empilent, les agencent, construisent des tours, des escaliers, des façades. Elles font et défont un puzzle infini en trois dimensions dans lequel s’invite la projection vidéo. Alors, le cube devient une matérialisation du pixel. Au centre des portraits en mille morceaux, une pièce manque parfois ! Entre le plaisir de la maîtrise et l’étonnement devant l’imprévu, les deux êtres explorent les possibilités d’un dialogue sans parole… (http://lemouffetard.com/spectacle/cubix-0)

 

CUBIX
Crédits photos : Jean-Yves Lacôte

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Alors que le dépouillement et l’économie de moyens de la pièce de Peter Brook me restent encore en mémoire (mon dada, en ce moment, c’est de faire le lien avec la chronique précédente, je commente… je commente… c’est plus fort que moi…), ici nous avons droit à un théâtre d’objets ET d’images animées. Et les deux faces de ce cube vont très bien ensemble (oui, je sais qu’un cube a plus de deux faces, mais je n’ai pas trouvé six autres qualificatifs pour cette oeuvre).

Le duo qui est face à nous ne s’exprimera (presque) jamais oralement (sauf pour l’original message traditionnel d’avant-spectacle du téléphone en mode théâtre, ici fait en japonais). Pourtant, je reste encore bluffé par l’expressivité de ces cubes blancs qui s’animeront à l’aide de nos manipulatrices qui ont un petit côté clown blanc et Auguste. On arrive à faire abstraction de tout le reste, on voit un chien, un personnage de jeu vidéo à la Mario Bros tentant de franchir des obstacles, on atteindra même le summum du suspense grâce à une tour infernale à la Jenga ! La partie vidéo est également assez impressionnante, car sur ces cubes sont projetées des images plus ou moins animées. Tout est millimétré et maîtrisé. D’ailleurs cela m’a fait penser à ces vidéos qu’on pouvait voir dans « L’oeil du cyclone » sur Canal Plus dans les années 90 ou dans certains musées d’art contemporain. Comme si les nouvelles technologies permettaient finalement de démocratiser quelque chose qui pouvait passer comme élitiste il y a vingt ans.

Ce maraboutdeficelle (un shiritori en japonais) qu’est ce spectacle pour jeunes et moins jeunes est très inventif, joue avec notre perception visuelle et nous fait passer un agréable moment (dit-il en prenant sa voix de journaliste de France 3).

 

vu le dimanche 18 mars 2018 au Théâtre Mouffetard (Paris)

Prix de la place : invitation

 

CUBIX

Mise en scène : Mathieu Enderlin

Interprètes : Yasuyo Mochizuki et Aurélie Dumaret

Scénographie : Jeanne Sandjian – Lumière : Pierre-Émile Soulié

Jusqu’au 25 mars 2018 au Théâtre Mouffetard et aussi à l’Espace Culturel Lionel Boutrouche à Ingré (45) les 30 et 31 mars 18.

 

(une autre histoire)

Je suis nostalgique des jeux vidéos de mon adolescence. J’étais l’heureux détenteur d’une magnifique console de salon Master System de marque Sega. J’avais même écrit une rédaction autour de cet objet qui avait fait son entrée au domicile familial un Noël 1991. J’étais en cinquième. Mes premiers jeux s’appelaient Hang On (un jeu de moto qui était intégré dans la console même), Shinobi (un jeu de ninja dont la musique me trotte encore dans la tête) et Golden Axe. Ce dernier, je le connaissais bien car j’y jouais en arcade, l’été, quand j’allais en vacances à la montagne. A côté du cnéma, y avait une salle de jeux avec des flippers et des jeux vidéos. Mes jeux préférés c’était donc Golden Axe (un jeu de combat dans l’univers de l’Heroic Fantasy) et Double Dragon (un Beat’em up). Mon coup préféré dans Double Dragon, c’était : Je prends la tête de mon adversaire par les oreilles et je la fracasse à coups de genoux. Je n’ai jamais su me battre dans la vraie vie. Même pour m’amuser. Un jour, au collège, j’avais défié un gars de ma classe, je ne me souviens même plus de la raison. On devait se retrouver à la sortie, mais comme il était retenu par un professeur, je savais qu’il n’arriverait pas à temps. J’ai fanfaronné devant le collège : « Il a eu peur de moi ! » Le collège dont je parle n’existe plus. Il a été détruit puis reconstruit, mais il ne ressemble en rien à celui qu’on a fréquenté. Tout comme le lycée où j’ai commencé à faire du théâtre. Le bâtiment est toujours là, imposant, en face du Cinémadeleine, mais il ne porte plus le nom qu’on lui connaissait. La salle de jeux à côté du cinéma dans cette station de montagne n’existe plus non plus. Le projectionniste du cinéma a pris sa retraite. Mes grands parents ont vendu le studio qu’ils possédaient dans cette station de montagne. Moi-même, je ne vais plus dans cette station de montagne. Je ne sais plus où se trouve ma console Master System 8Bits. J’aimerais y rejouer, pour retrouver certaines sensations, des souvenirs. Il n’est pas bon d’être nostalgique. Parfois je me dis que je pourrais acheter une nouvelle console de jeux, puis je me ravise car je me souviens que sur les manettes, il y a trop de boutons.

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

The Prisoner (P. Brook / M.H. Estienne / Bouffes du Nord)

(quand on ne lit pas la bible)

The Prisoner ? Quand même… Quel manque d’originalité… Le théâtre et le cinéma : même combat ! Encore l’adaptation d’une série télévisée ? Certes Le Prisonnier n’est pas n’importe quelle série, mais de tout de même !!!

(de quoi ça parle en vrai)

Un homme est assis, seul, devant une immense prison, dans un paysage désert. Qui est-il ? Pourquoi est-il assis là devant cette prison ? Est-ce un choix délibéré ? Est-ce une punition ? Et ceux qui sont à l’intérieur, quels  crimes ont-ils commis, eux ? Et comment considèrent-ils cet homme qui leur fait face ? Un fou ? Un fou de Dieu ? Un criminel, lui aussi, comme eux ? Quelle punition pour quel crime ? Quelle justice ?  Qui a pris cette décision ? Pourquoi le laisse-t-on ainsi narguer la justice, quand il peut s’enfuir à n’importe quel moment ? Questions pour ceux qui dirigent la prison, et pour tous ceux qui y sont enfermés. Cet homme cherche-t-il une rédemption ? Est ce que des gens viennent le voir ? Est-il là depuis longtemps ? (http://www.bouffesdunord.com/fr/calendrier/the-prisoner)

 

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Crédits photos : Simon Annand

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

L’autre jour, c’était carnaval sur mon lieu de travail. Un de mes collègues m’a complimenté au sujet de mon costume : un peignoir, un pyjama, les cheveux vaguement décoiffés et surtout l’accessoire qui tue : le mug rempli de café. J’ai gardé à la main ce mug toute la sainte journée. Presque rien fait tout.

Tout ça pour dire quoi ? Que l’épure qu’on retrouve dans nombre de productions de Peter Brook (je suis loin d’être un spécialiste de son théâtre, mais c’est ce que j’ai pu constater ces dernières années avec Battlefield, The Valley of Astonishment ou encore Fragments) est d’une force magistrale. Quatre bouts de bois représentent une cellule et on y croit. Peter Brook sait mettre en valeur ce lieu magique qu’il connait tant, les Bouffes du Nord et à partir de presque rien, nous emporte dans un ailleurs qui ouvre grand notre imagination. Le talent de conteur de Peter Brook et de Marie-Hélène Estienne n’est plus à démontrer, aidés en cela par des acteurs remarquables. Ils arrivent même à me faire croire que ma compréhension de l’anglais n’a jamais disparu puisque je n’ai presque pas eu besoin de regarder les sur-titres.

Pour chipoter, on pourrait dire qu’on a tout de même l’impression d’avoir déjà vu ce spectacle, notamment dans Battlefield. Il n’empêche, c’est toujours un ravissement d’assister à cette simplicité, cet espace, d’être transporté dans ce moment suspendu que représente une pièce de Peter Brook.

 

THE PRISONER

Texte et mise en scène : Peter Brook et Marie-Hélène Estienne
Lumières : Philippe Vialatte – Eléments scéniques : David Violi

Avec Hiran Abeysekera, Ery Nzaramba, Omar Silva, Kalieaswari Srinivasan et Donald Sumpter (remplacé par Sean O’Callaghan lors de la représentation à laquelle j’ai assisté)
Avec l’aide de Tarell Alvin McCraney et Alexander Zeldin

Jusqu’au 24 mars 2018 aux Bouffes du Nord (Paris)

 

 

(une autre histoire)

Je prends au mot ce que disait Henry James : « Observer inlassablement ».

La salle est ouverte une demie heure avant le début de la représentation. Non, ce ne sont pas mes pellicules mais la neige sur mon manteau. Je suis au parterre, au premier rang. Je suis toujours subjugué par ce lieu, lève les yeux au ciel, souris, puis regarde les spectateurs arriver un à un. Je reconnais un visage. Il y a beaucoup de petits vieux quand même.

À mon arrivée, l’ouvreur m’a dit « bonsoir » alors qu’il n’était que 15h. Je vois un spectateur qui tape dans le dos du même ouvreur en rigolant. Il est ce que je n’ai jamais su être : cool.

Comme dans les stades de foot, il faudrait positionner des stadiers pour empêcher les gens d’aller sur le plateau. « Oh mais c’est tellement beau et il n’y a pas à monter sur scène. Attends, je vais prendre une photo au milieu du plateau ! » Si si, je vous jure. Purée, il a shooté dans une brindille. Il y avait une brindille sur le plateau, elle a sûrement été placée pour une bonne raison et ce malotru l’a… Grrr… Je lui envoie des éclairs avec mes yeux. Ça me fait penser à la représentation de Nelken par Pina Bausch et le Wuppertal Tanztheater au Théâtre du Châtelet. Un spectateur avait carrément gravi les marches séparant la salle du plateau pour prendre une putain de photo (peut-être même un selfie, je ne me rappelle plus bien) et limite il s’est insurgé qu’une ouvreuse ose lui faire la remarque de ne pas le faire.

Il y a des gens dans les starting blocks. Sûrement plus malins que moi d’ailleurs. Ceux-ci ont des places sur les côtés, mais ils n’enlèvent pas leurs manteaux ni même ne prennent la peine de s’asseoir. Ils consultent frénétiquement leur montre. Compte à rebours. Ils observent le parterre, repèrent les places libres, prient pour qu’elles le restent. Cinq-quatre-trois-deux-un… Go ! Ils s’élancent vers l’ouvreur, montrent du doigt la place tant convoîtée. Ce dernier acquiesce. Le spectateur exulte, jubile, fait le V de la victoire. Il vient de troquer sa deuxième catégorie contre une première catégorie.

And so on and so on…

 

vu le samedi 17 mars 2018 aux Bouffes du Nord (Paris)

Prix de la place : 20€ (abonnement – cat 2)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Kelley Stoltz (Le Bourg, Lausanne, Suisse – 15 mars 2018)

(Ceci n’est pas une critique même si celle-ci est écrite par CYRIL BIVALSKI…)

2006. C’est en 2006 que j’ai eu la chance de découvrir Kelley Stoltz pour la première fois. Je m’en souviens comme si c’était hier. Il avait roulé depuis San Francisco pour venir jouer une heure au Mercury Lounge à New York. Super concert, déjà.

2018. C’est en 2018 que je le revois pour la seconde fois. En Suisse cette fois-ci. A Lausanne, dans un ancien cinéma, le Bourg, réaménagé en salle de concert. Les pompes à bière remplacent les machines à pop corn, les rangées de sièges ont été démontées, la mezzanine et le grand écran blanc conservés. Bel endroit qui fait penser à une salle parisienne ou bruxelloise de poche. Un Mercury Lounge local quoi. Je suis arrivé en retard pour la première partie. Pas bien. Mais en même temps les premières parties ne sont-elles pas faites pour ça ? Trainer un peu et arriver détendu ?

Kelley Stoltz est apparu tel que dans mon souvenir. Il n’a pas changé. Il a juste étoffé son répertoire et épuré son groupe. Il est accompagné d’une excellente bassiste, le batteur et la guitare rythmique sont des vieux briscards. L’ensemble est très carré ce qui permet à Mr Stoltz d’apparaître très à l’aise et heureux de présenter son dernier album Que Aura. Il pioche aussi pas mal dans deux autres albums : In Triangle Time et Double Exposure. Le concert est bien rôdé et je passe réellement un bon moment. Un vrai concert rock dans un club ! Il n’y a que ça de vrai !

La cerise sur le gâteau délicieux ? Une reprise de See No Evil (Television) que son père lui jouait à la guitare quand il était gamin. Son père ne connaissait que 3 accords sur 4 et cela avait interpelé Kelley parce qu’il n’arrivait jamais jusqu’au refrain de ce morceau.

2030. C’est en 2030 que je revois Kelley Stoltz pour la troisième fois.

 

Vu le 15 mars 2018 au Bourg (http://www.le-bourg.ch) à Lausanne, Suisse.

Prix de la place 13CHF . Debout au premier rang.

(http://www.kelleystoltz.com)

 

 

(Une autre histoire)

En Suisse, si tu ne maitrises pas le démarrage en côte quand tu conduis, tu es un homme mort.

Quand j’ai passé mon permis de conduire, jadis, j’ai vu la manœuvre une fois. Frein à main, passe ta première, lève ton capot. Puis… plus rien. Je roule surtout en 2 roues.

Mais en Suisse, tu te gares en marche arrière dans les côtes enneigées. Sportif.

Les passages piétons sont à mi-côte. Tu ne peux pas faire comme à Paris, accélerer quand tu vois un piéton qui s’engage. Tu es obligé de t’arrêter pour le laisser passer. Enfoiré.

J’ai plutôt tendance à conduire comme Thélonious Monk, au bruit et à l’instinct. Mais ici ça ne marche pas trop. Du coup j’ai bossé ma technique. Et puis au bout d’un moment je me suis demandé, mais comment font-ils les locaux, les indigènes, les autochtones ?

Et bien ils roulent en automatique.

J’ai une C3 diesel mécanique.

Et toi Kelley, à San Francisco tu fais comment?

 

Texte et photo de couverture : Cyril Bivalski (correspondant suisse)

Let me try (Virginia Woolf / Isabelle Lafon / TGP Saint Denis)

(quand on ne lit pas la bible)

Let me try ? Je ne sais pas pourquoi, quand je lis « Let me try », je ne pense pas à Virginia Woolf mais à Janis Joplin (just a little bit harder) ?

 

(de quoi ça parle en vrai)

Let Me Try est adapté du Journal de Virginia Woolf, écrit entre 1915 et 1941. (…) Dans son journal, oeuvre drôle, débordante, surprenante, Woolf décrit sans relâche ses amis, retranscrit sur le vif des pans entiers de conversations, comme une peintre esquisserait un croquis. Elle passe d’un registre à l’autre : réflexions bouleversantes sur l’écriture, descriptions à fleur de peau de personnes, d’événements ; interrogations sur ses amitiés, ses amours, la politique, ses colères, ses peurs, ses enthousiasmes… Il y a très peu de passages sur sa « folie ». Traverser au plus profond sa propre intimité ne signifie pas s’appesantir sur ses états d’âme. (http://www.theatregerardphilipe.com/cdn/let-me-try)

 

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Crédits photos : Pascal Victor

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

C’est dans un état un peu léthargique que je me rendis au TGP vendredi dernier… Et comme le dit l’adage prononcé par Virginia Woolf (et c’est là où je me maudis de n’avoir pas pris de notes… en même temps, je me voyais mal prendre des notes assis au premier rang… mais personne ne m’a obligé à m’installer au premier rang… il n’empêche, c’est un régal d’être tout près, surtout quand on sait qu’on ne risque rien, par exemple c’est une très mauvaise idée de s’asseoir au premier rang d’Ithaque de Christiane Jatahy… mais je m’emballe, j’anticipe une prochaine chronique et je digresse beaucoup trop) : C’est quand on n’a pas envie que la soirée se révèle délicieuse. Ce n’est absolument pas ce qu’a dit Virginia Woolf, mais ce n’est pas grave, car c’est bien ce que j’ai pensé de cette représentation.

Il n’est pas si aisé de rendre théâtral un matériau littéraire, ici des fragments du journal de Virginia Woolf (mais c’est déjà indiqué dans la partie « De quoi ça parle en vrai », donc j’allonge artificiellement cette partie « non-critique », ce dont je n’ai même pas besoin). Ce que j’aime aussi, c’est faire des parallèles entre les spectacles que je vois. Dans « Bovary » de Tiago Rodrigues, les feuilles étaient blanches et éparpillées sur tout le plateau. Ici les feuilles sont dactylographiées, rangées (d’après les dires des comédiennes) par ordre chronologique et nos trois admirables interprètes compulsent, nous livrent des extraits de l’imposante production intime de Virginia Woolf. Le terme « vagues » revient régulièrement, un jeu s’installe entre Johanna Korthals Altes, Isabelle Lafon et Marie Piemontese (que j’ai la chance d’apprécier depuis de nombreuses années maintenant dans les pièces de Joël Pommerat), tour à tour elles prendront la voix de Virginia Woolf, chacune à leur façon. Le tout est clair, on entend bien les mots de l’auteure britannique, il y a une délicatesse qui émane de la pièce et des comédiennes

C’est un travail admirable qu’a fourni Isabelle Lafon, car la somme des écrits intimes de Virginia Woolf est assez impressionnante et on perçoit bien la drôlerie, le sens de l’observation (cher à Henry James, cité à la fin du spectacle et que j’ai affiché au-dessus de mon bureau… ce qui est totalement faux, vu que j’écris partout sauf à mon bureau, ma phrase n’a aucun sens, je le sais, c’est la fièvre) de Virginia Woolf… Qu’est-ce que j’aime ce nom !

 

vu le vendredi 16 mars 2018 au Théâtre Gérard Philippe, Saint Denis.

prix de la place : invitation

 

LET ME TRY

une production Les Merveilleuses

D’après le Journal (1915-1941) de Virginia Woolf

Adaptation et mise en scène : Isabelle Lafon

Avec Johanna Korthals Altes, Isabelle Lafon, Marie Piemontese

Traduction : Micha Venaille – Lumière : Marion Hewlett en collaboration avec Patrice Lechevallier – Costumes : Agathe Mélinand et Nathalie Trouvé – Assistanat à la mise en scène : Marion Canelas

Jusqu’au 25 mars 2018 au théâtre Gérard Philippe (Saint Denis)

 

(une autre histoire)

Paraît-il, Virginia Woolf avait 38°7 de fièvre quand elle a écrit « Mrs Dalloway ». Déjà on peut douter de cette information : a-t-elle eu cette fièvre durant tout le processus d’écriture ? Ce qui me semble quasi impossible ou alors elle a écrit ce roman en une nuit ou deux jours ? Je dis ça parce que ça fait deux jours que j’ai une température oscillant entre 37°8 et 38°6 et que je me sens bien trop fatigué pour faire quoi que ce soit. Dois-je atteindre 38°7 pour que tout s’illumine dans mon esprit et ainsi pondre l’oeuvre de ma vie ?

Hier soir, après la pièce, je me suis rendu à un anniversaire. J’étais en nage, j’étais pas bien, mais j’y suis quand même allé. Pour la beauté du geste, de l’art. J’avais mis un vieux pull bien chaud si bien qu’au jeu de « Quel métier fais-tu ? », on a tout de suite deviné quel était le mien, là où je m’enorgueillissais que c’était quasi impossible de deviner. Le pire, c’est que je veux changer de métier. Les gens ne comprennent pas. « Mais tu veux faire quoi d’autre ? » Ben j’en sais rien. Enfin… si… je sais… Mais… De quoi je parle ? Je disais quoi ? 38°6. Je ne bois pas d’alcool, la fièvre ne me fait même pas délirer, je ne danse pas. J’offre mon présent à la reine de la soirée (un ouvrage de Fernando Pessoa) et marche jusqu’à la station de métro. Je monte péniblement mes six étages, envoie une photo de mon thermomètre rectal à la reine de la soirée, sûrement heureuse d’apprendre que mon histoire de température, c’était pas du chiqué, et aussi que j’utilise un thermomètre rectal.

38°7

Virginia Woolf, me voilà. Je me glisse sous la couette, l’ordinateur sur mes jambes, je tapote frénétiquement les soixante-trois mots les plus essentiels, que dis-je, les plus importants de toute ma vie d’auteur.

Ce soir, j’ai écrit un nouveau statut Facebook.

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Bovary (Tiago Rodrigues / Théâtre de la Bastille)

(quand on ne lit pas la bible)

Bovary ? Que dire ? Le beau varie ? C’est ça le sujet de la pièce ?

 

(de quoi ça parle en vrai)

Oser passer le roman de Flaubert à l’alambic pour extraire le poison salutaire qu’il contient permet d’offrir aux spectateurs l’occasion unique d’être pris à témoin de sa puissance corrosive. Sur scène, trois niveaux d’écriture s’entremêlent : le style propre au roman largement cité, la correspondance imaginaire de l’auteur avec une maîtresse et les éléments juridiques de son procès pour outrage à la morale et aux bonnes mœurs. La puissance de certains textes face à l’ordre établi devient un fait !

(Christophe Pineau : http://www.theatre-bastille.com/saison-17-18/les-spectacles/bovary_2)

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Crédits photos : Pierre Grosbois

(ceci n’est pas une critique, mais…)

En préambule, je dois donc préciser, pour ceux qui me suivent d’un oeil distrait, que j’ai participé à l’Occupation Bastille première du nom, il y a deux ans de cela, initiée par le Théâtre de la Bastille et menée de main de maître par le metteur en scène/auteur/acteur/directeur/footballeur Tiago Rodrigues et l’équipe de Bovary. C’est donc la deuxième fois que je vois cette pièce, pour mon plus grand plaisir.

Parce que le plaisir est toujours présent, si ce n’est plus, à voir ces acteurs évoluer au milieu des feuilles blanches, autant d’histoires qu’on peut se raconter dans une vie.

Le changement de taille pour cette reprise 2018 est le remplacement de Jacques Bonnaffé (pris par d’autres engagements) par Mathieu Boisliveau dans le rôle de Gustave Flaubert… pardon, que dis-je, on ne remplace pas Jacques Bonnaffé, il est irremplaçable. Quand Mathieu Boisliveau prend la parole, me vinrent immédiatement à l’esprit la voix et le phrasé si particuliers de Jacques Bonnaffé. Pourtant Mathieu Boisliveau parvient à creuser son propre sillon et apporte une légèreté qu’il distillera jusqu’à ses rapports avec le reste de la distribution. La pièce apparait même plus drôle, aidée en cela par une Ruth Vega Fernandez explosive, qui sait jouer à la limite du surjeu sans y tomber.

La distance temporelle avec la première Occupation (et tous les liens qui ont pu se tisser entre les comédiens et les spectateurs participants) m’a permis d’apprécier d’une autre manière « Bovary ». Je ne dirai pas « à sa juste valeur », car j’espère faire preuve d’objectivité en toute occasion, n’est-ce pas, même si je n’ai jamais cessé de me poser cette question, mais on écoute mieux, on ne s’arrête plus à « Tiens, cette posture, cette formulation, cette idée, je l’ai déjà vue lors de nos projets occupationnels ». On est dans le présent, dans le vîf du sujet.

L’écriture (ainsi que sa traduction par Thomas Resendes) et la mise en scène de Tiago Rodrigues sont au cordeau (ça se dit ça ?), mêlant les différents degrés de lecture et d’action (roman, procès…) avec maestria, le jeu des acteurs est rythmé et maîtrisé (citons également David Geselson (de retour en 2019 avec Doreen et en 2020 avec la grande Nina…), Grégoire Monsaingeon (prochainement au Festival d’Avignon…), Alma Palacios (mais comment fais-tu pour tourner sur toi-même sans avoir mal au coeur ? Je ne sais pas toujours pas…)

C’est du théâtre, comme on veut en voir plus souvent.

 

vu le jeudi 8 mars 2018 au Théâtre de la Bastille (Paris)

prix de la place : Pass Bastille (13€ / mois)

 

BOVARY

Avec Mathieu Boisliveau, David Geselson, Grégoire Monsaingeon, Alma Palacios et Ruth Vega Fernandez

Texte et mise en scène Tiago Rodrigues

D’après le roman Madame Bovary de Gustave Flaubert et le procès Flaubert

Traduction française Thomas Resendes – Lumières Nuno Meira – Scénographie et costumes Ângela Rocha – Construction décor Marion Abeille

Jusqu’au 17 mars 2018 à 20h et du 19 au 28 mars 2018 à 21h au Théâtre de la Bastille (Paris) mais aussi du 3 au 6 avril 18 à la MC de Bourges, le 10 avril 18 au Théâtre-Cinéma Paul Éluard (Choisy-le-Roi), le 12 avril 18 à l’Espace 1789 (Saint-Ouen), les 17 et 18 avril 18 au Théâtre de Cornouaille (Quimper), les 24 et 25 avril 18 au Moulin du Roc (Niort) et le 3 mai 18 au Théâtre Romain Rolland (Villejuif)

 

(une autre histoire)

Alors, vois-tu, tu ramasses les feuilles, puis tu les tries. Au début, j’allais, je venais, je me baissais, je me relevais, je ne savais plus où donner de la tête, de cour à jardin, devant derrière, puis j’ai réfléchi. J’ai rassemblé toutes les feuilles en un même point. Pas folle la guêpe.

Alors là, vois-tu, c’est un peu écorné, mais c’est pas grave. Pis là c’est à peine déchiré, tu la gardes. Par contre, si c’est trop chiffonné, tu jettes. Et si ça colle, tu jettes aussi. Parce que sur scène, ils boivent… soi-disant de l’eau… pis ils mangent des canneberges et ça colle.

Ils sont joueurs, ils sont taquins. Une fois, je ne dirai pas qui, mais une fois, je ramassais les feuilles, pis une personne de l’équipe… t’as vu, je dis une personne, pas un gars ni une fille, ben elle a pris une ramette que j’avais reconstituée, pis elle a tout balancé en l’air.

Parfois on remet une nouvelle ramette. Balles neuves ! Les feuilles à jeter, c’est dans la poubelle jaune, je ne te l’ai pas dit.

Faut pas le dire, mais parfois, je profite qu’il n’y ait personne dans la salle pour… T’as déjà passé cinq, dix minutes comme ça, tout seul dans une salle de théâtre comme ça ? Il s’y passe plein de choses. Dans la tête et dans le coeur. Ben moi, parfois, je me cache sous les feuilles et je me laisse traverser par l’esprit de Gustave Flaubert et de Tiago Rodrigues. Les feuilles sont blanches, pourtant je connais par coeur la pièce. Et je ne l’ai même pas vue. C’est parce que c’est trop tard le soir. À cette heure-là, je suis déjà couché.

Je te jure, je connais par coeur. Les feuilles sont blanches, mais je connais par coeur. Attends… page 48 – Emma : « Ne vous semble-t-il pas que l’on est plus libre quand on contemple la mer ? » Page 93 – Homais : « Excusez-moi un instant. Je vais juste chercher l’arsenic et le poser ici. » Page 105 – Charles : « Charbovari Charbovari… J’ai vraiment l’impression d’avoir déjà vu ce porte-cigares. »

Je n’ai jamais lu Madame Bovary, ni vu cette pièce. Alors tu m’expliques pourquoi ces feuilles m’émeuvent autant ?

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Hunter – Le chant nocturne des chiens (Marc Lainé / Théâtre National de Chaillot)

(quand on ne lit pas la bible)

Hunter ? Rick Hunter ?

 

(de quoi ça parle en vrai)

Hunter met en scène un couple reclus dans une maison pavillonnaire, assaillie par une créature mi-femme, mi-animal dont on ne sait si elle est réelle ou si elle n’est que la projection fantasmatique des différents personnages. L’équilibre du couple sera totalement bouleversé par les intrusions de cet être mystérieux, qui donneront lieu à de multiples rebondissements gores et fantastiques… (Hervé Pons : http://theatre-chaillot.fr/marc-laine-hunter)

 

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Crédits photos : Simon Gosselin

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Le talent de scénographe et de metteur en scène de Marc Lainé n’est plus à démontrer, de la pièce de Dennis Kelly (La nuit un rêve féroce avec la gracieuse Raphaëlle Boitel) en passant par son travail avec Moriarty qui m’avait énormément subjugué, notamment ce road movie canadien « Vanishing Point », déjà à Chaillot il y a quelques années.

Ici, le spectacle, certes plaisant, reste limité à un exercice de style maîtrisé, mais auquel il manque un peu de profondeur. On pourrait même regretter le rendu un peu cheap de l’image, là où on a vu chez Julien Gosselin and co. une qualité d’image quasi cinématographique (mais peut-être était-ce voulu…) On repère des influences (assumées ou inconscientes) dans lesquelles on trouve pêle mêle les films « It follows » (pour le premier plan truqué en caméra objective dans lequel Marie-Sophie Ferdane court devant un fond vert, poursuivie par on ne sait quoi ni qui), ceux de John Carpenter (- le personnage du père interprété par Geoffrey Carey, physique semblable au réalisateur, à l’accent étranger pour ajouter de l’étrange ? – la musique en direct de Superpoze, qui s’intègre très bien d’ailleurs à l’ensemble), le soap opera avec la « partie pavillonnaire et conjugale » entre les personnages interprétés par Bénédicte Cerruti (toujours impeccable et subtilement drôle) et David Migeot (sans commentaire). Restent l’excellence de Marie-Sophie Ferdane, passionnante à suivre de pièce en pièce et glaçante avec ses yeux revolver (je me sens également obligé de citer le téléfilm de Philippe Harel « Les heures souterraines » qui est absolument à voir si on n’est pas en pleine dépression ou en burnout) et certains effets d’optique ou de transparence faits en direct qui sont saisissants.

Cela étant dit, les films d’angoisse ou d’horreur dits de série B, comme ceux de Carpenter ou Romero, comportaient un supplément d’âme, une métaphore sur la société de l’époque, qu’on ne retrouve malheureusement pas ici. Ou alors je n’ai pas su les repérer ?

 

vu le samedi 10 mars 2018 au Théâtre National de Chaillot (Paris)

prix de la place : 25€ (abonnement)

 

HUNTER – LE CHANT NOCTURNE DES CHIENS

Une production La Boutique Obscure

Texte, mise en scène, scénographie : Marc Lainé

Musique originale : Gabriel Legeleux (alias Superpoze)

Collaboration à la scénographie : Stephan Zimmerli – Collaboration artistique : Tünde Deak – Vidéo : Baptiste Klein – Lumières : Kevin Briard – Son : Morgan Conan-Guez – Plateau : Farid Laroussi – Création des maquillages et prothèses : Cécile Kretschmar – Maquillage : Noï Karuna – Assistanat à la scénographie : Aurélie Lemaignen – Costumes : Marie-Cécile Viault

Avec Geoffrey Carey, Bénédicte Cerutti, Marie-Sophie Ferdane, Gabriel Legeleux, David Migeot

Jusqu’au 16 mars 2018 au Théâtre National de Chaillot – Salle Firmin Gémier (Paris) et le 30 mars 18 à Colombes, du 3 au 6 avril 18 à Dijon, le 13 avril 18 à Châtillon, du 24 au 26 avril 18 à la Comédie de Saint-Étienne, les 23 et 24 mai 19 à Brest, du 1e au 3 juin 18 à Lyon…

 

(une autre histoire)

C’est trop calme ici. Alors je mets bien fort dans mes oreilles l’album « The Suburbs »  par Arcade Fire. J’ai l’esprit d’à-propos, me direz-vous. Je vis en banlieue, j’écoute un album qui s’intitule en français « La banlieue »… Y a pas mieux pour courir dans ces rues tranquilles. Je devrais avoir peur, y a pas un chat par là, mais je n’ai pas peur car je fais du krav maga. J’aurais bien voulu prendre des cours de Ken le Survivant pour connaître les huit ou neuf points de vie, appuyer sur l’un d’eux et exploser mon assaillant par mon seul pouce, mais j’ai pas trouvé.

On se croirait dans un film de Tim Burton, les anciens, les meilleurs, avec toutes ces maisons qui se ressemblent, la voiture devant le garage, les haies taillées… Limite, tout le monde part en même temps le matin. On s’ennuie. Je m’ennuie. Je ne connais plus personne ici. Les gens ne sont pas très stables, dit celle qui n’a jamais réussi à garder un petit copain plus de deux mois… J’ai des petites manies, certes, mais j’ai du coeur. Un jour un garçon s’en apercevra, j’en suis certaine. Peut-être le gars que je croise tous les matins au café ? Cappucino Grande, c’est ce qu’il prend. À emporter.

Faudrait que j’en parle à Maman pour avoir son avis. Je rentre, je lui change sa couche, je desserre son bâillon et je lui en parle.

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

NTM (AccorHôtels Arena – 9 mars 2018)

(ceci n’est pas une critique, mais…)

De mémoire, Nick Hornby disait dans « Fever Pitch » (Carton Jaune en français) qu’on pouvait avoir plusieurs amours dans sa vie, mais qu’on avait qu’un seul club de football de cœur – lui c’était Arsenal. Il pouvait y avoir une rupture entre le club et la personne, mais jamais ô grand jamais, on irait voir dans un autre stade si l’herbe était plus verte.

Je suis marseillais, je supporte l’OM, surtout quand il est en haut du classement, ne soyons pas de mauvaise foi. Mais je ne supporterai aucune autre équipe, malgré ma proximité géographique avec l’équipe qatari… pardon… de la capitale.

Aussi depuis très longtemps maintenant j’écoute IAM, je les ai vus en concert, j’ai tous leurs albums, je connais plusieurs chansons par coeur. Mais je dois le confesser : « Oui, j’ai vu NTM en concert et en plus j’ai aimé. »

Longue introduction pour une très courte chronique… Une scéno de folie (écrans géants, lettres n, t m, gigantesques qui bougent) signée, si je suis bien renseigné, par Jérémie Lippmann, des invités à tire-larigot (je n’ai reconnu que Oxmo Puccino sur That’s my people, désolé…), des danseuses et une barre de pole dance pour « Ma Benz »…, Joey Starr et Kool Shen ne font pas leur demi-siècle chacun et leurs trente-cinq ans de carrière commune, même si de petites plages ont été aménagées pour leur repos, car ils se donnent à fond ! Certes aucun nouvel album n’est en préparation et même si on peut s’interroger sur les réelles motivations de leur retour sur scène, on ne peut nier leur investissement et leur générosité envers un public plutôt post trentenaire qui n’est pas en reste et Joey Starr est très en verve pour faire chanter les fans de la première, deuxième… heure sur « Passe le oinj » et surtout « Seine St Denis Style » et cette voix…

Ces deux-là sont dans leur élément sur scène et mon seul regret aura été de ne pas avoir entendu la seule chanson que j’arrive à chanter par coeur… « La Fièvre ».

 

vu le vendredi 9 mars 2018 à l’AccorHôtel Arena (et prochainement en tournée dans les festivals d’été…)

prix de la place : 76,25€ (cat 1) : place assise, mais je fus bien plus debout qu’assis, emporté par la foule et le flow, à balancer mes doigts devant moi, comme un B-Boy…

 

 

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Crédits photo : Frédéric Dugit/Le Parisien

 

(une autre histoire)

« Salut, ça va ? Dis, tu me gardes la place, je vais me chercher une bière… Merci ! Y a mes potes qui sont dans la fosse, j’ai trouvé qu’une seule place ici, on est bien, non ? T’es venu tout seul ? Ca te fait rien d’aller voir un concert tout seul ? Je trouve ça déprimant. T’es déprimant, toi, hein ? Et déprimé. C’est pour ça que j’aime bien discuter avec les gens que je ne connais pas. J’aime me faire des petites histoires dans ma tête. Ça fait passer le temps. Attends… Oh mais il est con, regarde le message, mon pote de la fosse qui me demande si j’ai trouvé un nouvel ami… T’as quel âge ? Trente-neuf ans ? Un vieux de la vieille, quoi. Comme mon daron ! T’as connu NTM qu’à partir de « La fièvre » ? Non moi je connais depuis que je suis tout petit, un pur et dur. C’est mon père qui m’a fait connaître. Il les connait depuis le début, trente-cinq ans je crois. D’où tu viens ? Ouais, tu peux me dire où tu es né… Pourquoi tu hésites ? Tu ne sais plus où tu es né ? T’es québécois ? Ah c’est ça ton accent ? Il est bizarre… Moi je suis né dans le 9-3 mais je vis à Lorient maintenant.  Je me suis mis au vert. Je rentre pas dans les détails, hein ? Je suis venu exprès pour le concert. C’est historique. HIS-TO-RIQUE ! Mais là, tu crèches où ? Paris 19e ? Ah ouais, tu travailles dans le 9-3 ? A Saint Denis ? Aubervilliers ? Tu travailles aux Lilas ? C’est pas le vrai 9-3, ça. T’as pas l’air très à l’aise, pourquoi tu me demandes toujours de répéter, tu es sourd, tu te branles trop ? Remarque… quand on vient à un concert tout seul… Tu comprends pas ce que je dis, c’est mon accent ? Non je m’énerve pas, je tiens carrément l’alcool, c’est pas leur merde coupée à l’eau dans des gobelets à dix boules qui vont me rendre paf. Je ressens la peur en toi…»

J’ai peur. Faut que je garde mon air cool, mon sourire béat. Mince, il me demande d’où je viens, il veut savoir où je suis né ? Mince, je sais pas mentir, je vais quand même pas lui dire que je viens de Marseille et que je connais par cœur « L’empire du côté obscur »… Je vais prendre l’accent québécois. Il est merdique, mais il a déjà bu trois pintes, ça va passer. Pourtant il n’a pas l’air si con que ça, malgré sa casquette Lacoste. En revanche, je ne comprends rien. Et c’est pas la musique à côté, il parle trop vite pour moi. S’il découvre d’où je viens, il va me latter la gueule. Pire, il va mettre la lumière sur moi. Vingt mille personnes vont me mater, comme une bête curieuse. Là, comme dans les matchs de hockey, je serai même filmé. Je serai retransmis en direct sur les écrans géants installés sur la scène. Joey Starr me jugera du coin de l’oeil gauche ou droite. On me demandera de chanter une chanson de NTM. Je prendrai le micro, je jetterai mon pull à capuche au public qui le brûlera, parce qu’il est quand même pas mal moche. Et je chanterai « La fièvre », comme sous ma douche. Le public sera en feu. Kool Shen et Joey Starr me rejoindront, on fera un trio, en tout bien tout honneur bien sûr. Voilà pourquoi NTM n’aura pas chanté cette chanson ce soir.

« Pourquoi tu me racontes la vérité maintenant ? Ok tu es de Marseille et alors ? Regarde, y a le Rat Luciano sur scène, il est de Marseille, lui, non ? Ben alors, tranquille, tout baigne ! Bon, c’est pas comme si tu me disais que tu connaissais par coeur les chansons d’IAM, là ça irait mal pour toi. Tu connais pas les chansons d’IAM, dis ? »

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Claude (Gauthier Ployette / La Croisée des Chemins)

(quand on ne lit pas la bible)

Claude ? Quarante ans après sa mort, voici le spectacle ultime sur Cloclo dans lequel sera dévoilée la face cachée et privée de l’artiste ? Un spectacle qui ne sera bien évidemment pas électrique ?

 

(de quoi ça parle en vrai)

Claude, 24 ans, seul en scène, est un être vivant de l’espèce humaine : Homo sapiens, communément appelé homme moderne, « homme », « homme anatomiquement moderne », « humain » ou encore « être humain », autrement dit, une espèce de primates appartenant à la famille des hominidés. Que fait-il ? Où va-t-il ? Qui est-il ? Entre homme, femme, enfant, qu’importe ce qu’il peut être. Claude a des choses à dire… (https://www.theatrelacroiseedeschemins.com/claude)

 

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

C’est dans la minuscule salle (à peine plus de trente places) du théâtre « La croisée des chemins » que je m’assois en ce mercredi pluvieux. La perplexité tout d’abord me gagne. Est-ce à cause de l’exiguïté du lieu ? Nous entendons le personnage ou l’acteur faire ses vocalises, se raser, se gargariser, alors que la lumière tournée vers nous nous aveugle. Le spectacle aurait-il déjà commencé ? Mais qu’est-ce que je fais là ? Noir dans le public, Claude arrive, torse nu, tignasse en liberté, seulement vêtu d’un caleçon défraîchi (Augustin Trappenard, sors de mon corps !). Dès l’entrée de Gauthier Ployette sur scène, on a la conviction qu’on ne va pas voir un spectacle comme les autres, parce que le fameux Claude n’est pas comme les autres, même si, par bien des égards, on (je) peut (x) se (me) reconnaître : « Sommes-nous obligés de nous mettre dans des cases ? », telle est la question.

Au départ, la pièce intrigue, on a devant nous un drôle d’énergumène avec un phrasé particulier, on ne sait pas trop où on va, ça peut paraitre décousu. Pourtant, passé un petit temps d’adaptation, on se laisse emporter par la qualité d’écriture (pas pompeuse, soignée) et d’interprétation (la voix, le corps, check), par la sincérité de l’entreprise, on sourit (la fameuse empathie) face à son rapport aux parents, à la mère, on s’interroge nous-mêmes (C’est quoi au juste ma vie ? Elle est où ma place ? Bon… ok… ça a un peu fait écho chez moi… et oui, je suis aussi poilu et alors ? Evidemment, il faut avoir vu la pièce pour comprendre la référence à la pilosité).

La pièce est très (trop) courte, à peine plus de trente minutes, on aurait envie d’en savoir encore plus sur ce Claude (et pas Michel comme je me l’étais noté dans mon agenda). Mais on ne va pas bouder son plaisir, alors qu’on reproche à certains spectacles d’être bien trop longs.

Une découverte à découvrir. (ça ne veut rien dire, mais j’assume)

 

vu le mercredi 7 mars 2018 au Théâtre À la croisée des chemins

prix de la place : invitation blog/presse

 

CLAUDE

de et par Gauthier Ployette

Regard extérieur : Gaelle Malandrone – Conception musicale : Simon Crasquin

les mercredis et jeudis à 21h30 au Théâtre À la croisée des chemins jusqu’au 5 avril 2018

 

(une autre histoire)

Dans une autre vie, j’avais écrit une pièce pour deux acteurs. Nous avions présenté le fruit de notre dure labeur deux soirs d’été dans un petit théâtre du onzième arrondissement de Paris. Le régisseur du théâtre s’appelait Régis. Nous l’appelions Régis le Dragon, car il n’avait pas été très avenant lors de notre première rencontre, alors que nous étions intimidés et inquiets de ce que nous nous apprêtions à faire. Puis la bête s’assagit après avoir constaté que nous étions respectueux et polis envers le théâtre qui nous accueillait, son travail et sa propre personne. Lors du pot de dernière, il nous donna quelques conseils : « Surtout ne jouez pas en hiver et encore moins en début ou milieu de semaine. Les gens ne sortent plus. Ils ne sont plus motivés, sont déprimés, il fait froid, ils préfèrent rester au chaud. Attendez le printemps.»

Mais pourquoi ai-je donc accepté d’aller dans un théâtre à trois métros de chez moi ? A 21h 30 ??? Je calcule mon temps de trajet, soupire, regarde la pluie tomber par la fenêtre, soupire mais pars tout de même. J’ai pas envie, mais j’y vais quand même. J’ai dit que j’y allais, j’y vais.

Comme quand on n’a pas envie de se rendre à une soirée, parce qu’on a peur des gens qu’on va y rencontrer, de ne pas se présenter sous son meilleur jour, parce qu’on a tant de choses à faire chez soi comme… euh… voilà. Mais on y va, même si on ne sait jamais quoi apporter comme vin, même si on ne se souviendra pas de la majorité des prénoms des gens… On y va, parce que… parce qu’on ne sait jamais. Si on ne sort pas, on meurt. (certains sont sortis et en sont morts, mais c’est une autre histoire…). Si on ne rencontre pas les gens… Mais de quoi je parle ? Je suis en train de détruire ma réputation de misanthrope, admirateur de Cioran et Pessoa. Oubliez ce que je viens de dire. Mais on sort tout de même, sans parler aux gens, on est pressé, on boit, on mate, on emmagasine du matériau pour des écrits futurs au passé simple et on repart. Nous sommes en mars.

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito