LA CERISAIE (Anton Tchekhov / Tiago Rodrigues / Cour d’Honneur du Palais des Papes / Festival d’Avignon

(de quoi ça parle en vrai)

« Exilée à Paris depuis de nombreuses années, Lioubov, créature insaisissable et lunaire, revient dans son domaine qui doit être vendu pour dette. Pivot tragique de cette pièce qui oscille entre drame et comédie, cette figure maternelle, cette mater dolorosa, interprétée par Isabelle Huppert, retrouve les siens perturbés par l’avenir de la propriété et, plus largement, du monde qu’elle a laissé derrière elle. La société moderne et ses mutations sociales arrive à grands pas. À grand bruit. » (source : ici)

© Christophe Raynaud de Lage

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Tiago Rodrigues… J’ai vérifié, la première chronique écrite sur ce blog n’était pas à propos d’une de ses pièces, mais seulement la deuxième (Antoine et Cléopâtre). J’ai déja moins apprécié une de ses productions (Please Please Please), donc je sais être déçu. J’ai assisté à la dernière de « La Cerisaie » dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes. C’était un peu cette pièce qui avait façonné mon séjour à Avignon cette année, au niveau calendaire. J’ai malheureusement lu ou entendu tout ce qu’on a pu dire ou écrire sur cette pièce. Et ce qui est bien, c’est que je n’aurai pas à aller dans les détails, puisque tout ou presque a déjà été dit (ou la combine du blogueur flemmard).

Tiago Rodrigues était attendu au tournant, à cause de la pièce elle-même, du lieu, de l’annonce faite en début de festival de sa nomination à la tête du Festival d’Avignon dès 2023, ainsi que de la présence d’une certaine vedette française qui lui aurait fait les yeux doux et que je préfère définitivement au cinéma plutôt qu’au théâtre.

Pour une fois, (malheureusement) l’artiste lisboète n’a pas réécrit à sa sauce le texte du bien aimé Tchekhov (et donc cela n’a pas été joliment traduit par Thomas Resendes). J’aurais aimé avoir été une petite souris et assister aux lectures et aux répétitions. Je pense tout haut : « Mais comment peut-on répéter une pièce aussi importante la journée et jouer le soir même du Tennessee Williams ? »

Pour la deuxième fois, Tiago Rodrigues réunit une distribution francophone (hors spectacle conçu pour une école d’art dramatique). Force est de constater que la cohésion me paraissait plus forte pour « Bovary » que pour « La Cerisaie ». Pour « Bovary », le casting était « Bastille-compatible », ici c’est plus « Odéon-compatible » – nombre de comédiens et comédiennes ont joué dans des productions Braunschweig (que je n’aime toujours pas). Donc hormis la joie de retrouver les fidèles David Geselson et Grégoire Monsaingeon, chers à mon coeur, j’eus tout de même la joie de découvrir l’impeccable Océane Cairaty et surtout l’impressionnant Adama Diop qui bouffe tout le reste de la distribution (et sa vedette), de par sa présence et sa voix.

Un de mes moments les plus marquants, quand il crie : « La cerisaie est maintenant à moi ! À moi ! » Adama Diop s’impose, c’est lui la vedette ! A moins que ça soit Tiago Rodrigues qui crie que la Cour d’Honneur est maintenant à lui. Comme si tout était écrit. Que des suppositions, je le concède.

Il était également réjouissant de voir l’émotion de Suzanne Aubert lors des saluts, de la voir embrasser une dernière fois les murs de la Cour d’Honneur quand les trompettes de Maurice Jarre ont retenti. Je fus également amusé par l’apparente décontraction de Tom Adjibi…

Je vois les défauts de la pièce, ses longueurs, sa distribution trop hétéroclite (dans le jeu – Alex Descas et Isabelle Huppert sont ceux qui s’en sortent le moins bien, à mon avis), un manque d’émotion, même quand le vent fort s’invite dans la partie : Lors de la représentation de Sopro au Cloître des Carmes, les larmes m’avaient envahi en voyant les rideaux s’envoler, en écoutant « Wild is the Wind » de Nina Simone. Ici les comédiens font voler pendant un très long moment des mouchoirs (à la Raimund Hogue), des voiles. C’est languissant et vain.

Je vois ces défauts, disais-je, je m’étais tellement préparé à ne pas aimer… et pourtant je ne parviens pas à ne pas aimer ce spectacle. Comme le disent nos amis suisses, je suis déçu en bien. La pièce sera sûrement resserrée pour sa reprise en décembre à Lisbonne, les comédiennes et comédiens auront eu plus l’habitude de jouer ensemble.

(les scènes nationales étant tout de même moins larges que celle de la Cour d’Honneur, les comédien.ne.s auront moins de distance à parcourir… Au contraire de moi, quand je suis passé d’un studio de 16m2 à un deux pièces de 31m2 : le matin, je devais me lever cinq minutes plus tôt, car aller de la salle de bains à ma chambre en passant par la cuisine et mon salon me prenait plus de temps.)

Je ne sais pas si je la reverrai, cette pièce, comme j’ai revu By Heart ou The Way she dies.

« La Cerisaie » c’est aussi un peu la fin d’une époque, le début d’une nouvelle. Quand elle a été écrite et encore aujourd’hui.

LA CERISAIE

Avec Isabelle Huppert, Isabel Abreu, Tom Adjibi, Nadim Ahmed, Suzanne Aubert, Marcel Bozonnet, Océane Cairaty, Alex Descas, Adama Diop, David Geselson, Grégoire Monsaingeon, Alison Valence
Et Manuela Azevedo, Hélder Gonçalves (musiciens)

Texte Anton Tchekhov (Traduction André Markowicz et Françoise Morvan)
Mise en scène Tiago Rodrigues


Collaboration artistique Magda Bizarro – Scénographie Fernando Ribeiro – Lumière Nuno Meira – Costumes José António Tenente – Maquillage, coiffure Sylvie Cailler, Jocelyne Milazzo – Musique Hélder Goncalves (composition), Tiago Rodrigues (paroles) – Son Pedro Costa – Assistanat à la mise en scène Ilyas Mettioui

En tournée notamment à Paris (Odéon) du 7 janvier au 20 février 2022, Clermont Ferrand (juin 2022), Villeurbanne (septembre 2022), La Rochelle (septembre 2022)…

(une autre histoire)

« Ah ! ma cerisaie, ma chère, ma belle cerisaie ! Ma vie, ma jeunesse, mon bonheur, adieu… adieu !… Un dernier regard à ces murs, à ces fenêtres ! »

Pareil.

Vu le samedi 17 juillet 2021 à la Cour d’Honneur du Palais des Papes (Avignon IN)

Prix de ma place : 32,30 €

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

Ps : Cinquantième mois d’existence du blog, quatre-centième article publié. J’aime les nombres ronds. Point final. Et j’ai même pas fait exprès.

YALLA ! (Sonia Ristic / Déborah Banoun / Espace Alya / Avignon Off)

(de quoi ça parle en vrai)

« A la frontière du Liban, face à face, un adolescent palestinien et une soldate israélienne. L’adolescent a une pierre à la main, la soldate le tient en joue. Un instant de temps suspendu, pendant lequel deux monologues intérieurs s’entrecroisent, soufflant un vibrant message d’espoir » (source : ici)

(ceci n’est pas une longue critique, mais…)

J’aime raconter les histoires dans le désordre. Voici donc l’histoire de mon premier spectacle de l’édition 2021 du Festival Off d’Avignon.

Ce n’était pas la première fois que je recevais une invitation pour assister à cette pièce. La Compagnie Jetzt est installée à Romainville, en Seine-St-Denis, pas loin de là où je travaille, et pourtant je n’y suis jamais allé, malgré la présence dans la pièce de Pauline Etienne, que j’ai (re)découverte l’an passé dans la magnifique série « 18h30 », disponible sur Arte.tv. Mais cette fois-ci, je ne me suis pas défilé.

Il s’agit en fait d’une lecture, dans le cadre des plateaux ouverts aux auteurs contemporains et aux artistes, organisés par l’Espace Alya, un lieu que je n’ai pas l’habitude de fréquenter, mais pourquoi pas ? Comme j’arrive un peu en avance pour retrouver un ami, je ne vois pas l’attachée de presse. Je me rends donc à l’accueil pour la presse, qui me renvoie directement à la billetterie. Je me présente, je mentionne « Yalla ! » mais personne ne semble savoir ce que c’est. Je précise qu’il s’agit d’une lecture exceptionnelle. On me donne finalement un billet qui ne s’avèrera pas être le bon (« De toute façon, c’est gratuit ! », c’est ce qu’on me répond). Je discute avec l’ami en question – à Avignon, je mange, bois des coups et discute avec des gens que je pourrais voir à Paris, allez comprendre – et découvre que l’espace de jeu est en extérieur, en plein cagnard, juste à côté de l’entrée qui donne sur la rue très passante Guillaume Puy, pour celles et ceux qui connaissent.

On nous invite à nous installer autour de la longue table (voir affiche). Pauline Etienne et Bachir Tlili sont déjà en place, de part et d’autre de la table, leur cahier en main – c’est une lecture, je le rappelle.

Nous sommes à peine une petite dizaine de spectateurs et je crois que je suis le plus jeune. J’ai mes lunettes de soleil toutes neuves, mais j’ai oublié de mettre de la crème solaire sur mon front qui se dégarnit. Non, évidemment, c’est mon implantation des cheveux, rien à voir. Et nous gardons le masque sur le nez (alors que dans la rue à côté, personne ne se le met, soit dit en passant).

Je ne sais plus qui a commencé à parler. Elle ou lui. Deux monologues, donc. Deux personnes qui se font face. En temps réel, tout se passerait extrêmement vite, mais là nous profitons du détail de leurs pensées, de ce jeune Palestinien et de cette soldate israélienne. Le propos est on ne peut plus d’actualité, comme l’impression que la même pièce aurait pu être écrite, il y a dix, vingt… ans.

Le soleil, dans les yeux, tape fort. Malgré la force du texte, on est quelque peu perturbé par les éléments et les bruits parasites (une parade par ici, des spectateurs par là). Ce n’est décidément pas rendre service aux auteurs contemporains d’organiser cela comme cela. Un coup de vent fait voler les gravillons au sol et la metteuse en scène dit STOP.

Ceci ne fait pas partie du spectacle. C’est abrupt, violent, pour le spectateur, pour les acteurs, mais la metteuse en scène dit STOP. Elle s’excuse, parce que le soleil, parce que le vent, parce que le bruit, parce que la lutte. Elle propose de nous installer ailleurs, un peu plus à l’ombre, de nous servir à boire (ce qui devait être fait un peu plus tard dans la pièce – nous en profitons pour enlever notre masque, sages comme nous étions) et de discuter de ce que nous avions entendu, des avancées des répétitions, de la prochaine création. Pauline Etienne propose de lire la suite, plus calmement. C’est décidé. Bachir Tlili s’allume une cigarette (grâce au briquet de l’ami parisien) et c’est reparti.

C’est bête, mais oui, l’écoute était belle. Il y avait peut-être moins de jeu mais plus d’intensité, cette manière de nous regarder, nous, moi. Le texte fort, mieux entendu. Je ne sais pas si c’est le texte ou les regards de Pauline Etienne et de Bachir Tlili qui m’ont le plus ému. Je ne sais pas si c’est parce que je sais inconsciemment que c’est mon dernier festival en tant que blogueur, qu’il n’y a même pas une semaine, je marchais sur un des chemins de Compostelle et que je me sens encore vidé physiquement et l’impression de ne plus être à ma place, que dedans ma tête, je pense à autre chose ou à quelqu’un d’autre. Parce qu’aussi et surtout cette histoire peut basculer à tout moment, parce que l’issue peut être fatale. J’aime bien l’idée du moment suspendu, parce que c’était tout à fait ça. Je ne sais pas si les comédiens l’ont bien vécu, mais de mon côté, j’ai eu l’impression de vivre un moment rare, impromptu, profond, qui m’a donné envie de voir la création cet automne, pas loin de là où je travaille.

YALLA !

Texte de Sonia Ristic (publié aux éditions Lansman)

Mise en scène de Déborah Banoun

Avec Pauline Etienne, Bachir Tlili

Lumières et régie générale : Pierre Peyronnet – Scénographie : Gala Ognibene, Guillemine Burin Des Roziers

Le 27 novembre 2021 au Pavillon (Romainville) et du 27 au 29 janvier 2022 au Théâtre de l’Opprimé (Paris)

Vu le vendredi 16 juillet 2021 à l’Espace Alya (Avignon) – Festival Off

Prix de ma place : gratuit

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

LES FEMMES DE BARBE BLEUE (Lisa Guez / Théâtre des Carmes / Avignon Off)

(de quoi ça parle en vrai)

« Sur scène, pleines de désir et de vie, les fantômes des femmes de Barbe Bleue nous racontent comment elles ont été séduites, comment elles ont été piégées, comment elles n’ont pas pu s’enfuir… » (source : ici)

© Simon Gosselin (photos 2020 avec la distribution originale)

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Le genre de pièce qui n’a pas eu l’exposition qu’elle méritait à cause de la pandémie. Alors même que ça commençait un peu comme un conte de fées. « Les Femmes de Barbe Bleue » a commencé par se faire connaître dans une petite mais passionnante salle du XVIIIe arrondissement de Paris, le Lavoir Moderne Parisien puis a obtenu les Prix du Jury et des Lycéens du festival Impatience fin 2019, qui devaient lui donner droit à être joué au Festival d’Avignon en 2020. Annulé. Les représentations publiques en Centquatre à Paris, annulées. Heureusement, la pièce est reprise cet été pour quatre représentations dans le Off au Théâtre des Carmes.

Long préambule pour une pièce qui est assurément une belle réussite, notamment grâce à la simplicité de la mise en scène (des chaises sur scène, c’est tout et c’est amplement suffisant, tellement le jeu des comédiennes est remarquable), à une écriture de plateau intelligente, à un propos qui se démarque par sa complexité (ce n’est pas aussi simple de dire non à Barbe Bleue), par la lisibilité du sous-texte (non, ce n’est pas seulement une relecture du conte, mais également une réflexion sur les violences faites aux femmes – même moi, j’ai fait le parallèle, sans même avoir eu besoin de lire la note d’intention), à l’engagement des comédiennes, notamment Ninon Perez qui a repris un des rôles et vole la vedette par son naturel et son humour.

Bref, il ne s’agit pas d’une découverte, puisque j’arrive après la bataille, mais Lisa Guez et ses comédiennes Valentine Bellone, Anne Knosp, Valentine Krasnochok, Ninon Perez, Jordane Soudre sont toutes à suivre. D’ailleurs la Comédie Française a déjà mis le grappin sur Lisa Guez puisque cette dernière y présentera les Leçons de Louis Jouvet en 2022…

LES FEMMES DE BARBE BLEUE

par la compagnie Juste avant la Cie

Mise en scène : Lisa Guez

Interprètes : Valentine Bellone, Anne Knosp, Valentine Krasnochok, Ninon Perez, Jordane Soudre

Dramaturgie : V. Krasnochok

Création lumière : Lila Meynard et Sarah Doukhan – Création musicale : Louis-Marie Hippolyte et Antoine Wilson

En tournée à Lyon du 30/11 au 04/12/21, à Lille du 18 au 22/01/22…

(une autre histoire)

Elle est au premier rang. Je ne vois que son dos, que son crâne, ses cheveux courts. C’est elle ou c’est pas elle ? Elle ne voudrait pas se retourner que je sois sûr et certain ? Non pas que cela ait une importance majeure – pour une fois, je ne parle pas d’une femme que je convoitais ou que je convoite, mais seulement d’une personne avec qui j’ai fait du théâtre, l’année où la pandémie a démarré.

Je ne l’aimais pas. C’est dit, c’est dit. Y a des gens comme ça, rien ne vaut la première impression. Le genre de personnes qui s’impose, qui en fait des caisses, qui prend trop de place. Je le jure, j’ai prié pour ne pas avoir de scène avec elle. Elle a beaucoup écrit cette année-là, comme moi, pour l’atelier et aucun de ses textes n’avait été sélectionné, contrairement à moi (je prends ma pomme et la frotte sur ma poitrine, oui, je me la pète). Elle l’a très mal pris. D’ailleurs, n’avait-elle pas dit qu’elle ne voulait pas dire un texte qu’elle n’aurait pas écrit ? En entendant par là, que le dit texte ne serait pas à sa hauteur. Non, je n’ai pas mal compris.

Je la salue, d’ailleurs, si elle lit ces lignes…

Bref, à la fin du spectacle, elle n’applaudit pas. Oui, c’est elle, la fameuse, pas de doute. J’aurais bien aimé savoir ce qui lui a déplu. Elle n’applaudit pas ce magnifique spectacle. Son non-applaudissement me fait l’effet d’un snobisme, d’une prétention. Les gens ne changent pas. Mais peut-être lui fais-je un procès d’intention ? C’est comme ça qu’on dit ? J’ai découvert récemment qu’il m’arrivait d’employer des mots ou des expressions à mauvais escient.

A la sortie, je rejoins un ami et je la vois. Je vois qu’elle me voit, elle se dirige vers moi et… oh purée, elle me snobe ! Elle tourne ostensiblement la tête de l’autre côté pour ne pas croiser à nouveau mon regard et… Oh purée de patates douces, elle fait comme si je n’existais pas ! J’y crois pas, une personne qui m’insupporte, et humainement et théâtralement, et elle ne me dit pas bonjour ? Je suis choqué !

Je crois que je m’en remettrai.

Vu le samedi 17 juillet 2021 au Théâtre des Carmes (Avignon OFF)

Prix de ma place : 14,50€ (Carte Off)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

INCANDESCENCES (Ahmed Madani / Théâtre des Halles / Avignon Off)

(de quoi ça parle en vrai)

« Une centaine de filles et de garçons ont accepté de rencontrer Ahmed Madani et de lui ouvrir leur cœur. Neuf d’entre eux portent sur la scène les récits trop souvent passés sous silence de vies ordinaires au caractère extraordinaire. Ils n’ont pas froid aux yeux, s’emparent du plateau pour dire ce qui les unit, les sépare, les fragilise, leur donne la force de se tenir debout et d’avancer. Ils s’adressent à nous avec éloquence, fierté, drôlerie, élégance. Un récit universel, joué, dansé, chanté, expression de l’immense joie d’amour qui a engendré notre humanité. » (source : ici)

Photo de couverture © Nicolas Clauss / Photo ci-dessus : © François Louis Ahténas

(ceci n’est pas une critique, mais…)

En fait, je me rends compte que je pourrais seulement copier coller la description de la partie « de quoi ça parle en vrai ». Y a un peu de ça. Une de mes connaissances a participé à un des ateliers organisé par Ahmed Madani mais n’a malheureusement pas été retenue dans la distribution finale. Je ne la connais pas suffisamment pour savoir ce qui est d’elle dans le spectacle. D’ailleurs, on s’en fiche un peu, de savoir si ce que disent ces jeunes est vrai ou pas, si ça leur appartient ou pas. D’ailleurs, question, assument-ils tout ce qu’ils disent quand leurs parents ou leurs amis sont dans la salle ?

Cette pièce, c’est un peu la célébration de la vie. Les récits sont tour à tour touchants, drôles, enlevés, parfois graves… Ahmed Madani sait y faire pour mettre en valeur chacun de ses acteurs (seulement deux d’entre eux ont fait le Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique), retranscrire « la parole du jeune » : famille, amour, sexualité, religion, tout y passe et rien n’est gênant (sauf quand l’une des comédiennes demande au public quand il a perdu sa virginité… ça me fait penser à quelqu’un qui a raconté la sienne dans un podcast, mais c’est une autre histoire…)

Il fait toujours du bien de voir sur un plateau une certaine diversité sociale et physique. J’en parlerai (peut-être) lors de ma chronique à propos de la Cerisaie version Tiago Rodrigues, il est encore mieux de la voir sans que cela soit le sujet. Et ça me gêne toujours un petit peu de voir sur scène toutes les couleurs de peaux représentées, dans une salle remplie de (plus ou moins) vieux bourgeois blancs en bermudas et sandales, mais c’est un autre débat.

Ce fut mon dernier spectacle dans le Off d’Avignon et ça m’a fait du bien. Et même s’il s’agit d’une de ces pièces qui a déjà une tournée longue comme le bras pour la saison 21/22, on a envie de le défendre et d’inciter les gens à se déplacer pour le voir.

INCANDESCENCES

Texte et mise en scène Ahmed Madani

Avec Aboubacar Camara, Ibrahima Diop, Virgil Leclaire, Marie Ntotcho, Julie Plaisir, Philippe Quy, Merbouha Rahmani, Jordan Rezgui, Izabela Zak

Assistanat à la mise en scène Issam Rachyq-Ahrad, création lumière et régie générale Damien Klein, création son Christophe Séchet, création vidéo Nicolas Clauss, regard extérieur chorégraphique Salia Sanou assisté de Jérôme Kaboré, costumes Ahmed Madani et Pascale Barré, coach chant Dominique Magloire

Jusqu’au 30 juillet 2021 au Théâtre des Halles (Avignon Off) puis, notamment, à Bruxelles (du 9 au 27 novembre 2021), Sevran (10/12/21), Bobigny (du 26 au 30 janvier 2022), Libourne, Nîmes, Privas, Poitiers, Mantes la Jolie…

(une autre histoire)

J’aurais dit quoi si la comédienne m’avait demandé à quel âge j’avais perdu ma virginité ? La vérité ? Un mensonge ? Une pirouette ?J’ai perdu ma virginité hier.

– Hier ? Waouh ! Vraiment ?

– Oui, hier, parce que c’est comme si c’était hier, je veux dire, je m’en souviens comme si c’était hier. Mais ce n’était pas hier, hein, que ça soit bien clair !

– On vous croit, on vous croit, quoique, cela aurait été bien original… Et je ne vais pas vous demander comment ça s’est passé, rassurez-vous.

– Mais si, je veux le raconter, j’ai le droit, non ? Tout le monde veut savoir, j’en suis certain ! Ça s’est passé un 20 septembre, elle s’appelait Julia, mais je l’appelais Mademoiselle Julie.

– On va s’arrêter là…

– Et moi, elle m’appelait Alex. Je n’ai jamais osé la contredire, de peur qu’elle s’en aille. Parce que je ne m’appelle pas Alex ni Alexandre…

– Le spectacle doit poursuivre…

– Il faisait nuit et ça s’est passé dans un lit…

– Au secours !

– J’avais mis mon caleçon fétiche…

– Ça va trop loin, j’ai honte…

– Me voilà mélancolique… c’est de votre faute, je vous déteste ! Vite un remède, je n’en puis plus ! Oui, je change d’humeur assez rapidement. Il faut que je consulte, on me le dit souvent. En plus France Inter a arrêté l’émission « Remède à la mélancolie » d’Eva Bester, je ne sais pas comment je vais faire. J’ai envie de chanter.

– Ça ne fait pas partie du spectacle, je précise.

– « J’ai encore rêvé d’elle… »

Vu le lundi 19 juillet 2021 au Théâtre des Halles (Avignon Off)

Prix de ma place : 15,60€ (carte Off)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

UNE FEMME EN PIÈCES – Cząstki kobiety (Kata Weber / Kornél Mundruczó / Gymnase du Lycée Aubanel / Festival d’Avignon)

(de quoi ça parle en vrai)

« Quand la jeune Maja décide d’aller à l’encontre des conventions familiales pour affronter le deuil de son enfant, elle devient une véritable héroïne contemporaine. » (source : ici)

© Christophe Raynaud de Lage

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Pour celles et ceux qui ne le sauraient pas, « Pieces of woman » est également un film en anglais par les mêmes auteurices (Kata Wéber et Kornél Mundruczó), visible sur Netflix. Je l’ai vu, surtout parce que j’avais apprécié les deux films précédents de Mundruczó, même si on y percevait une certaine prétention dans les cadrages et autres plans séquences.

On va dire que la pièce est l’assemblage de deux plans séquences. Mon premier est un accouchement qui tourne mal et mon deuxième une réunion de famille. Mon premier est filmé en direct et projeté sur le mur d’une maison (qui ressemble plus à un mobile home) et mon deuxième, du théâtre bien classique, quoique ultra réaliste avec micros, canard qui cuit dans le four et douche qui fonctionne.

Comment peut-on être à la fois un réalisateur de films qui maîtrise techniquement son sujet et présenter au théâtre une première partie aussi moche au niveau de l’image (rendu médiocre, mise au point très hasardeuse), sans compter les sur-titres qui ne suivaient pas – oui, parce que c’était en polonais – ? Sans parler du temps interminable pour les régisseurs d’enlever les cloisons et transformer le plateau en vrai scène de théâtre. Autant revoir la première partie du film avec Vanessa Kirby et Shia LaBeouf.

Dans la deuxième partie, le temps s’étire, ça se chamaille, la mère est malade, les personnages se mettent à la place de la jeune mère en deuil mais ne la comprennent pas, les personnages masculins sont inexistants (ce qui n’est pas forcément un défaut), les deux soeurs se souviennent de leurs jeunes années en faisant tournoyer un ruban de gymnastique et en écoutant « Felicita », la chanson d’Al Bano et Romina Power (j’ai le 45t), on baille, on apprécie tout de même le jeu nuancé de Justyna Wasilewska alias la jeune Maja, mais ça me passe au-dessus. Je suis un sans-coeur qui ne comprend rien à rien, qui aimerait applaudir et me lever comme c’est un peu la mode cette année, mais non. En matière de repas de famille, on préfère Festen, un autre film adapté en pièce…

UNE FEMME EN PIÈCES – Cząstki kobiety

Avec Dobromir Dymecki, Monika Frajczyk, Magdalena Kuta, Sebastian Pawlak, Marta Scislowicz, Justyna Wasilewska, Agnieszka Zulewska et Łukasz Jara, Łukasz Winkowski (camera and sound on stage)

Texte et adaptation Kata Wéber (Traduction du hongrois Jolanta Jarmolowicz)
Mise en scène Kornél Mundruczó


Dramaturgie Soma Boronkay
Musique Asher Goldschmidt – Scénographie, costumes Monika Pormale – Lumière Paulina Góral – Assistanat à la mise en scène Karolina Gebska…

Jusqu’au 25 juillet 2021 au Festival d’Avignon puis en tournée à Athènes, Rome, Vilnius, Hambourg…

(une autre histoire)

Le ruban de gymnastique… Jamais essayé. C’était pas trop mon fort, la gymnastique. Peur de prendre mon élan, passer par-dessus le cheval d’arçon. Je savais faire la chandelle et la roulade avant, quant au reste… Je ne suis pas très souple. Je me souviens avoir feint la foulure du poignet pour ne pas passer une évaluation au collège avec Monsieur Blanchard. Il fallait concevoir un programme avec des enchaînements imposés… La planche… trois pas… roulade avant… pieds joints… évidemment je n’arrive pas à me remettre debout tout seul… trois pas… un saut de biche… trois pas… je ne sais plus ce que je dois faire… trois pas… Une fois, j’ai fait l’arbre droit, j’étais tout content d’être arrivé à le faire, mais je ne suis pas parvenu à redescendre en roulade avant et plaf le plat sur le dos, le souffle coupé et je suis mort.

Vu le dimanche 18 juillet 2021 au Gymnase du Lycée Aubanel (Avignon IN)

Prix de ma place : 27,97€

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

LA TRILOGIE DES CONTES IMMORAUX (POUR EUROPE) (Phia Ménard / Opéra Confluence / Festival d’Avignon)

(de quoi ça parle en vrai)

« Une performance-conte en tension qui interroge l’identité, le corps et la matière d’une Europe chaotique à l’équilibre fragile. » (source : ici)

© Christophe Raynaud de Lage

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Ne pas relire ce que j’ai écrit à propos de la première partie… Oublier et revoir.

Dans la première partie – Maison Mère, donc, Phia Ménard tente de construire une maison en carton. Ça découpe, ça plie, ça scotche, elle est toute seule pour faire ça, le scotch se décolle, les piquets bougent et tombent, ça me parait plus rapide qu’il y a un an et demi et tout aussi long. Ce qui m’étonne, ce sont les rires que ça engendre. Le rire du désespoir quand rien ne va, quand on se demande quand on va sortir de cette galère. Le personnage toujours aussi punk de Phia Ménard semble en jouer. Une fois debout, cette maison-parthénon s’écroule, toujours aussi rapidement, sous une pluie diluvienne, sous le regard impuissant de Phia Ménard.

Puis, dans la deuxième partie – Temple Père, inédite pour moi, une nouvelle construction, plus élaborée. Cela prend encore une fois un certain temps avant de voir s’ériger ce temple, cette tour. Les quatre personnes en charge répondent aux ordres d’une dame un peu SM sur les bords… La construction est un peu plus carrée, peut-être plus risquée d’un point de vue physique : les cloisons sont parfois instables, les « esclaves » sont à une hauteur non négligeable et ce, sans protection. Phia Ménard joue un peu avec nos nerfs. C’est que la belle image à la fin, ça doit se mériter. Comme je n’ai pas lu la plaquette de présentation, je sais encore moins pourquoi ni comment – rien ne change chez moi de ce côté-là. Ici pas de destruction mais une image stroboscopique tournoyante qui est tout simplement sublime (mais faut attendre plus d’une heure et quart pour la voir)

Dernière partie, beaucoup plus courte, que je ne révèlerai pas, mais Phia Ménard revient, tout en haut de cette tour, descend sans la détruire mais… ALERTE DIVULGÂCHAGE… l’efface.

Ça veut dire quoi, tout ça. Que c’est un éternel recommencement ? Que l’Europe, pour ne pas la citer, n’arrêtera jamais d’être construite puis détruite, puis remontée, etc. Qu’on n’arrivera jamais à trouver une certaine sérénité, pour quelque raison que ce soit ? J’aime bien ne pas avoir de réponses, parfois, surtout quand c’est aussi beau et qu’on sent que ce n’est pas vide et qu’il nous reste un espace à nous, pour nous faire notre petite histoire.

LA TRILOGIE DES CONTES IMMORAUX (POUR EUROPE)

Avec Fanny Alvarez, Rémy Balagué, Inga Huld Hákonardóttir, Erwan Ha Kyoon Larcher, Élise Legros, Phia Ménard

Texte, scénographie, mise en scène Phia Ménard

Dramaturgie Jonathan Drillet

Lumière Éric Soyer, Gwendal Malard – Son Ivan Roussel, Mateo Provost – Costumes Fabrice Ilia Leroy, Yolène Guais – Matières Pierre Blanchet, Rodolphe Thibaud – Construction, accessoires Philippe Ragot – Assistanat à la mise en scène Clarisse Delile

Jusqu’au 25 juillet 2021 au Festival d’Avignon puis en tournée à la MC93 Bobigny du 6 au 12 janvier 2022, à Bayonne du 4 au 5 mars 2022, à Rennes du 28 avril au 5 mai

(une autre histoire)

Un couple, la trentaine bien tassée, arrive avec l’enfant sur les épaules. L’enfant n’a pas plus de trois ans. Pour voir trois heures d’un spectacle de Phia Ménard. A la fin, la mère prend en photo l’enfant en train d’applaudir. Non non non, ne jugeons pas, ne jugeons pas… Il est certain que la place de théâtre a certainement coûté moins cher qu’une gardienne d’enfants et… Je me tais. Je ne veux pas juger. Chacun fait fait fait ce qu’il lui plaît plaît plaît.

Mais même, sans parler de ce que peut ressentir un enfant de cet âge devant un tel spectacle. C’est quoi ton projet quand tu fais ça ? Passer ton temps, toutes les cinq minutes, à observer ta gamine, voir si elle dort, si elle n’a pas besoin de boire, si elle est bien assise, si elle préfère être avec Papa ou Maman, et une gamine, à cet âge-là, ça ne peut pas attendre trois heures sans aller aux toilettes, donc le ou la parent est obligé.e de sortir, de rater l’inratable. Mais pourquoi tu viens en fait ? Autant voir La Cerisaie sur internet, au moins, tu peux arrêter quand tu veux. Tu mets le son à fond, tu mets les ventilos force 10 pour le vent…

Ou alors ils veulent que leur enfant devienne architecte. C’est pour ça qu’ils lui montrent le spectacle de Phia Ménard. Architecte… J’en aurais à dire sur les architectes. Sur une architecte. Le spectacle dure 3 heures. La gamine a à peu près 3 ans et ça fait 3 ans que… Ça va trop loin, il faut que j’arrête ! C’est de leur faute aussi et l’autre là, avec son chapeau de paille pour cacher sa calvitie, mais tu es ridicule ! VADE RETRO MELANCHOLIA !

Vu le lundi 19 juillet 2021 à l’Opéra Confluences (Avignon IN)

Prix de ma place : 27,98€

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

LA RONDE (Arthur Schnitzler / Natascha Rudolf / Présence Pasteur / Avignon Off)

(de quoi ça parle en vrai)

« 10 rencontres amoureuses, 5 femmes et 5 hommes passant de bras en bras, dans un jeu de pouvoir et de séduction virevoltant, cruel et drôle : La Ronde de Schnitzler, écrite en 1897, déclencha le plus long scandale de la littérature allemande et fut interdite de représentation durant deux décennies ! » (source : ici)

© Laurent Cibien

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Une petite précision pour les personnes qui ne seraient pas des habituées du Festival Off d’Avignon : le Off, c’est aussi des spectacles qui se jouent dans des salles de classe avec 16 spectateurs, l’appareil de climatisation en guest star et le tableau vert à craie en fond de scène… Comment un « théâtre » peut-il oser proposer de jouer dans ces conditions ? C’est un autre débat.

Le dispositif est trifrontal (des chaises sont installées devant, à gauche et à droite de l’espace de jeu). La pièce se joue en mode dit nomade (un seul praticable de jeu au centre, quelques chaises et accessoires, zéro lumière). Je ne suis ni metteur en scène ni scénographe, mais ça me gêne toujours de voir des spectacles dans d’autres lieux que des théâtres, dans lesquels on n’intègre pas le lieu où on joue. Exemple extrême, le Théâtre du Peuple (à Bussang) où le cahier des charges exige des metteurs en scène d’inclure dans leur mise en scène la fameuse ouverture en fond de scène sur la forêt. Je dis ça et ça me choque tout autant quand les metteurs en scène n’utilisent pas les murs rouges, empreints d’histoire des Bouffes du Nord.

La pièce commence et je me dis « aïe ». Non pas qu’Arnaud Chéron – qui prend la parole en premier – joue mal, mais je ne suis plus habitué à cette façon de jouer. Je crois que j’ai pris des mauvaises habitudes, de voir des pièces ultra-réalistes ou avec une scénographie de dingue. Et là, je suis dans une salle de classe avec deux acteurs qui ne déméritent pas, j’y reviendrai, mais dont le jeu est légèrement excessif (pour moi) et qui n’arrêtent pas de se déshabiller et de se rhabiller, selon les besoins de la pièce. Et je pense, sincèrement, que si je l’avais vu dans d’autres conditions, j’aurais mieux accueilli ce spectacle.

Cela étant dit… Les comédiens jouent les différents personnages, sans toutefois chercher à tout prix à les différencier les uns des autres, ce qui n’entame en rien la compréhension de la pièce – la règle du « on voit A et B dans la scène 1, puis B et C dans la scène 2, puis C et D dans la scène 3, etc » est à mon sens comprise par le spectateur. Et c’est tant mieux ainsi, ce côté sobre me plaît et cela met en avant l’idée qu’en termes de séduction et de pouvoir, on est un peu tous pareil. Quand on est dans l’intime, quand la voix se fait plus bas, c’est tout de suite plus captivant. Et Fanny Touron et son comparse traduisent bien cette impression de ne jamais en finir, comme si on était enfermé avec eux dans une même boucle temporelle (même si l’action se déroule le temps d’une nuit). L’adaptation de la pièce pour deux comédiens (là où elle en requiérait dix) est plutôt maline, sans chercher à faire trop le malin pour trouver des transitions entre les différentes scènes.

Ça commençait mal et pourtant le temps (de la pièce et pour écrire cette chronique) a agi sur moi comme un baume. Peut-être aussi parce que j’ai toujours été malade dans les manèges, en parlant de ronde, ça doit être pour ça.

LA RONDE

Auteur : Arthur Schnitzler

Metteuse en scène : Natascha Rudolf (Compagnie Ligne 9 Théâtre (L9T))

Avec Fanny Touron, Arnaud Chéron

Création lumières et Regisseur technique : Luc Jenny

Jusqu’au 27 juillet 2021 à Présence Pasteur (Avignon Off) et en tournée…

(une autre histoire)

Il y a cinq ans, j’ai passé un mois à Lisbonne, pour écrire. Rien ne sortait. Je suis alors allé à la Cinemateca Portuguesa de Lisbonne voir « La Ronde » de Max Ophuls. Tout s’est ensuite débloqué. Cette structure m’avait inspiré. Ça commençait par un acteur qui ne voulait plus monter sur scène, que dis-je, qui ne pouvait plus. Son corps allait le lâcher, c’était une question de vie ou de mort. Il est finalement monté sur scène et il en est mort. Nous le retrouvons dans la scène suivante dans son cercueil, entouré par trois personnes, un fils inconnu, un régisseur et sa partenaire de jeu. Dans la troisième scène, le fils inconnu est au téléphone avec sa mère. Dans la quatrième scène, sa mère, etc.

J’ai tout mis à la poubelle. Ce n’était pas bon, tout simplement. Mais j’étais content d’avoir écrit, juste écrire. Jamais je n’avais écrit aussi rapidement une histoire. C’était nul, mais c’était pas grave. L’écriture n’est pas une science exacte. J’étais venu à Lisbonne pour écrire et j’ai écrit.

Vu le dimanche 18 juillet 2021 à Présence Pasteur (Avignon Off)

Prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

LE CABARET DES ABSENTS (François Cervantes / le 11. Avignon / Avignon Off)

(de quoi ça parle en vrai)

« Nous connaissons tous des gens qui n’ont jamais passé la porte d’un théâtre, mais pour qui, pourtant, nous continuons à faire du théâtre. Un théâtre, sauvé de la destruction, est confié à un passionné d’art qui y invente une aventure hors du commun. A la fois maison et salle de spectacle, ce théâtre ouvert tous les jours est une sorte de cabaret où les soirées sont des mosaïques de moments inattendus, qui naviguent entre rires et émerveillement. » (source : ici)

© Christophe Raynaud de Lage

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Six comédien.ne.s sont sur scène et commencent à nous narrer l’histoire de ce théâtre un peu particulier, des personnages qui le hantent ou le fréquentent ou qui n’y sont jamais entrés. On est assez rapidement étonné par le ton des acteurices (je fais des tests au niveau de l’orthographe, oui) très neutre, voire trop neutre et très scolaire. Nous n’avons pas Philippe Caubère devant nous et comme le texte de ce conte n’est pas des plus captivants à mon goût, on a des difficultés à se raccrocher à l’histoire de Tagada un enfant abandonné et des autres personnages, malgré la simplicité et la variété des voix.

Ces histoires sont rapidement entrecoupées de numéros de cabaret, comme on en voyait « à l’époque », à la qualité malheureusement assez aléatoire, les numéros chantés étant les plus faibles. Heureusement, la grâce du danseur Sipan Mouradian, la verve d’Emmanuel Dariès (quel bonheur d’entendre cet accent, sans que cela soit un artifice) et le génie comique de Catherine Germain alias la clown Arletti réactivent notre intérêt. Ce personnage de clown est la pépite de ce spectacle – je m’en veux de ne pas l’avoir connue avant et je ne serai pas étonné si j’apprenais qu’Edith Proust et son Georges avait fait une formation auprès de Catherine Germain, tellement j’ai vu de similitudes.

Plus haut, je parlais du ton neutre des récitants, comme pour prendre par surprise le spectateur devant leur numéro, parfois extraordinaire. Il est dommage de n’avoir pas su mieux doser ces instants magiques et poétiques et écourter d’autres un peu trop longs – je suis peut-être injuste pour le coup (je m’excuse tout le temps, faut que j’arrête avec ça)

A la fin du spectacle (d’une durée de 2h quand même), on m’a demandé ce que j’en avais pensé. Je déteste ça, de dire ce que j’en pense. J’avais encore en tête cette clown si drôle, ce repas sur scène… J’aurais dû dire qu’il s’agissait d’un spectacle prometteur mais malheureusement pas à la hauteur de ses ambitions. On va dire ça comme ça.

LE CABARET DES ABSENTS

Texte et mise en scène François Cervantes

Avec Théo Chédeville, Louise Chevillotte, Emmanuel Dariès, Catherine Germain, Sipan Mouradian, Sélim Zahrani

Création son et régie générale Xavier Brousse – Création lumière Christian Pinaud – Régie lumière Bertrand Mazoyer – Création costumes, masques et perruques Virginie Breger – Construction Cyril Moulinié

Production L’entreprise – cie François Cervantes

Jusqu’au 29 juillet 2021 au 11.Avignon (Avignon Off), puis à Marseille du 23 au 30 septembre, à Montpellier les 5 et 6 octobre…

(une autre histoire)

Le théâtre dont parle François Cervantes, c’est le Théâtre du Gymnase, à Marseille. Il se trouve dans une rue perpendiculaire à la Canebière, près du lycée Thiers.

Je suis né à Marseille, j’y ai vécu les vingt-cinq premières années de ma vie puis je suis monté à la capitale, comme on dit. Aujourd’hui, mes parents n’y vivent plus, la mère de mon père est décédée et mon coiffeur est à la retraite. Plus aucune raison d’y retourner, si ce n’est de saluer certains amis, parfois. Mais je consulte toujours les programmations des théâtres marseillais, on ne sait jamais, des fois que j’aurais envie de descendre le temps d’un weekend voir un spectacle, la mer, boire un verre à la Caravelle avec vue sur la Bonne Mère ou me promener dans des quartiers que je ne reconnaîtrais plus.

Je ne sais pas si Marseille me manque. Je ne sais pas si j’aurais envie d’y revenir.

Je ne sais pas ce que je veux, c’est peut-être ça le problème. Je n’ai jamais su, en fait. Voilà le noeud.

Et le temps passe…

Vu le dimanche 18 juillet 2021 au 11. Avignon (Avignon Off)

Prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

LE BONHEUR DES UNS (Côme de Bellescize / Les Béliers / Avignon Off)

(de quoi ça parle en vrai)

« Pourquoi ce couple ne parvient-il pas à se sentir heureux ? Ils ont tout pour, mais ça ne veut pas ! En pleine tempête existentielle, ils partent en quête de ce bonheur tant convoité, et rendent visite à des voisins aussi heureux qu’énervants. La comédie légère fait alors place à une farce corrosive, où lorsque le bonheur des uns fait le malheur des autres, la relaxation, la bienveillance et la résilience ne suffisent plus à masquer les traumatismes anciens ni à dompter les monstres intérieurs…» (source : ici)

© Alain Szczuczynski

(ceci n’est pas une critique, mais…)

La pièce commence sur les chapeaux de roue, avec des gueules, celles de David Houri et Coralie Russier, le teint gris, leurs personnages ne sont pas heureux et ne comprennent pas pourquoi. Tout l’inverse de leurs voisins interprétés de manière excessive et drôle par l’incroyable Éleonore Joncquez et Vincent Joncquez, couple bobo fengshui, qui cache évidemment le secret de leur « bonheur ». L’opposition des deux couples est assez jouissive, on rit de bon coeur, on y critique cette injonction au bonheur, par l’intermédiaire notamment du développement personnel et autre méditation de pleine conscience (Jean-Mimi Blanquer, si tu me lis, émoticone clin d’oeil) mais on pressent que Côme de Bellescize ne peut pas et ne veut pas se contenter d’une pièce juste drôle et grinçante. Un virage plus dramatique est négocié au milieu de la pièce : un raisin sec va enrayer quelque peu cette machine huilée. Les rôles s’inversent, le vernis s’écaille, des longueurs apparaissent, le rire se fait plus rare et cela me convainc moins, je ne parviens pas à me l’expliquer autrement. (je suis au summum de mon talent critique)

Il reste une comédie légèrement dramatique bien écrite et interprétée, notamment par Eléonore Joncquez à l’abattage impressionnant.

Soit dit en passant, la pièce est une mine de petites phrases que l’on pourrait très facilement s’approprier : « Ma vie est un frididaire vide », « Derrière chaque bonheur, il y a un enfant mort. », « Carpe Diem… mais sur plusieurs jours. », « Je t’ordonne d’être résilient. » , « Le bonheur, c’est être étanche au malheur des autres. »

LE BONHEUR DES UNS

Ecriture et Mise en scène : Côme de Bellescize
Avec David Houri, Eléonore Joncquez, Vincent Joncquez, Coralie Russier

Scénographie : Camille Duchemin – Costumes : Colombe Lauriot-Prévost – Lumière : Thomas Costerg – Son : Lucas Lelièvre – Régie générale : Manu Vidal

Jusqu’au 31 juillet 2021 au Théâtre des Béliers (Avignon Off) et en tournée…

(des tweets)

* Parqué dans la file d’attente, au soleil, proie facile des tracteurs et tractrices, j’écris un tweet pour éviter qu’on vienne me parler…

* – Bonjour, puis-je vous parler d’un spectacle au 11. ?

– Désolé, je pars cet après-midi.

– Ok, pas de souci…


– Non mais c’est vrai, je pars vraiment, là, dernier café, dernière glace et zou je pars ! C’est pas un mensonge : je ne mens jamais, je fuis mais ne mens pas !

* À part ça, une amie m’a donné le bonjour d’un de ses amis qui me suit sur Twitter. Il apprécie mes tweets. Mais alors pourquoi n’a t-il jamais liké mes tweets, hein ? J’aurais eu alors plus de visibilité et crevé mon plafond de verre : dépasser les 500 followers, c’est pas cher payé, quand même ! Moi aussi j’ai droit au bonheur et à un teléphone qui n’en peut plus de vibrer, tellement je suis liké et retweeté. Je veux de l’amour, je veux du bonheur ! Oui, j’ai le droit !  Je ne demande pas grand chose. Je ne fais pas ça pour ça, mais quand même ! J’ai même pas de chat, comment je vais faire sinon ?

Vu le dimanche 18 juillet 2021 au Théâtre des Béliers (Avignon Off)

Prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

LOSS (Noëmie Ksicova / le 11. Avignon / Avignon Off)

(de quoi ça parle en vrai)

« Une scène d’anniversaire en famille. Rudy, 17 ans, s’adresse à nous. Plus tard, il se jettera sous un train. Puis, sa petite amie rendra visite à ses parents. Loss parle de la survie de ceux qui restent après. Une fable d’aujourd’hui. Comment survit-on après la mort d’un proche ? Est ce que l’unique destin d’un mort est son inexistence ? Chez la famille Guyomard, le temps s’arrête d’abord. Puis quelque chose de neuf apparaît. La petite amie jouera un rôle crucial dans cette histoire. » (source : ici)

© Simon Gosselin

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Moi, à 11h du matin, je vois une pièce sur le deuil et je me sens bien pour tout le reste de la journée. Il n’y a pas d’heure à Avignon, que cela soit écrit.

La pièce de Noëmie Ksicova est constamment sur le fil. Elle peut agacer par son côté « j’ai un micro, donc je chuchote, je suis hyper réaliste, regarde comme il ne se passe pas grand chose dans ma pièce… », pourtant, et heureusement, c’est contrebalancé par ces moments où, dans la première scène, Rudy nous parle directement de son quotidien, ou bien quand son fantôme, dans les scènes suivantes, apparait et disparait presque aussi instantanément.

Pour être honnête, la pièce a failli me perdre dès la deuxième scène (dans laquelle la famille accuse le coup après la disparition du personnage central). Elle est longue, répétitive, tranche complètement avec le réalisme du début de la pièce. Pourtant, comme dans les montagnes russes, quand ça s’arrête, ça va mieux. Ça ne se fait pas immédiatement. Le temps de reprendre le rythme de ces scènes où on parle tout bas, quand la petite amie de Rudy prend progressivement sa place dans la famille. Surtout dans ces moments hyper délicats et sensibles dans lesquels le père et la mère demandent à Noëmie, la petite amie, de parler, de marcher comme leur fils disparu. Noëmie, comme le prénom de l’autrice et de la metteuse en scène…

« Loss » n’est pas une pièce facile. Trois jours après l’avoir vue, il m’en reste encore quelque chose. C’est ça qui est important.

LOSS

Texte Noëmie Ksicova en collaboration avec Cécile Péricone et les comédiens

Conception et direction artistique Noëmie Ksicova 

Mise en scène Noëmie Ksicova, Cécile Péricone

Avec Lumir Brabant, Anne Cantineau, Juliette Launay, Antoine Mathieu, Théo Oliveira Machado et Noëmie Ksicova

Lumière Annie Leuridan – Musique Bruno Maman – Scénographie Céline Diez – Son Morgan Marchand – Régie lumière et régie Générale Louise Rustan – Regard Dramaturgique ponctuel Camille Louis – Regard chorégraphique ponctuel Johann Amselem

Production Compagnie Ex-Oblique 

Jusqu’au 29 juillet 2021 au 11. Avignon (Avignon OFF), puis au Théâtre de l’Oiseau Mouche avec la Rose des Vents à Lille/Villeneuve d’Ascq du 1e au 3 février 2022 et aux Célestins à Lyon du 17 au 29 mai 2022

(d’autres histoires)

* Pourquoi donc « Loss » et pas « Perte » ? Peut-être parce qu’une autre pièce, « Perte », se joue à la Scala ? En allemand, on l’aurait appelée « Verlust » (prononcer : faire-loust). Si on inverse les deux syllabes, cela donnerait « lustver »… comme dans « Lust for Life », « envie de vie ». Drôle, si je puis dire, pour une pièce qui parle du deuil. (oui, un peu capillotracté celle-ci, j’en conviens)

* Elle s’approche de nous et nous parle de sa pièce : « Un peu comme « Loss », mais avec une autre écriture. » Ai-je envie de voir une autre pièce sur le deuil, sachant qu’un des spectacles dans le In (« Une femme en pièces » de Kornél Mundruczó), au thème similaire, est aussi à mon programme ?

* Je suis très heureux, parce que je n’ai plus à prendre de plan pour me déplacer à Avignon Intra Muros. Au Bureau du Off, on m’a bien proposé un plan, mais j’ai refusé d’un tout petit geste de la main : « Je connais, merci mais non merci ». Il m’a fallu seulement vingt ans… En revanche, je ne sais jamais où bien manger. A dans vingt ans !

Vu le samedi 17 juillet 2021 au 11. Avignon (Avignon Off)

Prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

NORMALITO (Pauline Sales / le 11. Avignon / Avignon Off)

(de quoi ça parle en vrai)

« La maitresse demande à tous les élèves de sa classe de CM2 d’inventer leur superhéros. Lucas dessine Normalito le superhéros « qui rend tout le monde normaux ». Iris, enfant précoce, tente de se rapprocher de Lucas, elle qui aimerait tant devenir normale. Les deux enfants, que tout sépare, apprendront à se connaître. Le jeune duo va fuguer et rencontrer Lina, la dame pipi des toilettes de la gare. À travers cette fable sur la normalité et la différence, nous abordons la tolérance, l’empathie. Ne sommes nous pas tous différents et tous semblables ? » (source : ici)

© Arianne Catton Balabeau

(ceci n’est pas une critique, mais…)

D’abord une commande de Fabrice Melquiot à Pauline Sales : écrire sur les « supernormaux ». Comme une évidence, puis la promesse d’un spectacle de qualité. Ensuite une crainte, toujours la même, voir des acteurs adultes jouer des enfants de dix ans. Celle-ci est assez rapidement dissipée grâce au jeu nuancé de Cloé Lastère et au dynamisme d’Antoine Courvoisier (même si parfois un peu en force, j’ai trouvé). On y croit. On oublie aussi qu’ils sont sensés n’avoir que dix ans, mais on y croit quand même.

Toujours cette précision et cette ingéniosité dans la mise en scène de Pauline Sales, aidée cette fois-ci par la scénographie de Damien Caille-Perret, toute en portes qui grincent, de cuvette de toilettes roulante et de trouvailles étonnantes.

L’histoire se scinde en deux parties. Premièrement, ces deux solitudes qui ne se retrouvent pas dans leurs familles respectives, un brin caricaturales : le garçon normal dans une famille CSP+ bobo/écolo/machinchoso et la fille surdouée dans une famille tout droit sortie du roman de Roald Dahl « Matilda », qui regarde « Plus belle la vie » en mangeant des macaronis. Deuxièmement, la fuite, le jeu de cache-cache dans des toilettes publiques tenues par une certaine Lina, jouée finement par un Anthony Poupard étonnant, dans tous les sens du terme. Il faut s’habituer à cette rupture de ton et ce changement de direction dans la narration, mais au fond, on parle toujours du même sujet : C’est quoi être normal et/ou ordinaire ? D’abord, est-ce que ça existe ?

(et puis, mine de rien, ça aborde aussi le thème de la transsexualité, toujours avec sensibilité et sans en rajouter)

A la fin, on applaudit, on sourit. Purée, j’ai souri ! Je crois que j’étais content.

NORMALITO

Texte et mise en scène Pauline Sales

Avec Antoine Courvoisier, Anthony Poupard, Cloé Lastère

Régie lumière Grégoire de Lafond et Xavier Libois – Régie son Christophe Lourdais et Fred Buhl – Scénographie Damien Caille-Perret – Costumes Nathalie Matriciani – Lumière Jean-Marc Serre – Son Simon Aeschimann – Maquillage/Coiffure Cécile Kretschmar

Production Théâtre Am Stram Gram (commande de Fabrice Melquiot) – Genève et A L’ENVI – Coproduction Le Préau CDN de Normandie – Vire 

Jusqu’au 29 juillet 2021 au 11. Avignon (Avignon OFF) et en tournée, : notamment à Paris aux Plateaux Sauvages (les 1e et 2 octobre), à Brest (7 et 8 octobre), Caen (15 et 17 décembre), Lyon (du 10 au 14 mai 2022)…

(d’autres histoires)

* Je suis un homme blanc, hétérosexuel, cis (je crois que c’est comme ça qu’on dit), d’âge aujourd’hui moyen, gagnant ma vie correctement, même si c’est pas ouf. Je ne suis ni trop beau ni trop laid, je suis également d’intelligence moyenne, contrairement à ma pilosité qui ne l’est pas. Et pourtant je ne me trouve pas normal. C’est normal, docteur ?

* Avant d’arriver, je vérifie mon courriel de confirmation. Je remarque que j’ai demandé une place pour le vendredi 18 juillet – nous sommes le samedi 17. L’attaché de presse m’a réservé une place pour le dimanche 18 – nous sommes toujours le samedi 17. Je sue, j’angoisse. Je dois voir la pièce avec une amie, mais comment vais-je faire ? J’ai mal au ventre, impossible d’aller aux toilettes. Il est 9h30, je n’irai qu’en rentrant à l’hôtel vers 1h du matin. Oui, je sais, je sais, ne me regardez pas avec des yeux comme ça ! Tout rentre dans l’ordre, j’ai finalement ma place, grâce à une personne en charge, conciliante. Je me fais toute une histoire pour pas grand chose, c’est normal, docteur ?

* L’ongle noir, sur le deuxième orteil, c’est normal, docteur ? Mes insomnies, ces rêves où je rêve toujours de la même personne, ma vessie… oui non ça je sais… mon absence d’envie de rencontrer des nouvelles personnes, des pertes de mémoire, et pas que les mots, ces absences, ces oublis, cette façon de répéter trois fois les mêmes choses, mais en employant des mots différents, c’est normal, docteur ?

Vu le samedi 17 juillet 2021 au 11. Avignon (Avignon OFF)

Prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

LIFE ON MARS ? (Cie Thespis / La Factory / Avignon Off)

(de quoi ça parle en vrai)

« Pendant qu’une mission spatiale pour la planète Mars se prépare, des migrants se font former pour devenir auxiliaires de vie. Pour rompre sa solitude, un homme achète les services d’une escort-girl. Dans une entreprise, trois collègues confient à un consultant leurs difficultés à communiquer en open-space. » (source : ici)

© Thespis

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Autant le dire tout de suite, les solitudes contemporaines – le thème de cet assemblage de saynètes – ça me parle. Et c’est un peu ça qui m’a convaincu de voir cette pièce, créée collectivement par la (jeune) compagnie lyonnaise Thespis. Les écritures collectives, ça me parle aussi (pour des raisons que je n’expliquerai pas ici) et je sais qu’il est aussi excitant d’écrire au plateau (grosso modo, le spectacle s’écrit à partir des improvisations faites par les comédiens), qu’il est difficile de bien retranscrire toutes les bonnes idées issues d’improvisations. Car il faut préciser : les bonnes improvisations ne font pas forcément les bons spectacles.

Quand je vois ce que font Lisa Guez (Les Femmes de Barbe Bleue), Pauline Bureau (Féminines) ou Jean-Christophe Meurisse avec les Chiens de Navarre, on perçoit qu’il y a un vrai travail de réécriture. Or dans « Life on Mars ? », je ressens (et je me trompe peut-être) qu’il n’y a qu’une retranscription. Et même si les acteurs sont toutes et tous compétents, parfois drôles et toujours investis, cela ne m’a pas suffi.

On aurait également voulu que les situations soient plus exarcerbées, que cela soit plus saignant. Il y a de bonnes idées, comme ce sketch drôle en trois parties autour d’un mug jaune, objet de la discorde entre trois membres d’un C.E. ou encore cette scène assez émouvante, directement inspirée d’un épisode de Black Mirror ou Real Humans, dans laquelle une femme seule a commandé un humanoïde dont elle va s’éprendre (développement un poil rapide, mais très bien joué).

Je parais peut-être injuste, surtout parce que je suis déçu, parce que j’aurais voulu aimer ce spectacle. J’ai eu d’ailleurs beaucoup de difficultés à écrire ces quelques phrases, pour vous dire la vérité. Et je n’ai toujours pas compris ce que faisait ce tronc de cocotier au milieu de la scène, c’est peut-être pour ça aussi…

LIFE ON MARS ?

par la Compagnie Thespis

Mise en scène : Thai-son Richardier

Avec : Amandine Barbier, Titouan Bodin, Loïc Bonnet, Benoit Ferrand, Mellie Melzassard

Scénographie : Anabel Streihano – Lumière : Bastien Gérard – Costumes : Lysiane Clément

Jusqu’au 31 juillet 2021 à la Factory – Salle Tomasi (relâche les 19 et 26 juillet) – Avignon Off

(une autre histoire)

J’écris ces quelques mots dans un hôtel « Première Classe », en banlieue d’Avignon. Et je suis seul. A côté de moi, un deuxième lit sur lequel j’ai posé divers documents, mon sweat, mon sac, mes chaussettes. Et je suis seul. Les gens passent devant ma chambre, en parlant fort, sans même prendre la peine de baisser d’un ton en passant devant la porte de ma chambre.

Est-ce que vous pourriez pleurer ou au moins avoir la tête qui se penche vers la gauche, la bouche en coeur ? Ooooooh… le pauvre ! Vous vous dites ça ? Vous vous dites ça ?

Je suis à plaindre, hein ? Je suis l’homme le plus malheureux du monde. Bichette… Qu’est-ce que je pourrais écrire d’autre ? Hier matin, j’ai attendu cinq minutes, assis tout seul à une table en terrasse et personne n’est venu me servir. Je suis reparti comme je suis arrivé, seul et sans mon café. Vous pleurez, là ?

JE VIS ENCORE CHEZ MES PARENTS, OK ? Le summum de ma semaine, c’est quand ma mère me prépare du gratin de courgettes le lundi midi !

Ah voilà, enfin. De la compassion, de l’empathie, même. Je peux donc m’arrêter.

Vu le vendredi 16 juillet 2021 à la Factory – Salle Tomasi (Avignon Off)

Prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

AVIGNON OFF 21 (une micro-sélection)

C’est un peu à la dernière minute que je me suis décidé. L’année 2021 et Avignon ont quelque chose de symbolique pour moi et je ne pouvais décemment ne pas faire un petit saut là-bas, même si je n’y reste que trois petits jours. Malgré la fatigue, malgré le masque que nous devrons porter toute la journée dans les rues avignonnaises, je répondrai présent. Pour le In et pour le Off. Même si j’ai choisi ces 72 heures en fonction d’un seul spectacle – La Cerisaie par Tiago Rodrigues dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes, je ne manquerai pour rien au monde de découvrir des spectacles dans le Off.

Pour être honnête, j’ai eu des difficultés à composer mon programme, malgré le bon millier de spectacles que nous propose le Off. Même dans les théâtres que je fréquente assidument, comme le Train Bleu, le 11 ou la Manufacture, je n’ai pratiquement pas eu d’envies évidentes. Par ignorance sûrement, par manque de curiosité certainement. Elle est particulière, quand même, cette année !

Voici donc une très courte sélection des spectacles (16) que je verrai ou pas durant mes trois petits jours de festival… (du 16 au 19 juillet)

(crédits photos : © Arianne Caton Balabeau – © Margot Briand – © François-Louis Ahténas – © Simon Gosselin)

NORMALITO par Pauline Sales au 11. (du 7 au 29 à 9h45 – relâches les 12, 19, 26)*

Celui-là, ça fait longtemps que je veux le voir. J’avais même ma place aux Plateaux Sauvages, mais covid oblige… Séance de rattrapage, donc, pour le texte de Fabrice Melquiot, la mise en scène de Pauline Sales (qui écrit aussi très bien et dont j’attends avec impatience « Les femmes de la maison » au TGP Saint-Denis la saison prochaine), le jeu tout feu tout flammes (je ne sais pas, j’avais envie d’écrire cette expression) d’Anthony Poupard…

HOME – Morceau de nature en ruine de Magrit Coulon au Théâtre des Doms.(du 5 au 27 à 10h – relâches les 8, 15 et 22)

Des jeunes qui jouent des vieux, du théâtre mâtiné de documentaire. Parce que c’est belge.

INCANDESCENCES d’Ahmed Madani aux Halles (du 7 au 30 à 11h – relâches les 13, 20 et 27)*

J’avais été plutôt refroidi il y a deux ans par une de ses pièces, mais comme je souviens encore de F(l)ammes et que cette pièce appartient à la trilogie « Face à leur destin », on fait confiance.

LOSS de Noëmie Csikova au 11. (du 7 au 29 à 11h30 – relâches les 12, 19 et 26)*

Parce qu’on me l’a conseillé et je crois que j’aurai besoin d’un soutien moral après cette pièce… Je crois que ça parle d’une perte, mais pas de clés.

(crédits photos : © DR – © Roland Baduel – © DR – © DR)

LA RONDE par Natacha Rudolf à Présence Pasteur (du 7 au 27 à 12h30 et 15h10 – relâches les 10, 17 et 24)*

Parce que j’ai d’abord vu le film de Max Ophüls, dont la structure m’inspire toujours quand j’écris. Parce que la pièce est mise en scène par Natacha Rudolf, la directrice du Théâtre de la Noue à Montreuil et que Montreuil et moi, c’est une longue histoire.

UN DÉMOCRATE de Julie Timmermann à la Condition des Soies (du 10 au 20 à 12h45 – relâches les 12 et 19)

Parce que je l’avais raté il y a deux ans et que je le raterai encore cette année. J’ai envie de dire que cette pièce est plus que d’actualité, mais comme je ne me réfère qu’au titre, je ne suis pas bien sûr.

LE BONHEUR DES UNS de Côme de Bellescize au Théâtre des Béliers (du 7 au 31 – relâches les 12, 19 et 26)*

Pour découvrir l’écriture de Côme de Bellescize. Deuxième pièce qu’on me recommande… Je ne comprends pas, j’ai l’impression que je fais de plus en plus confiance aux gens cette année. Et je ne sais absolument pas de quoi il retourne.

YOURTE par la Compagnie Les Mille Printemps au Théâtre des Carmes (du 6 au 25 à 16h30 – relâches les 12 et 19)

Utopie, jeunesse, écologie, un monde nouveau ? Le genre de pièces dont j’ai beaucoup entendu parler lors de son passage au Théâtre 13 et… ben, ça ne sera pas cette fois non plus que je la verrai.

(crédits photos : © DR – © Katell Paugam – © Simon Gosselin – © DR )

LE DISCOURS par Emmanuel Noblet au Théâtre des 3 Soleils (du 7 au 31 à 16h55 – relâches les lundis)*

Parce que Fabrice Caro. Parce que ce roman, je m’y reconnais un peu beaucoup. Parce que la mise en scène du formidable Emmanuel Noblet.

DE LA DISPARITION DES LARMES par Léna Paugam au Théâtre du Train Bleu (du 14 au 26 à 18h05 – relâche le 20)

Parce que Léna Paugam m’avait beaucoup ému avec Hedda et que je m’en veux de ne pas pouvoir voir cette pièce, avec la lumière de Jennifer Montesantos.

LES FEMMES DE BARBE BLEUE par Lisa Guez au Théâtre des Carmes du 16 au 19 à 19h30)*

Parce que je tourne autour depuis bien trop longtemps pour ne pas le laisser passer cette fois-ci, surtout que cette pièce est malheureusement toujours autant d’actualité.

ALEX VIZOREK – Ad Vitam au Théâtre des Béliers (du 7 au 31 à 20h05 – relâches les 12, 19 et 26)

Parce qu’on ne se refait pas et qu’il me fait rire. Sur France Inter et ailleurs. On l’aura attendu longtemps ce nouveau spectacle !

(Crédits photos : © DR – © DR – © DR – © Christophe Raynaud de Lage)

LIFE ON MARS ? par la Compagnie Thespis à la Factory – Salle Tomasi (du 7 au 31 à 20h10 – relâches les lundis)*

Parce qu’on m’a invité pour le voir et que j’ai accepté, uniquement parce qu’on y parle des solitudes contemporaines et que ça me parle et que je me complais dedans !

VERO 1ERE REINE D’ANGLETERRE par les 26 000 Couverts à Villeneuve sur Scène (du 9 au 21 à 22h – relâche le 15)

Parce que chaque année, je me dis que je retournerai à Villeneuve les Avignon pour y voir du spectacle de rue ou sous chapiteau et que je n’y vais jamais.

MARIAJ EN CHONSONS par les Blond and Blond and Blond au Théâtre des Béliers (du 7 au 31 à 22h15 – relâches les 12, 19 et 26)

Parce que j’avais vu leur premier spectacle qui m’avait fait énormément rire. En plus, les gens qui jouent ont des liens avec des gens que j’apprécie énormément (Elsa Granat, Les Filles de Simone, ma metteuse en scène…)

LE CABARET DES ABSENTS par François Cervantès au 11. (du 7 au 29 à 22h30 – relâches les 12, 19 et 26)*

Troisième spectacle que je verrai qu’on me conseille… Je donnerai le prénom et le nom de la personne qui me l’a recommandé, si jamais ce n’est pas bon. Oui, je suis comme ça. Faudrait pas me croiser si jamais il y a une guerre… Blague à part, ça a l’air totalement fou. Ça parle d’un cabaret avec des absents, dont le silence, soudain le vide, peut-être pas ?

Sans oublier les reprises de deux spectacles que j’avais beaucoup appréciés : 

L’AUTRE FILLE avec Marianne Basler à la Reine Blanche (du 7 au 25 à 11h – relâches les 13 et 20)

IPHIGÉNIE À SPLOTT par Blandine Pélissier au Théâtre Artéphile (les jours impairs à 11h30)

Je vous invite à décortiquer, mieux que moi en tout cas, les programmations de la Manufacture, du Train Bleu et/ou du 11. ou la sainte trinité, sans oublier les Doms, Artéphile ou la Factory qui font un véritable effort, chaque année, de défrichage pour leur programmation.

D’ici là, on fait attention à soi, on en profite quand même, parce que ça ne va pas durer, encore.

Ps : Les spectacles avec astérisque sont les spectacles pour lesquels j’ai déjà ma place et dont vous retrouverez sûrement la chronique ce mois-ci, si j’arrive à m’organiser.

Pps : Vive Tiago Rodrigues… rien à voir avec le Off, mais j’avais quand même envie de l’écrire.

Textes : Axel Decanis

L’ARBRE, LE MAIRE ET LA MÉDIATHÈQUE (Eric Rohmer / Thomas Quillardet / Théâtre de la Tempête)

(de quoi ça parle en vrai)

« Une création hors cadre ! À Saint-Juire, il n’est pas question d’amour mais de politique. La ville contre la campagne ? Dans cette fable écologique visionnaire, c’est la beauté d’un saule centenaire qui déclenche la révolte, la quête de l’idéal toujours en filigrane chez Rohmer, mais aussi l’intuition d’une inquiétude, peut-être celle de notre époque. » (source : ici)

© Pierre Grosbois

(ceci n’est pas une micro-critique, mais…)

Rendez-vous est pris devant le théâtre de la Tempête, à la Cartoucherie de Vincennes. De là, on nous guide vers un coin plus ou moins isolé du Parc Floral (et donc en plein air), où nous attendent les comédiens déjà dans leurs rôles, dont le maire socialiste de Saint-Juire (interprété par Gullaume Laloux) qui se présente aux élections cantonales, retour en 1992.

Le cadre est posé, j’assiste à cette (courte) représentation le jour du premier tour des élections régionales et départementales. C’est cocasse. Surtout à entendre tous les discours autour de l’urbanisme, de l’écologie, de la politique, des gens de la ville qui vont s’installer à la campagne tout en conservant une vie de citadin… Puis on pense à ce que l’on vit aujourd’hui et… Eric Rohmer avait pratiquement trente ans d’avance.

Je suis bienheureux de ne pas avoir vu le film avant la pièce (ou l’éternel débat : « Faut-il lire le livre avant d’en voir l’adaptation ? »). Même si je sais que Pascal Greggory, Fabrice Luchini et Arielle Dombasle interprètent les personnages principaux dans le film (non, Luchini ne joue pas un arbre et Dombasle serait bien capable de jouer une médiathèque), ma vision de la pièce n’est pas parasitée par le film. Thomas Quillardet reprend les grandes lignes du long métrage d’Eric Rohmer, parfois les mêmes répliques (je rattrape grâce à Arte le film pendant que j’écris ces quelques phrases) et insuffle à sa troupe les mêmes joie et énergie présentes dans son autre adaptation rohmerienne « Où les coeurs s’éprennent » (d’après Les Nuits de la Pleine Lune et Le Rayon Vert).

Assis sur ma botte de foin, je me disais : « Mais qu’est-ce qu’ils jouent bien, ensemble ! » C’est ça ma micro-critique : Ils jouent trop bien. Pis, c’est fin, drôle. Et ça se termine même en chanson !

L’ARBRE, LE MAIRE ET LA MÉDIATHÈQUE

adapté et mis en scène par Thomas Quillardet d’après des scénarios d’Éric Rohmer

avec Clémentine Baert, Benoît Carré, Florent Cheippe, Nans Laborde-Jourdàa, Guillaume Laloux, Malvina Plégat, Anne-Laure Tondu, Jean-Baptiste Tur et Liv Volckman (enfant)

scénographie James Brandily assisté de Long Ha et Fanny Benguigui – construction du décor Pierre-Guilhem Coste – lumière Nadja Naira – costumes Frédéric Gigout – assistanat à la mise en scène Guillaume Laloux – régie générale Camille Jamin – stagiaires habilleuses Camille Marques, Cécile Robion – stagiaires régie Elliott Legrain, Clara Yris

Au Festival d’été de Chateauvallon le 2 juillet, au Festival Par Has’art à Noisiel le 7 juillet, au Théâtre de Chelles le 9 juillet, au Moulin du Roc à Niort le 17 juillet, au Parc de l’Oasis à Marseille le 24 juillet– Scène nationale, du 19 au 21 août à Aurillac

(d’autres histoires)

L’arbre : Je suis allergique aux cyprès. C’est la véritable raison de mon non-retour en Provence. Je prèfère le béton, la pollution. Plutôt perdre trois ans d’espérance de vie en vivant en ville que d’avoir les yeux qui grattent et qui collent le matin en hiver-printemps.

Le maire : En 1989, pour le bicentenaire de la Révolution Française, mes camarades et moi avions chanté sous le balcon de la Mairie de Marseille. Le Maire de l’époque, Robert Vigouroux n’avait pas daigné montrer le bout de son nez. La rumeur dit qu’il avait plutôt le nez dans son verre de Casanis.

La médiathèque : Je n’ai pas renouvelé ma carte de médiathèque à la Ville de Paris. Il était important de le souligner ici et je ne trouve rien d’autre à dire, même pas quelque chose de drôle. Mis à part que je déteste lire des livres lus par des inconnus. Je n’achète jamais de livres d’occasion. La seule fois que je l’ai fait, c’était « Sur la route » de Jack Kerouac, à l’intérieur, il y avait des phrases soulignées en rouge, j’étais dégoûté. Je crois que je n’ai pas apprécié ce livre à sa juste valeur à cause de ça. Je n’aime pas non plus que quelqu’un lise un livre que j’achète avant moi. Tout comme je ne supporte pas qu’on me mettre du sucre dans le café à ma place, mais ça c’est une autre histoire.

Vu le dimanche 20 juin 2021 au Théâtre de la Tempête – Parc Floral

Prix de ma place : 10€

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

CERVEAU (Clara Le Picard / Théâtre Joliette – Marseille)

(Ceci n’est pas une critique écrite par Axel Decanis mais par le camarade Laurent Suavet)

En cette période compliquée où les portes des théâtres sont fermées au public depuis plus d’un an (hormis quelques brèves semaines l’automne dernier), on est très heureux de pouvoir enfin revenir au théâtre de la Joliette cet après-midi, même s’il s’agit là d’une représentation professionnelle.

A vrai dire, on a même quelques attentes, ayant déjà vu plusieurs spectacles de Clara Le Picard au cours de ces dernières années. En effet, cette dernière nous a souvent séduit par son travail, et notamment par cette manière singulière et assez ludique de nous faire entrer dans un univers, de le restituer avec une apparente facilité et légèreté, en nous faisant oublier le travail de documentation qu’il avait pu nécessiter.

Avec « Cerveau », Clara Le Picard signe probablement son spectacle le plus ambitieux et le plus personnel, comme si elle était allée creuser la part la plus intime d’elle-même. Au départ, il y a un trauma douloureux : sa mère, la comédienne Françoise Lebrun (connue des cinéphiles pour son rôle inoubliable dans le film de Jean Eustache « La maman et la putain », mais aussi pour ses prestations chez Paul Vecchiali, Arnaud Desplechin, Guillaume Nicloux…) tombe soudainement dans le coma, suite à un AVC. A partir de cet épisode éprouvant, Clara va pourtant en tirer un spectacle lumineux, où théâtre, danse et musique cohabitent harmonieusement, aux côtés de considérations plus scientifiques avec paroles de neurologues sur le cerveau et son fonctionnement.

Alors qu’elle a souvent tenu le rôle principal de ses spectacles (même si elle ne jouait pas dans le dernier que nous avions vu d’elle, « A silver factory », consacré à la Factory d’Andy Warhol), Clara Le Picard a fait cette fois le choix de s’accorder un rôle un peu plus en retrait, et d’aller chercher une alter ago fictionnelle, qui lui permettrait de mettre un peu de distance avec ce récit (un peu à la manière de ce qu’avait fait un Nanni Moretti dans « Mia madre »).  Interprétée par la jeune et vibrante Flora Chéreau (qu’on avait vue dans plusieurs spectacles lors de son cursus à l’ERACM, et qui avait enchainé à sa sortie de l’école avec une année à la Comédie Française), le choix s’avère judicieux, celle-ci apportant à la fois une gravité et une belle profondeur au personnage de Laura, une metteuse en scène confrontée à l’angoisse de la disparition de sa mère, et à la culpabilité que cette disparition pourrait générer (sentiment on ne peut plus universel, chacun d’entre nous ayant été, est ou sera amené à traverser cette situation).

© Pierre Gondard

Alors que sa mère est dans le coma, Laura repense alors au souhait que celle-ci avait de jouer « Mrs Dalloway » de Virginia Woolf (roman qui semble pourtant peu se prêter à une adaptation théatrâle, comme le souligne Laura, puisque composé essentiellement des pensées de son héroine). Comme elle l’avait fait il y a quelques années avec « All Bovarys », variation et réflexion autour du personnage de Mme Bovary, créé par Flaubert, Clara Le Picard va cette fois convoquer une autre héroïne classique de la littérature et s’interroger sur l’œuvre de Virginia Woolf, citant notamment plusieurs monologues lus et enregistrés par Françoise Lebrun, qui nous accompagneront durant tout le spectacle.

Si on a surtout évoqué le contenu et le fond du spectacle, la forme nous a également bluffé par sa maitrise absolue et le soin minutieux apporté à chaque détail, CLP ayant visé un spectacle total et négligé aucun aspect. Il y a bien sûr cette musique électronique envoûtante, composée par Fred Nevchéhirlian (compagnon de Clara), qui se mêle merveilleusement à la voix off prononcée par Françoise Lebrun (même si le lien n’est pas direct, on n’a pas pu s’empêcher de repenser au groupe de Michel Cloup, Diabologum, qui avait samplé il y a plus de 20 ans le fameux monologue de Veronika dans « La maman et la putain ». Et constater à quel point la voix de Françoise Lebrun, celle d’hier comme d’aujourd’hui, se prête bien à la mise en musique). On évoquera aussi les nombreuses scènes de danse chorégraphiées par la célèbre Kaori Ito, les vidéos d’Arnold Pasquier projetées en arrière-plan, une scénographie à la fois dépouillée et impressionnante, et un travail sur la lumière tout à fait pertinent. 

 Ainsi, s’il est souvent question du cerveau et de son fonctionnement, de ses mécanismes (y compris le cerveau du spectateur et les différentes parties qui sont sollicitées lorsqu’il regarde le spectacle), on ne peut pas franchement dire qu’il s’agit d’un spectacle cérébral, celui-ci faisant plutôt appel aux sensations, aux pulsations, à l’expression corporelle et à la danse. D’ailleurs, ce qui résonne en nous quelques jours après la représentation, ce sont avant tout des sensations et des émotions, telles celle provoquée par un tube 80’s de Kim Wilde jouée dans une version 33 tours et en français.   

Par ailleurs, si ce spectacle a été pensé et écrit bien avant le Covid, certains dialogues, certaines angoisses relatives à l’avenir et aux questions écologiques résonnent ainsi fortement avec ce que nous vivons actuellement. Ou comment essayer d’envisager l’avenir avec optimisme quand on a un présent aussi sombre devant nous.

Teinté par ces angoisses, « Cerveau » n’a pourtant rien de mortifère et nous est surtout apparu comme un éclatant hymne à la vie.

CERVEAU

texte & projet Clara Le Picard

avec Clara Le Picard, Françoise Lebrun, Lorenzo Vanini, Flora Chéreau

vidéo Arnold Pasquier – chorégraphie Kaori Ito – musique Fréd Nevché – scénographie Marine Brosse & Caroline Frachet – lumière Abigail Fowler – régie Emilie Tramier – conseillère à la dramaturgie Marie Vayssière – assistante à la mise en scène Jeanne La Fonta

production Compagnie à table

les 28 et 29 janvier 2022 au Théâtre Joliette à Marseille

Vu au Théâtre de la Joliette à Marseille le jeudi 25 mars 2021

Prix de la place : Représentation professionnelle

Texte : Laurent Suavet

TIENS TA GARDE (Collectif Marthe / Théâtre de la Cité Internationale)

(de quoi ça parle en vrai)

« Leçon n°1 : « Désapprendre à ne pas se battre ». Pourquoi reconnaît-on aux dominants le droit à la légitime défense, et les femmes en seraient-elles exclues ? Et si l’apprentissage de l’autodéfense était au fondement du combat féministe ? En s’appuyant sur la pensée développée par la philosophe Elsa Dorlin dans son ouvrage Se Défendre, une philosophie de la violence, avec une préparation physique aux arts martiaux et une bonne dose d’humour et d’érudition, l’énergique Collectif Marthe tape du poing, et pas seulement sur la table : du combat de suffragettes formées au jiu-jitsu aux dissidentes d’hier et d’aujourd’hui, elles nous invitent joyeusement à en découdre avec des générations entières de luttes à armes inégales ! (source : ici)

© Jean-Louis Fernandez

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Ecrire une semaine plus tard sur un spectacle qui ne m’a que moyennement convaincu…

Auréolée d’une réputation assez flatteuse, c’est plutôt confiant que j’allais découvrir la deuxième création du Collectif Marthe. La pièce se déroule dans une salle d’armes… ah non en fait, dans une caverne préhistorique… ah non en fait… Vous l’aurez deviné, « Tiens ta garde » nous balade d’une époque à une autre, les comédiennes changent de rôles comme de postiche et dans sa première partie, le tout est enjoué, ludique, avec des personnages hauts en couleur, une Maryline à l’accent chantant (on pourrait avoir un long débat sur l’emploi des accents dans le théâtre et le cinéma, pourquoi on n’en entend pas plus sans être forcément une béquille humoristique ?) ou une doctorante sur les suffragettes qui n’aime pas qu’on prononce le mot « cheval ». C’est lors d’une longue scène de rêve que le spectacle nous perd. Solange, la monitrice du stage d’auto-défense qui réunit tous nos personnages principaux, rêve de son père qui veut la ramener au pays, d’un membre du KKK, de John Locke, d’un Captain America de pacotille… la scène s’étire, on ne sait plus très bien ce que l’on doit comprendre, on s’ennuie et le charme est rompu. On y parle d’émancipation, de la domination masculine, de l’exclusion des femmes depuis la nuit des temps, des sujets dont on parle énormément de nos jours, et à raison. Mais on se perd dans les références, notamment étrangères qu’on ne maîtrise pas forcément, ce qui veut peut-être dire aussi qu’il y a encore du travail au niveau de notre éducation !

On pense aussi à un autre groupe unisexe La Galerie, mené par Céline Champinot, qui, cultive dans ses spectacles un même goût du travestissement et des scènes qui partent dans tous les sens, mais où l’écriture parait plus aboutie voire poétique.

Une petite déception, mais modérée par une énergie parfois communicative de la part des comédiennes, toutes exemplaires.

TIENS TA GARDE

mise en scène Clara Bonnet, Marie-Ange Gagnaux, Aurélia Lüscher, Itto Mehdaoui et Maybie Vareilles

avec Clara Bonnet, Marie-Ange Gagnaux, Aurélia Lüscher en alternance avec Manon Raffaelli, Maybie Vareilles 

écriture le Collectif Marthe et Guillaume Cayet 

dramaturgie Guillaume Cayet 

collaboration artistique Maurin Ollès – scénographie et costumes Emma Depoid assistée de Eléonore Pease – création lumière Juliette Romens – création silhouettes Cécile Kretschmar – régie générale Clémentine Gaud & Clémentine Pradier – auto-défense Élodie Asorin – Octogone autodéfense

Dernière le 26 juin 2021 au Théâtre de la Cité Internationale (Paris) puis à Dijon du 29 juin au 2 juillet 2021.

(une autre histoire)

Je suis un garçon, mais je ne sais pas me battre. Hum hum… pardon… JE SUIS UN HOMME… mais je ne sais pas me battre. La dernière fois que j’ai dû me bagarrer, c’était en CM1 ou en CM2, je ne donnais même pas de coups, je m’accrochais au T-Shirt du gars et je ne lâchais rien. Je ne me suis jamais rien cassé de toute ma vie. J’ai toujours su me préserver. Même quand je me suis fait agresser dans la rue Bussy L’Indien à Marseille, je n’ai pas essayé de me battre, mais seulement de ne pas tomber. Et je ne suis pas tombé. Pourtant c’est beau un corps qui tombe. Il y a des manières de tomber sur scène, sans se faire mal. Je sais faire ça. Tomber. Pour de faux. Parfois sans faire exprès, mais je me relève toujours. Un jour, je ferai semblant de tomber, de m’évanouir. J’ai toujours rêvé de faire ça. Je l’ai vu dans un film. C’était Jean-Pierre Léaud ? Pour ne pas mourir de honte, sans pour autant s’enfuir, on s’évanouit. On tombe dans les pommes. Mon problème, c’est que je ne peux pas croquer les pommes, parce que j’ai la dent de devant qui est cassée et ça briserait le faux bout de dent. Je m’évanouirai, en faisant attention à ne pas croquer la dent en avant quand je tomberai dans les pommes. Pas très viril tout ça. Je suis un garçon, mais je ne fais pas face. Pas toujours. Je m’égare, je crois. Merci.

Vu le vendredi 18 juin 2021 au Théâtre de la Cité Internationale (Paris)

Prix de ma place : invitation Sceneweb

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

QUAND JE SERAI GRANDE (Margaux Cipriani / Sophie Troise / Comédie des 3 Bornes)

(de quoi ça parle en vrai)

« A 30 ans un bilan s’impose ! Il faut quitter l’enfance où on avait encore un pied pour se lancer complètement dans le monde adulte ! Il faut faire le point entre ce qu’on imaginait et la réalité… Mais il ne faut pas pour autant oublier ses rêves ! Il faut les réaliser et passer au-dessus des désillusions…La vie,  la vraie, le travail, la maternité avec toutes ses surprises et sa poésie, la famille, les vieux dans les bus… un monde s’ouvre à nous avec sensibilité et humour… » (source : ici)

© Jean de Caspevi

(ceci n’est pas une micro-critique, mais…)

Ceci est un « seule-en-scène » d’une jeune femme, qui est aussi une mère, une compagne, une belle-fille, une comédienne. Malgré un « parcours » balisé – les mots-clés du spectacle sont projetés côté jardin, comme autant de parties qui s’enchaînent plutôt avec fluidité – on est rapidement séduit par le naturel et la fraîcheur de Margaux Cipriani. Là où on serait peut-être moins convaincu par les anecdotes moins personnelles (les vieux dans les bus, par exemple), on est alternativement touché et amusé par la sincérité qui se dégage de Margaux Cipriani lorsqu’elle se raconte. (oui, j’ai souri, oui, ça m’arrive, non je ne suis pas complètement snob !) Et ce qui est d’autant plus appréciable, c’est qu’elle ne se donne pas forcément le beau rôle. Jamais vulgaire, on devine un amour des mots de la part de cette comédienne, aussi de doublage, qui nous livre par la même occasion quelques subtilités de ce monde qu’on ne connait pas si bien. Le rythme est enlevé mais pas effréné. C’est bien aussi quand ça prend le temps.

Voici donc un spectacle, modeste dans sa facture, qui se démarque par une jolie plume et qui met en lumière une comédienne à découvrir.

QUAND JE SERAI GRANDE

de et avec Margaux Cipriani

mise en scène de Sophie Troise

(au moins) jusqu’au 27 septembre 2021 (tous les lundis) à la Comédie des 3 Bornes (Paris)

(une autre histoire)

« Quand je serai grande… je n’aurai pas deux métiers. Je ne serai pas une danseuse-infirmière ou une chanteuse-instit. Je ne veux surtout pas être maîtresse d’école. Je vois bien dans quel état se met parfois mon maître. C’est très ingrat, si j’ai bien compris. Parfois on me regarde avec des gros yeux ronds, parce que je ne réponds pas aux questions comme une enfant de mon âge devrait répondre. Je suis au CM1, je vais avoir dix ans, j’ai déjà lu tous les Harry Potter, mais je n’en pense pas moins. Je ne sais pas si j’aurai des enfants. Je sais juste qu’ils ne s’appelleront pas Kevin ou Steven. Ce que je sais, quand je serai grande, c’est que je veux avoir mon appartement à moi, ni trop grand ni trop petit. Pas loin de chez mes parents. Et j’irai faire mes courses au marché le dimanche matin. Parce que j’ai toujours aimé ça. Les couleurs, les parfums, les « Et qu’est-ce que je vous sers ma petite dame ! ». Parfois je chipe une cerise, mais faut pas le dire.

Je veux seulement avoir une vie simple et continuer à aller à la piscine. Ça serait pas si mal, non ? »

Vu le lundi 14 juin 2021 à la Comédie des 3 Bornes (Paris)

Prix de ma place : 12,95€

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

Ps : Pour la petite histoire, la metteuse en scène est une amie de vingt-cinq ans (au moins) et accessoirement ma metteuse en voix/scène et si ça ne m’avait pas plu, je n’aurais rien écrit dessus !

TOUT LE MONDE NE PEUT PAS ÊTRE ORPHELIN (Les Chiens de Navarre / Jean-Christophe Meurisse / Bouffes du Nord)

(de quoi ça parle en vrai)

« 91% des Français affirment que la présence quotidienne de leur entourage familial apparaît comme étant essentielle. Je me sens bien souvent un égaré des 9% restants. Personnellement je n’ai jamais vraiment cru à la notion de famille tant mon passé de ce point de vue là n’est pas loin d’un désastre structurel et affectif. Et paradoxalement, le projet, l’idée même me bouleverse puisque j’ai fondé moi-même une famille. J’aurais pu utiliser mon pouvoir bien humain de dire non à la conception mais j’ai dit oui. Pour perpétuer quoi ? Des réveillons de Noël ? Des otites ? De l’amour ? Ce spectre large d’émotions que m’offre cette nouvelle recherche intime et spectaculaire est le point de départ idéal pour tenter de comprendre ce que représente cette société intime, étrange et violente à la fois… » Jean-Christophe Meurisse (source : ici)

© Ph. Lebruman

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Il y a quelque chose de réjouissant à voir les comédiens sur scène, un quart d’heure avant le début officiel de la représentation. Ici, point de clin d’oeil au spectateur, mais une famille qui se prépare au traditionnel dîner de Noël en famille. Les bouteilles sont débouchées, la dinde est découpée, on devine quels sont les liens entre les différents membres de la famille (les parents, les enfants, les pièces rapportées)…

Ici un dézingage en règle de la famille nucléaire traditionnelle. Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, ils sont affreux, sales et méchants. Comme toujours chez les Chiens de Navarre, il n’y a pas d’histoire à proprement parler, mais des histoires. Mais cette fois-ci, tout le monde joue sensiblement le même rôle du début jusqu’à la fin, avec des allées et venues dans le temps.

On se reconnait dans cette famille. Parce que les repas de Noël sont toujours sources de stress, de rires, parfois de larmes. Alors certes, les inconditionnels des Chiens de Navarre pourraient faire la fine bouche en constatant certains gimmicks recyclés, comme le « zizi élastique », la voix trafiquée ou encore l’usage de certaines chansons populaires (on se souvient de Thomas Scimeca, du parachute et de son Homme Heureux). Il n’empêche qu’on arrive toujours à trouver des moments si drôles, à encore s’étonner de l’investissement physique des comédien.nes – Charlotte Laemmel tire ici son épingle du jeu, tantôt Médée ultra-convaincante ou belle-fille engloutie par la cuvette des toilettes (j’ai toujours été d’humeur scatologique).

La bonne idée également de Jean-Christophe Meurisse est de conclure la pièce par une scène assez terrible et touchante que je n’évoquerai pas ici. Le metteur en scène sait également jouer sur la corde sensible et ça aussi, ça fait du bien.

(Une pensée pour Judith Siboni qui jouait dans la pièce lorsqu’elle a été créée et qui est décédée en mars dernier)

TOUT LE MONDE NE PEUT PAS ÊTRE ORPHELIN

Mise en scène Jean-Christophe Meurisse

Avec Lorella Cravotta, Charlotte Laemmel, Vincent Lécuyer, Olivier Saladin, Lucrèce Sassella, Alexandre Steiger et Hector Manuel en alternance avec Cyprien Colombo

Collaboration artistique Amélie Philippe – Régie générale et plateau Nicolas Guellier – Scénographie et construction François Gauthier-Lafaye – Costumes et régie plateau Sophie Rossignol – Création lumière Stéphane Lebaleur et Jérôme Perez – Régie lumière Stéphane Lebaleur – Création et régie son Isabelle Fuchs et Jean-François Thomelin – Directeur de production Antoine Blesson – Administrateur de production Jason Abajo – Attachée d’administration, de production et de communication Flore Chapuis – Stagiaire en administration et production Victoria Bracquemart

Jusqu’au 4 juillet 2021 aux Bouffes du Nord

(une autre histoire)

Le problème, c’est que j’ai une liste de personnes que je ne veux plus évoquer dans ces colonnes. La famille, c’est niet. Donc je parlerai de… Ahlala il fait chaud ces jours-ci, vous ne trouvez pas ? Il fait chaud et sur scène on voit un arbre de Noël, dis donc ! Ah bravo le dérèglement climatique ! J’ai faim. Je les vois manger de la dinde et j’ai faim. Parce qu’il est 20h30 et que je n’ai pas eu le temps de me faire à manger avant de partir. C’est que moi aussi, je suis tout déréglé ! Je l’aimais bien, le couvre-feu à 21h, parce que je savais que je serais rentré chez moi pour dîner ! En fait, ce que j’aime dans le protocole sanitaire, c’est que personne vient s’asseoir à côté de moi. J’ai la place. Ça va me manquer. Dans la chaleur estivale, se coller les uns aux autres sur un banc inconfortable, très peu pour moi. Pis là, on est en placement libre. Ça ne me plait pas. Parce qu’on doit venir plus tôt pour avoir les meilleures places et quand on est tout seul, venir plus tôt, c’est inconfortable. On ne sait pas quoi faire de ses bras, de ses mains, on ne veut pas non plus rester trop scotché sur son téléphone… Je ne suis pas quelqu’un de très sociable. J’en parle parfois à… Non, je m’étais promis de ne pas parler de cette personne-là. Les deux prochaines fois, je ne serai pas tout seul. Mais je me suis promis de ne pas écrire non plus sur les personnes qui m’accompagnent. Donc faut déjà que je réfléchisse à ce dont je vais écrire ici. Ça limite, hein ?

(un texte écrit au son du ventilateur – force 1 – et dans l’attente de possibles effets secondaires de ma deuxième injection Pfizer)

Vu le vendredi 11 juin 2021 aux Bouffes du Nord (Paris)

Prix de ma place : 26€

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

Crédits photos : © Ph. Lebruman

FESTIVAL D’AVIGNON 2021 (sélection)

Non non non, je ne me plaindrai pas des serveurs informatiques du site du Festival d’Avignon qui ont rendu la tâche ardue, pour ne pas dire impossible, de réserver des places de spectalce lors de l’ouverture de la billetterie. (ok, je suis passé par la Fnac…) Parlons plutôt des spectacles !

Qu’il est difficile de faire une sélection cette année. D’habitude, je rechigne un peu, je ne reconnais que le tiers des noms programmés (ce qui va être le cas, paradoxalement, pour ma prochaine sélection Off). Ici, je m’en voudrais presque de ne pas pouvoir / vouloir rester plus longtemps (quatre jours « seulement » cette année), tellement il y a de spectacles qui me donnent envie. Je n’en verrai que trois (les 3 premiers de ma sélection), mais j’espère de tout coeur que nous pourrons rattraper tous ces spectacles dans nos théâtres préférés, à la faveur des coproductions.

(les trois que je verrai cet été)

TIAGO RODRIGUES

(je n’ai toujours pas ma place, mais je vais jouer des coudes ou faire jouer mes relations, une fois n’est pas coutume)

Ceux qui me lisent savent combien l’artiste portugais est important pour moi. Même si « La Cerisaie » sera programmée la saison prochaine à l’Odéon Théâtre de l’Europe, je ne peux rater cette pièce pour plusieurs raisons : Tchekhov + la Cour d’Honneur du Palais des Papes + voir des comédien.nes que j’apprécie, évoluer dans ce lieu mythique : Isabel Abreu, Grégoire Monsaingeon, David Geselson, Alex Descas. J’aurais pu citer Isabelle Huppert, mais je ne suis pas le fan absolu de la Reine Zaza.

LA CERISAIE du 5 au 17 juillet 2021 à la Cour d’Honneur du Palais des Papes

PHIA MÉNARD

Une performance multipliée par trois dont le premier volet m’avait hautement fasciné aux Bouffes du Nord la saison dernière.

LA TRILOGIE DES CONTES IMMORAUX (POUR EUROPE) du 19 au 25 juillet 2021 à l’Opéra Confluences (et peut-être prochainement à la MC93 Bobigny ?)

KORNÉL MUNDRUCZÒ

Celui dont je ne connais que les films adapte justement un de ses films diffusés dernièrement sur Netflix : Pieces of woman. Le réalisateur de « La Lune de Jupiter » et de « White Dog » agace parfois par une certaine prétention « ooouh, regardez comme il est beau et maîtrisé, mon plan séquence ! »), mais je reste curieux de voir ce que ça peut donner dans un grand et long plan séquence, en vrai !

CZASTKI KOBIETY – Une femme en pièces du 17 au 25 juillet 2021 au Gymnase du Lycée Aubanel

(les sept que j’espère ne pas rater la saison prochaine)

NATHALIE BÉASSE

Même si on pourrait reprocher à ses spectacles un côté un peu décousu, il n’empêche que j’en ressors toujours ravi, rempli d’images et d’émotions et j’ai hâte de voir ce spectacle l’an prochain au Théâtre de la Bastille. (© Nathalie Béasse)

CEUX-QUI-VONT-CONTRE-LE-VENT du 6 au 13 juillet 2021 au Cloître des Carmes

JOHANNY BERT

Ceci est une installation, une expérience, tout commencera dans le Jardin de la Vierge, mais je ne sais pas vraiment quand ça sera ni ce que ça sera et j’ai déjà envie d’y être. Par le créateur de Hen. (© Jorge Mayet)

LÀOÙTESYEUXSEPOSENT

EMMA DANTE

Je ne peux pas me vanter d’avoir vu énormément de spectacles de cette artiste sicilienne, j’ai eu beaucoup de rendez-vous ratés, mais je veux m’accrocher et me faire embarquer dans ces univers toujours aussi singuliers. (© Daniela Gusmano & © Masiar Pasquali)

MISERICORDIA du 16 au 23 juillet 2021 à 15h au Gymnase du Lycée Mistral / PUPO DI ZUCCHERO DEI MORTI du 16 au 23 juillet 2021 à 19h au Gymnase du Lycée Mistral

CHRISTIANE JATAHY

Je ne la présente plus. Elle est une de mes chouchoutes, présente en 21/22 avec ce spectacle à l’Odéon Théâtre de l’Europe. Il s’agit toujours d’une adaptation du film « Dogville » de Lars Von Trier, qui se posait déjà là, en terme de cinéma/théâtre. (© Magali Dougados)

ENTRE CHIEN ET LOUP du 5 au 12 juillet 2021 à l’Autre Scène du Grand Avignon – Vedène

ANGÉLICA LIDDELL

Je ne la présente plus. La fascinante Angélica Liddell… Point. (© Angélica Liddell)

LIEBESTOD EL OLOR A SANGRE NO SE ME QUITA DE LOS OJOS JUAN BELMONTE à l’Opéra Confluence du 8 au 14 juillet 2021

FABRICE MURGIA

Celui que j’avais découvert à la Manufacture dans le Off il ya une dizaine d’années, celui que j’ai redécouvert à Bruxelles dans son futur-ex Théâtre National Wallonie-Bruxelles, pour une adaptation du roman de Laurent Gaudé. Que je n’ai pas lu, donc je ne peux même pas faire semblant de savoir de quoi ça va parler. Mais il est bon parfois d’aller sans savoir. Surtout quand on connait la qualité des mises en scène de l’artiste belge. (© Alexander Gronsky)

LA DERNIÈRE NUIT DU MONDE du 7 au 13 juillet 2021 au Cloître des Célestins

DIMITRIS PAPAIOANNOU

Le chorégraphe grec m’avait impressionné au plus haut point, il y a quelques années. J’avais encore une fois manqué sa création pour le Wuppertal Tanztheater, j’espère voir une autre de ses créations la saison prochaine avec le Théâtre de la Ville. Rien à voir, tout à coup, je repense au DV8… (© Julian Mommert)

INK du 20 au 25 juillet 2021 à la FabricA

(quand il n’y en a plus, il y en a encore)

À part ça, j’aurais pu citer Baptiste Amann avec sa trilogie Des Territoires (vue, pas complètement aimée mais audacieuse), Eva Doumbia, avec ce spectacle au magnifique titre : Autophagies – Histoires de bananes, riz, tomates, cacahuètes, palmiers. Et puis des fruits, du sucre, du chocolat, Laetitia Guédon et le spectacle Penthésilé·e·s Amazonomachie (visible au Théâtre de la Tempête la saison prochaine), Caroline Guiela Nguyen et sa Fraternité, Conte Fantastique, qui nous émeuvra peut-être autant qu’avec Saïgon, la mythique chorégraphe Maguy Marin et Y aller voir de plus près, Karelle Prugnaud et son spectacle itinérant Mister Tambourine Man avec l’inénarrable Denis Lavant.

La semaine prochaine, ma sélection dans le Off ! Le temps que le programme complet soit publié… Les places seront chères ! Purée, j’aurais presque hâte d’y être déjà.

Textes : Axel DECANIS

40° SOUS ZÉRO (Copi / Louis Arène / Monfort Théâtre

(de quoi ça parle en vrai)

« Monstrueuses, hilarantes et subversives, ces deux pièces (L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer – Les quatre jumelles) au climat frigorifique mettent en scène les luttes fratricides de personnages cruels et extravagants en marge de la société et de l’espèce humaine. Ici, on change de sexe à gogo et on crève pour mieux ressusciter dans un ballet post-apocalyptique, trash et jubilatoire. » (source : ici)

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Deux soirs d’affilée, je vais voir des spectacles écrits par des auteurs qui ne m’attirent pas des masses. Jon Fosse hier, Copi aujourd’hui. Mais j’aime me faire du mal. Je me complais dans cette posture de « J’aime pas mais j’y vais quand même ».

Ce soir, donc, c’est Copi. Auréolé de retours dithyrambiques, le spectacle mis en scène par Louis Arène m’a littéralement épuisé. Faut dire que j’ai dormi durant la première demie heure, celle prénommée « L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer ». En effet, « 40° sous zéro » n’est que la juxtaposition de deux pièces de Copi, celle nommée ci-dessus et « Les Quatre Jumelles ».

Les acteurs ne s’épargnent pas, ils tombent, se relèvent, éructent, surjouent… Ici tout est énorme. Tout se répète, jusqu’à la nausée. Je me suis souvenu avoir déjà vu « Les Quatre Jumelles » par le metteur en scène Jean-Michel Rabeux. Je confirme, je n’aime pas Copi.

J’aurais pourtant dû me douter que ça n’allait pas se passer comme je l’aurais souhaité quand, dans les premières minutes (juste avant que je ne m’endorme), j’entendis rire et ne compris pas pourquoi il fallait rire. Et c’est drôle, pour le coup, de constater que des gags qui m’auraient fait rire en temps normal ne me faisaient même pas sourire.

Cela dit, il y a un gros travail scénographique, des maquillages et des costumes qui transforment la physionomie des comédien.nes en Coneheads. Mais j’ai comme l’impression que c’est déjà très daté et que l’aspect gore/vulgaire/monstrueux ne choque même plus.

Bref, je me suis ennuyé et j’ai même trouvé certains procédés un peu trop faciles comme le final chorégraphié avec la musique qui te fait taper du pied en rythme. (un peu de mauvaise foi, puisque parfois, je tombe complètement dedans, mais pas ici)

Et je ne veux plus entendre de reprise de la chanson de Radiohead « Exit Music », qu’on ne touche plus à ce monument ! Merci bien.

40° SOUS ZÉRO

texte Copi

mise en scène Louis Arene (Munstrum Théâtre)

avec Louis Arene, Sophie Botte, Delphine Cottu, Olivia Dalric, Alexandre Éthève, Lionel Lingelser, François Praud

conception Louis Arene, Lionel Lingelser – dramaturgie Kevin Keiss – assistante mise en scène Maëliss Le Bricon – création costumes Christian Lacroix assisté de Jean-Philippe Pons et Karelle Durand – scénographie, masques Louis Arene – création coiffes, maquillage Véronique Soulier-Nguyen – création lumières François Menou – création sonore Jean Thévenin assisté de Ludovic Enderlen…

jusqu’au 13 juin 2021 au Monfort Théâtre (Paris)

(une autre histoire)

Mine de rien, je bois ma première bière en terrasse. Mes premières terrasses, depuis la réouverture, ont eu lieu le samedi d’avant. D’abord un café, puis un Pepsi avec sucre et deux verres de vin blanc. Du Chardonnay. Trois terrasses en un jour. Bien accompagné en plus. Mais pas de bière. Aujourd’hui c’est bière. Une blonde. J’ai oublié de dire, j’avais failli boire une bière, un soir avant d’aller au cinéma. Mais il n’y avait plus de blonde en pression et comme j’aime pas les IPA, je me suis rabattu sur un jus mixte orange/citron. Je voulais vraiment ma blonde. Je parle toujours de bière. Quoique…

Bref, je buvais ma blonde et y a cet échalas qui s’est posté devant moi et qui a appelé sa copine au téléphone en mettant le haut parleur. Parce que tu comprends, entre la clope roulée entre les index et majeur de la main gauche et son IPA dans sa main droite, il ne pouvait pas tenir le téléphone. Le gars fait sûrement du théâtre, car il a la voix qui porte. J’ai tout compris de la conversation, alors que je suis un peu dur de la feuille. Peut-être parce qu’à ce moment bien précis, je ne porte pas le masque. Et c’est bien connu, le masque sur le nez et la bouche t’empêchent de bien entendre. Je suis celui qui ne répond pas ou qui cache sa bouche quand il répond au téléphone dans le tramway, celui qui s’arrête dans sa marche pour parler au téléphone, parce qu’il ne sait pas faire ces deux choses-là simultanément.

J’avais envie de lui dire de fermer sa gueule, d’aller plus loin, parce que je n’arrivais pas à apprécier sa juste valeur ma première gorgée de bière en terrasse. Mais évidemment, je ne l’ai pas fait. Je cherche donc l’endroit parfait, avec pas trop de monde autour et surtout respectueux, pour boire ma blonde bière première vraie. Oui, dans cet ordre-là.

Vu le samedi 5 juin 2021 au Monfort Théâtre (Paris)

Prix de ma place : 15€ (pass Monfort)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

Photos : ©Darek Szuster

JE SUIS LE VENT (Jon Fosse / tg STAN / Maatschappij Discordia / Théâtre de la Bastille)

(de quoi ça parle en vrai)

« « Je suis le vent » dure le temps d’une traversée. Deux silhouettes voguent côte à côte, la scène devient une barque suspendue entre deux rives, un voilier imaginaire flottant au-dessus des vagues et en dessous des vagues. En costume noir et chaussures vernies, Damiaan De Schrijver et Matthias De Koning jouent l’Un et l’Autre. Ils sont amis et se retrouvent après plusieurs années d’absence. Leur conversation ressasse et tâtonne, elle tresse un paysage assourdi où chaque clapotis couve une tempête. La langue de Jon Fosse procède ainsi par variations infimes, elle s’enroule autour du vide et les silences parlent autant que les mots… » (source : ici)

(ceci n’est pas une critique, mais…)

On attendait le tg STAN avec deux créations (« La Part d’Ophélie » avec Georgia Scalliet et Frank Vercruyssen et « Via Bérénice » toujours avec Frank Vercruyssen et des spectateurs) en cette saison 2020-21. Mais la situation étant ce qu’elle est, c’est avec une pièce déjà créée mais inédite à Paris que le tg STAN, accompagné du Maatschappij Discordia, revient.

C’est la première fois que Damiaan De Schrijver joue dans la salle du haut. C’est ce qu’il dit aux spectateurs déjà en place. Car comme à leur habitude, les acteurs nous accueillent, nous saluent. Et c’est au premier rang que je me place, pour voir l’oeil de Damiaan qui frise (oui, je l’appelle Damiaan, parce que ça fait tellement de fois que je le vois jouer…).

La langue de l’auteur norvégien Jon Fosse n’est pas celle que j’affectionne le plus. Cette pièce n’est pas non plus la plus accessible. Sa courte durée – à peine une heure – est un argument de taille. On aime ces moments suspendus, durant lesquels les deux comédiens au sommet de leur art observent le silence (le public est comme en apnée, magnifique qualité d’écoute). Parce qu’ils se connaissent par coeur, Matthias de Koning et Damiaan de Schrijver. Ils jouent avec les surtitres (car le spectacle est, une fois n’est pas coutume, en néerlandais) quand ils paraissent ne plus savoir où ils en sont, leur duo est au point, Laurel et Hardy des temps modernes. Ils parviennent à susciter une émotion sans bouger de leur chaise. On n’est pas dans « Onomatopées », autre spectacle mais autrement plus burlesque. Les deux acteurs laissent notre imagination faire le travail, nous sommes sur un bateau avec eux. Parfois notre imagination prend la poudre d’escampette, je l’avoue. Mais nous sommes tout de même ravis par tant de sérieux sans toutefois se prendre au sérieux.

JE SUIS LE VENT

Texte Jon Fosse ‘Eg er vinden’

Traduction Maaike Van Rijn, Damiaan De Schrijver, Matthias de Koning

De et avec Damiaan De Schrijver et Matthias de Koning

Régie technique Tim Wouters – Costumes Elisabeth Michiels – Images Damiaan De Schrijver
Production tg STAN et Maatschappij Discordia

Jusqu’au 26 juin 2021 au Théâtre de la Bastille (Paris)

(une autre histoire)

Il me demande si je préfère le premier rang ou plus haut dans la salle. Au premier rang, pardi. Je m’installe. Les deux comédiens sont déjà assis, boivent de la Cristaline, ouvrent une canette de Kro, Mathias de Koning se lève et part faire un café Nespresso (je reconnais le son de la machine). Ce dernier est moins prolixe que Damiaan De Schrijver, car moins à l’aise avec le français (leur langue maternelle est le néerlandais). Damiaan fume un cigarillo, ça empeste, mais c’est pas grave. Il s’empêchera toutefois de fumer à nouveau pendant la pièce.

J’aime arriver en avance, aussi pour regarder les gens, les spectateurs. Les soirs de première, on y rencontre du beau monde. Une journaliste de Télérama, un directeur de théâtre parisien, une productrice-animatrice de France Inter (C’est drôle de constater que la voix qu’on entend le plus dans la salle avant le début du spectacle, c’est cette voix qu’on aime entendre à la radio. Est-ce mon oreille ou bien cette personne qui parle vraiment trop fort ?), le directeur du théâtre qui heurte un projecteur que Mathias De Koning remettra en place.

Y a un truc que j’aime bien, c’est retourner dans un théâtre que j’adore et ne tout de même pas reconnaître le lieu. Des planches au sol, une tenture en fond de scène, des projecteurs bien plus bas que la normale. Mais où suis-je ?

Les acteurs retournent dans les loges. La semaine dernière, lors d’une répétition, je m’étais changé dans ces loges. Bientôt Nicolas Bouchaud jouera dans la salle du bas et il y a deux loges, laquelle prendra-t-il ? Celle avec l’affiche de Jacques Bonnaffé ou celle avec l’affiche d’un spectacle de Gwenaël Morin avec Grégoire Monsaingeon ? Le semaine dernière, pour la représentation surprise des Infiltré.e.s, je m’étais installé sous le regard bienveillant de Jacques. Je crois que ça m’a porté chance.

Vu le vendredi 4 juin 2021 au Théâtre de la Bastille (Paris)

Prix de ma place : 25€ (oui, j’ai payé ma place plein pot !)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis (et je reprends mon vrai nom…)

Photos © Tim Wouters

MOBY DICK (Herman Melville / Yngvild Aspeli / Monfort Théâtre / Le Mouffetard)

(de quoi ça parle en vrai)

Moby Dick raconte l’histoire d’une expédition baleinière mais aussi celle d’une obsession, une enquête sur les inexplicables mystères de la vie et une plongée vertigineuse à l’intérieur de l’âme humaine. Yngvild Aspeli continue de chercher comment le jeu d’acteur, les marionnettes, la musique et la vidéo, le texte et les images, peuvent se rencontrer, se superposer, se mélanger et créer un langage étendu ou une expérience physique où « le tout » raconte… (source : ici)

©Christophe Raynaud De Lage

(ceci n’est pas une critique, mais…)

L’artiste associée au Mouffetard, Yngvild Aspeli, présente enfin à Paris cette oeuvre magistrale qu’est Moby Dick. Je parle du roman de Herman Melville (que je n’ai toujours pas lu, mais peut-être le lirai-je un jour… je suis d’avis que je commencerai par Bartleby) et surtout de ce spectacle de marionnettes, plus vraies que nature.

Sept acteurs marionnettistes, trois musiciens et l’impression qu’ils étaient cent. Des manipulateurs hors pair, grimés pour se confondre avec leurs marionnettes (à moins que cela soit l’inverse), des musiciens qui jouent (et chantent) en direct la bande originale de cette grande épopée. (oui, je sais, c’est pas une vraie phrase)

Yngvild Aspeli et son équipe savent jouer à merveille avec les perspectives, les changements d’échelle. On en prend plein les mirettes. Pendant une heure et demie, grâce à une création lumières et vidéo remarquable, les artistes de la compagnie Plexus Solaire parviennent à nous étonner sans cesse et ce savant mélange entre les diverses techniques de marionnettes (je ne m’y connais pas assez pour bien les détailler), la musique, les vidéo-projections, les jeux de lumières, mais également le jeu du narrateur et les performances vocales des acteurs manipulateurs donnent un ensemble homogène et passionnant à suivre. L’intrigue de Moby Dick a été réduite à l’essentiel. Mais justement, il reste l’essence de ce qu’est l’histoire écrite par Herman Melville (mais n’oubliez pas, je n’ai jamais lu le roman, donc je le subodore)

Le spectacle « Moby Dick » nous immerge avec lui dans un océan de poésie.

MOBY DICK

(En partenariat avec Le Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette)

D’après le roman « Moby Dick » de Herman Melville

Mise en scène : Yngvild Aspeli (Production Plexus Polaire)

Créé et écrit avec les acteurs et marionnettistes : Pierre Devérines (en alternance avec Alexandre Pallu), Sarah Lascar, Daniel Collados, Alice Chéné, Viktor Lukawski, Maja Kunsic et Andreu Martinez Costa – Composition musique : Guro Skumsnes Moe, Ane Marthe Sørlien Holen et Havard Skaset – Fabrication marionnettes : Polina Borisova, Yngvild Aspeli, Manon Dublanc, Sebastien Puech, Elise Nicod – Scénographie : Elisabeth Holager Lund

Costumes – Benjamin Moreau – Création Lumière : Xavier Lescat et Vincent Loubière – Régie Lumière : Vincent Loubière ou Morgane Rousseau – Création Vidéo : David Lejard-Ruffet – Régie Vidéo : Hugo Masson ou Pierre Huber – Son : Raphaël Barani ou Simon Masson – Plateau : Benjamin Dupuis ou Xavier Lescat – Dramaturgie : Pauline Thimonnier – Assistant mise en scène : Pierre Tual

Jusqu’au 29 mai 2021 au Monfort Théâtre (Paris) puis en tournée française en 21/22, notamment au Festival Mondial des Marionnettes de Charleville-Mézières (24/25 sep 21), à la Comédie de Caen (du 7 au 10 oct 21)…

(une autre histoire)

(note de l’auteur : j’écris dorénavant avec certaines contraintes. Je m’interdis d’écrire sur certains sujets. C’est difficile mais je vais quand même le faire.)

Je me souviens que cette pièce devait se jouer l’an passé au Festival d’Avignon. Pendant le premier confinement, l’équipe d’Yngvild Aspeli continuait à travailler, car confinée sur une microscopique île norvégienne. C’est ce qui s’appelle le rêve. Pour moi, en tout cas. Une cabane sur un petit caillou. Je ne sais plus s’il y a une île, mais il y a sûrement une cabane quelque part, là où j’ai vu ma première et unique baleine. C’était dans le fleuve Saint-Laurent, au Québec, au large de Tadoussac, tout près du fjord du Saguenay. Ce n’était pas Moby Dick, mais un rorqual commun. Nous étions sur un Zodiac, ça secouait et j’ai un peu le mal de mer. Ça tanguait. C’est un peu la surprise, parce que tu ne sais jamais si tu vas effectivement voir quelque chose. Ce qui est en soi rassurant. Je commence à me sentir mal. Je suis tout blanquinet. Je prends de grandes inspirations. J’ai mon appareil photo numérique bien en main, au cas où. Puis cette beauté pointe le bout de son nez. Le Rorqual Commun. Je prends ma photo, pile au moment où il recrache l’eau. Je suis content, je mets ma tête entre mes jambes et je vomis.

Vu le mercredi 26 mai 2021 au Monfort Théâtre (Paris)

Prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Féminines (Pauline Bureau / Les Abbesses)

(de quoi ça parle en vrai)

« Au début, il s’agit simplement d’une attraction à l’occasion de la kermesse du journal L’Union, à Reims: un match de foot féminin. On est en 1968. L’idée, germée dans la tête d’un journaliste, dépasse les prévisions. L’équipe, recrutée à la suite d’une annonce dans le journal, se révèle exceptionnelle. Devenues Équipe de France, dix ans plus tard, les onze femmes remportent la Coupe du monde. »  (source : ici)

©Pierre Grosbois

(ceci n’est pas une critique, mais…)

C’était la première, ce soir, de la reprise de la pièce de Pauline Bureau. C’était ma première pièce depuis la réouverture des théâtres, mais c’est une autre histoire.

Pauline Bureau nous livre ici une pièce efficace, donc l’un des objectifs, celui de nous faire nous sentir bien, est atteint. Avec l’expertise que nous lui connaissons (la sixième pièce que je vois d’elle), nous sommes happés par cette histoire de femmes qui luttent pour exister, sur le terrain, dans leur usine, au sein de leur famille, dans leur vie. La metteuse en scène et autrice sait (bien) raconter des histoires, se faire entrecroiser les destins, grâce à la scénographie d’Emmanuelle Roy, toujours aussi maîtrisée.

Certes, on aurait presque envie de lui dire comme Aimé Jacquet à Robert Pirès durant la Coupe du Monde 1998 : « Muscle ton jeu, Pauline ! », car la pièce, longue de deux heures, souffre de quelques longueurs et s’étire dans la description des relations de certain(e)s personnages un brin caricaturaux. Certes, on peut s’agacer de certains gimmicks (ou « ficellités ») comme l’usage de la vidéo (qu’on me cite un film sur le football où ça joue vraiment bien) et de chansons pop rock (oui, j’ai battu mon pied en rythme au son de Gossip ou du « Don’t stop me now » de Queen). (dernier) Certes, il est bon de revoir la troupe – toujours excellente – des comédien.nes de Pauline Bureau, mais on aimerait parfois les voir dans d’autres emplois (Marie Nicolle, Nicolas Chupin).

Je parais un peu tâtillon, pourtant j’ai passé un début de soirée de reprise,  quelques jours après la fin du championnat de Ligue 1 (l’OM toujours dans mon coeur). L’enthousiame des comédien.nes, cette appétence de Pauline Bureau à (nous) raconter des histoires nous emportent et c’est bien là l’essentiel.

FÉMININES

TEXTE & MISE EN SCÈNE Pauline Bureau (Cie La Part des Anges)

Avec Yann Burlot, Nicolas Chupin, Rebecca Finet, Sonia Floire, Léa Fouillet, Camille Garcia, Marie Nicolle, Louise Orry-Diquero, Anthony Roullier, Catherine Vinatier

Scénographie Emmanuelle Roy – Costumes & accessoires Alice Touvet – Composition musicale & sonore Vincent Hulot – Vidéo Nathalie Cabrol – Dramaturgie Benoîte Bureau – Lumières Sébastien Böhm – Perruques Catherine Saint-Sever – Collaboration artistique Cécile Zanibelli & Gaëlle Hausermann – Assistante à la mise en scène Léa Fouillet – Maquettiste scénographie Justine Creugny

Jusqu’au 5 juin 2021 au Théâtre des Abbesses – Théâtre de la Ville (Paris)

(une autre histoire)

Bizarrement, je n’ai pas ressenti une grande émotion en revenant dans un théâtre hier soir. Peut-être parce que j’avais eu la chance d’assister à trois représentations professionnelles durant cette longue période funeste. Peut-être parce que les trois précédents jours, je les avais passés dans un théâtre, à justement faire du théâtre. Peut-être parce que j’avais autre chose dedans ma tête.

Je me suis également demandé si je saurais à nouveau écrire des non-critiques, mais c’est comme le vélo. Et je sais faire du vélo.

Y a aussi eu cette incursion du passé, quand cette personne tout droit sortie de ma fausse vie, l’utile m’a reconnu et m’a interpellé : « Bonsoir Monsieur D., c’est drôle qu’on se retrouve aussi. ».

-C’est surtout chiant, oui.

Mais ça, je ne l’ai pas dit.

Même si ça fait du bien, de pouvoir circuler jusqu’à 21h, après avoir fait un bout de chemin avec la personne qui m’accompagnait, je me suis dépêché de rentrer chez moi. J’ai l’impression qu’il y a toujours plus de mendiants, de clochards, de nécessiteux, dans la rue, dans le métro. Ou alors je ne vis pas dans le bon quartier, ni dans la bonne ville.

Ça arrive de plus en plus souvent, mais je ne sais plus quoi écrire. Je ne sais plus comment en finir, avec cette autre histoire.

Vu le mardi 21 mai 2021 au Théâtre des Abbesses – Théâtre de la Ville (Paris)

Prix de ma place : 20€ (carte TDV)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Fin de saison

La dernière fois que j’ai rédigé ce genre d’article, je me faisais une joie de retourner au théâtre le jour de mon anniversaire. J’aurais mieux fait de me taire. Mais comme je n’apprends définitivement pas de mes erreurs, je reviens avec cette sélection totalement subjective pour cette fin de saison 20/21.

Moby Dick par Yngvild Aspeli au Monfort Théâtre du 19 au 29 mai 2021 (en partenariat avec le Mouffetard – Théâtre des Arts de la Marionnette)

Ou l’occasion de s’évader très loin dans l’imaginaire.

L’Acteur Fragile de Mohamed El-Khatib avec Eric Elmosnino au Théâtre Ouvert le samedi 22 mai 2021

+ Boule à neige de Mohamed El-Khatib et Patrick Boucheron à la Villette avec le Festival d’Automne à Paris du 15 au 26 juin 2021

Ou une double ration du théâtre documentaire de Mohamed El-Khatib (même un peu plus si on s’aventure hors de Paris)

Féminines de Pauline Bureau au Théâtre des Abbesses – Théâtre de la Ville du 25 mai au 5 juin 2021

Ou le retour de Pauline Bureau et de son équipe réjouissante.

La 7e vie de Patti Smith de Claudine Galea par Benoît Bradel au Théâtre 14 (du 1e au 5 juin 2021)

J’aurais dû penser à copier coller mon billet du mois de novembre consacré à la non-réouverture du mois de décembre, j’aurais perdu moins de temps. Toujours avec Marie-Sophie Ferdane, toujours un spectacle qui fait envie. Parce que la nuit.

40° sous zéro de Copi par Louis Arène au Monfort Théâtre du 3 au 13 juin 2021

Ou le rattrapage d’un spectacle qui avait suscité un vif enthousiasme à la Manufacture pendant le Off d’Avignon 2019 (et un coup de chapeau au Monfort Théâtre pour ses spectacles prometteurs, malgré l’annulation des spectacles du Théâtre Dromesko)

Paul Mirabel au Théâtre du Splendid du 2 juin au 23 juillet 2021

Ou quand deux minutes (dans les deux éditions de l’émission Soixante de Kyan Khojandi) m’ont convaincu de voir un spectacle entier d’un humoriste.

Je suis le vent de Jon Fosse par le tg STAN et Discordia au Théâtre de la Bastille du 4 au 26 juin 2021

Ou une fin de saison mouvementée au Théâtre de la Bastille qui a dû annuler les créations du collectif belge adoré de mon coeur mais néanmoins remplacées par cette pièce inédite à Paris.

L’arbre, le maire et la médiathèque d’après le film d’Eric Rohmer par Thomas Quillardet joué en extérieur au Parc Floral (avec le Théâtre de la Tempête (du 4 au 20 juin 2021) + Ton père d’après le livre de Christophe Honoré par Thomas Quillardet au Monfort Théâtre avec le Festival d’Automne à Paris du 17 au 28 juin 2021

L’omniprésent Thomas Quillardet reprendra également « Où les coeurs s’éprennent », toujours à la Tempête et présentera « L’Histoire du Rock » au Grand Parquet les 9 et 10 juillet prochains, mais je serai déjà parti sur un des chemins de Compostelle (ou ma nouvelle lubie)

Perte de Ruthy Scetbon et Mitch Riley à la Scala du 11 juin au 3 juillet 2021

Ceci n’est pas Edith Proust dans la suite du Projet Georges, mais quelque chose me dit que ce spectacle de clown est aussi passionnant.

L’île d’or au Théâtre du Soleil, une création collective du Théâtre du Soleil en harmonie avec Hélène Cixous et dirigée par Ariane Mnouchkine (jours et horaires à déterminer)

J’avais été très déçu par le précédent spectacle du Théâtre du Soleil (« Kanata » co-créé avec Robert Lepage) mais je ne peux résister à l’idée de retourner à la Cartoucherie et de voir comment cette institution s’est adaptée à la situation actuelle. REPORTÉ À LA RENTRÉE 2021 !

Tout le monde ne peut pas être orphelin par les Chiens de Navarre aux Bouffes du Nord du 11 juin au 4 juillet 2021

Suspense insoutenable, arriverai-je enfin à voir ce spectacle ?

Denali de Nicolas Le Bricquir au Théâtre 13 les 15 et 16 juin 2021

Les jeunes compagnies se montrent au Théâtre 13 pour le Prix Théâtre 13 / Jeunes Metteur.e.s en scène, notamment Nicolas Le Bricquir, repéré en tant que comédien chez Gwenaël Morin. L’occasion également de revoir sur scène la pétillante et étonnante Lucie Brunet.

Tiens ta garde par le collectif Marthe au Théâtre de la Cité Internationale, du 17 au 26 juin 2021

Pure curiosité (qu’est-ce que j’avais écrit en décembre dernier, déjà ?)

C’est (un peu) compliqué d’être à l’origine du monde par les Filles de Simone au Grand Parquet, les 25 et 26 juin 2021

Je crois que cette fois, je ne pourrai pas y échapper (dans le sens où il me sera impossible de le rater et j’en suis très heureux, au cas où je me serais mal exprimé)

Élémentaire de Sébastien Bravard au Théâtre de la Tempête, du 26 juin au 9 juillet 2021

Un acteur qui devient professeur des écoles qui créé un spectacle sur un acteur qui devient professeur des écoles. J’aime bien me faire du mal.

Le Cirque Invisible de et avec Victoria Chaplin et Jean-Baptiste Thierrée au Théâtre du Rond Point, du 29 juin au 11 juillet 2021

Pas épargnés par les pépins de santé, les grèves, la pandémie… Pourquoi ne pas revoir une dernière fois ce spectacle ?

10 000 Gestes de Boris Charmatz à la Villette avec le Festival d’Automne à Paris, du 6 au 8 juillet 2021

Assurément un des spectacles les plus euphorisants que j’ai vus ces dernières années.

Mise à jour (15 mai) : Tout comme le Théâtre 14 et les Plateaux Sauvages, dans la famille des théâtres qui ont souffert à cause des grèves, de la pandémie, alors qu’ils venaient à peine de changer de direction, je nomme le Théâtre de l’Aquarium qui présentera ce lundi 17 mai la programmation de son festival Bruit. A suivre…

Je n’irai sûrement pas voir tous ces spectacles, mais ça fait du bien d’en parler et de se projeter un tout petit peu, malgré le masque, malgré les jauges réduites… Et bientôt les festivals In et Off d’Avignon, Paris l’été, des théâtres parisiens qui prolongent leur programmation au moins en juillet, le Théâtre du Peuple à Bussang, sans parler dès le mois de juin les annonces des nouvelles saisons des théâtres…

Textes : Axel Ito

Crédits photos : Christophe Loiseau (Moby Dick) – Yohanne Lamoulère (L’Acteur Fragile + Boule à Neige) – Pierre Grosbois (Féminines) – Darek Szuster (40° sous zéro) – Paul Mirabel (Zèbre)- tg STAN (Je suis le Vent) – Néjib (L’Arbre, le Maire et la Médiathèque + Elémentaire) – Mathieu Edet (Ton Père) – Christophe Raynaud de Lage (La 7e vie de Patti Smith)- S. Gripoix (Perte) – Théâtre du Soleil (L’Île d’Or) – Louise Guillaume (Denali) – Ph. Lebruman (Tout le monde ne peut pas être orphelin) – Jean-Louis Fernandez (Tiens ta garde) – Giovanni Cittadinesi (C’est (un peu) compliqué d’être à l’origine du monde + Le Cirque Invisible) – Tristram Kenton (10000 Gestes)

Seras-tu là ? (Solal Bouloudnine / Monfort Théâtre)

(de quoi ça parle en vrai)

« Seras-tu là ? c’est un spectacle comique : « J’y parle de mon idole Michel Berger mais aussi beaucoup, beaucoup de la mort et de l’angoisse maladive qu’elle provoque chez moi, de l’atrocité du cancer, des maladies vénériennes et cardiovasculaires, gastriques aussi, et cérébrales, de la solitude qui me ronge terriblement, de l’incommunicabilité entre les êtres, de l’enfance insouciante et naïve qui s’en est allée à jamais, viciée par les assauts du monde insurmontable, injuste et cruel. » Bref, ça va être drôle. Seras-tu là ? » (source : ici)

 © Pauline Le Goff

(ceci n’est pas une critique, mais…)

(Je ne suis plus trop certain de savoir comment faire. Je veux dire, écrire une critique. Ou une non-critique. Je ne sais plus. Même là-dessus, je ne sais plus ce que je fais normalement. Je vais faire comme si de rien n’était, avec des digressions (beaucoup trop, comme d’habitude), pis un peu plus bas dans l’article, je ferai comme si de tout était, même si je ne suis pas certain que syntaxiquement parlant, cela soit tout à fait correct.)

Je n’attendais pas Solal Bouloudnine au tournant, je l’attendais seulement, si je puis dire, avec une grande impatience. Cet homme (comme moi !) né à Marseille dans le 12e arrondissement (comme moi !) est enfin seul sur scène et dit des mots bien à lui, puisqu’il y raconte sa vie. En partie. Dès les premières minutes nous retrouvons la vitalité que nous lui connaissons depuis « Italie Brésil 3 à 2 » (écriture Davide Enia, mise en scène Alexandra Tobelaim et découvert à la Manufacture à Avignon en 2013). Solal Bouloudnine nous lance le défi de comprendre une pièce qui commence par la fin et se terminera par le milieu. Le temps nous est compté et heureusement que la fin sera le milieu, parce qu’on aurait presque envie que cela ne se termine jamais.

Le petit Solal prend conscience de sa mortalité à l’âge de six ans onze mois et vingt jours, alors qu’il passait des vacances insouciantes à quelques encablures de celle du chanteur Michel Berger qui décéda d’une crise cardiaque après un match de tennis en plein cagnard à l’âge de 44 ans (j’en ai 2 de moins mais je ne joue plus au tennis, donc ça devrait aller). Je ne sais plus qui a dit ça (sûrement Cioran), que nos parents nous condamnaient à mort dès notre naissance.

(C’est là où je me dis que j’aurais dû prendre des notes pendant le spectacle pour me souvenir précisément et que cette chronique va forcément aller dans tous les sens, qu’il faudra mettre les phrases dans le bon ordre. Je poursuis.)

La force de ce genre de spectacle, c’est de se reconnaître malgré le caractère très personnel de la forme, le solo introspectif (et vous saurez de quoi je parle le dimanche 7 mars, aguiche qui n’a rien à faire là, j’en conviens). Solal Bouloudnine parle de lui et nous pensons à nous. D’ailleurs, il ne parle pas qu’à la première personne du singulier, il campe une palanquée de personnages hauts en couleur (la mère, le père – pourquoi ai-je écrit dans cet ordre-là ? – Michel Berger, un entraîneur de foot, une bouchère, la copine que personne ne regarde…) et il le fait avec acuité, un sens du rythme hors du commun. C’est là où on retrouve toute la palette de jeu qui nous avait tant plu dans la trilogie de Baptiste Amann « Des territoires… ». Pas étonnant de retrouver un de ses camarades de jeu, Olivier Veillon à la co-mise en scène et d’entendre les prénoms « Lyn, Samuel, Baptiste… » dans le spectacle.

On aime également le sens du détail, et dans le décor (s’amuser à reconnaître tous les stickers collés sur le bureau ou le lit du petit Solal (Code Quantum, l’OM, etc.), la peluche Gizmo…) et dans les mots (le vocabulaire chirurgical, certains lieux de Marseille (c’est moi qui ai fait un petit « ah oui » à l’évocation du Badaboum Théâtre).

« Seras-tu là ? » est un spectacle riche, touchant (les images d’archives et autres photos ou vidéos où on voit Solal enfant et adolescent à l’appui), drôle, rythmé, profond, qui confirme tout le bien que je pensais de Solal Bouloudnine. Et je sais que je reverrai ce spectacle quand les théâtres rouvriront, avec vous je l’espère.

SERAS-TU LÀ ?

Texte :  Solal Bouloudnine, Maxime Mikolajczak, Olivier Veillon

Mise  en scène : Maxime Mikolajczak, Olivier Veillon

Jeu : Solal Bouloudnine

Régie générale : François Duguest – Costumes : Elisabeth Cerqueira – Administration : Antoine Lenoble – Production : Mathilde Bonamy – La Loge – Diffusion : Lucas Bonnifait – La Loge

Création publique en juillet 2021 aux Plateaux Sauvages – Paris, dans le cadre du festival Paris l’Été

(une autre histoire)

Ok, nous sommes un jour comme les autres, entendre un jour sous Covid-19 avec tous les lieux qu’on aime, fermés. Nous sommes mercredi après-midi, je me dirige vers le Monfort Théâtre et je vais voir un spectacle. Quelque chose ne va pas dans ce début d’histoire. Je vais au théâtre, voir un spectacle. J’appréhende. C’est pas « Je vais au théâtre après trois mois de fermeture », non, c’est « Je vais au théâtre alors que c’est toujours fermé. » Une représentation professionnelle. Mon syndrome de l’imposture est à son zénith. Heureusement, à peine arrivé, je vois une personne que je connais. Entre mon bonnet et mon masque, elle peine à me reconnaître, mais ça y est, elle me sourit, elle me parle et me présente même à d’autres personnes. Il y a du monde. Je reconnais des journalistes ici, des comédiens là. Nous nous asseyons dans la « cabane » du Monfort Théâtre. Je repense à Nicolas Bouchaud ou Mohamed El-Khatib que j’avais vu ici. Je ne suis pas tout seul et ça fait du bien. Je ne suis pas tout seul à m’esclaffer et ça fait du bien aussi. Quatre saluts plus tard, je suis dehors, je m’en vais sans dire au revoir comme à ma mauvaise habitude. (pourquoi dit-on « comment à MON habitude alors que le nom commun « habitude » est féminin ?).

Dans le tram bondé, je note dans mon carnet le titre du spectacle que je viens de voir. A côté, des titres barrés : SHOWGIRL (Jonathan Drillet & Marlène Saldana) – CORIOLAN (François Orsoni – mais reporté en juin au Théâtre de la Bastille) – CHASSER LES FANTÔMES (Collectif Ildi Eldi) – LES FEMMES DE BARBE-BLEUE (Lisa Guez) – TEMPEST PROJECT (Peter Brook & Marie-Hélène Estienne).

Dans le tram toujours bondé, je pense à la chance que j’ai eu d’être là, d’avoir été libre ce jour-là, d’avoir été invité aussi, à un spectacle que j’aurais dû voir, que je voulais voir (en janvier aux Plateaux Sauvages – j’avais même acheté ma place), à la chance d’avoir vécu cette parenthèse enchantée. Je pense à cela avant de retourner dans la monotonie de nos vies.

Vu le mercredi 3 février 2021 au Monfort Théâtre (Paris)

Prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Deux mille vingt, le rappel

Je note pour me souvenir. Je prends des photos pour… pour quoi déjà ?

En janvier…

En revenant du Québec, je ne pensais pas que cette année serait si…
Sur 31 fois, je suis allé 19 fois tout seul au spectacle. Parfois je croise des gens que je connais. Alors je leur dis bonjour ou bonsoir. Ou bien je fais semblant de ne pas les voir.
(Hamlet, Hedda, Nickel, Contes et Légendes, Hen)

En février…

Sur la route de la Vallée de l’Étrange, à l’Ouest, j’écoute la Montreuil’s Original Soundtrack avec des chansons comme « Life on Mars », du Supergrass ou encore du Tenacious D et imagine de nouveaux Contes Immoraux sur ce qui n’a pas lieu.
(La Vallée de l’Étrange, Supergrass, Life On Mars, Montreuil’s Original Soundtrack, Contes Immoraux, Ce qui n’a pas lieu, Tenacious D, À l’Ouest)

En mars…

La dernière personne que j’ai embrassée sur les deux joues (hors parents passée une semaine d’auto-confinement), c’est la personne qui met en scène mon solo. Nous étions à Montreuil pour assister au spectacle « La Ménagère » de Rebecca Journo au Théâtre Berthelot. C’est ce soir-là que je lui proposai mon projet. Une semaine plus tard, nous étions confinés. « GOOD TIMING » : il n’y a pas à dire, la chance est avec moi.
(Maps, Labourer, Stéréo, La Ménagère, Le Théâtre et son Double)

En avril…

Le plus dur, c’est de barrer au fur et à mesure dans mon agenda les spectacles que j’aurais dû voir. Puis choisir : donner les sous au théâtre, demander un remboursement… Je n’ai jamais su prendre des décisions. Ou bien des mauvaises. Mais quand, la mort dans l’âme, je demandais le remboursement, je me disais que je mettrais ces sous de côté, pour plus tard, pour financer mon projet théâtral. L’un dans l’autre, ça reste dans la famille.
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En mai…

J’ai bien tenté de regarder des spectacles sur internet ou sur ma télé, mais rien n’y fait. Je n’accroche pas. Alors je reste avec mes souvenirs…
Pendant « Hamlet », alors que la salle était plongée dans le noir, un bruit survint et C. s’agrippa à mon bras.
Le plus dur, c’est de raconter des anecdotes que je n’ai pas déjà écrites ici. Ou bien devrais-je en inventer ? La vérité, c’est que je ne me souviens pratiquement de rien. Comme si ces derniers mois avaient tout effacé.
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En juin…

Je viens de me rendre compte que je n’ai absolument rien publié au mois de juin. Je l’ai déjà écrit, mais je me rends vraiment compte que ce qui me manque, ce n’est pas de voir du spectacle vivant, mais d’aller au théâtre. Ce déplacement. Plus tard dans l’année, je dirai que je ne comprends pas d’être autant fatigué alors que je ne sors plus. J’avais cet équilibre-là. Un peu de chez moi, un peu de dehors. Et ça, ça me manque.
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En juillet…

C’était particulier, ce mois de juillet sans Festival d’Avignon. A la place, je suis allé à la mer, à la plage (voir ma photo des Catalans à Marseille, en couverture de cette chronique). J’ai regardé les gens. Cette époque où seulement certaines rues étaient hors de toute contrainte sanitaire. Mais c’est fou ça, tout revient à ça ! On ne peut plus parler des films ou des spectacles qu’on voit, alors on parle de ça. Ça aussi, ça me manque, de parler d’autre chose que de ça. C’est comme quand tu mets trois enseignants dans une même pièce, avec tous les efforts du monde, leurs discussions reviendront irrémédiablement à leur quotidien : les élèves, la classe, les parents d’élèves, Blanquer… Vous ai-je dit que je déteste Blanquer ? Il me sort par les trous de nez, ça devient viscéral. Si seulement il pouvait lire ces quelques lignes et me virer par la même occasion, n’ayant pas le courage de partir de moi-même. Rien qu’en l’écrivant, B-L-A-N-Q-U-E-R… Je le revois dans Voici, en vacances en Corse embrassant à pleine bouche la journaliste Anna Cabana, alors que moi…
(Littoral – répétition)

En août…

C’était le temps où on pouvait retourner dans une salle de spectacles, qu’on vous demandait de garder le masque dans nos déplacements, mais qu’on pouvait l’enlever, une fois assis à notre place. C’était le bon temps. Une autre époque. Ça passe tellement vite…
(Angèle, Original d’après une copie perdue)

En septembre…

Voir et entendre du Koltès dans un quartier que je fréquentais assidûment (Ménilmontant), se lever à 5h30 du matin un samedi pour assister à six heures de Sophocle en plein air…
(Dans la Solitude des Champs de Coton, Uneo Uplusi Eustragé Dies, Les Animaux sont partout, Aux éclats, D’Autres Mondes, The History of Korean Western Theatre)

En octobre…

Je ne pouvais deviner que le dernier spectacle que je verrais cette année serait une pièce sur deux figures mythiques de ma région d’origine : Raimu et Marcel Pagnol. Ni que je la verrais à côté de chez mes parents, dans une salle de cinéma / théâtre entre les Gorges du Verdon et le Plateau de Valensole. Je ne sais pas du tout quoi faire de ces informations. Aussi parce que je suis fatigué de voir des signes partout. Donc je me tais.
(Le Côté de Guermantes, La Guerre des Salamandres, L’Habilleur, La Brèche, La Peste c’est Camus mais la Grippe est-ce Pagnol, Jules et Marcel)

En novembre…

Ce qui me fait penser que je n’ai absolument pas parlé de tous les podcasts que j’ai pu écouter ces derniers mois. EVA BESTER, je vous aime. Il fallait que je l’écrive quelque part… Je vous conseille d’écouter son émission « Remède à la mélancolie »…

« Ce soir, j’ai la mélancolie athlétique. »

… et surtout sa participation au podcast de Fanny Ruwet « Les gens qui doutent ». Ce qui me fait dire que quand j’étais petit, je n’ai jamais écouté Anne Sylvestre, donc je n’ai pas partagé la tristesse engendrée par sa disparition. J’étais plutôt Team Dorothée ou Chantal Goya. Et après je me demande quand tout a commencé à vriller pour moi…
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En décembre…

C’est la fin de l’année. C’est une information comme une autre. L’espoir fait vivre, j’avais donc préparé un programme aux petits oignons pour la réouverture des lieux culturels le 15 décembre, la veille de mon anniversaire. Mal m’en a pris. Du coup, j’ai téléchargé pour la soixante-quatrième fois Tinder et me suis empiffré des Ferrero Rochers offerts en pagaille par mes élèves, parce que j’ai pas mal assuré ces derniers mois, même si je m’emmerde toujours autant. Et surtout j’ai trouvé une nouvelle coiffeuse entre Belleville et Ménilmontant. Je crois que je vais la garder. Aussi parce que ça m’a fait tout bizarre dans le corps et dans le reste quand elle m’a fait ce massage du cuir chevelu. Ça m’a coûté le double de mon coiffeur marseillais désormais à la retraite mais qui continue à coiffer dans son garage, mais j’ai besoin d’une certaine tranquillité d’esprit. Je ne veux plus chercher, butiner de fleur en fleur. A moi la stabilité. C’est le jour de mes 42 ans que je me suis fait coiffer par cette personne aux doigts magiques. Je devais rencontrer un match Tinder juste après, mais bien m’a pris d’annuler. J’étais suffisamment angoissé de rencontrer cette nouvelle coiffeuse. Je sais que rien ne sera possible entre elle et moi, mais je peux désormais rayer une ligne de ma liste des choses à faire et à trouver. Je suis enfin en paix avec moi-même.
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Les spectacles que je n’ai pas vus en 2020

Illusions perdues (Balzac – Pauline Bayle), Normalito (Pauline Sales), Furia (Lia Rodrigues), Les Sept Péchés Capitaux (Pina Bausch), CocoRosie, Le Révizor (Crystal Pite), Léopoldine HH, Le Silence et la Peur (David Geselson), Dans le Nom (Tiphaine Raffier), Tout le Monde ne peut pas être orphelin (Les Chiens de Navarre), Andando – Lorca 1936 (Daniel San Pedro), Phèdre ! (Racine / François Grémaud), Billion Dollar Baby (Audrey Vernon), Récital / Chorale / Les Potiers (François Grémaud), Vacances Vacance (Ondine Cloez), Le Sacre du Printemps (Pina Bausch), Italienne Scène et Orchestre (Jean-François Sivadier), Quand je serai grande (Margaux Cipriani / Sophie Troise), Rencontre avec Pierre Pica (Émilie Rousset), Pacific Palisades (Guillaume Corbeil / Florent Siaud), Les Frères Karamazov (Dostoievski / Sylvain Creuzevault), Ton Père (Christophe Honoré / Thomas Quillardet), Abysses (Alexandra Tobelaim), Catarina et la beauté de tuer des fascistes (Tiago Rodrigues), Choeur des amants (Tiago Rodrigues), Une Cérémonie (Raoul Collectif), Klô Pelgag, L’Étang (Robert Walser / Gisèle Vienne), By Heart (Tiago Rodrigues), La 7e Vie de Patti Smith (Claudine Galéa / Benoît Bradel), Boule à Neige (Mohamed El Khatib & Patrick Boucheron), Le discours (Fabrice Caro / Catherine Schaub)… Et encore, je cite seulement les spectacles pour lesquels j’avais des places.

Adieu deux mille vingt, tu ne me manqueras pas.