The Way She Dies

(quand on ne lit pas la note d’intention)

Ou quarante-deux façons de mourir.

(ce que ça raconte en vrai)

Quand nous lisons, nous faisons des choix, nous traduisons ce que nous lisons vers le langage de notre propre existence. Les pages sont illuminées par la bougie de nos expériences et cette flamme vacille et change de couleur à cause de ce que nous lisons. Nous savons qu’un livre est capable de nous changer. En lisant la description d’un bal, un lecteur peut décider de divorcer. En lisant comment deux personnages échangent un premier regard furtif, le lecteur peut décider de se marier. En lisant un dialogue sur les champignons, un lecteur peut décider de changer d’emploi. Un roman comme Anna Karénine de Tolstoï peut aussi être la collection des vies qu’il a changées, légèrement ou profondément, en bien ou en mal. Des vies qui pourraient changer comment meurt Anna. (source : site du tg STAN)

(ceci n’est pas une critique mais…)

Le titre est en anglais, mais il a été choisi avant même que la pièce ne soit écrite. Parce que des acteurs belges qui ne parlent pas portugais, parce que des acteurs portugais qui ne parlent pas néerlandais, on ne sait pas trop ce que ça peut donner. D’où la déception, somme toute relative, que l’on peut éprouver quand on voit que les personnages se retrouvent autour du français : alors pourquoi conserver ce titre en anglais ? Tout est fluide, malgré la cohabitation des trois langues. Tout de suite on est emporté par ces histoires qui s’entremêlent, dont on ne sait pas encore comment elles sont liées, dans l’espace et dans le temps, même si Tolstoï et son héroïne tragique sont au centre de tout. On perçoit des réminiscences des précédentes oeuvres de Tiago Rodrigues, l’amour de la littérature, la transmission, les feuilles qui volent. Connaissant le travail du tg STAN et de Tiago Rodrigues, pas de doute que la pièce aura évolué lors de se reprise en 2018, une autre raison de revoir cette magnifique pièce.

 

THE WAY SHE DIES

écrit par Tiago Rodrigues

avec Isabel Abreu, Pedro Gil, Jolente de Keersmaecker, et Frank Vercruyssen

au théâtre Garonne, Toulouse

(en tournée en 2018/2019 et à la rentrée 2019 au Théâtre de la Bastille)

 

(une autre histoire)

Comment tu viens, me demande-t-on ? En train, je réponds. Alors le TGV… Non, je prends un Intercités. Mais tu vas mettre une éternité pour venir. Je sais, mais j’aime ça, le train. J’ai passé quatre jours dans un fauteuil pour traverser le Canada, donc ce ne sont pas six petites heures pour descendre de Paris qui vont me faire peur. Pis, je ne connais pas ce trajet-là. Je vais noter les noms des villes qu’on va traverser, compter les éoliennes, dormir mon quart d’heure syndical, j’ai mon ordinateur, de quoi lire, de quoi écrire, un disque dur full de séries. Ne t’en fais pas pour moi. Je veux ralentir la cadence, le rythme. Bientôt, j’irai à Saint Jacques de Compostelle. Je ne sais pas encore comment. À pied, qui sait ? Apprécier le moment présent. Ça fait très Poètes Disparus, ça, non ? On me demande souvent ce que je vais faire durant mon congé sabbatique. Je vais prendre le temps. Aller d’un point à un autre, en passant par les chemins de traverse, à hue et à dia comme disait l’autre. Avoir le luxe de voir de la danse à Lisbonne, du jazz à Reykjavik, une pièce belgo-portugaise à Toulouse. On verra ce qu’il se passera. J’aurai bien le temps de faire le bilan de tout ça le moment venu. Je dis aussi que je vais écrire. J’ai bien des phrases en tête, mais j’attends un déclic. Pis, si rien ne vient, ça ne sera pas grave non plus. Je n’ai plus envie de ça. Je veux dire, le résultat à tout prix. Tout ce que je veux, c’est voir des belles choses et je sais que ce soir, je vais en voir. Prendre le temps et voir de belles choses. Je serais le plus heureux des hommes si j’y parviens. Et tant pis si je suis seul. Chaque chose en son temps.

 

vu le 29 mars 2017 au Théâtre Garonne, Toulouse

prix de ma place : Je ne m’en souviens plus, mais ce n’était pas une invitaiton.

crédit photo : Filipe Fereira

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Mon Coeur

(quand on ne lit pas la note d’intention)

Quand je suis assis à côté de S. , que je verrai pour la dernière fois, mon coeur n’en mène pas large. Adaptation en direct de mon coeur.

 

(ce que ça raconte en vrai)

Touchée par le courage et la détermination d’Irène Frachon, pneumologue, lanceuse d’alerte qui s’est battue pour que la toxicité du Médiator soit reconnue, Pauline Bureau rencontre les victimes de l’un des plus gros scandales sanitaires français. (résumé lu sur le site du théâtre de Chevilly Larue)

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Voilà une pièce assez dure émotionnellement. On ressent même une ambiance lourde dans le public. On se retrouve, dans la première partie, dans un dispositif à la Joël Pommerat, des scènes courtes, des perruques, des micros, des transitions pas aussi maîtrisées que chez le patron de « Louis Brouillard » Cette partie convainc moins. En revanche, toute la deuxième partie consacrée aux auditions devant les experts chargés d’apprécier la requête de la plaignante est captivante, bouleversante. Le temps s’étire, comme la durée exceptionnelle de ce procès qui n’en est pas un. On ressort de la pièce quelque peu révolté, heureux d’avoir eu un nouvel éclairage sur le scandale Servier.

 

vu le 25 mars 2017 aux Bouffes du Nord

prix de la place : 3,5€ (WeClap)

 

Mon Coeur

de Pauline Bureau

avec Yann Burlot, Nicolas Chupin, Rébecca Finet, Sonia Floire, Camille Garcia, Marie Nicolle, Anthony Roullier et Catherine Vinatier.

aux Bouffes du Nord, Paris

(reprise pour la saison 2018/2019)

 

(une autre histoire)

Je proclame le théâtre des Bouffes du Nord comme étant le plus beau de tout Paris. Ma connaissance à propos des théâtres du monde entier étant très restreinte, je me limiterai à la capitale française. Seuls les vieux fauteuils qui claquent, qui grincent peuvent perturber. Ne surtout pas bouger d’un iota, au risque de froisser les acteurs sur scène, c’est ce que je me dis. Je parle pour ceux assis au balcon ou au poulailler. L’orchestre est esquiché sur ses bancs.

Fracas. Quelqu’un, apparemment, vient de tomber en voulant fuir la pièce. Non, une personne vient de faire un malaise. Les comédiens continuent. Un homme du public lance un appel à toute la salle : « Y a-t-il un médecin dans la salle ? » Je me souviens immédiatement du malaise pendant les « Naufragés du Fol Espoir » à la Cartoucherie de Vincennes. C’est un des acteurs qui saute de la scène pour sauver la personne avec un des pompiers de service sur place. Tout se fait de manière fluide et sans panique. La pièce ne s’est même pas interrompue. Je me souviens aussi du malaise pendant « Iliade » à la Manufacture au festival Off d’Avignon l’été dernier. Les yeux exorbités de la spectatrice transportée à l’extérieur, les comédiens qui arrêtent tout, l’annonce de Pauline Bayle comme quoi elle a été prise en charge, que la représentation va reprendre, une des comédiennes qui dit « On va peut-être prendre une minute pour nous remettre dedans, non ? ». J’ai revu une des comédiennes d’ « Iliade » un peu plus tôt dans l’année au théâtre de la Bastille. Moi qui ne suis pas très à l’aise quant à aborder les gens, cette anecdote fut très utile. Nous avions un souvenir commun.

Les comédiens sur scène ne jettent pas de coup d’oeil dans le public. Ils poursuivent leurs actions, comme au ralenti. La scène en cours se déroule chez un médecin. Les deux comédiens se regardent, attendent, restent dans leurs rôles.

Quand on y repense, on demande s’il y a un médecin dans la salle et personne ne bouge sur scène, alors qu’au moins trois acteurs interprètent des médecins, dont la fameuse Irène Frachon. Pauline Bureau annonce la reprise du spectacle, que tout est sous contrôle. Les acteurs échangent un regard. Trois, deux, un…

 

crédit photo : Pierre Grosbois

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

 

Kinky Birds

(quand on ne lit pas la note d’intention)

Une pièce pornographique avec des comédiens déguisés en oiseaux.

 

(ce que ça raconte en vrai)

Une galerie de personnages vient nous conter la trajectoire à la fois banale et incroyable d’une jeune femme qui se fait agresser dans un métro sans qu’aucun des voyageurs n’intervienne. Pourquoi personne n’a-t-il bougé ? (site du cwb)

 

Kinky Birds

écrit et mis en scène par Elsa Poisot

avec Nabil Missoumi, Deborah Rouach, Catherine Salée, Imhotep Tshilomboc

au Centre Wallonie Bruxelles, Paris

(ceci n’est pas une critique mais…)

Le postulat de départ était honnête et même prometteur, même si déjà vu ici et là : un récit éclaté ou comment peut être interprété un événement dramatique par les différents protagonistes. Tout est question de point de vue, j’enfonce une porte ouverte. Si la pièce s’était limitée à cet argument, elle n’en aurait été que plus forte, malgré certains personnages un brin caricaturaux. Malheureusement la pièce déçoit quand elle se risque à l’anticipation avec une partie se déroulant dans un futur déshumanisé et rempli de clichés sur les nouvelles technologies et autres petites pilules et qui, surtout, n’apporte rien à ce que la pièce veut dénoncer : la lâcheté, l’individualisme, la stigmatisation.

vu le 23 mars 2017

prix de la place : 0€ (billetreduc)

 

(une autre histoire)

Elle me dit quelque chose. Ce n’est pas son visage, ce n’est pas son joli physique de fille d’à côté, pour le dire en français. La voix. Sa voix me dit quelque chose. J’ai quelque chose avec les voix. Les accents aussi. La pointe belge ou l’intonation québécoise. Pas l’américaine, tout dans le nez. Mais la Belge, la Québécoise… Ça me fait frétiller alors que ça réfrènerait les ardeurs de certains ou certaines. Ça me rappelle Betty la flamande ou Catherine la serveuse du Bonnet d’Âne à Québec. Le grain de voix, légèrement éraillée par la cigarette, qui va dans les graves. La première fille que j’ai embrassée, je l’ai remarquée pour la première fois quand elle s’est mise à chanter, « L’homme de la mancha », je crois. De Jacques Brel. Je lui avais dit qu’elle avait une voix suave. Elle l’avait un peu rauque, alors qu’elle ne fumait pas.

Parfois je vais au théâtre sans lire quoi que ce soit. Il s’avère que ce soir, j’avais une invitation pour cette pièce et que je ne m’étais même pas donné la peine de lire la note d’intention ni la distribution. Tout ce que je savais, c’était que c’était une pièce belge. Or, j’ai quelque chose avec les noms. Une espèce de hypermnésie. Je vois un comédien, une comédienne, j’enregistre son nom dans ma mémoire et dès que je le revois quelque part, pop, je sais. Longtemps, j’ai cherché à qui appartenait cette voix. Je passai en revue pendant la pièce toutes les pièces que j’ai vues, uniquement celles avec une distribution belge. Pop. Cendrillon de Joël Pommerat, qui avait choisi pour des raisons de coproduction sûrement des acteurs du plat pays. Elle m’avait bien plu déjà à l’époque, sa petite voix de dessin animé. Comment s’appelle-t-elle ? Je ne me souviens plus. C’est quoi déjà son nom ? Il faudrait que je lise le programme. L’ai-je pris ? Où ai-je pu bien le mettre ? Non, il n’est pas dans mon cul. Mes poches non plus. Je cherchais quoi déjà ?

crédit photo : DR

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

KINKY BIRDS / TRAILER from Audience/Factory on Vimeo.

La Règle du Jeu

(quand on ne lit pas la bible)

Déjà que la note de l’intention, je ne la lis pas, mais qui peut bien lire la règle du jeu ? On déballe, on sort les cartes, les pièces et on s’y met ! On tâtonne, on ne comprend rien. C’est en se trompant qu’on apprend. Je ne sais plus qui a dit ça. Y-a-t-il un mode d’emploi aux ordinateurs ? Non. Allons bon.

(ce que ça raconte en vrai)

À la suite de Jean Renoir – qui rend hommage dans son film aux Caprices de Marianne de Musset et au Mariage de Figaro de Beaumarchais –, Christiane Jatahy crée une adaptation théâtrale du chef-d’oeuvre cinématographique, alliant cohérence dramaturgique et vivacité formelle, s’affranchissant des frontières entre les disciplines pour en sublimer les codes. (site de la Comédie Française)

 

La-regle-du-Jeu-d-apres-Jean-Renoir-mise-en-scene-de-Christiane-Jatahy-a-la-Comedie-Francaise-du-4-fevrier-au-15-juin-2017_inside_full_content_pm_v8
Crédit photo : Pascal Victor / Photo de couverture :  Christophe Raynaud de Lage

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Il y a quelque chose que je ne supporte pas. Je sais, c’est de la jalousie mal placée, mais Christiane Jatahy, je la connaissais bien avant qu’elle ne mette en scène les comédiens du Français. J’avais vu son adaptation de « Mademoiselle Julie » avec la douce Julia Bernat (d’ailleurs le titre original était « Julia » dans le cadre du festival « Temps d’images » au Centquatre en 2013). Tiens, pour rebondir avec ce que je vais écrire un peu plus bas dans (une autre histoire)… Non, ça j’en ai déjà parlé pour l’article concernant « A Floresta Que Anda »… Passons à autre chose. Comme si j’étais dépossédé. On crie au génie. Mais moi, je l’ai vu avant. Tout comme l’an passé, la pièce à voir, c’était son adaptation à la Colline des « Trois Soeurs » de Tchekhov. Mais moi, je l’avais vue avant sa reprise et c’était toujours au Centquatre. D’ailleurs, je m’en souviens très bien, puisque j’assistais à la même représentation que Stéphane Braunschweig qui lui aura, plus tard, proposé d’être artiste associée au théâtre de l’Odéon. Là où je veux en venir, c’est que « La Règle du Jeu » n’est pas la meilleure pièce de Christiane Jatahy. Il fallait voir ses précédentes ! Son travail reste de haut niveau, mais je n’ai pas ressenti une nécessité. Cette nonchalance rend cette pièce mineure. Ou bien faut-il revoir le film avant de voir la pièce pour apercevoir les clins d’oeil, les éventuelles idées gratuites comme le drone du personnage de Jérémy Lopez, qui fait écho à la gigantesque boîte de musique de son alter ego cinématographique. Je terminerai par ces quelques mots (gratuits eux aussi) : Suliane Brahim forever. Et Elsa Lepoivre aussi.

 

La Règle du Jeu

inspiré par le film de Jean Renoir, adapté et mis en scène par Christiane Jatahy

Avec Jeremy Lopez, Suliane Brahim, Laurent Laffitte, Elsa Lepoivre, Serge Bagdassarian, Bakary Sangaré, Julie Sicard, Éric Génovèse, Jérôme Pouly, Pauline Clément.

(reprise en 2017-2018, toujours à la Comédie Française, Salle Richelieu)

 

(une autre histoire)

C’est seulement la troisième fois que je me rends dans cette salle Richelieu. La première fois, c‘était pour « L’Avare » avec Denis Podalydès. Un de mes amis, B., était venu avec moi, me semble-t-il. La deuxième fois pour « Père » d’Arnaud Desplechin, il y a un peu plus d’un an. C’était H. qui m’avait invité. On s’était embrassé pour la première fois un peu plus tard dans la soirée. Je lui avais proposé de boire un dernier verre au « Lèchevin ». En prenant nos verres, avec les manches de mon trenchcoat, empoté que je suis, je les avais renversés. La troisième fois, j’étais tout seul. Parfois je fais le compte. Seul ou accompagné. En 2016, j’ai vu soixante-douze spectacles. Je ne fus seul que pour vingt-cinq. Pas si mal. Je me fiche d’être seul ou accompagné quand je vais au théâtre. Au cinéma, c’est un peu pareil. Aux concerts, en revanche… On n’est pas forcément assis, on n’attend pas dans le noir. On prend un air inspiré, sa pinte à la main. On ne regarde pas trop souvent son téléphone. On est souriant. Là où je m’en contre-fous et où je revendique ma solitude, c’est dans le train. Je choisis ma place, dans le sens de la marche, en bas, côté fenêtre, duo. Parfois des couples, souvent jeunes, me demandent si je veux bien échanger ma place contre une des leurs, pour qu’ils soient ensemble. Je refuse. Je me fais pas chier à sélectionner ma place trois mois à l’avance pour que deux petits cons se roulent des pelles pendant trois heures. J’y gagne quoi, moi ? Hormis récupérer ma valise pour changer de wagon, parce que ce n’est jamais dans le même wagon. Wagon où il n’y aura plus de place pour ma valise. Pas pour rien que j’arrive toujours quarante-cinq minutes en avance pour être dans les starting blocks à l’annonce du quai. Je gagne toujours. Je sais d’avance où sera mon train. Probabilité, hypothèse. Wagon avec le chien qui aboie, le bébé qui braille, l’enfant qui court dans les allées et qui te réveille, parce que la place échangée est côté couloir dans le mauvais sens du courant. J’ai mal au coeur. J’ai le mal des transports. Dans les ferrys, dans les tramways. Si vous voulez vous rouler des pelles, passez votre temps au wagon restaurant, vous ajouterez la soupe au menu.

 

Vu le 22 mars 2017 à la Comédie Française, Salle Richelieu

Prix de la place : 30€ (cat 2)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

 

Michael Jones

(quand on ne lit pas la note d’intention)

Nous sommes dans un monde alternatif dans lequel Jean-Jacques Goldman n’existe pas et Michael Jones chante toutes les chansons de ce dernier, sans qu’on s’en rende compte évidemment.

(dans ma tête)

Tu penses que Jean-Jacques Goldman viendra ? Genre surprise du chef, je viens en voisin m’amuser avec mon meilleur ami. Il ne viendra pas. Je ne dirai pas comment ni surtout pourquoi je me suis retrouvé à Sorgues pour le concert de Michael Jones. À l’insu de mon plein gré, pourrais-je dire. Il y avait de la lumière… C’est presque ça. Je peux dire que j’étais accompagné d’amis de vingt ans. Vingt et un pour deux d’entre eux, pour être plus précis. L’un me rappela que j’aimais jouer aux Six degrés de séparation avec Kevin Bacon. J’étais (je suis toujours ?) capable de relier n’importe quel acteur ou actrice français, américain ou autre avec Kevin Bacon à l’aide des films dans lesquels ils auraient joué. Par exemple : Jean Réno a joué dans « Ronin » avec Robert de Niro qui a joué dans « Sleepers » avec Kevin Bacon. Un degré. Certes mes références sont légèrement datées. Mais vous voyez le genre. Il parait qu’on est relié à n’importe qui dans le monde en moins de six degrés. Je ne sais pas si les simples poignées de main comptent, mais par exemple, je peux dire que je suis à deux degrés de Donald Trump. L’actuel président des États Unis a serré la main de Justin Trudeau, premier ministre du Canada qui s’est fait prendre en photo en compagnie de mon beau-frère canadien qui est militaire. Il a fait l’Afghanistan et il m’a offert des chaussettes de l’Armée Canadienne, je suis trop fier. Donc si vous me connaissez, vous n’êtes qu’à un degré de plus de Donald Trump ! Amazing ! J’ai déjà embrassé (sur la joue) Julie Gayet. J’ai déjà serré la main de François Hollande. C’était avant qu’il ne passe quoi que ce soit entre eux deux. J’ai fait du théâtre (et j’ai même fêté mon bac) avec l’épouse de Jean-Jacques Goldman. Toute la promo 1997 du lycée Michelet à Marseille pourrait en dire autant. Mais pas tout le monde peut s’enorgueillir de cela : Ma voiture était chez mon garagiste et la future femme de JJG m’avait proposé de m’y déposer. On avait même écouté du Goldman dans sa voiture. Ironie du sort. Ou ça la faisait bien marrer, sachant qu’elle le connaissait déjà à l’insu de nous tous. Ça, je n’en suis pas du tout sûr, mais ça ajoute quelque chose de savoureux à mon histoire. Comme du piment (d’Espelette).

Michael Jones

à la salle des fêtes de Sorgues

(ce que ça raconte en vrai)

Michael Jones chante et joue de la guitare.

(pas une critique)

Il est toujours triste de voir qu’un artiste existe (survit) à travers un autre artiste. Le public reste poli devant les chansons du chanteur gallois (comme je maîtrise l’écriture journalistique, j’évite les répétitions… donnez moi du Marseille, du Paris, j’écrirais Phocée, Lutèce…) mais c’est le feu à l’écoute des reprises des chansons de Goldman. des versions light avec un chanteur qui imite plus ou moins JJG çar Michael Jones sera toujours meilleur guitariste (ça, on ne peut pas le lui enlever) que chanteur. Quitte à abuser des reprises de son ancien compagnon de route. Il faudrait également rajouter à la constitution l’article suivant : On arrête de parler entre les chansons, surtout quand c’est pour dire n’importe quoi, notamment des vieilles blagues racistes mal racontées. (Vous connaissez la première ville arabe traversée par le Paris Dakar ? Marseille. Nous sommes en 2017, je vous l’assure. L’abus de rosé est dangereux pour la santé mentale.)

le 18 mars 2017

crédit photo : Je vais dire Monsieur ou Madame DR

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

 

Les 400 Coups de Pédale

(quand on ne lit pas la note d’intention)

Performance physique et vidéo durant laquelle le film de François Truffaut  « Les 400 coups » sera projeté à la vitesse du coup de pédale d’un cycliste de renom, le projecteur ne fonctionnant pas à l’électricité mais à l’énergie générée par ce coureur cycliste. Quatre cents coups de pédale suffisent pour passer le film à la bonne vitesse, du début à la fin.

(dans ma tête)

Je ne peux même pas dire que je regrette, puisque je l’ai fait. J’ai tenté, j’ai échoué. Je ne me souviens même plus en quelle année c’était. L’année avant la catastrophe que fut « La Société de Chasse » de Thomas Bernhard. Oui, c’est ça. Puisque c’est ma future metteure en scène pour cette pièce à laquelle, avouons-le, je n’avais pas compris grand chose, qui nous avait aidés à nous préparer pour le premier tour du concours d’entrée à l’École Régionale des Acteurs de Cannes. Elle m’avait dit un truc du genre : « Mais tu ne ressembles à personne, tu as un physique atypique, il faut que tu en joues. » Je n’ai jamais su comment j’aurais dû le prendre. Je ne suis pas très grand, j’ai une légère tendance à l’embonpoint ou la variante de « Je suis légèrement enveloppé » d’Obélix. On dirait que je suis trapu, mais je n’aime pas ce qualificatif. Je ne me souviens même plus des scènes que j’avais choisies de présenter. Mis à part une scène d’un Tennessee Williams, pas du tout connue, dans laquelle j’interprétais, enfin, j’essayais, un vieux propriétaire esclavagiste. Je prenais une voix dégueulasse. J’étais très mauvais. Mais cela avait peut-être suffi la fameuse metteure en scène dont je tairai le nom, elle s’appelle Émilie, à la convaincre de m’intégrer dans son nouveau projet dans lequel je jouerai un général de soixante ans qui a fait la campagne de Stalingrad pendant la seconde guerre mondiale. Mon personnage était manchot. J’avais réellement le bras mort quand on répétait, à m’en donner des fourmis. Pendant ces répétitions, j’étais tombé amoureux d’une des comédiennes. Un autre comédien, beaucoup plus assuré que moi, qui faisait plein de jeux de mots, était également sur les rangs. J’avais beau tenté de l’approcher, de rentrer dans leur jeux, je n’arrivais pas à sa cheville. Je n’ai jamais su s’il s’était passé quelque chose entre elle et lui. Un jour, j’y ai cru. Des regards, des « je te touche le bras ». En rentrant de répétition, en voiture, je me suis mis à pleurer. J’ai hurlé. Vous avez déjà essayé de hurler ? On vous prendrait pour un fou si vous le faisiez, mais certains métiers le permettent : tennisman, instit. Ça fait un bien fou. La voiture, ça fonctionne aussi. Surtout quand elle est en mouvement.

J’avais proposé à la jeune comédienne d’aller au cinéma avec moi. Je l’avais appelée. Elle avait refusé. Pas de regret.

J’avais passé le concours d’entrée à l’école de théâtre. J’étais devant un des préfabriqués de la fac de lettres d’Aix en Provence. Je ne sais plus si on m’a laissé un message sur mon téléphone portable ou bien ai-je directement appelé. Quoi qu’il fut, je n’étais pas retenu pour le second tour. Pas de regret.

Je n’ai plus jamais repassé de concours.

 

Quatre cents coups de pédale

de Quentin Laugier

mise en espace : 1ère partie : Alexis Moati – 2e partie : Pierre Laneyrie

Avec les 14 élèves comédiens de l’Ensemble 25 de l’ERAC

à la Friche Belle de Mai, Marseille

 

(ce que ça raconte en vrai)

Les 400 coups de pédale ne sont pas dans les clous. Aucune norme, aucune mesure, aucune comparaison possible, sauf peut-être l’avènement de ce qu’on pourrait nommer l’écriture « post-séries ». Une toute nouvelle génération d’auteurs dont le jeune Quentin Laugier, avec cette improbable saga, serait non pas le fer de lance, ça le ferait bien rire qu’on puisse le nommer comme ça, mais oui un très bon symptôme. La France, l’Islande, le Québec, le XVIIe siècle, le XIXe siècle, les années 90, aujourd’hui… une trentaine de personnages… oui, il s’agit bien d’une histoire-monde, une quête absolue d’identité pour tenter de réinventer un présent acceptable par-delà la morale. Pour se risquer à cette traversée, Il fallait bien l’ensemble 25 dans sa totalité. (site de la Friche)

(pas une critique)

À l’entrée des spectateurs, une comédienne donne un petit papier à ceux-ci. Pas tous. À la tête du client. Puis elle invite à ce que les récepteurs du petit papier rejoignent la scène et s’y installent. Pour faire quoi ? On ne le sait pas. Je n’aime pas les spectacles participatifs. « Allez, levez les bras »… Un peu de mauvaise foi pour commencer, ce n’est qu’une infime partie de cette pièce. L’auteur, jeune, se lance pour sa première création dans une trilogie, une oeuvre monde, un Short Cuts dont tous les personnages se rejoindraient à la fin, avec la grande révélation en prime. Comme s’il ne pouvait pas commencer par quelque chose de plus… de moins… par quelque chose de modeste. Car pas maîtrisé. Déjà vu. Il y en a trop ou l’écueil de nombre de premières oeuvres. Restent la sincérité et l’enthousiasme des jeunes comédiens de l’ERAC déjà vus dans « Mercy » l’automne dernier.

(Comme l’impression que ce n’est pas la première fois que j’assiste à une pièce de théâtre durant laquelle un des comédiens chante une chanson du groupe Niagara. Il y a même une scène dont je suis certain avoir déjà vu ou lu ou entendu. Il y en a trop, il y en a trop.)

le 17 mars 2017

Crédit photo : DR

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

 

 

Soirée Festival Yeah !

(quand on ne lit pas la note d’intention)

Mais où vont-ils chercher tous ses noms d’artiste ? Pneu, Pain Noir, Cheveu. Je suis de mauvais foi, Narrow Terence ou Oh Tiger Mountain, même si je n’ai pas cherché ce que ça peut bien vouloir dire, il y a quelque chose de poétique dans leurs noms. Y a des Etats-Unis, du blues, les racines. Même s’ils sont originaires du sud de la France. Mince, j’ai menti, j’ai un peu lu la note d’intention.

(dans ma tête)

Depuis le temps qu’on m’incitait à les voir. La Myspace family les connait bien. Les gens que j’ai rencontrés il y a presque dix ans grâce à l’ancêtre des réseaux sociaux. Je n’aurais jamais pensé, déjà, que je me ferais des potes par cet intermédiaire et que ça durerait, et pas forcément dans le cadre des concerts ou des festivals. Il y en a qui vivaient en Belgique, d’autres en Lorraine, à Marseille (ma ville natale), à Aix en Provence, à Paris, à Bordeaux. On est parti en vacances ou en weekend à Lyon, en Italie, en Bretagne. On a hébergé les uns et les autres. On refait parfois des concerts ou des pièces de théâtre avec les uns ou avec les autres. Des verres, des restos. On se souhaite nos anniversaires, la bonne année, on reste en contact, d’une façon ou d’une autre, plus ou moins régulièrement. On s’éloigne parfois, mais on est toujours là. Il y a eu aussi des bébés, on voit comment on évolue tous.  Où en sont nos rêves ? On n’est pas loin de la quarantaine. Nick Cave est notre Dieu. Bon, moi c’est Thom Yorke. Pour d’autres c’est David Bowie ou Léonard Cohen (qui pour le coup, sont vraiment devenus des dieux suite à leur arrivée dans l’au-delà).

C’était le temps où j’écoutais, je découvrais. Aujourd’hui je suis. Du verbe suivre. Avant je découvrais énormément de groupes québécois ou canadiens, par exemple. Moins maintenant. Je vis sur mes acquis. Le théâtre a pris le dessus. Quand je vois les noms des artistes dans les festivals, je n’en connais pas la moitié. Surtout dans ceux soutenus par les Inrocks ou Pitchfork. Mais ça ne m’empêche pas (plus) de vivre. C’est comme ça, non ?

Narrow Terence + Oh Tiger Mountain (dans le cadre de la soirée Festival Yeah !)

au Petit Bain, Paris

 

(ce que ça raconte en vrai)

Je me rends surtout compte que cette partie de l’article n’est pas très appropriée concernant les concerts.

(pas une critique)

Oh Tiger Mountain vaut surtout pour la prestation de son leader, charismatique, peut-être un brin agaçant parfois de par une attitude « over the top ».

Narrow Terence est la vraie révélation pour moi, même s’ils tournent depuis un certain temps. La voix rocailleuse du chanteur séduit, nous emporte ailleurs.

le 16 mars 2017

crédit photo : DR

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

 

NARROW TERENCE A L’EGLISE ST EUSTACHE from TIG Studio on Vimeo.

Doreen

(quand on ne lit pas la note d’intention)

Pour la première fois à Paris, la troupe Steppenwolf de Chicago, créée par John Malkovich, présente en France une de ses créations. Il s’agit de la relecture américaine du classique de Molière « Le Tartuffe », vu cette fois-ci du point de vue du personnage de Dorine, Doreen en anglais.

 

(ce que ça raconte en vrai)

En s’inspirant de Lettre à D. d’André Gorz publié en 2006, David Geselson invente ce qu’auraient pu être les échanges du couple formé par le philosophe et sa femme au fil de leurs cinquante-huit ans d’amour et de vie commune interrompus par la maladie et la mort dans Doreen, une proposition aussi touchante que troublante (lu sur Sceneweb)

(ceci n’est pas une critique mais…)

Nous gravissons les marches un peu raides pour accéder à la salle du haut du théâtre de la Bastille. Les places dans le public sont condamnées… En voyant le dispositif du spectacle de David Geselson, j’ai tout de suite pensé à « Nusch » vu quelques années plus tôt dans la même salle. Toujours une peur de la redite et de la déception qui peut en découler, même si je savais que je pouvais faire confiance en David Geselson. Pour avoir lu « Lettre à D. », je savais également que cela pouvait être fort émotionnellement et ce le fut. Attention, David Geselson ne tire pas sur la corde sensible. Justement tout y est sensible, touchant. Nous sommes invités à leur dernière soirée, nous grignotons, nous buvons de quoi nous désaltérer mais aussi leurs paroles. Nous percevons le lien indéfectible qui liait celui qui se faisait appeler André Gorz à Doreen. Ils s’aiment et nous les aimons. Nous pleurons aussi un peu (devrais-je plutôt dire « je », mais je sais que je n’étais pas le seul). Je ne me suis jamais senti aussi proche de ce qu’il se passait sur scène et cela allait bien au delà de la proximité physique ou de la scénographie. Une simplicité, une sincérité qui vont droit au coeur.

vu le 13 mars 2017 au théâtre de la Bastille, Paris

prix de la place : 10€ / mois (pass)

Doreen

autour de « Lettre à D. » de André Gorz

écrit, mis en scène, interprété par David Geselson, avec également Laure Mathis

Théâtre de la Bastille, Paris

(en tournée dans toute la France en 2017/18)

crédit photo : Charlotte Corman

(une autre histoire)

Nous gravissons les marches un peu raides pour accéder à la salle du haut du théâtre de la Bastille. Les places dans le public sont condamnées. Au beau milieu du plateau, une grande table de bois. Des chaises disposées autour. Franck Vercruyssen nous salue, nous invite à prendre place, où nous le souhaitons. Nous nous considérons comme chanceux, privilégiés, même. Nous sommes au bas mot seulement une petite trentaine. À l’entrée du théâtre, j’avais croisé une comédienne qui avait joué dans un spectacle présenté également, un peu plus tôt, dans ce même théâtre. Elle était verte de jalousie quand je lui ai montré mon sésame pour les cieux. « Oh, mais tu sais qu’elle vaut chère, cette place ? Même moi qui ai accès à toutes les pièces de la saison, je n’ai pas pu en obtenir une. Tu me raconteras, hein ? » me dit-elle. « Compte sur moi », lui répondis-je.

Une fois que tout le monde est installé, le comédien du tg STAN nous permet de poursuivre nos conversations, précise que le spectacle n’a pas encore commencé et nous propose un verre de vin rouge. Italien. Il nous le présente en utilisant le vocabulaire adéquat et ajoute qu’il n’a pas choisi de vin français pour la seule et bonne raison qu’on aurait plus l’habitude d’en boire. Je le goûte. Il ne pique pas. Voilà à quoi se limite ma connaissance du vin. Toujours je me suis dit de faire une tournée des caves, un stage en oenologie, pour goûter, comprendre, mettre des mots. Encore une chose à faire sur ma liste.

On entend les premiers mots du poème de Paul Éluard dédié à sa femme Nusch. Une danseuse de la compagnie d’Anna de Kersmaecker, Liz Kinoshita, tourne autour de nous, monte sur la table en bois, esquisse des pas de danse. Je suis subjugué, je suis ému, par les mots, par ce corps. La beauté, la grâce, un instant suspendu. Je regarde les visages des personnes en face de moi, je m’arrête sur un en particulier. Des larmes perlent sur ses joues. Je ne peux détacher mon regard de son visage, malgré ma gêne, le sentiment de ne pas avoir le droit de l’observer à ce moment bien précis, intime et pourtant public.

Le poème se termine, la danse aussi. Nous applaudissons. Pas à tout rompre. mais conscients du moment unique que nous venons de vivre. Les deux artistes saluent humblement. Franck Vercruyssen nous prie de bien vouloir rester si nous le souhaitons, pour terminer notre verre, nous en resservir un autre, discuter entre nous. Comme quand tu as vu un film qui t’a bouleversé et que tu ne veux, que tu ne peux pas sortir de la salle après le générique. Je me lève, me dirige vers la seule personne connue de mes yeux, nous échangeons brièvement quelques paroles et restons silencieux face à cette table, avec le souvenir d’un spectacle qui restera gravé dans nos mémoires.

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

 

Doreen / Teaser from AlterMachine on Vimeo.

Dépaysement

(quand on ne lit pas la note d’intention)

Une famille de citadins passe des vacances hautes en couleurs dans le Vercors, là où il n’y a que du réseau 2G et où les bouses de vaches sentent… la bouse de vache. (qu’est-ce que j’aime cette odeur… ça me fait penser à mes vacances dans les Alpes…)

(une autre histoire)

Trop chaud, trop de bruit, trop de monde, trop de tout. Je n’arrive plus à m’y faire. Je reste coincé dans mon 9m2 à mon sixième étage sans ascenseur. Je ne sors plus. J’ai bien essayé pourtant, mais rien n’y fait. Appelez-moi comme vous voulez, misanthrope moderne, atrabilaire solitaire, je n’en ai que faire. Tout ce qui compte aujourd’hui, c’est la musique qui passe dans mes oreilles, les touches de ma machine à écrire (en vrai, c’est un ordinateur portable d’origine fruitière, mais ça ne fait pas le même effet quand j’évoque mon instrument préféré) que je tape frénétiquement mais toujours avec douceur. (« taper » et « douceur » ne sont pas des mots qui vont très bien ensemble, très bien ensemble, je me rends compte) Et aussi le livreur de chez Picard et celui de chez Franprix qui montent mes provisions jusqu’à mon sixième étage sans ascenseur. Je devrais prendre en photo les gens qui montent jusqu’à chez moi. Je devrais enregistrer leur essoufflement. C’est ma collection, je dirai. Certains collectionnent les pin’s, d’autres les conquêtes. Moi, c’est votre souffle.

Quand l’escort girl est partie, j’ai tout de suite réécouté mon halètement. Je manque d’exercice. Elle, je ne l’ai pas entendue. Je l’aime bien parce qu’elle ne triche pas. Ça faisait tellement longtemps que je n’avais pas besoin qu’elle fasse semblant. J’ai voulu être poli, je lui ai proposé de monter sur le rebord des toilettes, sur le palier, pour passer la tête par la fenêtre et ainsi voir un morceau du Sacré Coeur, en principe ça plait, mais elle a refusé. Elle s’appelle Solveig. Je l’ai choisie à cause de son prénom. On ne peut pas dire qu’elle soit à mon goût, je veux dire, physiquement. Mais c’est pas grave. Solveig Gudmundsdottir. Je ne suis pas certain que ça soit son vrai nom en revanche.

Quand je serai grand, je m’appellerai Lars Sigursson et j’élèverai des moutons ou des chevaux courts sur pattes. Lors de mon temps libre, je compterai les voitures qui passent sur la route. Je ferai une sieste à même le bitume. Je ferai comme les sioux, j’écouterai la route. Je mangerai du poisson séché en guise d’apéritif. Mes nuits seront mes jours et mes jours seront mes nuits. J’ouvrirai la plus petite salle de cinéma de l’île (ou le MicroCiné) (dans leur langue, le mot pour « ciné », c’est « bio », ça me fait sourire et me demande comment on dit « bio » dans leur langue : des légumes ciné ?) et il n’y aura que des fauteuils clubs. J’écrirai le reste du temps, comme je le fais maintenant. J’imprimerai les feuilles blanches, fabriquerai des avions ou des bateaux en papier et regarderai où le vent ou le courant les mènent.

Un jour je ferai le tour de l’île. À pied, en courant, à cheval. Et je ne m’arrêterai jamais.

 

Dépaysement

écriture et mise en scène : Ascanio Celestini

interprétation : Ascanio Celestini, Violette Pallaro, Patrick Bebi (interprète) et Gianluca Casadei (accordéon)

 

(ce que ça raconte en vrai)

Ascanio Celestini se présente, d’où il vient, et de qui. Il déploie toute la lignée ; la grand-tante, qui enlevait des mauvais sorts et racontait des histoires de sorcière. La grand-mère, Marianna, née à Anguillara Sabazia. Le grand-père, charretier à Trastevere, devenu invalide du travail après un accident, qui a fini par occuper le cinéma Iris à Porta Pia, homme à tout faire. Et ses parents. Il se raconte, il dit tout. Son père répare des meubles anciens, sa mère a été coiffeuse dans un salon où d’après une légende le roi d’Italie se serait fait coiffer. Ascanio Celestini, sur scène, dessine la galerie des portraits vivants d’une Italie grouillante, Rome flamboyante d’un peuple fier, humilié, enragé, révolté ou exalté. (Théâtre du Rond Point)

(pas une critique)

J’aime bien l’idée de la traduction instantanée italien-français. J’aime cette idée de retrouver une langue, un rythme, pourquoi pas des personnages d’une pièce à l’autre. J’aime penser que je comprends l’italien alors que pas du tout. J’aime qu’on me raconte des histoires et imaginer à quoi ressemblent les gens. Des gens comme vous et moi. Des gens simples mais extraordinaires, dans le fond…

vu le mercredi 8 mars au théâtre du Rond Point – Salle Jean Tardieu (Paris) (prix de la place : 16€95 via Billetreduc)

crédit photo : Hubert Amiel

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

 

La Mouette

(quand on ne lit pas la note d’intention)

« La Muette » est une pièce dans laquelle des personnages se croisent et se séparent devant la station de métro parisien du même nom. Le quiproquo central, qui donne le titre à la pièce, vient d’un personnage d’origine belge qui n’arrive pas à se faire comprendre quand il demande son chemin : « Où se trouve la station de la Mouette ? »

(dans ma tête)

Le metteur en scène, le scénographe (sont-ce peut-être la même personne, je le répète, je n’ai pas lu le programme) ont décidé d’adopter un dispositif quadrifrontal diagonal. On oublie la bonne vieille scène, le proscénium (j’aime apprendre des nouveaux mots), les sièges rouges de la salle d’en bas du théâtre de la Bastille. Nous avons des chaises pliantes disposées aux quatre coins de l’espace. Par rapport à l’entrée, je me place à l’opposé, contre le grand mur de la scène, avant qu’elle ne soit démontée. Ça me rappellera des souvenirs.

Avant la pièce, j’ai bu deux bières, des demis, avec une de mes innombrables conquêtes dont je ne me souviens déjà plus du prénom. Je n’ai pas assez répété son prénom quand je m’adressais à elle. C’est comme ça que je retiens.

La Mouette, ça va, je connais, j’ai déjà vu au moins deux versions, Benedetti (la meilleure à mon sens), et celle d’Ostermeier. La première fille avec qui je suis sorti de toute ma vie avait même joué une scène de cette pièce lors de la colonie durant laquelle nous nous étions rencontrés (phrase lourde). Me vient l’envie de pisser. La pièce vient à peine de commencer et j’ai envie d’évacuer le contenu de ma vessie. D’habitude j’y pense avant, je me rends toujours aux toilettes des handicapés. Il n’y a jamais d’handicapés de toute façon qui viennent aux représentations. Et s’il y en a un qui me dit quelque chose, je lui dirai que j’ai une petite bite qui m’empêche de viser l’urinoir. (une information sur les deux que vous venez de lire est vraie) Bordel de purée de foutre. Je me serais placé sur le côté, près de l’entrée comme l’amie L., je me glisserais subrepticement, comme une ombre, vers la sortie et peut-être même que je reviendrais me rassoir ni vu ni connu. Mais là, je ne peux décemment pas dire aux comédiens : « Je vous prie de bien vouloir m’excuser du dérangement, je dois aller au pipi room, mais vraiment parce que j’ai envie de faire pleurer Popaul. Je ne me fais absolument pas chier. » Alors je me tords, j’essaie de penser à autre chose. C’était Billy Wilder qui disait : « L’autre jour, je me suis rendu à l’opéra, le spectacle démarrait vers 21h. Deux heures plus tard je regarde ma montre, il était 21h15. » Il disait cela approximativement. C’est mon adaptation, c’est ma traduction. Parfois, quand je suis chez mes parents et que j’ai la flemme de descendre l’escalier jusqu’aux toilettes, je fais pipi dans une petite bouteille d’eau vide de 50cL. Il m’arrive d’uriner plus de cinquante centilitres. Je pose ça là et vous y réfléchirez plus tard. Mais là, pas de bouteille, pas d’alternative que… J’ai réussi à inverser le flux. Mon pipi est revenu de mes entrailles jusqu’à ma gorge et mes lèvres pour redevenir de la Grimbergen. Jésus transformait l’eau en vin, je régurgite de la bière. Heureusement dans les accessoires présents sur scène figurait une grande carafe que j’ai subtilisée et que j’ai utilisée pour me vider de tout fluide à base de houblon. Le public était bien trop concerné par ce qu’il se passait à l’opposé de ma position. Je me sortis comme un grand de cette histoire rocambolesque.

L’histoire ne dit pas pourquoi deux des comédiens furent envoyés aux urgences de la Pitié Salpétrière plus tard dans la soirée.

La Mouette

d’après la pièce de Anton Tchekhov

Mise en scène : Thibault Perrenoud

Avec : Marc Arnaud, Mathieu Boisliveau, Chloé Chevalier, Caroline Gonin, Éric Jakobiak, Pierre‑Stefan Montagnier, Guillaume Motte, Aurore Paris.

au Théâtre de la Bastille, Paris.

(ce que ça raconte en vrai)

« Figurez-vous que j’écris une pièce, que je ne finirai pas, là non plus, avant la fin novembre. Je l’écris non sans plaisir, même si je vais à l’encontre de toutes les lois de la scène. Une comédie, trois rôles de femmes, six d’hommes, quatre actes, un paysage (une vue sur un lac) ; beaucoup de conversations sur la littérature, peu d’action, une tonne d’amour. » (Extraits de la correspondance de Tchekhov avec A.S. Souvorine, traduction d’André Markowicz)

(pas une critique)

J’ai tout de même lu la note d’intention et je lis qu’il s’agit d’une nouvelle traduction. Mais il y a quelque chose que je voudrais comprendre. Le traducteur ne parle pas russe (sauf preuve du contraire) mais anglais. Le texte que nous entendons est la nouvelle traduction de la traduction anglaise. Si je ne m’abuse, Tchekhov a écrit sa pièce en russe, non ? Il ne nous fait pas chier (excusez mon français) avec des noms russes à rallonge dont on ne se souvient jamais si c’est pour écrire en anglais. Ça me fait penser au téléphone arabe. Imaginons qu’un metteur en scène allemand ou espagnol soit fasciné par cette nouvelle version et décide de faire sa propre traduction du texte français de Clément Camar-Mercier. Qui nous dit que, si on compare la nouvelle traduction avec le texte original, les deux pièces ne seront pas aux antipodes l’une de l’autre des intentions de l’auteur russe ? Attention, je ne critique pas le texte qui est de bonne facture. Je m’interroge seulement sur le procédé. Tout comme ces metteurs en scène qui co-signent les traductions de textes suédois ou autres langues exotiques, si ce n’est pour empocher les droits d’auteur liés à la dite traduction, alors qu’ils ne parlent même pas la langue. Mais je fais là peut-être un mauvais procès d’intention. Ceci n’était définitivement pas une critique (de la pièce).

6 mars 2017

crédit photo : Clément Camar-Mercier

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

 

LA MOUETTE (TRAILER) from Kobal’t on Vimeo.

Domino

(quand on ne lit pas la note d’intention)

Ou le destin extraordinaire de l’inventeur du domino et de son épouse, qui est en fait le vrai cerveau du couple, comme c’est souvent le cas. La scène mémorable de la pièce étant celle où l’enfant du couple subtilise les dominos pour les faire tomber une à une.

(une autre histoire)

« J’aime pas trop embrasser (c’est ce qu’elle me dit). Je ne pourrais pas passer des heures comme ça (elle a vu la même pièce que moi, c’est pour ça). Qu’est-ce qu’on fait ensemble alors ? (c’est ce que je lui réponds) Parce que moi, j’adore embrasser, c’est ce que je préfère. (je poursuis) Et je crois que je suis pas trop mauvais dans cet exercice-là. (elle ne répond pas) Non, mais c’est pas ce que je veux dire, j’aime embrasser mais pas non plus que ça dure des plombes. (elle se répète)  On va dodo ? (elle change de sujet) C’est tout ce que tu sais dire ? (je m’énerve) Je vais dodo ? Ça veut dire quoi ? On se déshabille chacun de son côté, on se met sous la couette, tu me tournes le dos et tu attends que je vienne vers toi ? (elle ne répond pas) Si tu ne veux plus de moi, dis-le franchement. Je le prendrai mal, oui, et j’aurai mal (je ne fais pas la métaphore du sparadrap qu’on arrache) mais je préfèrerais ça au pourrissement de notre relation. (je veux l’embrasser une dernière fois, avant qu’elle me dise la vérité, avant qu’il ne soit trop tard) »

Je l’embrasse, on passe dans ma chambre, on se déshabille chacun de son côté, on se glisse sous la couette, elle me tourne le dos, je vais vers elle, je me blottis contre elle, je lui embrasse le cou, elle prend ma main et la plaque contre son sein. Nous faisons l’amour, pour la dernière fois.

 

Domino

Mise en scène : Argyro Chioti

Dramaturgie : VASISTAS theatre group, Christiana Galanopoulou

Création lumière : Tasos Palaioroutas – Costumes : Paul Thanopoulos – Montage sonore : Jan Van de Engel – Espace scénique : Eva Manidaki – Collaboratrice artistique : Ariane Labed

avec Evdoxia Androulidaki, Antonis Antonopoulos, Georgina Chriskioti, Fintel Talampoukas, Stamatina Pergioudaki, Efthimis Theou, Eleni Vergeti et un groupe de personnes volontaires : Irène Berruyer, Pierre de Bucy, Fabien de Chavanes, Fanny Gutin, Sira Lenoble N’diaye, Rita Litou, Béatrice Villemant

 

(ce que ça raconte en vrai)

Ils sont treize hommes et femmes habillés à l’identique, marchant et dansant en suivant la même cadence. Dans cette chorégraphie minutieusement réglée, ils semblent emportés dans l’élan des figures imposées. Sont-ils des soldats, des prisonniers ou des êtres passifs entraînés par un programme dictant leur rôle ? Certains tentent de s’évader de l’espace assigné, d’échapper au pas collectif, de s’affirmer. Dans ce « théâtre physique », le mouvement tient lieu de parole, et de vieilles chansons oubliées reflètent les émotions qui traversent le groupe. La metteuse en scène Argyro Chioti a imaginé un ballet absurde, drôle et cruel. Elle s’inspire de la situation grecque où chacun fait face à l’écroulement d’une société, et décrit un phénomène universel : comment survivre à la chute ? Le constat est clair : nous sommes liés par la force des choses, comme des pièces de domino.

 

(pas une critique)

Il est rare que je revois un spectacle, mais c’est le cas ici avec cette reprise de « Domino » par le collectif grec Vasistas (à la Villette en mars 2015). Il y a du Pina Bausch dans ces tentatives, ces échecs, ces rassemblements, ce collectif. Il y a des corps (porte ouverte, je sais), des bouches, de l’amour. de l’espoir, avant que tout s’écroule, comme un château de cartes, comme des dominos…

(oui, bon, ok, je ne sais pas trop quoi écrire là maintenant…)

Il y aussi l’envie d’être sur scène avec eux (parmi les personnes volontaires qui ne font pas partie du groupe Vasistas)… Oui ok, je veux me foutre à poil (et c’est le cas de le dire) sur scène et alors ?

 

vu le vendredi 3 mars 2017 au Nouveau Théâtre de Montreuil (93)

prix de la place : 10€ (abonnement)

 

crédit photo : Stavros Habakis

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

 

Nova Oratorio

(quand on ne lit pas la note d’intention)

La vie de Mamie Nova n’a pas été facile. Ici, dans une mise en scène dépouillée, comme le veut la tradition de l’oratorio, une chanteuse lyrique nous livre l’envers du décor, de son enfance malheureuse dans sa Normandie natale (l’épisode du kidnapping de la vache Milka est particulièrement émouvant) jusqu’à la conclusion de ce spectacle où l’on voit Mamie Nova tomber dans l’enfer de la poudre de coco, bien connue des amateurs de yaourts gourmands à la noix de coco.

(une autre histoire)

Où est Anna ? Elle est pas arrivée Anna ? Elle est aux toilettes ? A neuf ans, on n’a pas le trac, on fait pas caca mou avant une représentation, voyons. Elle se prend pour qui ? Sarah Bernhardt ? Pourquoi tu boîtes, Chouaïb ? Pourquoi t’es toujours pas en tenue, Victor ? Allez, allez, on se dépêche. On se rassemble, tous autour de moi. Voilà. Allez, on est ici, dans ce joli théâtre, c’est une vraie chance. On a répété, vous connaissez les paroles et les chorégraphies, tout se passera bien. Vos parents sont derrière le rideau. Sauf ceux de Lise, je sais, ils sont morts. Mais ils nous regardent, où qu’ils soient, j’en suis certain, ils nous regardent et ils sont fiers de te voir vomir partout Lise… Mais pourquoi c’est rose ? Le lait grenadine, c’est pas bon avant de chanter, je vous l’ai dit combien de fois ? Anna, tu t’es bien essuyée le cucul ? Parce qu’après ça gratte et je n’ai pas envie de voir tes parents se ramener en me demandant des comptes parce que sur toutes les photos, t’auras la main aux fesses. Au fait, tu as pensé demander à ton père si je pouvais passer à son théâtre pour la générale de James Thierrée ? Non ? Pas grave… Allez, dans une minute, ça démarre. On se tient la main, on se fait passer la boule d’énergie… Où elle est passée, qui n’a pas serré la main de son camarade ? Mais ça arrive à tout le monde, les mains moites ? Tiens, ça me rappelle la fois où j’ai serré la main de notre président, il l’avait moite et molle. Je parle de sa main, hein ? Et là, on se dit le mot à cinq lettres, je vous donne la permission : Merde ! Anna, que ça ne te donne pas des idées !

 

Nova Oratorio

d’après un texte extrait de « Par les Villages » de Peter Handke

Conception : Claire Ingrid Cottanceau et Olivier Mellano

Interprétation Claire Ingrid Cottanceau – Musique : Olivier Mellano

Accompagnés d’un chœur d’une vingtaine d’anciens.

 

(ce que ça raconte en vrai)

Claire Ingrid Cottanceau et Olivier Mellano ont partagé l’aventure de la création de Par les Villages de Peter Handke, mis en scène par Stanislas Nordey. Depuis, le monologue de Nova, flamboyant final de la pièce, les habite. Ils décident de livrer cette parole dans une forme à la lisière du concert et de la performance, duo de la voix de C. I. Cottanceau incarnant Nova et de la guitare électrique d’O. Mellano dans une composition originale. Un chœur constitué sur chaque territoire accompagnera le projet. Il sera l’espace de résonance du poème et prolongera ses fulgurances à la lumière de la vieillesse. Ce projet tant plastique que musical est un cri d’espoir, la transfiguration d’un regard lucide sur le monde à la fois célébration vitale et aspiration spirituelle. (site de la MC93)

 

(pas une critique)

C’est le genre d’oeuvre qui demande de la concentration quant à l’écoute du texte.  Selon la journée qu’on aura passé, on se laissera plus bercer par le rythme de la parole, les vagues sonores d’Olivier Mellano (déjà remarqué dans « On a dit : on fait un spectacle » et aussi remarquable compositeur de la musique du film « La Jeune Fille sans mains »). Pour faire une remarque quelque peu triviale, il pourrait accompagner un acteur lisant l’annuaire, cela serait quand même écoutable. Mais le texte de Peter Handke est bien au-dessus, ne me faites pas écrire ce que je n’ai pas écrit, merci.

vu le jeudi 2 mars 2017 au Théâtre du Garde-Chasse (Les Lilas) dans le cadre de la saison Hors les Murs de la MC93. Prix de la place : 9€ (tarif réduit)

NB : Je connaissais une des membres du choeur d’anciens, grâce à qui j’ai pu obtenir le tarif préférentiel.

crédit photo : Olivier Mellano

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

 

Shannon Wright au Café de la Danse

Shannon Wright

(1e partie : Louise Roam)

 

(ceci n’est pas une critique mais…)

C’est dans un Café de la Danse plein comme un oeuf que Shannon Wright s’est produite ce soir. Cachée derrière sa chevelure, une timidité qui me rappelle un peu celle de Sophie Hunger à ses débuts. Il faut toujours se méfier de l’eau qui dort. Et après un round d’observation (ma vie fut parsemée de rendez-vous manqués avec Shannon), on écoute, on vibre intensément à l’écoute des chansons de Shannon Wright. (je devrais écrire des reportages publi-informationnels)

vue au Café de la Danse le mercredi 1e mars 2017.

Prix de la place : 23,80€

crédit photo : Axel Ito

 

(une autre histoire)

(L’International) : « Ils ont changé la déco, non ? Et agrandi. C’est bien. » « Ils ont fait ça il y a deux ans déjà. » « Ah ! »

(La Flèche D’Or) : « Ça fait une éternité que je n’y suis plus allé. » « C’est fermé, ça fait des mois. » « C’est pas vrai ? Mais ça va rouvrir ? » « Ça va devenir un pub irlandais. » « Ah ! »

(Le Café de la Danse) : « Oh mais qu’est-ce qu’ils ont fait ? J’ai bien fait d’arriver plus tôt, (même si j’ai l’impression qu’il pleut à chaque fois que je viens ici et que je n’ai toujours pas acheté de pépin) y a bien moins de places assises qu’avant. Mais ça fait combien de temps que je ne suis plus venu ? Oui, là je parle tout seul, je suis encore tout seul au milieu de gens inconnus et je ne suis pas très fort pour aller voir les gens, m’incruster et faire le relou de service. Je suis tout seul. Je suis assis. J’ai soif. Je fais comment ? Parce que si je pars, on va me piquer ma place, c’est sûr. Je pourrais laisser mon manteau et demander à quelqu’un de garder ma place. Mais cela implique que j’adresse la parole à une vraie personne. Je pourrais attendre qu’un spectateur de mon rang se lève et aille chercher à boire, j’en profiterais pour lui demander de m’en prendre une. Mais même chose, il faudrait que je parle. Aujourd’hui, je n’ai parlé qu’à ma gardienne ce matin : « Bonjour Madame, bonne journée Madame. » Je ne me souviens même plus comment elle s’appelle. Je l’ai su, mais je ne m’en souviens plus. Presque cinq ans que je vis là où je vis. Je ne peux décemment pas lui demander comment elle s’appelle. Déjà que j’ai oublié de lui donner les étrennes cette année… Faut dire aussi qu’elle me réveille tous les matins à 6h du matin quand elle sort les poubelles. Je donne sur cour, ça résonne. A 6h45, c’est ma voisine de palier, la souriante G. qui claque sa putain de porte. Tous les matins. Mais tu peux pas enfoncer ta clé dans la serrure et fermer la porte sans bruit, sans faire trembler les murs ? A 8h15 quand ta mère passe la nuit chez toi, elle le fait ! Je suis sûr que ça réveille aussi mes voisins du dessous et la petite M. qui part à la crèche à 8h30 avec son père. La petite M., je l’ai vue grandir. Qu’est-ce qu’elle pleure en ce moment. Il se passe quoi ? Il se passe que mon voisin m’a payé une bière. Il m’a vu esseulé, il a eu pitié. J’ai refusé. Je ne sais pas d’où il vient, s’il a mis quelque chose dans mon gobelet, peut-être en voulait-il à mon popotin royal ? Je suis venu seul et je repartirai seul. Bon, si le gars avait été brune avec des petits seins et des yeux clairs, je ne dis pas, j’aurais peut-être tenté la bière empoisonnée, je suis un gars faible et facile. Mais faut pas pousser Mémé dans les orties. Pépé en l’occurrence.

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito