En Réalités (Alice Vannier / Pierre Bourdieu / Théâtre de la Cité Internationale)

(de quoi ça parle en vrai)

« Pourquoi les gens font ce qu’ils font ? Comment la société, les institutions, les médias déterminent-t-ils nos comportements et notre vision du monde ? Comment l’individu existe-t-il au milieu de ces déterminations sociales si puissantes ? Ces questions qui se posaient dans les années 1990, années de naissances des six comédien·nes au plateau, semblent être toujours aussi actuelles. Comment s’en emparer au mieux et se confronter à nos réalités sinon en essayant de comprendre l’état du monde dans lequel nous sommes arrivés ? « (source : ici)

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Crédits photos : Cie Courir à la Catastrophe

(ceci n’est pas une critique, mais…)

L’appréhension s’empare toujours de moi lorsque je lis qu’un spectacle est inspiré de travaux d’un grand philosophe ou sociologue, ici un ouvrage collectif dirigé par Pierre Bourdieu que je n’ai jamais officiellement lu, hormis des citations ou des extraits ici et là. Cependant, vous ne devez avoir aucun crainte, tout se passera bien.

« En réalités » présente deux réalités : celle d’un groupe de sociologues qui s’activent à la finalisation d’un ouvrage et celle des entretiens présents dans celui-ci. La deuxième réalité est la plus frappante. Elle montre des êtres en souffrance, qui tentent avec leurs mots d’en rendre compte. Ce qui séduit, c’est la sobriété de l’entreprise. Ici, presqu’aucun effet : on prend le temps d’énoncer, donc pour le spectateur d’entendre, de comprendre, de mettre en perspective. Même si j’aurais tendance à dire qu’il y a un petit quart d’heure de trop, il est heureux de voir que la parole de l’individu est respectée, pour que l’on se fasse une idée la plus juste possible de cette réalité.

Le choix d’adapter cette étude qui date des années 90 n’est pas anodine : on y parle d’harcèlement sexuel, moral, de solitude, de la tentation de l’extrême droite, de la pauvreté que nous croisons aux coins de nos rues… Et force est de constater que cela fait cruellement écho à notre quotidien. A la veille des prochaines élections européeenes, rien n’a changé. Je rectifie, la situation s’est aggravée, à tous les niveaux.

Les jeunes acteurs jouent à la fois les sociologues et les témoins (acteurs) de cette misère avec une aisance exemplaire (une étoile en plus pour Anna Bouguereau, à la voix affirmée et le jeu tout en nuances).

A voir et à suivre…

 

EN RÉALITÉS

D’après « La Misère du monde » écrit sous la direction de P. Bourdieu

Mise en scène : Alice Vannier

Avec Anna Bouguereau, Margaux Grilleau, Adrien Guiraud, Hector Manuel, Sacha Ribeiro, Judith Zins

Scénographie: Camille Davy – Lumières: Clément Soumy – Son: Manon Amor – Assistante à la mise en scène: Marie Menechi – Adaptation: Marie Menechi et Alice Vannier

Production: Courir à la Catastrophe

Ce dimanche 19 mai à 15h au Théâtre de la Cité Internationale (Paris) dans le cadre du Festival JT19, puis du 25 au 27 mai au Théâtre Dijon Bourgogne (Théâtre en mai), le 21 juin au Théâtre des Célestins à Lyon et du 5 au 24 juillet (jours impairs) au Théâtre du Train Bleu (Avignon Off)

 

(une autre histoire)

C’est drôle de voir ce genre de spectacles qui parle de la misère humaine, alors que juste avant d’entrer dans le théâtre, j’ai fait semblant de ne pas la voir, de ne pas l’entendre.

Désormais je me balade toujours avec mes écouteurs dans les oreilles. Il ne faut pas perdre de temps. Donc je rattrape certains podcasts (en ce moment « Première et dernière fois » par Lucille Bellan et « Lumières dans la ville » par Edouard Baer) ou bien je réécoute certains albums que j’avais délaissés (présentement « The Forgotten Arm » d’Aimee Mann et « Foreplay » du duo éphémère My Girlfriend is better than yours.

Je m’isole, je suis dans ma bulle. Je m’aperçois même que ça m’handicape quand je sors du métro, quand je me retrouve ballotté par les gens qui se déplacent plus vite que moi.

A l’entrée de la Cité Universitaire Internationale (où se trouve le théâtre), quelqu’un m’interpelle : « S’il vous plait, Monsieur ! » Je l’ai entendu, mais je ne réponds pas.

La vérité, c’est que je dis que je suis dans ma bulle, mais je vois tout, je suis aux aguets. Avant de traverser la rue, je l’avais vu qui faisait les cent pas, qui accostait les passants. C’est une question de timing.

« S’il vous plaît, Monsieur ! (un temps) Monsieur ! (un temps) HEEEEEEEEEEEEY ! »

Je ne me suis pas retourné. J’ai des écouteurs, je ne t’entends pas, nos regards ne se sont pas croisés, tu n’existes pas.

 

Vu le samedi 18 mai 2019 au Théâtre de la Cité Internationale (Paris)

Prix de ma place : invitation Télérama

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

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