Quasi Niente (Daria Deflorian et Antonio Tagliarini / Théâtre de la Bastille / Festival d’Automne à Paris)

(de quoi ça parle en vrai)

« (…) Daria Deflorian et Antonio Tagliarini s’emparent de l’un des films cultes de Michelangelo Antonioni, Le Désert rouge. Dans celui-ci, Monica Vitti est Giuliana, une femme qui ne parvient plus, dépression ou mélancolie, à entrer en relation avec le monde… » Laure Dautzenberg (source : ici)

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Photos Claudia Pajewski

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Je n’ai pas vu le film d’Antonioni. D’ailleurs (et je ne fais pas mentir ma réputation), je ne sais absolument pas de quoi parlent le film, le spectacle et n’ai jamais vu une seule pièce de Daria Morgendorf… Deflorian et Antonio Tagliarini.

Devant nous, cinq acteurs, presque en quête d’auteur. Des personnages qui ne dialoguent pratiquement pas entre eux, mais tous en écoute. Nous aussi, nous les écoutons. Ils se livrent, nous restons attentifs. Cinq individus qui ne respirent pas la joie de vivre, c’est le cas de le dire. Mais il y a toujours une certaine légèreté, quelque chose de suspendu (j’aime bien ce mot). On fait comment pour s’en sortir ? On parle, on chante, on danse, on se défoule, on fait du sport ? On parle, oui.

« Si seulement je pouvais libérer de l’espace en moi, pour écouter les autres. »

Le talent du duo italien est de ne pas nous déprimer. Leur talent est de ne pas nous perdre, malgré une lenteur, malgré l’absence d’histoire, complètement assumées. Ceci n’est pas l’adaptation du film. On cite l’incroyable Monica Vitti, l’actrice du film, mais Monica Piseddu (la dame sur la photo de couverture) est toute aussi fascinante. On est un peu sur un nuage, on ne voit pas le temps passer. Tous les acteurs tiennent leur rôle avec précision et délicatesse, les chansons interprétées par Francesca Cuttica y sont également pour quelque chose.

Il suffit parfois de pas grand chose pour être emporté.

 

QUASI NIENTE

Projet de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini

Librement inspiré du film Il deserto rosso (Le Désert rouge) de Michelangelo Antonioni

Avec Francesca Cuttica, Daria Deflorian, Monica Piseddu, Benno Steinegger et Antonio Tagliarini

Collaboration à la dramaturgie et assistanat à la mise en scène Francesco Alberici – Collaboration au projet Francesca Cuttica, Monica Piseddu et Benno Steinegger – Conseiller artistique Attilio Scarpellini – Lumières Gianni Staropoli – Son Leonardo Cabiddu et Francesca Cuttica (WOW) – Costumes Metella Raboni – Direction technique Giulia Pastore

en partenariat avec le Festival d’Automne à Paris

Jusqu’au 28 octobre 2018 au Théâtre de la Bastille, Paris et les 9 et 10/01/19 à la Filature de Mulhouse, les 5 et 6/02/19 à la Comédie de Valence, du 20 au 23/03/19 au Théâtre Garonne à Toulouse…

 

(une autre histoire)

« Je ne suis pas assise au fond du fauteuil. Ma mère était toujours au bord, prête à bondir pour servir ses convives. Je ne reçois personne chez moi. J’ai pris cette habitude-là, parce qu’un professeur de théâtre m’a dit d’être toujours sur le qui-vive. Je suis une femme obéissante. Chez la psy, aussi, je reste sur le bord de la chaise. J’ai toujours pensé que je serais allongée, mais non.

Je lui dis : « Mais je ne suis pas guérie et je ne guérirai jamais. »

Elle me dit : « La séance est terminée. Avez-vous réfléchi ? »

Je lui dis : « Je n’arrête pas de réfléchir. »

Elle me dit : « Vous voulez venir combien de fois ici ? »

Je lui dis : « Une fois par semaine, ça serait bien… »

Je compte mentalement mon argent dans ma tête. Une fois, oui. Si je ne me réabonne pas à mon cours de sport, ça ira.

Elle me dit : « J’avais plutôt pensé deux fois par semaine. »

Je pense : « Je devais prendre la décision. Si elle ne va pas dans mon sens, c’est que je ne vais définitivement pas bien. »

Je ne suis pas retournée chez ma psy. »

 

vu le mardi 23 octobre 2018 au Théâtre de la Bastille

prix de ma place : 13€/mois (pass Bastille)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Une visite au Théâtre Marigny

/REPORTAGE/

La journée du lundi 22 octobre 2018 devra être marquée d’une craie blanche sur une pierre… Je ne sais plus l’expression. Pour la première fois en quatorze ans de vie parisienne, je suis passé devant l’Élysée et j’ai entraperçu Claire Chazal. Définitivement le plus beau jour de ma vie. Mais pourquoi donc cette concordance des événements, me direz-vous ? Grâce à la visite du Théâtre Marigny !

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Marigny, un théâtre ô combien mythique qui, après de longues années de travaux (le nombre de doigts d’une main) rouvrira ses portes le 14 novembre 2018 avec la première de Peau d’Âne, le chef d’oeuvre de Jacques Demy et Michel Legrand enfin transposé sur scène !

Alors que nous pénétrons dans le saint des saints par la porte de derrière (l’entrée des artistes), notre odorat peut appréhender un certain parfum : la peinture fraîche. Les petites mains ont encore trois petites semaines pour fignoler, « finitionner », dépoussiérer… Les loges sont flambant neuves, le hall d’entrée est spacieux (nous n’avons malheureusement pas visité les toilettes), tout est adapté pour que tous les publics (personnes à mobilité réduite incluses) puissent profiter de l’expérience Marigny chapeautée par Jean-Luc Choplin, l’ancien directeur du Théâtre du Châtelet. Nous pourrons même venir en oubliant pour de vrai notre petite pièce à la maison, puisque les ouvreuses et ouvreurs ne seront pas rémunéré.e.s au pourboire et ainsi nous asseoir confortablement dans les fauteuils de la deuxième catégorie qui ont une très bonne visibilité (cela pourrait ressembler à du publi-reportage, mais pour le coup, c’est vraiment confortable et on y voit très bien de la corbeille en deuxième catégorie).

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(magnifique photo, admirez ce grain…)

Après une brève incursion à la Seine Musicale, Jean-Luc Choplin est arrivé assez tardivement dans cette aventure risquée aux vues du coût des travaux (vingt millions d’euros…) et d’un théâtre privé en pleine mutation (rachat des théâtres par des grands groupes financiers… un Monopoly dédié aux théâtres parisiens prochainement ?). Et force est de constater que la programmation, en grande partie, vaut le coup d’oeil, même si, pour être honnête, je ne pense pas vraiment être le coeur de cible (j’y reviendrai peut-être). Choplin a su imposer certaines de ses exigences : conserver la deuxième salle (anciennement Popesco), changer le parquet de la grande salle pour épargner les articulations des danseur.se.s appelé.e.s à le fouler (liste non exhaustive). Fort de son expérience au Châtelet et de son carnet d’adresses fourni, il a su monter une première saison à grande vitesse (arrivée à Marigny en février 2018, début de saison neuf mois plus tard… symbolique, non ?), avec un premier grand coup, l’adaptation du Peau d’Âne du tandem Demy/Legrand.

Je n’ai pas été biberonné aux films de Jacques Demy (même si je me suis rattrapé depuis) et hormis les comédies musicales américaines telles Chantons sous la pluie et West Side Story, ma connaissance en la matière ne joue pas en ma faveur (The Rocky Horror Picture Show et Hedwig the Angry Inch sont les exceptions). Pourtant de ce que nous avons pu voir des décors et des costumes (photos interdites, désolé…), la transposition sur scène paraît être fidèle à l’original filmique.

Je parlais un peu plus haut des films de Stanley Donen et Robert Wise, c’est au théâtre du Châtelet que j’ai pu voir leurs adaptations scéniques (de haut vol). Et qui dirigeait alors le Théâtre du Châtelet ?

A partir du mois de mars le musical « Guys and dolls » prendra le relais dans la grande salle, en attendant la saison 19/20, sur laquelle Choplin et son équipe travaillent déjà… (points de suspension lourds de sens)

En plus de la prestigieuse grande salle (et inscrite au titre des Monuments Historiques) , le Studio Marigny a également droit à sa programmation, plus variée, entre lecture (Frédéric Mitterrand… je vais passer mon tour…), théâtre (Xavier Durringer à l’écriture (un de mes auteurs fétiches de quand j’avais vingt ans), Dominique Pitoiset à la mise en scène avec « A Love Supreme »), spectacle musical (Le Petit Prince adapté par l’artiste Julien Cottereau avec la musique du duo Jatekok… je suis un peu amoureux d’une des deux pianistes… je suis un coeur d’artichaut…), j’en passe… Vous pouvez consulter le site du théâtre qui vous présentera la saison dans son entièreté mieux que moi.

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Petite salle

Pour conclure, on peut dire que le Théâtre Marigny est de toute beauté, grâce aux travaux menés par Clé Millet International en concertation avec les architectes des Bâtiments de France et les conservateurs, avec la collaboration de Wilmotte et Associés (oui, j’ai copié collé, mais c’est un grand clin d’oeil à une certaine amie architecte…) et que nous allons suivre avec attention la suite des aventures !

Remerciements au Théâtre Marigny, plus particulièrement à Thierry Messonnier (contact presse) qui nous a permis de visiter le théâtre alors que tout n’est pas encore tout à fait prêt, à William Luque-Ortiz (responsable billetterie) pour la visite, sa convivialité et ses anecdotes, à la demoiselle qui nous a confié le dossier de presse, à ma mère et mon père sans qui je ne serai pas là aujourd’hui ainsi qu’à mes camarades blogueurs et twittos (c’est vraiment moche comme mots) Théâtrelle, Yann le Galopin, Titikatiam and last but not least R42 qui a organisé cette folle équipée.

Textes et photos : Axel Ito

Ps : Pour information, le théâtre Marigny appartient à la firme Fimalac qui a notamment dans son escarcelle la Salle Pleyel, le Théâtre de la Madeleine et le Théâtre de la Porte St Martin… Fimalac est une société holding dirigée par Marc Ladreit de la Charrière, dont les activités sont très variées, des finances à Allociné en passant par le casino… là où on joue, pas le supermarché, sans oublier la revue « La Revue des deux mondes »)

Pps : Quand j’étais petit, je n’allais pas au théâtre, mais mon père fumait des cigarettes de marque Marigny. Un signe ?

La Guerre des Salamandres (Karel Čapek / Robin Renucci / Maison des Métallos)

(de quoi ça parle en vrai)

« La Guerre des salamandres est une folle épopée (1935) de Karel Čapek – auteur tchèque connu aussi pour être l’inventeur du mot « robot ». À la lisière de Jules Verne et de la science-fiction à la Orwell, le spectacle nous emmène à la rencontre d’étranges créatures aux qualités presque humaines, des salamandres, exploitées par l’Homme dans une économie mondialisée. (…) Avec La Guerre des salamandres, Karel Čapek nous adresse avant l’heure un message écologique, une charge féroce contre la folie humaine d’un progrès sans limites où l’homme est prêt à sacrifier son environnement et son humanité pour son profit et sa mégalomanie. » (source : ici)

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Crédits photos : Jean-Christophe Bardot

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Jusqu’à présent, je n’avais vu ni mise en scène de Robin Renucci ni pièce des Tréteaux de France. J’entendais les critiques flatteuses à propos de cette Guerre des Salamandres. Je savais que c’était l’adaptation d’une pièce tchèque d’un auteur inconnu de moi, qu’il y avait un soupçon d’anticipation, mais je ne savais absolument pas à quoi m’attendre.

Je fus cueilli par cette pièce. Par son charme rétro-futuriste, par son propos très actuel (ma question est la suivante : y aurait pas des répliques ajoutées selon l’actualité ? Genre la phrase sur les journalistes ?), par l’inventivité de la mise en scène, de la scénographie  et par cette troupe. Parlons de cette troupe. Je ne connaissais aucun des acteurs présents sur scène et ils se sont tous révélés exemplaires. On voit qu’ils maîtrisent leur sujet mais on constate surtout l’écoute et le coeur qu’ils y mettent. On ressent de la solidarité entre eux – ce qui devrait être la norme, soit dit en passant – et une envie commune et du plaisir.

La pièce m’a fait penser aux Naufragés du Fol Espoir par le Théâtre du Soleil. On y devine effectivement la filiation avec Jules Verne mais surtout cet esprit de troupe qui nous fait applaudir à tout rompre.

 

LA GUERRE DES SALAMANDRES

texte de Karel Čapek

mise en scène Robin Renucci

adaptation Evelyne Loew, à partir de la précieuse traduction de Claudia Ancelot (1925-1997) parue aux éditions La Baconnière

avec Judith d’Aleazzo, Henri Payet en alternance avec Gilbert Epron, Solenn Goix, Julien Leonelli, Sylvain Méallet, Julien Renon, Chani Sabaty

scénographie Samuel Poncet – objets, accessoires animés Gilbert Epron – lumière Julie-Lola Lanteri-Cravet – images Philippe Montémont et Samuel Poncet – conception son et vidéo Philippe Montémont – costumes et perruques Jean-Bernard Scotto assisté de Cécilia Delestre et Judith Scotto – bruitages Judith Guittier – coach vocal et linguistique Irène Kudela – assistante à la mise en scène Karine Assathiany

production Tréteaux de France – Centre dramatique national

Jusqu’au 28 octobre 2018 à la Maison des Métallos, Paris

 

(une autre histoire)

Alors que je retirai mon invitation…

Elle me dit : « Bonsoir ». Je lui réponds : « Bonsoir ».

Elle me dit : « Vous travaillez avec S. ? ». Je lui réponds : « Euh… non. ».

Elle me dit : « Oh, vous lui ressemblez ! ». Je lui réponds : « Ah ! ».

Je ressemble à celui qui travaille avec S. L’autre jour, ma coiffeuse m’a dit que je ressemblais à J., un autre de ses clients. Mais je ressemble à qui alors ? Est-ce qu’à eux, on leur dit qu’ils me ressemblent, hein ? Il parait qu’on est tous relié, genre six degrés, genre je serre la main à mon beau-frère québécois qui a serré la main à Justin Trudeau qui a serré la main Donald Trump, vous voyez le genre ?

Je comprends mieux maintenant pourquoi tous ces regards dirigés vers moi, comme si les gens me connaissaient. C’est parce que je ressemble à tout le monde ! Voilà ma malédiction. A quatorze ans, comme dans un mauvais remake d’un film de David Lynch, la puberté m’a fait changer de visage, mes proches ne s’en sont aucunement rendus compte, mais toutes les personnes que je croise pensent croiser quelqu’un qu’ils connaissent. Et comme je fais tout le temps la gueule et que, de toute façon, je ne reconnais jamais personne, ces mêmes gens n’osent pratiquement jamais m’aborder, pensent que je les snobe et se foutent en rogne contre mes sosies.

Je ne sais pas si je suis clair.

Ou alors, j’ai plusieurs vies et je ne m’en rends même pas compte. D’où ma fatigue chronique !

Je pense trop, faut que j’arrête.

 

vu le samedi 20 octobre 2018 à la Maison des Métallos, Paris.

prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

La Chambre Désaccordée (Marc Lainé / Théâtre des Abbesses)

(quand on ne lit pas la bible)

La chambre désaccordée ? Marc Lainé fait d’une chambre d’enfant un gigantesque instrument de musique, dans lequel Léopoldine Hummel et ses comparses, déguisés en notes de musique, y font les quatre cents coups, pour le plus grand déplaisir de nos oreilles ?

(de quoi ça parle en vrai)

« Mettre le monde en musique permet-il d’en amortir le choc ? Dans La Chambre Désaccordée, la musique occupe une place prépondérante dans la relation que l’enfant entretient avec ses parents. Le principal protagoniste, un petit garçon d’une dizaine d’années, pratique le piano tous les jours. Comme il est très doué, ses parents et son professeur décident de lui faire passer un concours. Il ne sait pas s’il a vraiment envie de le passer, mais il s’y prépare pour faire plaisir à ses parents. Souvent, il les entend se disputer – même s’ils prennent soin de s’isoler quand le ton monte. Les cris et les mots recouvrent parfois les notes et l’empêchent de jouer. Plus le jour de l’audition approche, plus le garçon perd ses moyens. Quand éducation rime avec compétition : Marc Lainé sonde le point de vue de l’enfant. » (Maïa Bouteillet – source : ici)

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Crédits photos : Simon Gosselin

(ceci n’est pas une critique, mais…)

En cette année 2018, Marc Lainé est partout : « Hunter » à Chaillot, « Construire un feu » à la Comédie Française et aujourd’hui cette pièce jeune public : « La Chambre Désaccordée » au Théâtre des Abbesses (sans compter ses collaborations en tant que scénographe). Personnellement, je l’avais découvert en 2009 au Rond Point, un peu par hasard (merci à Raphaëlle Boitel que j’avais découverte chez James Thierrée que j’ai découvert grâce à ses parents, que j’avais découvert grâce à Charles C…), avec la pièce (également destinée aux plus jeunes d’entre nous) : « La nuit, un rêve féroce » de Mike Kenny.

Je l’ai déjà écrit pour « Tristesse et joie dans la vie des Girafes », mais rien ne me met plus en joie que quand un acteur interprète le rôle d’un enfant sans chercher à faire l’enfant. Et c’est le cas de François Praud, au jeu juste et subtil, secondé de belle manière, dans les rôles des parents, par la facétieuse Léopoldine Hummel (alias Léopoldine HH, dont j’ai déjà parlé par ici) qui sait également se montrer grave et Loïc Risser, qui joue de manière touchante un père blessé. Ces derniers interprètent également d’autres personnages secondaires, tels la professeure de musique légèrement excentrique ou le jeune voisin passionné de rap. Dommage que ces personnages soient un tantinet caricaturaux mais ceux-ci apportent une respiration loufoque à la pièce qui n’évite pas les moments plus dramatiques.

Les moments musicaux et oniriques sont particulièrement réussis, : quand les parents, à travers les chansons, dévoilent leurs fêlures et leurs désaccords ; quand l’enfant, grâce au piano, tente de faire le vide autour de lui.

Pour terminer, je rectifierai par moi-même, « La Chambre désaccordée » est une pièce pour tous les publics, simple et sensible.

 

LA CHAMBRE DÉSACCORDÉE

TEXTE, MISE EN SCÈNE & SCÉNOGRAPHIE Marc Lainé

CRÉATION MUSICALE François Praud – COLLABORATION ARTISTIQUE Tünde Deak SON Morgan Conan-Guez LUMIÈRES Kevin Briard COSTUMES Marc Lainé & Marie-Cécile Viault

AVEC Léopoldine Hummel, François Praud, Loïc Risser

Jusqu’au 24 octobre 2018 au Théâtre des Abbesses, Paris

 

(une autre histoire)

Y a trop d’enfants dans la salle. Je les vois m’entourer, avec leurs miasmes et leurs étiquettes autour du cou. Ça remue, ça chouine pour un oui ou pour un non : « Il m’a dit « Tais-toi ! » », « J’ai pas fait exprès. », « Mais je lui ai dit « Pardon « ! ». Ça ne sait plus chuchoter. On n’entend qu’eux.

J’admire les professeurs qui ne s’emportent pas, malgré leur patience mise à rude épreuve. Je serais incapable de faire ce qu’ils font. Je suis persuadé que certains gardent les mains dans les poches quand ils passent à côté des élèves insolents.

Quand j’étais petit, notre directeur d’école plaçait ses deux index derrière nos oreilles quand on avait oublié de faire signer nos contrôles. J’avais toujours des bonnes notes, donc je n’en étais pas victime. Il n’empêche, on ne mouftait pas.

Parfois il me plait à rêver… L’enfant derrière moi donne des coups de pieds dans mon fauteuil. Je me lève, me retourne, l’attrape par les couettes (parce que l’enfant a forcément des couettes) et le fais valdinguer le plus loin possible, comme dans « Matilda » de Roald Dahl.

Je crois que ça va se voir que je n’aime pas les enfants. Surtout ceux des autres. Et comme je n’en ai pas…

 

vu le mercredi 17 octobre 2018 au Théâtre des Abbesses, Paris (à 15h)

prix de ma place : 15€

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Francis sauve le monde (Compagnie Victor B. / Centre Wallonie Bruxelles)

(quand on ne lit pas la bible)

Francis sauve le monde ? Pourquoi pas ? On en aurait bien besoin…

(de quoi ça parle en vrai)

« La Compagnie Victor B présente un ovni théâtral complètement décalé, inspiré de la BD « Francis ». Un petit théâtre de marionnettes et de peluches, plein de petites histoires qui en racontent une grande : celle de l’homme et ses travers. » (source : ici)

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(ceci n’est pas une critique, mais…)

Souvent je me demande : Mais comment ont-ils pu imaginer cela ? Ici, ce n’est pas le spectacle en lui-même qui m’interroge, c’est plutôt : comment, à la lecture de la série des « Francis, Blaireau farceur », a-t-on pu imaginer en faire un spectacle ? (une série de capsules animées pour internet, ok, mais un spectacle avec des acteurs ? C’est répétitif (à la base, c’est un comic strip qui démarre toujours par la même image : « Francis se promène dans la campagne. Soudain… »), c’est cru…)

Pourtant, c’est ce qu’a fait la compagnie Victor B., et bien lui en a pris. A l’aide de peluches et de jouets, les trois comédiens nous emmènent dans l’univers chatoyant mais surtout pas politiquement correct de Francis et de ses congénères. Au programme et dans le désordre : fornication, suicide, écologie, famille… Tout y passe, personne n’est épargné. On rit parce que c’est drôle, on rit et on en a un peu honte, on rit parce que c’est vrai : l’Homme est lâche, égoïste, faible… On rit parce qu’on peut se reconnaître.

La pilule passe aussi et surtout parce que la mise en scène est sobre mais inventive et suffisamment variée, les acteurs nous emmènent dans l’absurdité la plus totale, et pas uniquement par le truchement de leurs peluches, mais aussi grâce à leur gestuelle, leur voix et un peu de musique.

En conclusion, j’ai eu ma dose de rire quotidienne, je peux vivre une journée de plus.

 

FRANCIS SAUVE LE MONDE

Mise en scène : Jean-Michel Frère

Adaptation : Pauline Desmarets, Jean-Michel Frère, Simon Wauters et Sébastien Derock

Avec : Pauline Desmarets, François Saussus et Sébastien Derock Scénographie et costumes : Coline Vergez – Création Lumières : Julien Soumillon

Une production Compagnie Victor B et Théâtre de Namur/Centre Dramatique.

Jusqu’à au mercredi 17 octobre 2018 au Centre Wallonie Bruxelles, Paris

 

(une autre histoire)

La pièce est à 20h30. Non, à 20h. Quoi ? Je me mets en marche. Je vais rater l’allocution de notre cher président, je vais rater le début du match de l’équipe de France, mais c’est pas grave. Je prends un premier métro, je prends un deuxième métro. J’arrive au théâtre et je m’asseois.

Aujourd’hui, j’avais envie de raconter une autre histoire sans chute.

(une deuxième autre histoire)

Francis se promène dans la campagne. Soudain il se rend compte qu’il est en retard pour voir l’adaptation de ses propres aventures. Il court dans le métro, renverse un premier mendiant, un deuxième mendiant, un troisième mendiant. Francis slalome entre les personnes désireuses de rentrer chez elles après une journée de dure labeur, durant laquelle elles furent maltraitées par leur supérieur hiérarchique voire des enfants. A la sortie de la bouche de métro, il percute une trottinette électrique qui circulait à vive allure sur le trottoir. C’en est fini de Francis, qui ne verra jamais comment des humains ont pu faire un spectacle de théâtre à partir de ses aventures.

 

vu le mardi 16 octobre 2018 au Centre Wallonie-Bruxelles, Paris

prix de ma place : 10€

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

King Kong Théorie (Despentes / Larré / Théâtre de l’Atelier)

(de quoi ça parle en vrai)

« Porté à la scène pour trois comédiennes, ce coup de gueule aussi réjouissant que précurseur de Virginie Despentes bouscule avec vigueur, style et humour les idées reçues sur la place donnée aux femmes et aux hommes dans notre société. Libérateur ! » (source : ici)

(ceci n’est pas une critique, mais…)

J’ai lu le livre de Virginie Despentes, il y a peut-être un peu plus de deux ans. Pourtant, tout m’est revenu en mémoire assez facilement. Et ça, ça veut dire quelque chose : c’est un livre qui compte et ce spectacle le met en valeur de manière admirable. Je ne reviendrai pas sur le contenu du livre, d’autres l’ont déjà fait et bien fait. Ce que je peux dire, et c’est ce que le spectacle confirme, j’en avais apprécié la nécessité, l’absence de manichéisme.

Mis à part le texte, la force de la pièce est l’interprétation, des trois comédiennes, chacune dans leur style, toutes incroyablement justes. On entend, on suit le texte. Je mets Marie Denarnaud un tout petit peu au-dessus du lot, parce que je trouve qu’elle est sous-employée dans le cinéma et le théâtre et qu’une conversation que j’ai eue avec elle il y a douze ans a joué un rôle essentiel dans ce que je suis, théâtralement parlant. Ça n’a rien à voir mais je me devais de l’écrire (même si la principale intéressée ne se souvient sûrement pas de cette autre histoire de moi).

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© Stanley Wood Ward

La mise en scène est également impeccable. Aucune surenchère ni faute de goût, l’utilisation de la vidéo plutôt discrète et poétique (même si je tremblais de tout mon corps d’être l’homme filmé dans le public… ceux qui ont vu la pièce comprendront).

Dans la pièce, les comédiennes posent au public une question assez significative (que je ne reproduirai pas ici) et qui rend compte d’une certaine lenteur de l’évolution des mœurs et des comportements. Même si l’essai de Virginie Despentes a été écrit il y a une bonne dizaine d’années, ce qu’elle dénonce est toujours d’actualité, plus que jamais. Ce qui rend ses écrits, ce spectacle nécessaires.

 

KING KONG THÉORIE

Texte de Virginie DESPENTES

Adaptation de Valérie de DIETRICH et Vanessa LARRÉ

Mise en scène de Vanessa LARRÉ

Avec Anne AZOULAY, Marie DENARNAUD et Valérie de  DIETRICH

au Théâtre de l’Atelier jusqu’au 31 décembre 2018

 

(une autre histoire)

« Je trouve ça inquiétant. J’ai encore mal à la gorge. On peut enchaîner deux rhumes ? C’est ce temps, là. Y a plus de saison. On a chaud, on a froid, on ne sait plus comment s’habiller, c’est la mi-octobre et il fait 25° On n’est pas bien, là. » C’est une affirmation. Je ne réécris pas la réplique des Valseuses. C’est ce que je dis à A. hier soir, à la sortie de la pièce.

« Je trouve ça inquiétant. Il y a trop de monde dans les rues, dans le métro. La surpopulation, le tourisme de masse. Avec ce temps-là, c’en est trop. On n’est pas bien, là. » C’est encore une affirmation. C’est ce que je dis à A. hier soir, dans le métro.

« Je trouve ça inquiétant… Je trouve ça inquiétant… »

Je ne dis pas à A. ce que je trouvais inquiétant. Je le gardai pour moi. Je n’écrivis pas non plus dans un texte ce que je trouvais inquiétant. Ça tourneboulait dedans ma tête, mais j’avais fermé les vannes de ma langue et de mes doigts. Ça ne devait pas sortir. J’ai tenu bon, malgré le sang craché ce matin.

 

vu le vendredi 12 octobre 2018 au Théâtre de l’Atelier, Paris

prix de ma place : 10€ (WeClap)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Fléau (Dave St Pierre – Alex Huot / Le Tarmac)

(quand on ne lit pas la bible)

Fléau ? Ils se donnent le mot ? Une nouvelle adaptation d’un roman de Stephen King ?

(de quoi ça parle en vrai)

« Les artistes québécois Dave St-Pierre et Alex Huot creusent au noyau de l’intime. Fléau est un objet performatif flirtant avec la danse contemporaine et l’art visuel qui exhibe la fusion et les tiraillements de leur relation. » (source : ici)

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© Dave St-Pierre & Alex Huot

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Je ne sais pas par quoi commencer. Je pourrais parler du malaise, de l’ennui que le spectacle a provoqué en moi. Mettons d’abord les choses dans leur contexte.

C’est l’histoire d’un couple qui a un chien. Ils font du sport, s’excitent mutuellement. Puis, du jour au lendemain, l’un d’entre eux se trouve dans un état végétatif. Son compagnon l’aide à manger, à se laver. Il en profite aussi pour se donner du plaisir, lui en donner. Et c’est la fin. Je suis resté volontairement soft. J’étais au deuxième rang et je n’ai rien raté. Les deux performeurs sont nus. Y aura bien des tableaux où ils porteront un costume poilu et un masque de loup, tandis qu’une troisième acolyte se baladera en costume de corbeau (la mort ?), mais bon…

Dave St Pierre et Alex Huot font durer ces moments indéfiniment. Il ne s’y passe pas forcément grand chose. Ils ne tentent pas de rendre séduisant cette relation (les lumières de service resteront allumées durant toute la représentation et la musique sortira d’un téléphone), il n’ y a pas de surenchère dans le pathos. On est face à une performance, une installation. « Fléau » est à l’opposé de « Néant », que j’avais beaucoup aimé et qui m’avait fait revenir en cette chaude soirée du mois d’octobre.

Oui, j’ai détourné mon regard à plusieurs reprises lors de la scène du souper.

Reste le chien, court sur pattes, qui s’appelle Fléau. Qui joue son rôle de chien. Qui aboie quand un spectateur se fait entendre ou sort de la salle.

Ce que je regrette, après avoir fait mes petites recherches, c’est que la pièce a été d’abord conçue comme une installation, beaucoup plus longue que l’heure et demie à laquelle nous avons assisté et que le spectateur n’était pas censé rester assis, passif,  dans son fauteuil, mais pouvait déambuler sur la scène, sortir, entrer. Je ne sais pas si ça m’aurait plus plu (est-ce que ce genre d’oeuvre est faite pour plaire, c’est une autre question) mais en tout cas, j’aurais mieux compris la démarche.

 

FLÉAU

Une idée de Dave St-Pierre et Alex Huot

Interprètes-créateurs : Alex Huot, Alanna Kraaijeveld et

Dustin Ariel Segura-Suarez

Équipe de création : Angie Cheng, Hubert Leduc-Villeneuve, Guillaume Rémus et Dave St-Pierre

Jusqu’au 12 octobre 2018 au Tarmac, Paris (c’est donc déjà fini)

 

(une autre histoire)

Quelqu’un m’a dit l’autre jour qu’elle pouvait être gênée par ce que je racontais dans cette partie de ma chronique. Que c’était trop intime. Aujourd’hui, j’ai donc pensé à elle, je ne parlerai pas de masturbation ou des pratiques sexuelles que j’affectionne, ce qui aurait été en phase avec certaines scènes du spectacle vu ce soir.

Je parlerai de l’avant, de l’après, mais pas du pendant.

Je me demande si mon voisin m’entend. Je l’entends ronfler, donc il doit m’entendre, nous entendre.

Parfois je me dis : « Et si je mentais, si je racontais quelque chose qui ne s’était jamais passé ? »

J’ai mis un sparadrap sur la caméra de mon ordinateur. Il y a un magasin à Paris qui s’appelle « Le roi de la capote ». Je ne suis jamais entré dans un sex shop. J’ai envie de relire du Stephen King. (parce que Fléau… faut vraiment que j’explique tout ?) Une fois, j’ai pensé à quelqu’un d’autre. Mais c’était y a longtemps. Neuf. « Drôle, si vous voulez, personnellement, elle ne me fait pas rire »… Pourquoi cette réplique me revient en mémoire ? Par deux fois je me suis rendu avec ma promise dans le restaurant en bas de chez moi, par deux fois ma promis rompit (rompa ? romput ?) dans les quarante-huit heures.

Une scène longue… Non ce n’est jamais long.

Tout cela n’a ni queue.

 

vu le mercredi 10 octobre 2018 au Tarmac, Paris

prix de ma place : 18€

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Western (Mathieu Bauer / Nouveau Théâtre de Montreuil)

(quand on ne lit pas la bible)

Western ? L’adaptation théâtrale du road movie de Manuel Poirier avec Sacha Bourdo et Sergi Lopez ?

(de quoi ça parle en vrai)

« Au milieu des forêts enneigées du Wyoming, à l’époque des pionniers, un hameau habité par des fermiers et des cow-boys se déchire. Un propriétaire installe des barbelés mais un éleveur s’y oppose. Ici, pas de shérif : chacun fait la loi. C’est sans compter l’arrivée de bandits qui prennent en otage la population. Un héros fort et courageux, de sinistres canailles, une passion amoureuse, des coups de poing… »  (source : ici)

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Le projet est risqué, voire casse-gueule : adapter un western au théâtre. Des Français qui adaptent un western… De mémoire, le cinéma français ne s’y est jamais risqué, hormis des parodies et autres adaptations de Lucky Luke.

(je viens de relire ma chronique et je confirme : elle est positive malgré tout ce que je vais dire ci-dessous)

On met un peu plus de temps à entrer dans l’action, contrairement à l’opus précédent, Shock Corridor, parce que les codes ne sont pas si évidents à s’approprier. Le jeu des comédiens est caricatural, ils tiennent tous un micro relié à un haut-parleur porté à la ceinture, tel un second colt. L’arrivée des bandits verra un concours de personnages affreux, sales et méchants. Les rires dans la salle fusent, plus ou moins involontaires. On est lundi soir, je repense à ces westerns que je n’avais pas le droit de voir à la Dernière Séance, John Wayne et sa voix française.

Finalement, je ne sais pas quel est le véritable parti pris de Mathieu Bauer. Je n’aime pas lire les programmes. Mais j’y ai vu des jeunes acteurs qui jouent aux cowboys, qui surjouent les répliques (cette manière de répéter les noms des personnages à chaque fin de phrase…), entre hommage et parodie (la question est : « était-ce voulu ? »). Cela dit, il y a tout de même ce huis-clos, dans le Wyoming froid et hivernal, une atmosphère sépulcrale (j’ai toujours rêvé placer ce mot). On aurait pu verser assez facilement dans du Tarantino. Les personnages féminins peinent tout de même à exister, mais c’est sans doute le lot de 95% des westerns, le bandit interprété par Rémi Fortin est de loin le plus convaincant, évite le manichéisme. Et la musique en direct qui nous accompagne et qu’on oublie et ça aussi, c’est un bon point.

Je peux comprendre que ça ait pu susciter de l’incompréhension. Ce n’était pas gagné au début, c’était osé, mais j’ai décidé d’y croire et j’ai aimé ça.

 

WESTERN

avec Éléonore Auzou-Connes, Clément Barthelet, Romain Darrieu, Rémi Fortin, Johanna Hess, Emma Liégeois, Thalia Otmanetelba, Romain Pageard, Maud Pougeoise, Adrien Serre et les musiciens Mathieu Bauer, Sylvain Cartigny, Joseph Dahan

librement inspiré du roman La Chevauchée des bannis de Lee Wells

adaptation, mise en scène Mathieu Bauer

collaboration artistique et composition Sylvain Cartigny – dramaturgie Thomas Pondevie – création sonore Alexis Pawlak – scénographie, costumes et accessoires Chantal de la Coste – création lumière et régie générale Xavier Lescat – régie lumière Alain Larue – régie plateau Ali Gacem – assistanat costumes Lise Crétiaux – construction marionnette Lou Simon

Jusqu’au 13 octobre 2018 au Nouveau Théâtre de Montreuil, puis du 18 au 26/11 toujours à Montreuil (dans le cadre de la Nuit Américaine), les 17 et 18 janvier 2019 au Théâtre du Gymnase (Marseille)

 

(pendant la représentation)

Lundi soir. Mais qui va au théâtre un lundi soir ? Des lycéens. Partout. Devant, derrière, à côté, je suis cerné. Comme mes yeux. Derrière moi, de l’agitation. Je ne comprends pas très bien. Le vigile du théâtre arrive, la représentation se poursuit. Le lycéen, à l’origine apparemment d’une échauffourée, ne bouge pas de son siège bien qu’on lui ait demandé de sortir. Il tente (il y parvient ?) de donner un coup au mastodonte.

Mais il va pas bien de le provoquer comme ça ? Le grand énergumène a une main trois fois plus grande que la mienne, je n’aurais jamais osé. De toute façon, je n’ai jamais su me battre, même pour de faux. Parfois je m’imagine répondant par la violence lorsqu’on me manque de respect. Un coup de poing, bim ! Et je me retourne avec la voiture qui explose derrière moi…

L’acteur voit la scène, poursuit sa longue tirade, se focalise sur ces nouveaux personnages. Le maître des lieux interrompt le spectacle. L’adolescent est emmené hors des murs.

Y avait de l’action ce soir, j’attendais que les chaises volent, que tout le monde se mette sur le pif ! Non, en fait, c’était assez choquant. La violence. Surtout parce qu’on ne savait pas d’où elle venait.

Qu’avait-il donc dans la tête ? Que s’est-il passé une fois le jeune homme sorti de la salle ? Une autre pièce se joue désormais dedans ma tête.

 

vu le lundi 9 octobre 2018 au Nouveau Théâtre de Montreuil

prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Si j’avais rencontré… Romane Bohringer

Romane Bohringer…

Nous pourrions parler de votre premier film en tant que réalisatrice, mais je ne l’ai pas encore vu. Je pourrais faire semblant, mais je n’ai jamais su mentir. C’est évidemment un mensonge. Je veux dire, que je ne sais pas mentir. Nous pourrions parler de votre nouvelle pièce, « L’Occupation » d’après Annie Ernaux, mais je ne l’ai pas aimée autant que je l’aurais souhaité. Cela dit, rien n’empêche d’en discuter. De l’écriture simple mais directe d’Annie Ernaux que j’ai découverte il n’y a pas si longtemps et que j’affectionne, de votre présence sur scène… vous êtes là, quoi (j’ai toujours été bon pour étayer mes arguments), bel et bien là, une musique pas trop  envahissante contrairement à la vidéo qui m’a semblé plutôt inutile. Quelque chose m’a manqué pour être complètement emporté.

Il y a quelques jours, je devais vous co-interviewer à Montreuil, au Théâtre Berthelot, pour le Blog de Nestor auquel je contribue modestement. Mais je dus annuler ma présence, la mort dans l’âme. Parce que quelques jours plus tôt, je m’étais rendu à Nanterre pour voir le spectacle de Laetitia Dosch, Hate. Il pleuvait, quatorze ans que je vis à Paris et je n’ai toujours pas acheté de parapluie et… j’ai déjà raconté cette histoire quelque part… Bref… Toux intempestive et surtout extinction de voix. Je me voyais mal arriver au théâtre avec mes germes et mes miasmes, quarante-huit heures avant la première représentation francilienne.

J’avais pourtant préparé ce que je vous aurais demandé, j’avais tout écrit dans mon carnet Moleskine couleur kraft. Oui, j’évolue, il n’est plus noir. Et surtout j’avais retrouvé dans une boîte, chez mes parents, d’anciens tickets…

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« Roméo et Juliette », par Hans Peter Cloos, avec Denis Lavant et vous dans les rôles titres. Au Théâtre du Gymnase, à Marseille, en 95. C’était ma première fois au théâtre. Je veux dire, la vraie. J’étais en première, en option théâtre, au lycée Michelet (Ce lycée n’existe plus, il sert à autre chose, je ne sais plus quoi, ça change chaque année. D’ailleurs mon collège non plus n’existe plus, il a été détruit et reconstruit ailleurs, je n’ai plus de repères) On était placé à cour, au balcon. Mes camarades et moi étions comme des fous, on était tombé littéralement en amour pour vous. Et quand on a vu qui jouait Roméo, on s’était dit : « Mais pourquoi pas nous ? »

Quelle est la première pensée que vous avez eue quand on vous a proposé le rôle de Juliette ?

 

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« La Ménagerie de Verre », par Irina Brook, au Théâtre de l’Atelier. C’était ma première fois à Paris, dans ma vie d’adulte. Donc ma toute première pièce de théâtre à Paris. C’était un certain 12 septembre 2001, le lendemain de. Honnêtement, je ne me souviens pas plus que ça de la pièce, parce que les circonstances font que… ben… Je suis arrivé la veille, je me suis baladé toute la journée sans trop savoir ce qui se tramait, les téléphones n’étaient pas encore intelligents. En rentrant à l’hôtel, j’avais senti que ça n’allait pas. En allumant la télé de ma chambre, je compris.

Comment on fait pour jouer après un tel événement ?

 

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« Les Sept Jours de Simon Labrosse », la pièce de Carole Fréchette, votre seule mise en scène, si je ne m’abuse. C’était en 2002 dans le Off d’Avignon. Au Paris. L’unique fois où je mis les pieds au Paris, théâtre tendance café théâtre / one man show. Je tombai en amour de ce texte, qui m’inspira, que je faillis jouer il y a deux ans…

Pourquoi n’avoir mis en scène qu’une seule pièce ?

 

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« Fantômas revient » de Gabor Rassov mis en scène par Pierre Pradinas avec Christophe Minck pour la musique. On parlera de la fidélité au théâtre, voulez-vous ? C’était au printemps 2005 au Théâtre de l’Est Parisien qui s’appelle maintenant le Tarmac qui s’appellera peut-être bientôt Théâtre Ouvert. J’habitais à deux pas du théâtre. D’ailleurs, parfois, quelques années plus tard, je vous croisais dans mon quartier avec…

Quand vous alliez au Country Bar, le patron vous faisait-il également la gueule ou ce n’était qu’avec moi ?

 

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Le metteur en scène de « Un Privé à Babylone » s’appelle Philippe Rebbot. Ce nom me dit quelque chose… C’est assez flou dans mon esprit… J’ai vu la pièce au Théâtre du Chêne Noir. Off Avignon. Vous étiez déjà toute seule sur scène, c’était en 2010. Richard Brautigan.

Vous reste-t-il des souvenirs de répliques ? Une réplique par pièce ? Parce que, moi, j’oublie assez rapidement mon texte, mais il me reste toujours une phrase. Que je ressers parfois dans la vraie vie, sans avoir l’air.

J’ai donné ma place pour « La Cantatrice Chauve » à ma cousine, l’an passé, parce que j’avais une répétition de théâtre. Enfin je crois… Je ne pouvais pas reporter. J’espère que ce n’était pas pour un rendez-vous Tinder…

Pourriez-vous lire ces quelques phrases de Ionesco, mises en musique par Hugues Le Bars ?

« Et puis, Monsieur, Madame, Mademoiselle… (bis)

Sachez qu’en ce moment, je suis bien fatigué,

J’en ai marre, j’en ai marre, j’en ai marre, j’en ai marre et… Je voudrais bien, me reposer. »

 

 

Merci.

 

(Romane Bohringer est présentement à l’affiche du Théâtre de l’Oeuvre dans « L’Occupation » mise en scène par Pierre Pradinas d’après le roman d’Annie Ernaux et prochainement au cinéma dans « L’Amour Flou », film qu’elle a co-réalisé avec Philippe Rebbot)

 

Ovni(s) (Ildi Eldi / Théâtre Ouvert)

(quand on ne lit pas la bible)

Ovni(s) ? Je sens qu’il y a quelque chose à écrire autour des parenthèses, mais quoi ? Je sens que les parenthèses vont faire toute la différence dans ce spectacle, mais quoi ?

(de quoi ça parle en vrai)

OVNI(S) ou la rencontre avec l’extraterrestre. Une succession de figures, une succession de paroles. Face à nous, chacun témoigne de sa découverte d’un OVNI, de son expérience et nous raconte son sentiment de connexion, de reconnexion, voire de communion, avec lui-même, si ce n’est avec le monde. (…) La scène de théâtre prend des allures de plateau de cinéma, et nous propose un voyage d’un recoin à l’autre de la planète. Un voyage à la rencontre d’individus apparemment normaux qui ne se connaissent pas mais qui partagent le besoin d’une confession intime… (source : ici)

 

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© Christophe Raynaud de Lage

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Ce qui est bien quand tu vas voir une pièce qui a reçu de mauvaises critiques, c’est que tu ne peux être déçu. D’où l’expression qui sied parfaitement à cette représentation : « Je fus déçu en bien. ». Effectivement, on ne peut pas dire que la critique lors du dernier festival d’Avignon ait épargné cette nouvelle pièce du collectif Ildi Eldi. Même pas peur, je me suis tout de même rendu au Théâtre Ouvert, parce que j’ai beaucoup de sympathie pour ce collectif qui m’avait séduit avec leur Nouveau Cinéclub (écrit par Olivia Rosenthal).

Et c’est bien là où le bât blesse, je ne fus pas captivé par ce qu’il s’y racontait. Un manque d’intérêt certain pour ces témoignages. Et c’est quand même dommage lorsque nous avons devant nous des acteurs tous compétents, qui ont fait leurs preuves (Grégoire Monsaingeon, Alexandre Castellon, entre autres), qui s’efforcent de faire vivre une pièce avec une grosse bulle en plastique, des miroirs pour les effets spéciaux… Mais il a manqué quelque chose pour que ça décolle.

 

OVNI(S)

Pièce originale OVNI d’Ivan Viripaev (Traduction Tania Moguilevskaia et Gilles Morel)

Mise en scène et jeu Alexandra Castellon, Sophie Cattani, Grégoire Monsaingeon, Antoine Oppenheim, Michael Pas

Scénario poétique Jérôme Game – Musique Chloé Thévenin – Scénographie Saskia Louwaard et Katrijn Baeten – Son et dispositif sonore Benjamin Furbacco – Lumières et régie générale Ludovic Bouaud

Jusqu’au 13 octobre 2018 au Théâtre Ouvert, Paris et le 29 mars 2019 au Théâtre d’Arles

 

(une autre histoire)

Je me suis trompé d’arrêt, je suis descendu à Pigalle au lieu de Blanche. Alors j’ai marché. Un peu. Je suis passé devant les Trois Baudets, le théâtre de Dix Heures. Mais surtout devant des sex shops. Un rabattteur a bien tenté de m’y faire pénétrer, mais je ne suis pas un homme facile. C’est faux. Je suis un homme facile. Mesdames…

Mais je suis resté sur mon trottoir, les écouteurs dans les oreilles, le regard fermé. Je n’avais pratiquement pas mangé de la journée, hormis deux galettes de riz bio.

Ce texte est à l’image de ma journée : insipide et sans intérêt.

 

vu le mardi 2 octobre 2018 au Théâtre Ouvert, Paris.

prix de ma place : 11€ (prix partenaire Colline)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Atelier (tg STAN / de Koe / Maatschappij Discordia / Théâtre de la Bastille / Festival d’Automne)

(de quoi ça parle en vrai)

« Le comédien – comme tout artiste – a-t-il un atelier pour répéter et exercer son art ? Si oui, sous quelle forme se présente-t-il et comment le comédien y occupe-t-il ses journées ? Le comédien est-il lui-même son propre atelier ? Et peut-on dire qu’il est, en tant qu’« objet regardé », une œuvre d’art vivante ? Ce sont ces questions que soulève le spectacle Atelier, dernière « polyproduction » des compagnies tg STAN, de KOE et Maatschappij Discordia, qui nous font pénétrer dans leur intimité, grâce à une installation instable faite de bric et de broc, se construisant petit à petit sous nos yeux. Sans un mot, les trois comédiens apportent un éclairage sur leur travail quotidien, sur leur statut de comédien, sur ce qui fait théâtre, sur l’Art aussi… dans un spectacle burlesque qui promet du rire, de la fantaisie, mais aussi beaucoup de poésie. » (source : ici)

 

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© Jorn Heijdenrijk

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Mais où vont-il chercher tout cela ? Je l’ai déjà écrit sur les réseaux sociaux, mais ce que j’ai vu ce soir relève pour moi du génie. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas vu un spectacle qui m’interroge sur son processus de création. D’accord, c’est un peu le sujet de la pièce, l’atelier, tout ça mais il n’empêche. Tout est foutraque, mais tout fait sens. On se demande où ça va. Puis on comprend, les références à différentes oeuvres. On recherche, on prend tout ce qui nous tombe sous la main, on essaie, on échoue, on recommence.

Et c’est drôle. Le spectacle est quasiment muet, proche du burlesque d’antan. Humour de répétition.

Après Onomatopée dans lequel le trio sévissait déjà, nos trois artisans mettent sens dessus dessous la salle du bas du Théâtre de la Bastille, le dispositif scénique est bi-frontal, on s’amuse des réactions de nos voisins d’en face. On retrouve le regard tantôt inquiétant tantôt malicieux de Peter Van Den Eede (De Koe), la bonhomie de Damiaan De Schrijver (tg STAN) et le flegme de Matthias de Koning (Maatschappij Discordia), acteurs qui osent tout, même de l’humour pas très fin, aux corps qui ne sont plus tout jeunes, des physiques disparates, mais hyper intéressants à observer.

Un génial bordel organisé.

 

ATELIER

De et avec Matthias de Koning, Damiaan De Schrijver et Peter Van den Eede

Costumes Elisabeth Michiels – Technique Pol Geusens, Bram De Vreese et Tim Wouters

Production tg STAN, de KOE et Maatschappij Discordia

Jusqu’au 12 octobre 2018 au Théâtre de la Bastille (avec le Festival d’Automne à Paris)

(une autre histoire)

« Salut, je m’appelle Matthieu, mais tous mes amis m’appellent Matt (avec deux tt)… T’as vu, j’ai fait de l’humour : deux tt, j’ai deux tétés. Trop drôle. Ce soir, je vais au théâtre. On m’a filé des places, donc j’y vais. C’est au théâtre de la Bastille. J’ai failli arriver en retard, je croyais que c’était à l’Opéra Bastille, mais non, c’est le théâtre rue de la Roquette. Je me suis bien habillé pour rien, quoi. C’est pas grave. J’aime particulièrement mes belles baskets blanches. On dit que c’est trop la mode des baskets blanches. Vu leur prix, y a intérêt que ça soit à la mode ! Je sais pas trop de quoi parle la pièce, hormis que c’est un atelier. De couture peut-être, ça tombe bien, j’ai un ourlet à faire faire sur mon nouveau pantalon… Ça vous fait pas rire ?

(…)

Je m’ennuie… Je m’emmerde même. Y a pas de dialogues. Je vois trois vieilles personnes… On m’avait dit que dans le théâtre contemporain, y avait des acteurs à poil. J’avais plutôt imaginé des actrices à poil. C’est un poil dégoûtant. Ils balancent tout un tas de trucs sur des planches, je comprends rien. C’est quoi l’histoire ? Je sais pas si j’ai bien fait de me mettre au premier rang…

(…)

Bordel de putain de comédiens de merde ! Ils m’ont bousillé mes baskets blanches. Y a le gars, là, le tout maigre au crâne chauve, il est assis en équilibre dans un fauteuil et il tombe sur moi ! Il avait plein de peinture noire sur son corps dégueulasse, sur ses mains et j’ai l’empreinte de ses doigts sur mes baskets blanches qui m’ont coûté un bras ! Je peux porter plainte ? Je peux porter plainte ? M’en fous, j’applaudirai pas. Bon, ok, j’applaudirai, mais des deux mains. Je veux dire, lentement, comme ça ils verront ces Flamands de merde ce que je pense de leur théâtre de… merde. Et ce mec-là, en face de moi, qu me regarde, qui me sourit. Avec sa chemise à carreaux de merde et sa barbe pas taillée. Il a une barbe et il la taille même pas, oh l’autre eh ! Il se fout littéralement de ma gueule. Je t’attends à la sortie et j’essuierai mes godasses sur ta gueule de barbu pas taillé ! »

 

vu le samedi 6 octobre 2018 au Théâtre de la Bastille, Paris

prix de ma place : 13€ / mois (Pass Bastille)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito