Phèdre ! (Jean Racine / François Grémaud / 2b Company)

(de quoi ça parle en vrai)

« Pour tout décor, une moquette beige sur laquelle trône une simple table. Accueillant les spectateurs avec un large sourire au visage et un petit livre à la main, le comédien Romain Daroles semble camper un conférencier débordant d’enthousiasme et passé maître dans l’art de la digression. Il se passionne pour la pièce de Jean Racine et son contexte historique, s’extasie devant l’art de l’alexandrin, cite Barbara et Dalida, jamais à l’abri d’un pas de côté ou d’un trait d’humour potache. La pièce semble n’avoir pas encore débuté et nous voilà arpentant à ses côtés la généalogie mythique de Phèdre. Reine d’Athènes, épouse de Thésée, fille de Minos et de Pasiphaé, petite-fille du Soleil et demi-sœur du Minotaure… le jeu de piste prend la forme d’un savant labyrinthe que Romain Daroles dénoue sous nos yeux… » (source : ici)

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© Loan Nguyen

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Hier soir, j’aurais dû assister à la première de Phèdre ! de François Grémaud au Théâtre de la Bastille. J’aurais pu voir cette pièce l’été dernier lors du Festival d’Avignon, il est vrai, mais après maints calculs calendaires et financiers, je m’étais dit que je pouvais bien patienter dix mois. « Un tien, vaut mieux que deux tu l’auras. »

C’est donc armé de ma Guinness et de ma place préférée sur mon canapé chéri que j’ai regardé hier soir la captation de la pièce, disponible légalement et gratuitement ici et . J’avais au préalable mis sur mode avion mon téléphone et c’était parti mon kiki.

Avant toute chose, quel est mon rapport à Phèdre et à l’oeuvre de Racine ? Un souvenir douloureux du collège ou du lycée, je ne sais plus. Je me souviens avoir vu en première « Bérénice » sur une mise en scène de Daniel Mesguich qui m’avait grandement ennuyé. Je ne me suis jamais trop frotté aux grands classiques de la tragédie. Tout ça pour dire que je ne suis pas un spécialiste du théâtre racinien et je n’ai été nullement choqué par ce « Phèdre pour les Nuls ». On peut contextualiser et dire que ce spectacle a d’abord été créé pour les lycées. On pourrait également se demander quelle mouche avait piqué Olivier Py quand il décida de programmer cette pièce qui ne parait pas entrer dans les canons de la programmation du In. Pas étonnant alors de la voir jouée à la Collection Lambert, lieu pas forcément destiné au théâtre (les gymnases et cours de lycées étant destinés à présenter des « vraies » pièces de théâtre, paradoxalement). Et comme il l’avait fait avec « Saison 1 » de Florence Minder, il est également audacieux pour le Théâtre de la Bastille d’avoir tenté de programmer un spectacle qui ne ressemble pas à grand chose de déjà vu dans ses murs (même s’il nous arrive d’y rire, je pense aux spectacles de l’Avantage du Doute, du Raoul Collectif…)

Très long préambule, comme toujours, pour la micro-critique qui suit…

Phèdre ! n’est pas Phèdre, il y a un putain de point d’exclamation !

Nous sommes donc en présence d’un acteur, Romain Daroles, qui, armé de son exemplaire de Phèdre (avec un point d’exclamation) nous raconte et nous explique sa lecture de la tragédie de Jean Racine. Dans la lignée humoristique de la Conférence de choses, que j’avais adorée, aussi écrite par François Grémaud, Phèdre ! est presque aussi drôle que ce que Phèdre est dramatique. Alors oui, des jeux de mots sont parfois un peu trop faciles et l’emploi de l’accent du sud (parfois d’ouest, parfois marseillais) me met toujours aussi mal à l’aise. Il n’empêche, je n’ai ressenti aucun irrespect pour ce texte classique. Il y a mille façons d’adapter un texte. On peut certainement ne rien toucher aux alexandrins de Racine et passionner une foule, c’est un fait. Mais ce n’est pas le parti pris adopté par la 2B Company. Le parti pris est assumé et aucunement irrespectueux envers le matériau original. Bien au contraire, il y a une telle générosité et une sincérité que j’aurais presque envie de relire Phèdre. J’ai aussi repensé à la compagnie Forced Entertainment qui avait condensé chaque pièce de Shakespeare en une heure et faisait jouer les divers personnages par des pots de moutarde, de ketchup. Les enjeux étaient clairs et tout passait. Il parvient même à être juste et pas seulement dans la gaudriole quand, dans l’Acte IV, Phèdre a encore envie de mourir… Romain Daroles joue de ça : « Oh tiens, je vais encore faire une blague… Non, pas maintenant. »

Tout ça pour dire que j’ai passé un agréable moment mais que rien ne remplace un spectacle dans un fauteuil rouge au théâtre, on est d’accord..

 

PHÈDRE !

Spectacle de François Gremaud / 2b company

Conception et mise en scène François Gremaud

Texte Jean Racine, François Gremaud et Romain Daroles

Avec Romain Daroles

Assistant à la mise en scène Mathias Brossard – Lumières Stéphane Gattoni

 

Vu le lundi 4 mai 2020 sur mon canapé (Paris)

Prix de ma place : une Guinness

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito