Sylvia (Fabrice Murgia / An Pierlé / Théâtre National Wallonie Bruxelles)

(de quoi ça parle en vrai)

Figure de proue d’un féminisme plus poétique qu’engagé, Sylvia Plath se débattra toute sa vie entre son désir de répondre aux injonctions du rêve américain des années 50 et 60 (épouse et mère parfaite) et son besoin irrépressible d’écrire. (…) Pour se pencher sur cette voix féminine, Fabrice Murgia a conçu un spectacle tournoyant qui donne à voir la richesse et le conflit intérieur de la poétesse américaine. Sur scène, neuf comédiennes incarnent Sylvia à différents moments clés de sa vie. (…) …Un portrait sensible, encore enrichi par la sublime mélancolie des compositions musicales de l’auteure-compositrice belge An Pierlé. (source : ici)

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Crédits photos : Hubert Amiel

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Cela commence comme n’importe quel spectacle belge : les comédiennes sont sur scène, nous regardent nous installer. Avec elles, les technicien.ne.s, qui paraissent décontracté.e.s. Les musiciens sont déjà en place, musique d’ambiance. An Pierlé est à son piano.

On est tout de suite saisi par la dimension du dispositif, impressionnant. Plateaux qui bougent, musique omniprésente, caméras qui tournoient, comédiennes interchangeables dans le rôle de Sylvia Plath. J’ai envie d’être vulgaire : ils ont même une « putain » de grue pour filmer ! Parce qu’il y a aussi un grand écran qui diffuse en direct les images tournées. Un rendu assez exceptionnel, grâce à Juliette Van Dormael et le metteur en scène Fabrice Murgia (qui n’est autre que le directeur du Théâtre National Wallonie-Bruxelles).

Les comédiennes parlent en anglais. Elles sont francophones ou néerlandophones, mais elles parlent en anglais. Pourquoi ? On n’entend même pas les vrais mots de Sylvia Plath car les droits ont été bloqués par la descendance de la poétesse.

Musique, surtitres, images, ballet des décors, comédiennes méritantes mais dont aucune ne me fait dire : « Waouh », surabondance d’informations. Les scènes sont trop brèves pour réellement nous émouvoir. Un moment, si : à jardin, les actrices sont en loges, elles se changent, plaisantent… à cour la neuvième comédienne est seule, assise sur une chaise. La solitude de Sylvia Plath. Une pause.

Sylvia Plath est devenue un symbole du « génie féminin écrasé par une société dominée par les hommes ». Charge mentale, soumission, elle est (presque) toujours passée après la carrière de son mari, lui aussi poète. Son mari est interprété par un comédien, soit-disant choisi dans le public – je n’ai pas bien compris l’intérêt, hormis celui de rendre anonyme la personne qui a mis sous cloche le talent de son épouse. Le figurant arborera dans ses scènes muettes un masque, le visage de Ted Hughes. Ce dernier aurait détruit une partie du journal intime de Sylvia Plath dans lequel elle décrivait leur vie commune.

Le spectacle a le mérite de mettre en lumière la vie de cette poétesse, de rendre compte de toutes ces femmes qui ont dû mettre en sourdine leur talent (on peut voir aussi le film de Céline Sciamma « Portrait de la jeune fille en feu » avec l’admirable Adèle Haenel, dans un sujet similaire). Il a le mérite de se donner les moyens de ses ambitions. On en prend plein la vue. Cela dit, je suis surpris de  ne voir personne crédité pour l’écriture du spectacle. Il faudra qu’on m’explique. Quant à la musique, jazz, et la voix d’An Pierlé , elles pourraient se suffire à elles-mêmes.

Malgré mes quelques bémols, « Sylvia » donne envie d’en savoir plus sur cette poétesse, de lire ces mots et ce n’est déjà pas si mal.

 

SYLVIA

Mise en scène Fabrice Murgia

Direction photo Juliette Van Dormael

Voix et piano An Pierlé

Avec Valérie Bauchau, Clara Bonnet, Solène Cizeron, Vanessa Compagnucci, Vinora Epp, Léone François, Magali Pinglaut, Ariane Rousseau, Scarlet Tummers Avec la participation de Alfredo Cañavate

Clarinette basse, sax, guitare et percussions Koen Gisen – Clavier et ordinateurs Hendrik Lasure – Percussions Casper Van de Velde

Assistant caméra Takeiki Flon – Assistante à la mise en scène Justine Lequette – Stagiaire assistante à la mise en scène Shana Lellouch – Création vidéo et lumière et direction technique Artara / Giacinto Caponio – Assistant création vidéo et régie Dimitri Petrovic – Costumes Marie-Hélène Balau – Scénographie Rudy Sabounghi – Assistant scénographie Julien Soulier – Décoratrice Aurélie Borremans – Assistante décoratrice Valérie Perin – Stagiaires décoration Léa Pelletier, Sophie Hazebrouck – Documentation et aide à la dramaturgie Cécile Michel

En tournée à Orléans, Le Mans, Namur, Saint-Etienne…

 

(une autre histoire)

Dans les théâtres, c’est parfois placement libre. Ce n’est pas le cas ici. J’ai choisi nos places. Deuxième rang, 1 et 3. Au centre. C. me demande si je veux échanger nos places. Je lui dis : « Regarde, je suis au centre, on ne peut pas faire mieux. Regarde, la scène, le trait, c’est le milieu du plateau. Je suis pile au milieu. »

Dans les théâtres, c’est parfois pair d’un côté, impair de l’autre. Nous c’est impair. Ce qui est bien, c’est qu’on est au bout des sièges impairs. On n’aura pas à se lever.

Des spectateurs nous demandent de nous lever, parce qu’ils ont une place impaire mais qu’ils sont passés par la porte paire. Des instituteurs n’ont pas fait leur boulot. Tous des feignasses, ces instits !

Un spectateur nous fonce dessus, il veut passer. Mais il a la place 2. Il n’ a pas compris le principe du placement pair/impair. Il s’assoit à côté de moi. Il s’accapare notre accoudoir commun. Une bataille de plus que je perds. Pendant le spectacle, il montre du doigt tel musicien, telle comédienne. Son amie soupire. Le spectateur est nerveux. Il bouge sa jambe, comme l’oncle Pierrot quand il attendait son verre de Ricard. Tout le rang tremble de concert avec lui. Toute la rangée le regarde. Il arrête. Lors des derniers instants de la pièce, il passe un bras autour de son amie, pose ses lèvres sur sa joue. Une fois, deux fois. Elle dit : « Arrête ». Il n’arrête pas. Elle dit : « Arrête ». Il n’arrête pas. Elle se lève et dit : « Je suis Sylvia ! »

 

Vu le samedi 9 novembre 2019 au Théâtre National Wallonie Bruxelles, Bruxelles

Prix de ma place : 30€ (cat.1)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

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