LA RONDE (Arthur Schnitzler / Natascha Rudolf / Présence Pasteur / Avignon Off)

(de quoi ça parle en vrai)

« 10 rencontres amoureuses, 5 femmes et 5 hommes passant de bras en bras, dans un jeu de pouvoir et de séduction virevoltant, cruel et drôle : La Ronde de Schnitzler, écrite en 1897, déclencha le plus long scandale de la littérature allemande et fut interdite de représentation durant deux décennies ! » (source : ici)

© Laurent Cibien

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Une petite précision pour les personnes qui ne seraient pas des habituées du Festival Off d’Avignon : le Off, c’est aussi des spectacles qui se jouent dans des salles de classe avec 16 spectateurs, l’appareil de climatisation en guest star et le tableau vert à craie en fond de scène… Comment un « théâtre » peut-il oser proposer de jouer dans ces conditions ? C’est un autre débat.

Le dispositif est trifrontal (des chaises sont installées devant, à gauche et à droite de l’espace de jeu). La pièce se joue en mode dit nomade (un seul praticable de jeu au centre, quelques chaises et accessoires, zéro lumière). Je ne suis ni metteur en scène ni scénographe, mais ça me gêne toujours de voir des spectacles dans d’autres lieux que des théâtres, dans lesquels on n’intègre pas le lieu où on joue. Exemple extrême, le Théâtre du Peuple (à Bussang) où le cahier des charges exige des metteurs en scène d’inclure dans leur mise en scène la fameuse ouverture en fond de scène sur la forêt. Je dis ça et ça me choque tout autant quand les metteurs en scène n’utilisent pas les murs rouges, empreints d’histoire des Bouffes du Nord.

La pièce commence et je me dis « aïe ». Non pas qu’Arnaud Chéron – qui prend la parole en premier – joue mal, mais je ne suis plus habitué à cette façon de jouer. Je crois que j’ai pris des mauvaises habitudes, de voir des pièces ultra-réalistes ou avec une scénographie de dingue. Et là, je suis dans une salle de classe avec deux acteurs qui ne déméritent pas, j’y reviendrai, mais dont le jeu est légèrement excessif (pour moi) et qui n’arrêtent pas de se déshabiller et de se rhabiller, selon les besoins de la pièce. Et je pense, sincèrement, que si je l’avais vu dans d’autres conditions, j’aurais mieux accueilli ce spectacle.

Cela étant dit… Les comédiens jouent les différents personnages, sans toutefois chercher à tout prix à les différencier les uns des autres, ce qui n’entame en rien la compréhension de la pièce – la règle du « on voit A et B dans la scène 1, puis B et C dans la scène 2, puis C et D dans la scène 3, etc » est à mon sens comprise par le spectateur. Et c’est tant mieux ainsi, ce côté sobre me plaît et cela met en avant l’idée qu’en termes de séduction et de pouvoir, on est un peu tous pareil. Quand on est dans l’intime, quand la voix se fait plus bas, c’est tout de suite plus captivant. Et Fanny Touron et son comparse traduisent bien cette impression de ne jamais en finir, comme si on était enfermé avec eux dans une même boucle temporelle (même si l’action se déroule le temps d’une nuit). L’adaptation de la pièce pour deux comédiens (là où elle en requiérait dix) est plutôt maline, sans chercher à faire trop le malin pour trouver des transitions entre les différentes scènes.

Ça commençait mal et pourtant le temps (de la pièce et pour écrire cette chronique) a agi sur moi comme un baume. Peut-être aussi parce que j’ai toujours été malade dans les manèges, en parlant de ronde, ça doit être pour ça.

LA RONDE

Auteur : Arthur Schnitzler

Metteuse en scène : Natascha Rudolf (Compagnie Ligne 9 Théâtre (L9T))

Avec Fanny Touron, Arnaud Chéron

Création lumières et Regisseur technique : Luc Jenny

Jusqu’au 27 juillet 2021 à Présence Pasteur (Avignon Off) et en tournée…

(une autre histoire)

Il y a cinq ans, j’ai passé un mois à Lisbonne, pour écrire. Rien ne sortait. Je suis alors allé à la Cinemateca Portuguesa de Lisbonne voir « La Ronde » de Max Ophuls. Tout s’est ensuite débloqué. Cette structure m’avait inspiré. Ça commençait par un acteur qui ne voulait plus monter sur scène, que dis-je, qui ne pouvait plus. Son corps allait le lâcher, c’était une question de vie ou de mort. Il est finalement monté sur scène et il en est mort. Nous le retrouvons dans la scène suivante dans son cercueil, entouré par trois personnes, un fils inconnu, un régisseur et sa partenaire de jeu. Dans la troisième scène, le fils inconnu est au téléphone avec sa mère. Dans la quatrième scène, sa mère, etc.

J’ai tout mis à la poubelle. Ce n’était pas bon, tout simplement. Mais j’étais content d’avoir écrit, juste écrire. Jamais je n’avais écrit aussi rapidement une histoire. C’était nul, mais c’était pas grave. L’écriture n’est pas une science exacte. J’étais venu à Lisbonne pour écrire et j’ai écrit.

Vu le dimanche 18 juillet 2021 à Présence Pasteur (Avignon Off)

Prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

2 réflexions au sujet de « LA RONDE (Arthur Schnitzler / Natascha Rudolf / Présence Pasteur / Avignon Off) »

  1. J’ai vu cette pièce au off il y a longtemps. Elle avait été intitulée « La ravissante ronde » et m’avait enthousiasmé. Du coup, j’avais acheté et lu le livre de Schnitzler. Un très bon souvenir.
    Je me souviens d’une salle de classe d’Avignon où j’ai vu une pièce d’après Brautigan, un écrivain que j’adore. C’est vrai que c’était trop bizarre et un peu pitoyable. L’amie qui m’accompagnait en a profité pour bouquiner. J’étais plus que confuse….

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