Notre foyer (Florian Pautasso / Mains d’Oeuvres)

(quand on ne lit pas la bible)

Notre foyer ? Pourquoi je pense à Notre père ? La prière, pas la pièce de Florian Zeller…

 

(de quoi ça parle en vrai)

Elsa veut construire une maison dont elle ne sortirait plus. Stéphanie veut partir et ne plus jamais revenir. Rendez-vous, réunions, simulations… On assiste à l’acharnement, tantôt drôle, cruel ou vain, de ces deux jeunes femmes à réaliser ces projets plus grands qu’elles, foisonnants, mortifères, et résolument impossibles à concilier. Notre foyer est une fresque de la projection qui met en scène de jeunes adultes contraints de réagir face à une existence insatisfaisante. Les projets de Notre foyer ne peuvent exister que dans une zone trouble, par éclats, à la frontière du réel et de l’imaginaire, dans un angle mort entre le possible et l’impossible. Mais ce que tous traquent, c’est la croyance. Le projet n’existe que si quelqu’un d’autre consent à y croire. Ambition et désir amoureux se confondent jusqu’à l’indéfinissable ! (https://www.mainsdoeuvres.org/NOTRE-FOYER.html)

 

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Crédits photos : Vinciane Verguethen

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Voilà la troisième pièce des Divins Animaux que je vois. Les points communs sont Florian Pautasso à la mise en scène, Sophie Van Everdingen pour la musique (déception de ne pas la voir sur scène) et la troublante Stéphanie Aflalo (que je raterai encore à la Loge le mois prochain, mais un jour je la verrai seule sur scène, ô oui, un jour, je la verrai). Parce que Stéphanie Aflalo capte immédiatement l’attention, par son regard, son imprévisibilité, sa folie.

Et c’est une pièce déroutante qui se déroule devant nous. Déjà, parce qu’il n’y aura aucune interaction avec le public contrairement à « Quatuor Violence » ou « Flirt » ni véritablement de moments performatifs. Certes, il n’y a pas une réelle linéarité mais il y a une histoire, pas simple à appréhender. Ça commence avec Elsa qui a invité chez elle Stéphanie, Ava et Antonin. L’action se déroule en arrière-scène, on les entend à peine, malgré le micro suspendu (d’ailleurs, un des défauts récurrents du spectacle est la non-audibilité ou la non-articulation de certains acteurs). On ne sait pas trop ce qu’ils font là, mis à part qu’Elsa restera seule avec son rêve, que Stéphanie et Antonin feront connaissance et peut-être avanceront dans le projet de Stéphanie et Ava… Ben je n’ai pas bien compris le rôle joué par Ava Hervier dans cette pièce, si ce n’est d’apporter sur un plateau le dernier tableau chanté. Ava Hervier, dont on avait remarqué la voix et le grain de folie dans « On a dit, on fait un spectacle » au Centquatre, reste les trois quarts du temps à jardin en fond de scène, on ne sait pas vraiment si c’est elle qui actionne les touches du clavier, mais que fait-elle au juste ? Alors oui, son projet est de chanter, il est dommage que sa partie ne soit pas plus développée. De plus, je ne sais pas si c’était parce que c’était la première, mais les lumières sur scène furent longtemps hasardeuses (dans la pénombre, lumières à pleis tubes de néon), peut-être pour nous perdre.

Mais où vont-ils ? C’est la question qu’on peut se poser en voyant cette pièce. Et pourtant on est intrigué par la singularité d’Elsa Guedj et de son personnage qui veut seulement vivre dans une maison qu’elle aura construit presque de ses mains, avec des galeries et une salle DU bain, pour pouvoir mieux y disparaitre ensuite. On se prend à rêver de prendre la route avec Stéphanie Aflalo, malgré les hautes montagnes insurmontables. Malgré les longueurs de la pièce. Malgré un texte pas assez audible (oui, je me répète).

Mais où allons-nous ? Parce que ça nous rappelle tous ces projets pas forcément fous que nous avons mis de côté. Et quand je dis « nous », je dis surtout « je ».

 

vu le vendredi 27 avril 2018 aux Mains d’Oeuvres, Saint Ouen

prix de la place : 10€

 

NOTRE FOYER

Conception et mise en scène Florian Pautasso

Avec Stéphanie Aflalo, Elsa Guedj, Ava Hervier, Eugène Marcuse, Antonin Meyer-Esquerré, Marie-Christine Orry

Création musicale Sophie Van Everdingen – Création et régie lumière Philippe Ulysse, Marie-Sol Kim – Scénographie Philippe Ulysse, Florian Pautasso – Création costumes Florian Pautasso – Création et régie son Caroline Mas

Production Les Divins Animaux (https://www.lesdivinsanimaux.com)

du 16 au 20 octobre 2018 au théâtre de Vanves

 

(une autre histoire)

J’allais parler de mon expérience traumatisante de « Quatuor Violence » à la Manufacture à Avignon, mais j’en ai déjà parlé ici… Donc je parlerai… De quoi vais-je donc parler ?

De la cabane de Walden que je cherche et que je trouverai, dans laquelle je me terrerai, juste avec de quoi manger, une bouilloire, ma pile de livres. Elle sera protégée par une cloche en verre qui empêchera les ondes de passer. En même temps, je n’aurai ni ordinateur ni téléphone, donc bon. Elle se situera sur une plage de sable noir à Reynisfjara. Mes voisins seront les trolls. Je me lèverai tous les matins à sept heures, je mettrai ma doudoune et boirai mon café chaud sur la terrasse. Le lever du soleil. Les vagues.

De mon envie d’être un anonyme, de ne rendre aucun compte, à qui que ce soit. De mes adieux à tout bien matériel ou presque. De mes dents en acier mais blanches, qui font vraies. De savoir faire la rondade, le gratin de courgettes de ma mère, de me souvenir de l’intégralité du sonnet 20 de William Shakespeare.

De voir les années passer. De ne pas me souvenir des années passées.

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Mort et Vie Severines (João Cabral de Melo Neto / Magdalena Bournot / Théâtre de l’Opprimé)

(quand on ne lit pas la bible)

Mort et Vie Severines ? Une Severine, une deuxième Severine, une troisième Severine… vont nous raconter leurs vies à l’envers ?

 

(de quoi ça parle en vrai)

Écrit dans les années cinquante par le célèbre poète brésilien João Cabral de Melo Neto, Morte e Vida Severina est un poème dramatique sur la migration de Severino en quête de meilleures conditions de vie. Cet habitant du Sertão, une région pauvre du Nord-Ouest brésilien, quitte la sécheresse de sa terre natale et fait route vers la mer, d’où il rêve de pouvoir trouver une terre plus fertile, plus propice à la vie et au travail. Or, le voyage qui était censé prolonger sa vie n’augure finalement que la mort. Il finit ainsi par mettre en question la possibilité de trouver une terre où l’on pourrait mener simplement une vie digne. Seule la dernière scène, en face de la mer, vient apaiser l’amertume de ce chant funèbre : le pleur d’un nouveau né surgit comme un synonyme d’espoir, révélant une structure cyclique qui est celle de l’humanité entière, pour les infortunés comme pour les fortunés. (http://www.theatredelopprime.com/evenement/mort-et-vie-severine/)

 

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Crédits photos : Thiago Pedroso

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

C’est un 25 avril que je me rendis pour la première fois au théâtre de l’Opprimé. J’aurais bien voulu assister à une pièce portugaise, pour le symbole. Je serais venu avec un oeillet en boutonnière, mais il s’agit seulement d’une pièce en portugais du Brésil, inspirée d’un poème écrit par João Cabral de Melo Neto, que je ne connaissais point.

Le public est jeune et je me sens vieux. Pour une fois les rôles sont inversés. Non pas que je me sente jeune au Rond Point ou à Odéon, mais disons que je suis noyé dans la masse. Ici, dans le cadre des reprises du festival Acte et Fac… Remarque, tant mieux qu’il y ait des plus jeunes que moi.

C’est l’histoire d’un homme qui s’appelle Severino. Tout le monde s’appelle Severino. C’est l’histoire d’un homme qui veut vivre une vie meilleure. Qui veut vivre tout court. Ça me dit quelque chose, comme un écho.

La sincérité et la justesse de l’ensemble touchent au coeur. Le spectacle est empreint d’humanité, ce qui ne serait que logique, aux vues du thème. Le français et le brésilien s’entremêlent. Parfois il n’est pas aisé de suivre les surtitres en français. Comment résumer un poème ? Impossible. Alors parfois on se laisse bercer par les flots.

La mise en scène met en valeur la poésie de João Cabral de Melo Neto. Les images de Thiago Pedroso accompagnent sobrement les transitions. Heureux je fus d’avoir assisté à ce moment suspendu.

 

vu le mercredi 25 avril 2018 au Théâtre de l’Opprimé (Paris 12e), dans le cadre du festival Acte & Fac Rappel.

Prix de la place : invitation

 

MORT ET VIE SÉVERINES

par la Cie d’Amaü (http://cargocollective.com/ciedamau)

Texte João Cabral de Melo Neto

Traduction et adaptation Magdalena Bournot et Mariana Camargo

Mise en scène Magdalena Bournot

Avec Marcos Azevedo, Thalia Pigier, Rita Grillo, Ana Laura Nascimento et Yure Romão

Conception et réalisation vidéo Thiago Pedroso – Lumière Magdalena Bournot – Scénographie Luiza Kitar et Adrien Poujade – Costumes  Yu-yen Hsiao – Musique Yure Romão

 

(une autre histoire)

Aujourd’hui c’est le 25 avril. L’an passé aussi, c’était le 25 avril. Je récapépète, je sais. Je radote, voilà. Je ne devrais pas constamment regarder en arrière. Quelqu’un m’admirait, le mot est peut-être trop fort, de me retourner, écrire, en faire un objet littéraro-théâtral (quel vilain mot). Mais c’est plus fort que moi. Parce que j’étais plus heureux l’an passé qu’aujourd’hui. Si une certaine personne me lit aujourd’hui, qu’elle ne le prenne pas pour elle. Cela n’a rien à voir. Oui, y a tant de choses qui se profilent, il n’empêche.

L’an passé, le mardi 25 avril, j’avais à la main un oeillet, je n’avais pas peur de la foule, du bruit, de la musique, des sourires, des banderoles. Lisbonne tu me manques. Pas les monuments, pas le Tage (je mens, Ô Tage tu me manques), mais les gens. Non pas que j’ai discuté avec eux à batôns rompus toutes les saintes journées, mais les gens, quoi. J’étais à côté d’eux, je les observais. Je prenais mon café, je les entendais. Je ne comprenais rien : je connaissais seulement onze mots en portugais, dont le mot « onze ». Mais y avait cette légèreté, cette simplicité, cet accueil. Malgré tout. Malgré le reste. Malgré ces putains de Français qui prennent de plus en plus de place, malgré la Disneylandisation de leur ville, disons-le.

Je les regarde passer, sur cette longue avenue. Spectateur un jour, spectateur toujours. J’ai les larmes aux yeux. Je sais que mes jours sont comptés, ici. Samedi je m’en irai, c’est écrit. J’irai à Porto, puis à Saint Jacques de Compostelle, je traverserai l’Espagne jusqu’au Pays Basque… Arrête d’y penser. On est aujourd’hui, on n’est pas demain. Tu auras le temps de penser à demain, parce que demain c’est loin. Pense à aujourd’hui. Demain tu pourras repenser aussi à aujourd’hui.

Ne regrette rien. Regarde, respire, écoute, souris.

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Dépendances (Charif Ghattas / Studio Hébertot)

(quand on ne lit pas la bible)

Dépendances ? C’est la deuxième partie de « Cuisine et dépendances », car pour des raisons de budget, ils n’ont pas pu reconstituer une cuisine ?

 

(de quoi ça parle en vrai)

Pour régler une affaire de succession, Henri et Tobias ont rendez-vous dans l’appartement familial. Presque deux ans sans s’être vus – on comprend vite pourquoi – tant les deux frères semblent comme des pôles opposés. Pudique, en apparence affranchi de la structure familiale, Henri y va à reculons, tandis que Tobias, animal écorché vif resté vissé à l’enfance, peine à contenir sa tempête intérieure. Il peste, fulmine, s’emporte contre Carl, le troisième frère qu’ils attendent et qui est en retard. Comme à chaque fois. Comme toujours. Ce retard anodin fait monter la tension. À moins que ce ne soit Carl lui-même le véritable problème. Peu à peu, la situation déraille. Ramenés de force à la lisière d’une névrose familiale, les deux hommes vacillent. Le bon sens s’altère, les rapports se brouillent, faisant ressurgir les failles d’un terrible secret de famille, jusqu’à la révélation finale. (https://www.studiohebertot.com/dependances)

 

 

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Pour moi, Thibault de Montalembert, avant d’être l’acteur de la série « Dix pour cent », c’est d’abord un des acteurs des premiers films de Arnaud Desplechin, notamment « Comment je me suis disputé ou ma vie sexuelle ». Je savais qu’il avait une formation avant tout théâtrale, notamment avec Patrice Chéreau, c’est pourquoi j’étais ravi de le voir pour la première fois sur scène, à l’occasion de la création de cette pièce du jeune auteur et metteur en scène Charif Ghattas (j’ai fait mes devoirs et j’ai découvert que j’avais vu une autre de ses oeuvres, il y a deux ans, « Les bêtes », pièce montée par Alain Timar avec Emmanuel Salinger (autre transfuge du cinéma de Desplechin, tiens tiens…) et Maria de Medeiros au Théâtre des Halles à Avignon.)

Tout ça pour dire, que dès le départ, on sait qu’il y a un problème avec le troisième frère que les personnages interprétés par Thibault de Montalembert et Francis Lombrail (soit dit en passant, directeur du Théâtre Hébertot) attendent et qu’il y a de grandes chances qu’il n’apparaisse pas, vu qu’il y a seulement deux acteurs inscrits au programme (on m’appelle aussi le Père Spicace… désolé…) Et j’ai envie de dire : « On se fiche un peu de savoir pourquoi il ne viendra pas ». Comme dit l’autre, ce n’est pas la destination qui importe mais le chemin. Car le plus captivant ici est de voir ce que cette absence va provoquer chez les deux frères, car on ne peut que se reconnaître en cette fratrie, obligée de se revoir malgré les chemins différents empruntés et surtout de tenter de se parler.

Et en cela, la qualité de l’écriture et la performance des deux acteurs sont les bons points de ce huis-clos. La mise en scène n’est pas tape à l’oeil, laisse les acteurs évoluer, les silences exister et les mots avoir leur propre rythme.

Parfois on est agréablement surpris par une pièce, et c’est le cas pour celle-ci, qui, avouons-le, ne faisait absolument pas partie de mes incontournables du printemps.

 

vu le vendredi 20 avril 2018 au Studio Hébertot, Paris

Prix de la place : invitation

 

DÉPENDANCES

Écriture et mise en scène : Charif Ghattas

Avec Thibault de Montalembert et Francis Lombrail

Jusqu’au 29 avril 2018 au Studio Hébertot, Paris

 

(une autre histoire)

L’un des comédiens jette nonchalamment des clés sur la table. Le même pose sa veste en cuir sur le dossier d’une chaise. Des gestes anodins mais qui sont pourtant les plus difficiles à exécuter sur scène. C’est la première scène et je n’y crois pas.    Heureusement, ça s’arrangera par la suite. « Tu comprends, j’ai zappé ma session d’échauffement. Toujours je m’entraîne à jeter mes clés sur la table avant la représentation. J’ai sauté l’entraînement et je paye les pots cassés. Gamin, toujours tu t’échaufferas !»

Combien de temps de répétition pour ouvrir une porte ? Rien n’est naturel sur scène car tu as conscience du moindre geste que tu fais. C’est comme le texte. Il ne suffit pas de l’apprendre, il faut ensuite l’oublier. Que ce qui n’est pas naturel le devienne.

Le second acteur tape du poing sur la table. La canette de bière tressaute et tombe par terre, répandant au sol son contenu, mousse et liquide confondues. On voit durant un éclair de seconde, non pas la panique, mais la brève interrogation de l’acteur : « Bon, je ramasse ou pas ? » Il ramassera, mais j’aurais tendance à dire que c’est l’acteur qui a ramassé, pas le personnage.

Je me souviens, lors d’une représentation dans laquelle je jouais dans le cadre d’un atelier amateur, je devais me diriger vers une table, m’emparer d’une feuille blanche, d’une enveloppe… Et il n’y avait pas d’enveloppe. La comédienne qui devait la déposer au début de la scène ne l’avait pas fait (elle m’avait prévenu à notre entrée sur scène, qu’elle avait oublié son sonotone, j’aurais dû me méfier). J’avais déjà mentionné à la réplique précédente l’existence de la dite enveloppe, mais il n’y avait pas d’enveloppe, je me répète, je fais comment, moi ? J’ai connu cette fraction de seconde durant laquelle tu sors de ton corps, de ton rôle, où tout s’arrête. Et alors quoi ? Je fais quoi ? Je continue, mais comment ? Je m’en suis sorti évidemment de main de maître, j’improvisai du Feydeau, comme si le grand Jacques me sussurait ses mots doux à l’oreille. Notre scène fut un triomphe, grâce à moi. Pourtant la comédienne qui jouait à mes côtés ne semblait pas subjuguée par mon étonnant talent (je ne parle pas de Miss Sonotone, je précise). Il faut toujours être sobre dans la victoire. On ne peut pas gagner toutes les batailles. Ce soir-là, je gagnai le coeur des spectateurs, mais toujours pas celui de celle qui faisait battre mon coeur. Je dédicace ce fabuleux texte à toi… Euh… Comment elle s’appelle déjà ?

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Pénélope ô Pénélope (Simon Abkarian / Margaux Villain Amirat / Théâtre de Belleville)

(quand on ne lit pas la bible)

Pénélope ô Pénélope ? Justice serait donc rendue avec cette ode à Pénélope, la meilleure copine de Vic dans « La Boum » avec l’apparition surprise de Nono le petit Robot ?

 

(de quoi ça parle en vrai)

Dinah attend le retour de son mari Elias, parti à la guerre il y a des années. Elle subit tous les jours les avances du jeune Ante, potentat local faisant régner la terreur dans le village : elle doit l’épouser ou il tuera son fils, Theos. C’est alors que la mer recrache Elias sur le rivage, exténué et sujet à des hallucinations. Abimé par la guerre, celui-ci se refuse à tuer Ante pour protéger sa famille. Le cycle infini de la vengeance pourra-t-il enfin se rompre ? (http://www.theatredebelleville.com/programmation/penelope-o-penelope)

 

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Crédits photos : Mathilde Feracci – Photo de couverture : Ariane Colas

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Il y a des sujets comme ça… Troisième adaptation de l’Odyssée que je vois cette année, après Pauline Bayle à Bastille, Christiane Jatahy aux ateliers Berthier, aujourd’hui Margaux Villain Amirat à Belleville. En attendant peut-être la reprise d’Iliade en juin au Théâtre Paris Villette avec des détenus.

J’avais écrit quelque part qu’une histoire pouvait être racontée de mille façons différentes. Simon Abkarian a décidé de l’actualiser, Ulysse s’appelle Élias…

Sur ce plateau nu, seulement traversé par une baignoire dans laquelle Pénélope/Dinah attend son Ulysse/Elias qui se transformera en table, barque…, les bonnes intentions sont présentes. Pourtant, on aurait envie que ça aille plus loin, dans un sens ou dans un autre, le drame ou… Notamment une séquence où on entend la chanson « Macumba » (ça change de Nina Simone et/ou David Bowie, vous me direz) qui arrive comme un cheveu au milieu de la soupe. S’il y avait eu auparavant un peu plus de moments aussi absurdes, je ne me serais pas demandé : « Mais qu’est-ce que ça vient faire là ? » C’est là où je sens également les limites de mon exercice : dois-je lire la pièce en amont pour savoir quoi comment ?

Il y a les fameuses énergie et sincérité des jeunes comédiens qui sont bel et bien là, aucun doute, notamment dans ces moments réussis durant lesquels Elias (satisfecit à Théo Kerfridin) parle au fantôme de sa mère en même temps qu’à d’autres personnages bien vivants… C’est appliqué, ça manque encore un peu de maturité et je suis certain qu’avec le temps, la pièce s’en trouvera encore améliorée.

 

vu le jeudi 19 avril 2018 au Théâtre de Belleville, Paris

prix de la place : invitation

 

PÉNÉLOPE Ô PÉNÉLOPE

De Simon Abkarian

Mise en scène Margaux Villain Amirat

Avec Léonard Boissier, Théo Kerfridin, Sarah Russi, Arthur Provost et Margaux Villain Amirat

Assistant à la mise en scène Quentin Van Eeckhout  – Création lumière Arthur Petit – Costumes Ariane Colas de la Noue – Création musicale Pablo Ramos Monroy – Coiffure et maquillage Sophie Ravet

PRODUCTION Cie Les Chacals Rouges (https://www.facebook.com/leschacalsrouges/)

Jusqu’au 28 avril 18 au Théâtre de Belleville, Paris.

 

(une autre histoire)

Je ne retrousse pas mes manches, je rentre le ventre. Non pas pour plaire aux marcheuses de Belleville, mais parce que j’ai démarré une nouvelle carrière cet après-midi : brodeur. Ou plutôt couturier. J’ai (re)cousu deux boutons, l’un à la ceinture de mon pantalon, l’autre à la manche de ma veste. D’habitude, j’attends de revenir chez mes parents pour demander à la mère de le faire, mais durant ces vacances, je ne suis pas descendu. Pour des raisons diverses et variées.

Ce matin, alors que je rentrais chez moi, je m’arrêtai à une mercerie et demandai un nécessaire de couture. Non, je me suis arrêté au Monop’ et ai acheté le fameux nécessaire en passant par la caisse sans caissière. Une fois rentré au bercail, je fis ma sieste matinale et me mis au travail. Aiguille, fil marron, ciseaux, dé à coudre dans lequel je versai du whisky japonais. Je suis prêt. Note pour plus tard : racheter des pansements et du mercurochrome.

Je fixe mon premier bouton. Je fixe mon deuxième bouton. Je suis un autre homme. Un homme qui n’a plus besoin de sa mère ni de personne d’autre. Un homme auto-suffisant, capable de se réchauffer à l’aide de son pelage et de subsister jusqu’à la saison prochaine grâce à son stock de purée Mousline et de lait sans lactose. Parce que quand je bois du lait avec lactose, ça s’entend. J’ai vu quelqu’un se balader sur les toits de mon chez moi, je dois rester discret.

Comme je m’ennuie pendant les vacances, avant d’aller au théâtre voir peut-être une nouvelle Pénélope détricoter en attendant le retour de son Ulysse chéri, je ressors de son étui ma caméra à cassette 8mm et tourne le premier épisode de :

Les tutos d’Axelito.

(et demain je passe au tricot)

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Philippe-Audrey Larrue St-Jacques au Point Virgule

(de quoi ça parle en vrai)

Produit d’une vieille famille bourgeoise élitiste, de parents professeurs d’université, j’ai reçu une éducation privée et étudié les plus grands auteurs dans l’espoir de jouer dans les plus grands théâtres. Aujourd’hui… je fais du one-man-show ! Bref, je vous avoue humblement avoir un génie pour la déception! Avec chance, peut-être échapperez-vous à celui-ci… (http://www.lepointvirgule.com/content/philippe-audrey-larrue-st-jacques)

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

La première fois que j’ai vu Philippe-Audrey Larrue St-Jacques, c’était dans la série humoristique québécoise « Like moi », dont vous pouvez voir l’adaptation française présentement sur France 4 et ailleurs sur internet. Je ne me prononcerai pas sur cette adaptation. Le truc, c’est que j’aime trop les acteurs qui ont créé le truc, tu vois… le truc ? Pas assez de distance. D’ailleurs, le truc drôle, c’est que l’autre soir j’ai vu un des acteurs du Like Moi français dans une pièce au Ciné XIII Théâtre et il était bon et là ce soir, j’ai reconnu dans la file d’attente du Point Virgule certains autres acteurs… Bref…

Il me faisait déjà rire (là je reparle de Philippe-Audrey…) et j’avais hâte de le voir en vrai. Ben j’ai été pas mal subjugué par le bouillon de culture du monsieur. Je vais faire mon intello (remarquez comme ce mot est devenu légèrement péjoratif pour certains), mais j’ai apprécié voir et entendre un humoriste réciter du Shakespeare, lire ou citer Camus ou Foucault, sans parler du poète québécois et lobotomisé Emile Nelligan (oui, c’est un raccourci) – même si je fus quelque peu déçu de ne rien entendre sur « L’ère du vide » de Lipovetsky (dont j’ai repéré l’ouvrage sur la table présente sur scène et que j’avais étudié à la fac). J’ai même entendu le nom de Fukuyama, que j’ai découvert il y a seulement six mois dans la pièce de Julien Gosselin « 1993 ». Tu le vois le grand écart entre le théâtre de Gennevilliers et le Point Virgule. Ben, je l’ai fait. D’ailleurs, avant de m’y rendre, j’ai assisté à de la danse au théâtre de la Bastille, j’en ai craqué mon pantalon : la preuve !

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Ben, Philippe-Audrey Larrue St-Jacques, c’est un peu ça, de l’érudition teintée de trivialité (bouche tes oreilles, gamin !), c‘est quand même un gars qui fait un spectacle sur la déception autant professionnelle qu’affective et forcément on s’y reconnait (je m’y reconnais).

Tout ça pour dire qu’il ne doit pas être aisé de parler pendant une heure (j’ai plein de portes ouvertes chez moi), de poursuivre malgré les commentaires des spectateurs (ok, c’est un one man show, mais ça ne veut pas dire que c’est forcément interactif), surtout que PALSJ (j’ose l’acronyme) a sûrement dû adapter quelque peu son texte pour le public français, même si l’accent est bel et bien présent et pas du tout redhibitoire (mais je suis habitué à cet accent-là, faut dire). Alors que ça m’avait gêné d’entendre les acteurs non-québécois de Wajdi Mouawad déclamer des « Tabarnak ! », l’inverse est également de mise : dès que l’humoriste adapte des références qui seraient incomprises par nous autres maudits Français, comme NRJ 12 ou Monoprix, je n’y crois pas, même si c’était sûrement pour une question de rythme : « je dis le mot en québécois et derrière je le traduis en « français de France ».

Je n’aime que trop les personnes, les humoristes qui prennent de la distance avec ce qu’ils sont. Surtout celles et ceux qui le font sans fausse modestie. De l’auto-dérision, voilà, je cherchais le mot. Et Philippe-Audrey Larrue St-Jacques est une de ces personnes-là. Rire de soi, j’aime ça. (pas peu fier de cette phrase de conclusion)

 

vu le samedi 14 avril 2018 au Point Virgule à Paris.

prix de la place : 21€

 

PHILIPPE AUDREY LARRUE-ST JACQUES au Théâtre Le Point Virgule, Paris

(c’était la dernière fois ce samedi 14 mais espérons qu’il revienne prochainement en France !)

 

(d’autres histoires)

Imagine, tu attends dans la file derrière deux adolescentes qui se sont passées en boucle ce sketch :

LIEN FACEBOOK « JE CHOISIS JONATHAN »

Elles récitent ad nauseam les dialogues, reproduisent avec perfection l’accent québécois, fomentent un stratagème pour faire rire l’humoriste si jamais il leur adresse la parole : « On lui dira que tu t’appelles Rebecca et moi Sophie et qu’il a UNE BELLE ÉNERGIE… » Et elles répètent encore le sketch. Une fois, deux fois, trois fois, quatre… Ils n’ouvrent toujours pas la porte du théâtre. C’est quand qu’on entre, bordel de purée de mousline ! Au secours ? Oubliée la belle énergie ! Et en plus il pleut, sauvez-moi !

*****

Imagine tu es dans la file et quelqu’un te donne un tract, comme à Avignon. Tu l’acceptes, tu souris. Pourtant… je me souviens…

Un « humoriste » nous adresse la parole : « Si vous avez envie de rire, je vous propose un spectacle très drôle, c’est moi qui l’ai écrit ! ». Il nous tend son tract.

– « Non, on n’a pas envie de rire, pis quand on vend un spectacle comique comme étant drôle, c’est un peu comme un pléonoasme et on n’y croit pas, du coup. Pardon, je m’étais promis à moi-même de ne pas dire « du coup ».

– Ouais, c’est ça, vous ne voulez pas soutenir un artiste qui s’est fait à la force du poignet, pas estampillé « Vu à la télé ! » ?

– Moi aussi j’ai beaucoup de force au poignet droit, on fait un bras de fer ? Over the Top, c’est mon film préféré avec Stallone, loin devant Rocky IV ! »

*****

Imagine, tu es dans la file du Point Virgule et en attendant tu reconnais quelqu’un que tu connais et qui te connait. Genre, quelqu’un qui travaille dans un théâtre subventionné où tu as tes habitudes, genre tu as le pass pour voir tous les spectacles de la saison. Tu te fais tout petit. Cette personne ne comprendrait pas : « Ah ouais, l’autre, il dit qu’il aime Pina Bausch, le tg STAN et Robert Lepage et il va voir du… du… Je n’arrive même pas à le dire… One Man Show ! Et en plus il a payé sa place !!! Ah mais je suis déçue… »

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

A kind of fierce (Katerina Andreou / Théâtre de la Bastille)

(quand on ne lit pas la bible)

A kind of fierce ? Une espèce de férocité ? Une variation autour de la figure du grand fauve à l’heure où il va boire ?

 

(de quoi ça parle en vrai)

Dans son solo baptisé A Kind of Fierce, la chorégraphe et danseuse grecque Katerina Andreou teste des figures, bifurque, se ravise, saute et se traîne, change de tempo, arpentant l’espace comme dans une course d’obstacles, évaluant son territoire. Car ce qu’elle met en scène ici c’est justement sa capacité et son envie d’inventer sans cesse de nouvelles règles du jeu. S’inspirant de l’observation de mouvements incarnant la liberté et l’audace – danses urbaines, concerts punk-rock des années 80, voguing né dans les clubs gay de New York – et s’imposant comme ligne de conduite la rupture et la déconstruction, elle cherche à trouver ce qui lui échappe. Les mouvements sitôt lancés sont interrompus ; des figures connues s’effacent devant quelque chose d’incongru ; la maladresse – feinte – vient perturber la dextérité – codée. A Kind of Fierce présente ainsi un parfait éloge de l’élan et de l’inattendu. (Laure Dautzenberg – http://www.theatre-bastille.com/saison-17-18/les-spectacles/a-kind-of-fierce)

 

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Crédits photos : Emilia Milewska

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Dans la série « Axel Ito tente de chroniquer de la danse sans paraphraser la note d’intention », aujourd’hui le solo de Katerina Andreou ! C’est ce que je disais à la personne qui m’accompagnait : « Quand tu vois du Pina Bausch ou du Marlene Monteiro Freitas, c’est quand même plus simple pour donner un avis… »

Ici le plateau est nu, hormis une série de néons au mur et deux autres posées au sol pour délimiter l’espace. Un micro est suspendu. Katerina Andreou arrive sans crier gare. Nous avons devant nous une danseuse aux airs de Buster Keaton, qui va essayer tout en conservant un air imperturbable. Démantibulée, déguingandée. On imagine son parcours si le plateau avait été plus grand (j’ai cru comprendre que le spectacle était conçu pour un espace plus étendu que celui de la salle du haut). Elle essaie, se ravise, elle recherche d’abord sans musique, même si on la soupçonne de se mouveoir sur le plateau avec quelque chose dans les oreilles. Des indications ? Une musique ? Katerina Andreou joue sur l’imprévisibilité. La tête de la danseuse heurte le micro, le son se répète. Un geste, la musique démarre (Chevreuil « Breakdance » et The Beatles « Because » dans une version bidouillée). Si on creuse, je reviens aux écouteurs dans les oreilles, lui dicte-t-on ce qu’elle doit jouer ? Le geste est libre. Enfin je crois.

C’est un régal de voir Katerina Andreou évoluer sur scène, d’y percevoir un certain humour, de l’audace (a kind of fierce…).

 

vu le samedi 14 avril 18 au Théâtre de la Bastille, Paris

prix de la place : 13€/mois (Pass Bastille)

 

A KIND OF FIERCE

Chorégraphie, interprétation et conception son Katerina Andreou

Régie son Éric Yvelin – Lumières Yannick Fouassier – Regard extérieur Myrto Katsiki

Production Mi-MAÏ 

C’était la dernière hier, dimanche 15 avril 18 au Théâtre de la Bastille (en collaboration avec l’Atelier de Paris – CDCN)

 

(une autre histoire)

Parfois je vais au théâtre tout seul. Parce que je suis un loup solitaire. Je creuse mon sillon, je gambade sur les chemins à mon rythme. Tout seul. Alone. Forever. Qui m’aime me suive ? Pas grand monde m’aime en ce moment, faut dire. Je jette en l’air les propositions, les invitations, pas grand monde pour les rattraper au vol.

Je n’ai pas invité la personne qui m’a accompagné aujourd’hui. Je lui ai dit : « Hey, je vais voir de la danse samedi à 19h, si tu veux me voir par la même occasion, ça sera ce moment-là ou jamais. ». L’ultimatum ultime. Je n’avais pas lancé cette bouteille au hasard dans la mer. La donzelle connaissait la danse, c’était son fond de commerce. Pas du genre à se suspendre à une barre de lapdance, je précise. Enfin… J’en sais rien. Non, danse contemporaine, tout ça, elle s’y connait.

Pas folle la guêpe ! Tu vois où je veux en venir ? J’invite quelqu’un qui s’y connait en danse, on assiste à la performance et juste après je la travaille. J’aurais bien voulu la travailler autrement, mais ça c’est une autre histoire… euh… Je la travaille, je l’interroge : Alors t’en as pensé quoi ? Mais le fin mot de l’histoire ? La technique ? Les références ? Ça parle de quoi finalement ?

Ne viens pas avec moi, tu risquerais de te retrouver ici. Je t’enregistre, je te note, je te reproduis. Ne viens pas avec moi ici, c’est à tes risques et périls.

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Andrea Schroeder (Queen Kong Club – Neuchâtel, Suisse – 13 avril 2018)

(ceci n’est pas une critique même si celle-ci est écrite par Cyril Bivalski…)

Bowie. C’est David Bowie qui récemment m’a fait découvrir Andrea Schroeder. Je réécoute sa trilogie berlinoise et le hasard a fait que je tombe sur une version de Heroes chanté en allemand par Andréa Schroeder. Quelle surprise ! Qui est cette femme ? D’où vient-elle ? Je tombe rapidement sur un article de Rolling Stone qui l’appelle la Voix de la Nuit. Elle a sorti trois albums et tourne sporadiquement.

La chance me sourit puisque je découvre qu’Andrea passe à deux kilomètres de chez moi, dans la plus petite salle de Neuchâtel, le Queen Kong Club. Elle est invitée par le Musée d’Art et d’Histoire de la ville. Tout de suite ça fait très sérieux. Est-ce que je mets une cravate ?

Le concert commence à 22:30. La salle est minuscule. Il doit bien y avoir une cinquantaine de personnes dans la pénombre. Cinq musiciens sont sur scène en comptant Andrea. Tous habillés en noir sur un sol en damier noir et  blanc. Très élégants, très calmes. J’aurais peut-être dû mettre une cravate finalement.

Le charme d’Andréa et de son groupe opère instantanément. Nous voici à Berlin, la nuit. Peut-être dans un film de Wim Wenders (les Ailes du Désir ?) ou dans un cabaret avec Marlene Dietrich. Nous chassons les fantômes et croisons les âmes égarées. Nick Cave et Nico ne sont pas loin. Barbara ? A ses débuts elle était surnommée la Chanteuse de Minuit. Rolling Stone n’a rien inventé.

Setlist Andrea
Crédits photos : Cyril Bivalski

Le concert se termine déjà. Il est presque minuit. Andrea est déjà repartie ! Pourtant il n’y a pas de pleine lune ce soir.

En quittant la salle, je m’arrête pour acheter son album « Where the wild oceans end ». Je suis intrigué par le titre. J’ai son 33 tours en main et quand je lève les yeux je m’aperçois que je suis face à Andrea et qu’elle m’attend avec le sourire. Comment est-ce possible ? D’où sort-elle ? J’ai trop tardé. Sans le vouloir je faisais la queue pour une dédicace. Trop tard pour reculer.

Je lui parle alors de sa reprise de Bowie et m’excuse en même temps de ne pas mieux connaître ses morceaux à elle. Elle me raconte les circonstances dans lesquelles elle a enregistré ce morceau et me pose alors une question :

Que crois-tu que David écoute là-haut ?

 

ANDREA SCHROEDER (http://andreaschroeder.com)

Vue à Neuchâtel le 13 avril 2018 au Queen Kong Club (http://www.case-a-chocs.ch/) à Neuchâtel, Suisse.

Prix de la place : 10CHF, premier rang sur la droite

 

(une autre histoire)

J’ai entretenu pendant une année une liaison interdite avec Marlene Dietrich (ou comment se mettre à dos son sergent instructeur quand tu fais ton service militaire).

Hiver 2000. Quelque part en France. Dans un fort.

Je suis l’un des derniers appelés en France. Chirac est Président. Jospin Premier Ministre. Le bug n’a pas eu lieu.

Je me suis mal débrouillé pour partir en coopération. Du coup je me retrouve en kaki pour dix mois.

Je siffle Lili Marleen quand je suis de corvée ou que je m’ennuie. C’est à dire la plupart du temps. Il y en a qui fument. Moi je siffle comme un merle. Pourquoi un chant allemand ? Je n’en sais rien. Ça m’est venu comme ça. J’aime bien cet air. Je trouve qu’en le sifflant bien, il dégage une certaine mélancolie. Je ne l’avais jamais sifflé avant d’être sous les drapeaux.

J’ai beau expliquer au sergent que pour moi c’est la version de Marlene Dietrich, un hymne à la résistance allemande contre les Nazis, apparemment c’est déplacé. Je suis même à deux doigts de me retrouver au trou pour outrage.

– Mais… elle a même sauvé Jean Gabin qui ne voulait pas tourner pour les Allemands !

– Ça ne compte pas. Ce n’est pas dans le répertoire.

– Alors quoi, La Marseillaise, on peut ?

– Première Classe, tu fais le fayot ? La Marseillaise on la chante, main sur le coeur et face au drapeau. On ne la siffle pas !

– Compris, Sergent, on peut siffler quoi alors ?

– Rien, tu ne siffles pas, et tu me nettoies ce couloir ! En silence.

A ce moment là, Ennio Morricone arrive de nulle part. J’attends que le sergent s’éloigne et je siffle le thème du Bon, la Brute et le Truand et je dompte mon couloir à coup de brosse à dents. Tiens, ça rime.

Sur ce, l’Ange Bleu m’appelle ! Prosit !

 

Textes et photos : Cyril Bivalski (Instagram.com/cyrilbivalski)

La mécanique du coeur (Mathias Malzieu / Coralie Jayne / À la folie théâtre)

(quand on ne lit pas la bible)

La mécanique du coeur ? Des comédiens qui font du air guitar, en écoutant l’album de Dionysos ? Une animatrice de « Voyage au bout de la nuit » qui lit en direct le roman de Mathias Malzieu, allongée sur un sofa ?

 

(de quoi ça parle en vrai)

Édimbourg, 1874. Jack naît le « jour le plus froid du monde » avec un cœur gelé. La sage-femme sorcière qui l’a mis au monde parvient à le sauver, en greffant sur son cœur une horloge à coucou. C’est un peu bricolé, mais ça marche… à condition d’éviter toute émotion forte : pas de colère donc, et surtout, pas de sentiment amoureux. Mais le regard de braise d’une petite chanteuse de rue mettra le cœur de fortune de notre héros à rude épreuve. Prêt à tout pour la retrouver, Jack se lance dans une quête amoureuse qui lui fera connaître les délices de l’amour comme sa cruauté. (http://www.folietheatre.com/?page=Spectacle&spectacle=246)

 

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Crédits photos : La Compagnie le Moineau

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

En préambule, je tiens à dire que j’étais un grand fan du groupe Dionysos – la pièce ici présentée est l’adaptation du roman éponyme de Mathias Malzieu membre du dit groupe qui avait également commis un album inspiré du même roman avec les voix de Arthur H., Rossy de Palma, Grand Corps Malade, Jean Rochefort, Emily Loizeau, etc. sans parler du film d’animation… – Je dis « étais » car cet album avait marqué le début de ma désaffection pour le groupe, pour des raisons que je n’évoquerai pas ici (aussi parce que je ne supporte pas la voix de Olivia Ruiz, mais c’est une autre histoire… mais à part ça j’adore la chanson « L’homme sans trucage » avec Jean Rocherfort) Aussi parce que je suis encore moins fan des romans de Mathias Malzieu, même si j’avais apprécié son tout premier « Maintenant qu’il fait nuit sur toi ».

Voilà, c’est dit et donc maintenant la pièce, mais indépendante de toute volonté de Mathias Malzieu, même si adoubée par celui-ci. C’est avec curiosité que je me rendis  jeudi soir à la première de la reprise de « La mécanique du coeur » à la Folie Théâtre (joli lieu, soit dit en passant, que je ne connaissais point).

Ceci est une adaptation fidèle du roman. On entend certaines paroles des chansons, je mentirais si je disais que j’avais reconnu des phrases du roman, certainement présentes. Pourtant la metteure en scène Coralie Jayne et son équipe se sont approprié le matériau original, y ont injecté leur propre poésie de bouts de ficelle, un entrain agréable à suivre, une musique qui, sauf erreur de ma part, est originale, hormis une chanson de Dionysos reprise avec fragilité par les comédiens.

On ressent une humilité et une générosité dans l’entreprise : les comédiens (Jack interprété ce soir-là par Pierre-Antoine Lenfant mis à part) jouent plusieurs rôles avec maquillage à la Semianyki à l’appui  (je ne vais pas faire de la psychologie de bazar, mais c’est la même actrice qui joue le rôle de Miss Acacia – le coup de foudre de Jack – et de la mère de Jack… voilà voilà)  et se fondent très bien dans leurs personnages, notamment le sus-nommé Pierre-Antoine Lenfant qui se débrouille très bien pour donner la candeur, la naïveté et le dynamisme de Jack (toujours casse-gueule de jouer des rôles d’enfant ou d’adolescent…)

Malgré quelques longueurs, la mise en scène est suffisamment inventive pour que l’ensemble se tienne et sans avoir trop en tête l’oeuvre de départ.

Ps : J’aime fouiller et trouver notamment que j’avais déjà vu Mylène Crouzilles à Avignon dans « J’étais dans la maison… » de Lagarce et que la metteure en scène Coralie Jayne a travaillé avec David Bartholomé, le chanteur du groupe belge Sharko, dont la musique et les concerts ont été à l’origine de nombre de mes amitiés… (putain dix ans !)

 

vu le jeudi 12 avril 18 à la Folie Théâtre, Paris

prix de la place : invitation

 

LA MÉCANIQUE DU COEUR

d’après le roman éponyme de Mathias Malzieu

Mise en scène : Coralie Jayne

Avec : Nicolas Avinée ou Pierre-Antoine Lenfant, Gregory Baud, Clara Cirera, Gabriel Clenet, Mylène Crouzilles, Laurent Vigreux

Création lumières : Jérôme Chaffardon – Scénographie : Maxime Norin  – Musique : Laurent Vigreux

Production : La Compagnie le Moineau (http://compagnielemoineau.fr)

Jusqu’au 24 juin 2018 à la Folie Théâtre, Paris et du 6 au 28 juillet 2018 au Pandora (Festival Off d’Avignon)

 

(une autre histoire)

Dans son texto, elle me demande comment ça va, en pleine Bastille. Je regarde autour de moi. Certes, je ne suis pas à Bastille mais je sors à peine d’une pièce de théâtre du côté de Voltaire et c’est pas loin de Bastille ! A-t-elle mis un mouchard dans mon téléphone, elle dont je n’ai aucune nouvelle depuis deux mois ? Elle me dit qu’elle est à Aix en Provence présentement. Mais elle me suit ! Je veux dire, si j’avais pris des vacances et si je n’avais pas eu peur des grèves, je serais allé à Aix en Provence.

Je m’arrête. Je suis devant le Bataclan. Voilà, c’est tout, demain on sera vendredi 13.

Je lui envoie un nouveau texto, dans lequel je lui annonce que je vais me faire extraire deux dents. On ne se donne plus de nouvelles depuis deux mois et la seule chose que je trouve à lui dire est : « Je vais me faire extraire deux dents. » Dont une de sagesse, je précise. J’aimerais ça, être moins sage. C’était soit ça, soit je parlais de mon travail. Parfois, j’aimerais qu’on m’extr… qu’on me… qu’on m’arrache des dents plutôt que d’aller au travail. Je ne sais pas si c’est mon coeur ou ma tête, mais ça me donne de plus en plus envie de gerber. Tic tac tic tac. Comme Jack, j’aimerais partir en Andalousie. La Provence me suffirait. Partir quand je le souhaiterais. Avec ou sans train, ce n’est pas un problème, j’aime marcher. Je suis déjà à Bastille. J’aime faire des détours aussi, prendre des chemins de traverse.

Je lui renvoie un message : me voilà en pleine Bastille. Vraiment.

Aucune réponse de sa part.

Tic tac tic tac

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Un riche trois pauvres (Louis Calaferte / Clio Van de Walle / Ciné 13 Théâtre)

(quand on ne lit pas la bible)

Un riche trois pauvres ? Adaptation d’un programme politique en cours d’écriture ?

 

(de quoi ça parle en vrai)

La chambre rose de David Lynch, une robe-ballons, un revolver à paillettes, du champagne, une couverture de survie, des cônes de signalisation, un téléphone rouge, l’aiguille du talon, un concours de carottes, Maman, un lapdance, un gyrophare… Prétextant une représentation de cirque, Louis Calaferte réussit le tour de force de faire se rencontrer sur une même scène les marginaux, les patrons, les pauvres, les handicapés, les enfants, les étrangers, les laissés pour compte, ceux qui ont tout, ceux qui n’ont rien… Dans un tourbillon où se mêlent les univers musicaux de Kavinsky, Marilyn Manson et David Lynch, l’auteur tend un miroir grossissant au public et nous montre ce qu’il y a de plus cruel dans l’Homme, mais aussi ce qu’il a de plus risible et de plus touchant. Sur la scène d’un chantier onirique et cinématographique, les personnages de Louis Calaferte nous propulsent dans la parade frénétique d’un théâtre fort, atrocement drôle et profondément humain. (http://www.cine13-theatre.com/-Fiche_Spectacle_cine13_theatre&news_id=220041)

 

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Crédits photos : Geoffrey Callènes

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Commençons par le bon point : la qualité d’interprétation des comédiens. Et je suis très objectif car, pour donner un exemple, je n’aime pas l’adaptation française (en ce moment sur France 4) de la série humoristique québécoise « Like moi » (que je porte très haut dans mon coeur, c’est peut-être pour ça), pourtant un de ses interprètes, Omar Mebrouk, est une vraie révélation dans cette pièce, notamment grâce à un jeu physique et clownesque drôle et maîtrisé. La figure du clown est ici très présente, pas dans le sens où on l’entendrait – nez rouge, etc. mais grâce à un remarquable travail de coiffure-maquillage-costume (voir photos) qui renforce cette impression d’unité, d’homogénéité entre ces comédiens, qu’ils soient dans l’action ou dans le silence et qui font preuve d’une belle énergie (expression trop souvent utilisée quand on ne sait pas trop quoi dire, mais en l’occurrence, c’est la vérité vraie, surtout que je sais pourquoi je l’utilise) grâce également à la direction d’acteurs. Je suis désolé pour cette phrase très/trop longue.

L’ensemble pourrait paraître décousu (je n’ai pas lu le texte de Calaferte, mais j’ai dans l’idée que l’ordre des scènes a été respecté, je peux me tromper) et selon les sensibilités, on pourrait trouver que cela n’a ni queue ni tête. Pour être honnête, je n’ai pas forcément vu de liens entre les différentes scènes (mais je suis en mode ralenti depuis plusieurs semaines, je l’ai déjà écrit ailleurs), pourtant ça ne m’a pas trop gêné, car cela laisse au spectateur de faire sa propre tambouille de ces saynètes et autres micro-scènes parfois ionesquiennes, dépeignant souvent des personnages affreux, bêtes et/ou méchants.

Dans les bémols, je trouve toujours regrettable et facile d’utiliser des musiques trop connues, qui parasitent la vision d’une oeuvre originale, comme ici la reprise de « Sweet Dreams » par Marilyn Manson ou le titre phare de Kavinski « Nightcall » qui est bien trop collé dans nos esprits au film de Winding Refn « Drive ». Je ne suis pas non plus convaincu par l’utilisation et l’intégration de la vidéo dans le spectacle avec les intermèdes « Guignol », mais ça, c’est aussi dû à un vieux traumatisme de mon enfance avec ce personnage.

Le spectacle aurait encore besoin d’être rôdé (c’était la première mercredi soir) surtout au niveau des transitions qui sont parfois un peu longues ou manquent de précision et/ou de rythme. Il n’empêche que l’ensemble est à voir, surtout pour cette brochette de comédiens.

 

vu le mercredi 11 avril 2018 au Ciné XIII Théâtre, Paris

Prix de la place : invitation

 

UN RICHE TROIS PAUVRES

d’après Louis Calaferte

avec Tamara Al Saadi, Laura Mello, Omar Mebrouk, Charlotte Bigeard, Ismaël Tifouche Nieto, Geoffrey Mohrmann en alternance avec Sam Giuranna

Mise en scène Clio Van de Walle.

Une production La Compagnie Indigo (https://lacompagnieindigo.wixsite.com/lacompagnieindigo/un-riche-trois-pauvres)

Jusqu’au 6 mai 2018 au Ciné XIII Théâtre

 

(d’autres histoires)

  • Y avait un gars au lycée avec qui je faisais du théâtre. On peut dire qu’on était ami. Il était très drôle dans son genre. Il cabotinait un peu. Il nous faisait penser à Elie Semoun. Plusieurs années plus tard, ce gars évoqua le Septentrion de Louis Calaferte que je ne connaissais point. Ce soir, devant moi sur scène je vois cet acteur qui joue dans une pièce de Louis Calaferte. Il me fait penser à Elie Semoun. C’est drôle parfois les choses.
  • Salut, je m’appelle Michel ! Je suis le bon pote qui est invité aux premières des spectacles et qui s’assoit au premier rang pour rire grassement. Je crois toujours que c’est interactif donc je prends la parole quand bon me semble, j’interpelle les acteurs, les gens m’adorent !
  • J’aime jouer au jeu des sept différences. Par exemple, le jeu des sept différences lors d’une première. Une première au Ciné 13 Théâtre ne sera pas la même qu’À la Folie Théâtre (mes deux dernières expériences) et encore moins lors d’une première au théâtre de la Bastille. Les gens sont différents. Définitivement.
  • Louis Calaferte a dit : « Et il s’est révélé avec le temps que je n’ai pratiquement pas d’imagination et que, en fait, je suis borné à ma seule expérience… »

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Radical Light (Salva Sanchis / Théâtre de la Bastille)

(quand on ne lit pas la bible)

Radical Light ? Satire politique dans laquelle les Radicaux de gauche ont inventé une lumière capable de faire changer les électeurs d’avis, pour qu’enfin ils puissent revenir au pouvoir ?

 

(de quoi ça parle en vrai)

Quand la pièce commence, les interprètes ont déjà investi le plateau et, plus précisément, le tapis orange au centre de la scène. Certains dansent, d’autres les observent. Les mouvements sont précis, aériens. Puis la partition musicale, d’abord minimale, se développe, augmente en richesse et en puissance. La danse se fait plus vive, plus ample. Tout au long de Radical Light, les cinq interprètes déroulent un mouvement continu, fluide, passant d’une vitesse et d’une amplitude à une autre. Surtout, ils conjuguent avec virtuosité une qualité de mouvements qui emprunte autant à la danse « de plaisir », telle qu’on peut la pratiquer seul chez soi ou en discothèque, qu’à une danse formelle, avec son architecture et la précision de son vocabulaire. Nourrie par une bande-son qui met la pulsation au centre, la pièce allie la force et la grâce, la délicatesse et l’épure. (Laure Dautzenberg – http://www.theatre-bastille.com/saison-17-18/les-spectacles/radical-light)

 

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Crédits photos : Bart Grietens

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Autant vous dire que je n’en menais pas large au début de la représentation, puisqu’au moment où les portes de la salle s’ouvrirent, une personne derrière moi fit un malaise et s’effondra. Heureusement un médecin était dans la salle, comme on dit. Mais ajoutée à mon manque de sommeil chronique, il me fallut un certain temps pour retrouver mes esprits (je suis une petite nature, mais ayant flirté avec les vertiges ces derniers jours, je ne pouvais qu’être touché – moment politique qui n’a rien à voir avec une critique (décidément…) : quand mettra-t-on en place une vraie médecine du travail là où je m’emploie, moi qui ne fus à peine ausculté que l’année de mon embauche, il y a presque quatorze ans de cela ? Mais comme je me refuse de parler ici de ma véritable activité professionnelle, cela ne sert évidemment à rien, fin de la parenthèse.)

Des danseurs dansent. La musique musique. Crescendo du son suivi par les performeurs. Imprévisiblité des gestes, ils ne se toucheront presque jamais. Une heure durant, les cinq artistes s’épuiseront sur cette musique techno pas agressive et entêtante. On s’attend à ce que l’un d’eux abandonne mais non, is ne s’arrêteront pas avant la fin. 

Je suis toujours admiratif (attention encore porte ouverte) de combien le corps peut se souvenir d’autant de mouvements, car ici point de pause (ou presque). Danse ininterrompue. Il serait très facile de rester extérieur. Je le suis un peu resté, à dire vrai, j’ai même eu le temps de repenser à « For Claude Shannon » qui est remonté dans mon estime. Et je ne regrette en rien ma présence dans cette salle, à regarder ses danseurs. Moment suspendu.

Si on lit la bible, on découvre que le chorégraphe/danseur Salva Sanchis a arrêté de créer de nouvelles pièces, mais poursuit tout de même son accompagnement des pièces déjà existantes (on le retrouvera avec Anna Teresa de Keersmaecker au prochain Festival d’Automne de Paris). Je ne connais pas la véritable raison de cette pause, si ce n’est des études en psychologie, mais prendre une telle décision me fascine. Pourquoi ?

 

vu le mardi 10 avril 2018 au théâtre de la Bastille

prix de la place : 13€/mois (pass Bastille)

 

RADICAL LIGHT

Chorégraphie Salva Sanchis

Avec Stanislav Dobak, Inga Huld Hakonardottir, Salva Sanchis, Peter Savel et, en alternance, Thomas Vantuycom et Gabriel Schenker

Musique Discodesafinado par Senjan Jansen et Joris Vermeiren

Production Kunst/Werk (http://www.kunst-werk.be/)

Jusqu’au 15 avril 18 au Théâtre de la Bastille (en collaboration avec l’Atelier de Paris – CDCN)

 

(une autre histoire)

Lundi soir, je pris un verre… deux verres avec mes camarades comédiens amateurs.  Nous parlâmes de nos vies, nos espoirs, nos prochaines représentations. L’une de mes camarades me fit un joli compliment concernant ce que j’écrivais (elle n’est point au courant de cet espace non-critique, je précise, parce que j’écris (d’)autre(s) chose(s)) et me demanda même, si je le voulais bien, de lui faire lire ce que j’étais en train de préparer pour un avenir proche. Je rougis. Certains voulurent prolonger la soirée. Je regardai ma montre, il était minuit passé. Évidemment le lendemain je devais travailler, genre de travail pour lequel je dois avoir un minimum de neurones lucides, parce que j’ai une certaine responsabilité. Je refusai la proposition et rentrai par l’avant-dernier métro.

Il y a quelques années de cela, je n’aurais jamais refusé la promesse d’une soirée de rires et d’alcool, même en semaine.

Je ne dors plus mes huit heures par nuit mais je suis incapable de ne pas dormir du tout. Je dors en moyenne six heures mais suis tout le temps fatigué, énervé, grognon. Faut dire que je ne m’épargne pas. L’automne dernier, je parvenais à maintenir le rythme : spectacles trois à quatre fois par semaine, écriture des chroniques, trois séances hebdomadaires de running, un atelier théâtre, un à deux films au cinéma, quelque chose qu’on appelle le travail… Puis en janvier, le run disparut (l’hiver a bon dos), ainsi que les films au cinéma. Cette année, je n’ai pris aucun jour de congé maladie et j’ai poursuivi mon rythme effréné de trois à quatre spectacles par semaine. Pourtant, je sens que quelque chose cloche. J’ai toujours été grognon, je suis connu pour ça. Tout ça me rend heureux, c’est pas le problème (je ne parle pas de mon boulot, cela va sans dire), mais quelque chose cloche. J’ai des vertiges, j’oublie, j’ai des absences, prends deux rendez-vous le même jour à la même heure, j’hésite à prendre le vélo. Tout est au ralenti. Faut dire que je mange n’importe comment, ne bois pas assez d’eau, passe trop de temps derrière un écran.

Mardi soir, quelqu’un a fait un malaise derrière moi. Ça aurait pu être moi, me fracassant le nez contre le sol du hall d’entrée, perte de connaissance, amnésie, tout est en sourdine. Mais je me serais levé et aurais vu ce putain de spectacle. Parce que si je m’arrête… Si je m’arrête… Attention citation que tout le monde ou presque connait : « Danse, danse, sinon nous sommes perdus – Tanzt, Tanzt, sonst sind wir verloren»

Si je m’arrête, je suis perdu.

Ps : Wuppertal, tu me manques. Mais surtout Lisbonne. Il y a un an jour pour jour, je m’envolais vers toi et… tu me manques aussi. Je ne veux pas travailler et je ne fume même pas.

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

The Encounter (McBurney / Odéon Théâtre de l’Europe)

(quand on ne lit pas la bible)

The Encounter ? Ou la première rencontre avec une entité extraterrestre qui porte le nom de code de A.L.F. ?

(de quoi ça parle en vrai)

Les Mayoruna, hommes-félins, vivent non loin des sources de l’Amazone, dans la vallée du Javari. En 1969, le photographe-reporter Loren McIntyre s’enfonça dans la jungle, aux confins du Brésil et du Pérou, à la recherche de leur tribu isolée et semi-nomade. L’expérience transforma sa vie. Seize ans plus tard, à Manaus, il raconta son histoire à Petru Popescu. L’écrivain roumain en tira un roman de cinq cents pages, Amazon Beaming. Simon McBurney y a puisé la matière d’un spectacle solo étrange et envoûtant, pour nous faire partager ce voyage hors du temps par les voies du théâtre le plus inventif et le plus contemporain. Muni d’un casque audio, chaque spectateur est immergé dans un univers sonore où le récit se fait parcours initiatique à travers les échos d’une autre nature, aux frontières immémoriales de la conscience. McBurney et sa compagnie Complicité ont longuement mis au point ce projet en s’entourant d’une équipe de techniciens de pointe et en prenant conseil auprès de spécialistes des sciences cognitives. Les créations de Complicité ont été applaudies dans plus d’une quarantaine de pays. Invité en France par Peter Brook dès 1995, Simon McBurney y est revenu à plusieurs reprises, notamment avec Mnemonic (1999). Il n’avait jamais encore eu l’occasion de se produire à l’Odéon. (http://www.theatre-odeon.eu/fr/2017-2018/spectacles/encounter)

 

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Crédits photos : Robbie Jack

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

On va aussi au théâtre pour voir des choses qu’on n’a jamais vues. Ou plutôt devrais-je dire, entendues. Je me souviens d’une capsule au Ciné 13 Théâtre durant laquelle le spectateur, les yeux bandés, écoutait une histoire jouée, bruitée par des comédiens. Je me souviens d’un concert de Amadou et Mariam à la Cité de la Musique dans le noir, avec diffusion de parfums et variations de températures.

Ici, Simon McBurney nous demande de mettre sur nos oreilles un casque, nous explique le dispositif, ce qui me fait dire que les écouteurs avec lesquels j’écoute ma musique dans le métro sont vraiment de mauvaise qualité, tellement avec ce système, on se sent immergé dans l’univers de l’artiste britannique, enveloppé. Plusieurs fois on en vient à enlever son casque pour écouter, alors qu’en fait on entend à peine la voix de Simon McBurney ou bien on se retourne, persuadé que quelqu’un vient d’ouvrir une porte derrière nous, souffle dans notre oreille droite, qu’un moustique nous tourne autour. On ne sait plus si c’est dans la salle, dans sa tête ou seulement l’enregistrement. Et là, où la 3D au cinéma, dans 95% des cas, n’est qu’un gadget, ici le dispositif est à 100% pertinent, parce qu’en plus, il ne s’agit pas d’une pièce radiophonique qu’on pourrait écouter tranquillement dans son fauteuil club avec un verre de whisky japonais en fermant les yeux (ça c’est mon rêve).

Il faut voir Simon McBurney progressivement prendre les corps et les voix du narrateur (lui-même) et du photographe Loren McIntyre, utiliser des bouteilles d’eau ou des bandes magnétiques de cassettes vhs pour les différents bruitages. Car c’est une réelle performance de deux heures à laquelle se livre ce McBurney, conteur hors pair, aidé par un travail lumière et son incroyable. Avec une histoire qui a un propos politique : l’Amazonie, une tribu, les Mayoruna… 1969… 2018, même combat ! Malheureusement toujours le même combat…

 

 

THE ENCOUNTER

un spectacle de Complicité / Simon McBurney d’après Amazon Beaming de Petru Popescu

avec Simon McBurney

coréalisation Kirsty Housley – collaboration à la mise en scène Jemima James – scénographie Michael Levine – son Gareth Fry, Pete Malkin – lumière Paul Anderson – vidéo Will Duke

production Complicité (http://www.complicite.org)

Jusqu’au 8 avril 18 à l’Odéon Théâtre de l’Europe, Paris. Puis en tournée au Barbican, Londres, à la Schaubühne, Berlin…

 

 

(une autre histoire)

Je suis allergique aux moustiques. À leurs piqûres mais également à leur bourdonnement. Quand j’entendis dans mon oreille droite un mosquito approcher, mon sang sucré ne fit qu’un tour. Je me levai, m’emmêlai les fils de mon casque, tombai sur ma voisine qui me faisait de la jambe et sortis finalement de la salle sous les huées du public. Sur la place du théâtre, j’entendis le crieur qui faisait la réclame pour son théâtre. « Vous êtes au courant qu’il n’y a personne encore. » lui dis-je. « Mais vous êtes là ! » me répondit-il. « Je suis là, mais je ne suis pas là, en fait. », conclus-je.

Parce que je n’étais vraiment pas là. Ma tête était ailleurs. En fait, je suis resté au milieu de la place, immobile, impassible. Et j’avais encore Simon McBurney dans la tête.

– Vous êtes sorti en plein milieu de mon show. Je vous hanterai jusqu’à la fin de vos jours.

– Oui, je sais, mais y avait un moustique.

– C’était pas un vrai moustique.

– Je sais bien, mais c’est plus fort que moi.

– Je pensais que j’étais malade, mais je ne suis pas le seul.

– Vous savez, c’était la première fois que je vous voyais au théâtre.

– Mais vous m’aviez vu au cinéma.

– Oui, c’est ça. En fait, je vous ai vu plusieurs fois dans des films, mais sans vous identifier, jusqu’à…

– Jusqu’à Mission Impossible 4 ou 5.

– Vous ne savez pas ?

– Ils ont arrêté de compter. Selon les études, les gens préfèrent un sous-titre à un numéro. Les gens sont stupides.

– C’est vous qui le dites.

– Vous ne voulez pas revenir dans la salle ?

– Vous avez arrêté la pièce pour moi ?

– Oui et non, là on vous entend.

– Quoi ?

– C’est magique.

– Mais ils doivent s’ennuyer, je n’ai rien dit de bien intéressant.

– J’ai trafiqué votre voix, ça les fait rire.

– Ah ! Bon, ben je reviens alors. Comme ça, vous êtes vraiment allé en Amazonie ?

– Non, mais Sting est un ami, il m’a raconté un soir. Raoni était invité aussi.

– Le chef avec le plateau ?

– On s’est pas mal amusé avec.

– Je pourrai monter sur scène avec vous ? Je cherche une reconversion et…

– Non.

– Pourquoi ?

– Parce que tout ça n’est pas vrai. En fait, vous êtes mort.

– Ah ! Et je vais être condamné à avoir votre voix dans ma tête pour l’éternité ?

– Oui. Ça ne vous fait rien d’être mort ?

– Un petit peu, oui. Mais j’ai fait le ménage chez moi avant de venir ici, donc c’est pas trop grave. Je suis mort de quoi ?

– Une piqûre de moustique.

– Ah !

 

vu le samedi 7 avril 2018 à l’Odéon Théâtre de l’Europe, Paris

Prix de la place : 28€ (tarif abonnement)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Club 27 (Guillaume Barbot / TGP St Denis)

(quand on ne lit pas la bible)

Club 27 ? L’histoire d’un club réunissant des natifs de l’Eure qui ont eu 27 peines de coeur dans leur vie ?

 

(de quoi ça parle en vrai)

Guillaume Barbot pousse les portes du club très fermé des chanteurs de rock morts à l’âge de vingt-sept ans, le Club 27. Brian Jones, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison et Kurt Cobain, tous morts en pleine gloire après une vie fulgurante, faite de musique, de drogues et d’alcool, en sont les membres éternels. (…) Club 27 fait entrer en collision ces icônes absolues avec une bande de joyeux drilles d’aujourd’hui. S’affublant de boas, de perruques et de lunettes, ils jouent, comme lors d’une soirée entre amis, à « qui est qui ? ». Une fausse conférence de presse, où aveux de faiblesse et provocations égocentriques s’enchaînent, met le feu aux poudres. L’espace théâtral, anarchique et mouvant, accueille le ballet des corps, des voix et des esprits qui se libèrent. Les géants apparaissent, survoltés et tendres. Ils charrient avec eux la grande histoire de la contestation et de la libération des moeurs. Brûlés et nus, ils livrent au grand soleil leur part d’ombre. C’est alors un déferlement de mots et de musique, une prise de parole collective pour tenter de saisir ce fameux esprit « rock », pour mettre en regard les idéaux d’hier et d’aujourd’hui. Doit-on tuer le père pour devenir un homme ? Comment construire nos mythes ? Faut-il brûler franchement ou s’éteindre à petit feu ? Ce sont des questions de vie. Et d’engagement. (http://www.theatregerardphilipe.com/cdn/club-27)

 

CLUB 27 DSC_0028
Crédits photos : Marion Chasseigne (le deuxième à gauche est Geoffroy Rondeau remplacé pour les représentations au TGP St Denis par Guillaume Barbot)

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Je ne veux pas cafter mais j’ai un ami qui a écrit à deux reprises pour ce blog (à propos d’ « Ensemble Ensemble » et « Les Bijoux de Pacotille ») et qui m’avait prévenu que ce spectacle était très dispensable… Il l’avait vu en 2012 à La Manufacture pendant le festival off d’Avignon. Il faut toujours suivre les conseils de mon ami Laurent dont je ne dévoilerai pas le prénom et qui vit au quatrième étage d’un immeuble en région PACA. Je ne l’ai pas écouté, parce que les pièces bougent, que je suis (presque) toujours optimiste et… non je ne m’en mords pas les doigts, c’est toujours un plaisir de faire tout ce chemin jusqu’à St Denis, mais ça fait poser énormément de questions.

Surtout que je n’ai rien à reprocher à la plupart des comédiens présents sur scène et qui se donnent à fond, j’ai en tête notamment le jeu de jambes et la folie de Élise Marie, je ne mangerai plus du tiramisu sans penser à Céline Champinot (qui reviendra du 20 novembre au 8 décembre 2018 au Théâtre de la Bastille avec sa nouvelle pièce « La Bible vaste entreprise de colonisation d’une planète habitable » avec également Elise Marie – j’avais bien apprécié Vivipares qui pour le coup exploitait à fond le concept déguisement/dispositif foutraque)…

Mais de quoi ça parle en fait ? « Est-ce que montrer sa chatte, c’est rock ? » Voilà où on en est, se demander si c’est rock, alors que tout le monde sait que « Rock’n’Roll is a slut » et surtout « Rock’n’Roll is dead ». Evidemment la comédienne montre sa chatte et c’est toujours épatant d’attendre la réaction de la moitié de la salle composée de collégiens et/ou lycéens qui n’ont apparemment pas l’habitude d’aller au théâtre. Sur l’argument fallacieux de la réunion de caricatures d’artistes tous morts à l’âge de 27 ans, qui sera très vite abandonné (idée pour plus tard : développer le personnage de Robert Johnson, membre originel du club 27, musicien méconnu des années 30), Guillaume Barbot se demande aussi où en est l’engagement. Ce n’est pas un hasard si cette pièce est reprogrammée en pleine « commémoration » de Mai 68, mais à quoi bon ? Tout est effleuré (un peu comme dans certaines de mes chroniques), rien n’est transcendé, tout est trop long. Alors que ça commençait bien (les comédiens nous accueillaient, nous offraient un verre de vin blanc… rien d’original là-dedans, mais toujours plaisant), que, finalement, on ne savait pas trop où on mettait les pieds, que l’idée que les comédiens s’amusent à incarner ces icônes du rock était suffisamment attrayante, mais on est vite revenu à quelque chose d’assez prévisible (un monologue, une chanson (enregistrée ou chantée plus ou moins bien en direct avec l’aide d’un guitariste-violoniste), un monologue, une chanson… chaque acteur a son moment…).

Le comble de l’hypocrisie est quand la pièce se regarde elle-même, se demandant pourquoi elle n’a pas été plus programmée (vous avez tout de même joué à Paris au TPV, aux Métallos, bénéficié d’aides à l’écriture… que je n’ai pas trouvée sensationnelle, soit dit en passant), si elle n’est pas assez rock, s’étonnant de se produire au TGP de Saint Denis (dans une salle trop grande pour eux et d’ailleurs rien n’est fait de ce grand et bel espace) : Geoffroy Rondeau faisait partie de la distribution originale (remplacé ici par le concepteur-auteur-metteur en scène Guillaume Barbot) et Geoffroy Rondeau travaille très souvent avec Jean Bellorini (metteur en scène de talent et directeur du TGP Saint Denis, pour ceux qui ne le sauraient pas). Quand j’écris cela, je ne suis pas dupe, tous les directeurs de théâtre programment en partie des artistes avec qui ils ont des affinités artistiques et/ou amicales et ça ne me dérange même pas, mais je trouve cela assez cynique d’en parler dans cette pièce.

Il me reste l’enthousiasme et l’engagement de la plupart des comédiens (Zoon Besse et aussi Séverine Astel, ne les oublions pas), mais pas grand chose d’autre et c’est surtout loin d’être suffisant.

 

vu le vendredi 6 avril 2018 au Théâtre Gérard Philippe, CDN Saint Denis.

prix de la place : invitation

 

CLUB 27

ÉCRITURE, CONCEPTION ET MISE EN SCÈNE Guillaume Barbot

Créé avec Séverine Astel, Guillaume Barbot, Zoon Besse, Pierre-Marie Braye-Weppe, Céline Champinot, Élise Marie

Scénographie Cécilia Delestre – Musique Pierre-Marie Braye-Weppe – Lumière Mathieu Courtaillier – Costumes Geoffroy Rondeau

Production Coup de Poker (http://coupdepoker.org/)

Jusqu’au 15 avril 18 au TGP CDN St Denis

 

(une autre histoire)

Au lycée, j’étais amoureux d’une fille qui aimait Kurt Cobain. Evidemment, je n’ai jamais fait le poids, même s’il m’arrivait de ne pas laver mes cheveux et de porter une chemise à carreaux. Elle avait découvert Nirvana après la mort du chanteur. Moi, j’avais déjà ses K7 audios. « I hate myself and I want to die », c’est ce qu’avait écrit l’ami Kurt. La fille que je croyais aimer avait écrit cette phrase dans son agenda Quo Vadis, agrémentée de petits dessins macabres. Une fois, elle avait pris mon agenda et avait voulu y écrire je ne sais quoi. Je n’ai jamais aimé retrouver des mots plus ou moins doux dans mes cahiers de texte. Je suis allergique à l’écriture de l’autre, connu.e ou pas connu.e. Comme quand j’ai découvert les annotations dans un exemplaire de « Sur la route » de Jack Kerouac acheté en occasion (le premier et le dernier) chez Gibert, j’en ai encore des frissons dans le dos.

Janis Joplin est morte à 27 ans et pourtant j’ai toujours cru qu’elle était plus vieille.  C’est sexiste de dire ça ?

Jim Morrison est enterré au Père Lachaise. J’y suis allé, j’ai vu sa tombe, nettoyée. Je suis reparti et ai réécouté chez moi ma chanson préférée (je connais les paroles par coeur) Alabama Song. Comme c’est une chanson de Kurt Weill reprise par The Doors, suis-je tout de même un fan de Jim Morrison ?

Quand j’ai appris la mort de Amy Winehouse, je me trouvais dans une chambre d’hôtel d’un Formule 1 dans une zone commerciale en périphérie d’Avignon. Je crois que je baignais dans mon vomi. Non, ça c’était mon rêve, je rêvais que j’étais Brian Jones. Je confonds toujours avec Jimi Hendrix. Parce que Brian Jones, c’est dans une piscine qu’il est mort. Je ne sais pas ce qui est préférable : mourir étouffé dans son vomi, avec le parfum des lasagnes mangées la veille au soir ou noyé dans l’eau trop chlorée d’une piscine sûrement agrémentée d’urine. Je ne sais pas.

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

This duet we’ve already done (so many times) (Frédérick Gravel / Théâtre de la Bastille)

(quand on ne lit pas la bible)

This duet we’ve already done (so many times) ? Un spectacle sur deux chanteurs de karaoké qui reprennent une ulitme fois la chanson d’Elton John et Kiki Dee « Don’t go breaking my heart » ?

 

(de quoi ça parle en vrai)

Proche d’artistes comme Daniel Léveillé ou Étienne Lepage, le chorégraphe, danseur et musicien Frédérick Gravel fait partie des chercheurs actifs de la danse contemporaine sur la scène montréalaise. Dans ce nouveau spectacle, plus intimiste mais toujours électrique, il invente un pas de deux tout en crescendo. Un iPad laisse défiler du Joy Division, du Timber Timbre ou du Last Ex, un peu de whisky appelle à la détente… Sans artifice et tout en nonchalance, nous entrons dans la danse d’un couple amoureux, un peu mais pas si rock, fragile. Lui assume sa maladresse. Elle répond par une précision tranchante. Ils se regardent, jouent, dansent l’un pour l’autre. Puis, comme par accident, la complémentarité les gagne, romantique et jouissive. (Elsa Kedadouche – http://www.theatre-bastille.com/saison-17-18/les-spectacles/this-duet-that-weve-already-done-so-many-times)

 

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Crédits photos : Claudia Chan Tak

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Ces deux-là se connaissent, on le devine. Faut dire que le titre aide. À notre entrée dans la salle, Frédérick Gravel passe des vieilles chansons sur sa tablette, Brianna Lombardo s’échauffe, son collègue en fera de même. Ils boivent un verre de whisky coupé à l’eau.

Ça commence, it’s country time ! Chacun leur tour ils dansent, s’observent mais paraissent connaitre chacun le tour de l’autre. Partie deux, plus contemporaine, dans la musique je veux dire, c’est un corps à corps, chaque geste vers l’autre, chaque toucher sont autant de micro-histoires. Ils sont touchants, parfois drôles, toujours justes. Ce duo séduit instantanément, notamment grâce à leur simplicité.

Il faut saluer les choix musicaux de Frédérick Gravel et de Stéphane Boucher, toujours à propos, qui, mis à part la dernière chanson qui ponctuera la fin du spectacle et les saluts (« Love will tear us apart » par Joy Division ), font la part belle à des artistes méconnus par le grand public comme Timber Timbre ou Last Ex.

Le temps s’étire, comme si on n’avait pas envie de les quitter, comme s’ils n’avaient pas envie de se quitter, même si la dernière chanson évoque.…

 

vu le mercredi 4 avril 2018 au théâtre de la Bastille, Paris

Prix de la place : 13€ (Pass Bastille)

 

THIS DUET THAT WE’VE ALREADY DONE (SO MANY TIMES)

Avec Frédérick Gravel et Brianna Lombardo

Conception et direction artistique Frédérick Gravel

Lumières Alexandre Pilon-Guay – Environnement sonore Stéphane Boucher et Frédérick Gravel – Musique originale Stéphane Boucher – Aide à la création et à la production Ivana Milicevic et Jamie Wright – Aide aux costumes Elen Ewing – Conseillers à la création Stéphane Boucher, Clara Furey, Étienne Lepage et Katya Montaignac – Direction technique Olivier Chopinet

Production Frédérick Gravel et Daniel Léveillé Danse (https://www.danielleveilledanse.org)

Jusqu’au 8 avril 18 au Théâtre de la Bastille (en collaboration avec l’Atelier de Paris – CDCN)

 

(une autre histoire)

Il y a dix ans, je suis allé pour la première et unique fois à New York. Comme j’aime bien la difficulté, je ne suis pas parti de Paris ou de Marseille mais de la ville de Québec. D’abord du covoiturage avec Allostop entre Québec et Montréal, puis le bus de minuit pour arriver au petit matin dans la Grosse Pomme. Sur le trajet retour, au passage aux douanes, on me demanda ce que j’avais dans mon sac. « Mes affaires » répondis-je très naturellement. L’agent me regarda d’un air circonspect, haussa un de ses sourcils. « Vous savez, par chez nous, ça peut être mal compris le mot « affaires ». Ca peut paraitre louche ! » répliqua-t-il. « Euh… Euh… Ben… Mes vêtements, des souvenirs, des livres… » bredouillai-je.

A mon arrivée à Montréal, je pris une douche bien méritée dans une de ces salles de bains partagées avec une autre chambre. Ne surtout pas oublier de verrouiller la porte de communication, c’est un conseil. Le soir je retrouvai des connaissances françaises qui se produisaient en concert dans le cadre des Francofolies de Montréal. Pas peu fier d’arborer mon Pass Backstage. Je suis Wayne. Je suis Garth. Après le concert, dans les loges, on m’offrit un verre de vin, on me présenta une chanteuse que j’appréciais beaucoup (et encore aujourd’hui). Elle avait la peau douce. J’oubliai que j’avais le même âge qu’elle, que si j’avais voulu, j’aurais pu la courtiser, lui faire les yeux doux, comme on dit. Mais c’est comme si j’avais seize ans (et encore aujjourd’hui)

Je ne sais plus si c’était avant ou après New York, toujours à Montréal, toujours pendant les Francofolies, j’avais assisté à une des représentations de Mutantès, un opera rock de Pierre Lapointe. A l’époque, je ne savais pas que Frédérick Gravel avait signé la chorégraphie du spectacle.

Plusieurs années plus tard, en 2014, j’attendais dans la file du théâtre de la Bastille pour accéder à la salle du bas et voir « Ainsi parlait… » du même Frédérick Gravel (et aussi de Étienne Lepage). A côté de moi patientait Pierre Lapointe. Naïvement, je me dis qu’il venait seulement voir un compatriote québécois. Je n’osai pas l’aborder, parce que je ne savais jamais quoi dire dans une situation pareille. Même si je connais certaines de ses chansons par cœur, que je l’avais vu quatre ou cinq fois sur scène. J’aurais pu lui parler de Mutantès que j’avais vu à Montréal. Il m’aurait dit que Gravel en avait signé la chorégraphie.

C’est seulement hier que je découvris le lien entre les deux artistes : c’était écrit dans la bible du spectacle. On n’a pas entendu du Pierre Lapointe, mais du Timbre Timbre et c’est aussi vraiment bien. Après le spectacle, j’aurais pu dire à Frédérick Gravel tout le bien que je pensais de son travail. Ca commence à faire pas mal de spectacles que je vois de lui (je n’ai pas cité « Logique du pire », donc je cite aussi « Logique du pire »). J’aurais même pu lui parler de l’histoire avec Pierre Lapointe, mais j’allais voir l’autre spectacle de danse programmé dans le même théâtre.

Dommage que je ne puisse pas non plus me rendre à son DJ Set ce samedi à Bastille. Parce que je vais voir un autre spectacle.

Je vais voir trop de spectacles. Définitivement.

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

For Claude Shannon (Liz Santoro – Pierre Godard / Théâtre de la Bastille)

(quand on ne lit pas la bible)

For Claude Shannon ? Une pièce de danse hommage à Claude, hobo officiel de l’aéroport de Shannon en Irlande ?

(de quoi ça parle en vrai)

Liz Santoro et Pierre Godard sont des expérimentateurs du mouvement. Alliant les dimensions scientifiques et corporelles, ils cherchent de pièce en pièce à comprendre comment celui-ci naît, s’échange, se transmet, et se teinte d’une couleur particulière quand on est soumis au regard des autres. Avec For Claude Shannon, du nom de l’un des pionniers de la théorie de l’information, ils créent à chaque fois une représentation différente, conçue comme un acte unique, puisque la partition est basée sur une contrainte tirée au hasard tous les soirs. Il en résulte une pièce fascinante par sa rigueur, à la gestuelle minimale et ultra-précise. Les interprètes obéissent à une logique mystérieuse et indéchiffrable mais palpable dans l’intensité de leurs présences, et invitent à un voyage qui aiguise l’attention et les sens. (Laure Dautzenberg – http://www.theatre-bastille.com/saison-17-18/les-spectacles/for-claude-shannon)

 

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Crédits photos :  Julieta Cervantes

 

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Ça me fait sourire. Bientôt le collectif « L’avantage du doute » va occuper à son tour le théâtre de la Bastille et ce soir nous voyons un spectacle de la compagnie « Le principe d’incertitude ».

Parfois je me dis : « Tu n’aurais pas dû enchaîner ces deux spectacles de danse diamétralement opposés, tant sur la forme qu’apparemment sur le fond. » Puis je réfléchis (ça m’arrive) et justement de mettre les deux spectacles en perspective, c’est plutôt pas mal. Alors que « This Duet… » (le spectacle de Frédérick Gravel qui se joue à 19h30 dans l’autre salle du théâtre, avant celui-ci… ma chronique prochainement !) fait appel à l’émotion, à une certaine immédiateté, on ressent « For Claude Shannon » comme un spectacle qui sollicite l’intellect et réclame une réflexion à long terme. Non pas que le premier ne le fasse pas mais la démarche des chorégraphes et notre « travail » de spectateur paraissent bien plus cérébraux. La tête avant le corps et le coeur.

Tout est expliqué au-dessus, dans le « ça parle de quoi en vrai ». Je dois également avouer que je mens, à moitié, puisqu’il m’arrive, pour préparer la structure de mes chroniques de lire en partie le programme de ce que je vais voir, j’étais donc quelque peu préparé psychologiquement. On m’avait même prévenu qu’il fallait s’accrocher dans les premiers moments du spectacle. Je dirais plutôt les deux premiers tiers, pour lesquels je suis resté quelque peu circonspect. La question qu’on peut se poser, c’est : « Dois-je saluer la performance des danseurs de renouveler chaque soir la chorégraphie ou bien applaudir la performance à l’instant t ? »

Parce que durant les deux premiers tiers, les danseurs répètent les gestes choisis quelques heures plus tôt. On ressent une certaine imprécision, le geste n’est pas assuré, mais c’est assumé. On entend le son d’une soufflerie, comme si on était dans un avion. Je m’attendrai presque à ce que les danseurs nous montrent les issues de secours tellement leurs gestes sont mécaniques et droits. Le rythme s’accélère progressivement, des mots sont prononcés (qu’on ne comprendra pas toujours) et c’est seulement quand ils se détacheront de la contrainte de la répétitivité des gestes que la pièce réveillera notre intérêt.

Pourtant, et je vais faire un parallèle hasardeux, il semblerait, les minutes et les heures (et la nuit) passant, que le spectacle prend finalement sens. Je me souviens d’un des films de Jean-Luc Godard : « Eloge de l’amour » que j’avais vu en 2001 au cinéma (et je jure que je n’ai pas fait exprès de citer Godard qui porte le même nom qu’un des chorégraphes). Je m’étais ennuyé en le voyant, je m’étais même endormi, je ne comprenais pas où il voulait en venir (je débutais seulement mon éducation à la Nouvelle Vague et j’étais loin d’être préparé aux essais cinématographiques des années 90-2000 de Godard), mais c’est en y repensant dans la soirée et les jours d’après que le puzzle s’était mis en place. Et c’est un peu ce qu’il se passe avec « For claude Shannon ». D’autres questions arrivent dans ma tête, que je n’ai pas encore formulées précisément… Peut-être réécrirai-je cette chronique dans les prochains jours ?

 

FOR CLAUDE SHANNON

Avec Marco D’Agostin, Cynthia Koppe, Liz Santoro et Teresa Silva

Conception Pierre Godard et Liz Santoro / Le principe d’incertitude – Musique Greg Beller – Costumes Reid Bartelme – Lumières et régie générale Sarah Marcotte

Une production Le Principe d’incertitude (http://www.lpdi.org/fr/calendar/2018)

jusqu’au 6 avril 18 au Théâtre de la Bastille (en collaboration avec l’Atelier de Paris – CDCN)

 

(une autre histoire)

Y a un truc que j’aime bien, c’est quand il n’y a pas trop de monde dans la salle. Je veux dire, il y a du monde, ils s’entassent au milieu mais ils me laissent les rangs sur les côtés. Le mien de côté, c’est à jardin. Quatre places, rien que pour moi. Je prends mes aises, pose ma veste à ma gauche, me tourne légèrement vers la droite, croise mes jambes comme je l’entends. Je me souviens d’une autre pièce que j’avais vue, de la même place. J’avais failli partir, j’étais en colère ce soir-là… Ça parlait de General Motors…

De là je vois bien la scène et surtout les spectateurs. J’en reconnais certains. Une habituée aime arriver après tout le monde. Elle n’est pas très exigeante au niveau de la place, mais elle aime qu’on la regarde quand elle arrive. Je vois également quelqu’un qui prend des notes ou qui consulte son téléphone portable ou qui lit le programme ou parfois les trois, mais pas en même temps. Et cette personne continuera à ne pas regarder le spectacle, à prendre des notes, consulter son smartphone pendant le spectacle. Elle est au premier rang, tout va bien. Il y a des choses que je ne comprends pas, un tel degré d’irrespect. Tu t’ennuies, ok. Dès les premiers instants, bon. Mais tu ne te mets pas au premier rang, purée ! Regarde le gars qui dort quelques rangs derrière toi. Il est noyé dans la masse, on l’aperçoit à peine. Ses voisins le détestent car il respire fort et, pris d’un réflexe myoclonique, a donné un coup de pied dans le siège de devant, ce qui a réveillé le spectateur, lui aussi endormi, qui a poussé un grand cri. On a tous cru que ça faisait partie du spectacle, mais non. C’est la vingt-cinquième fois que je vois le spectacle et les vingt-quatre premières fois, il n’y avait pas ce cri. Ah mais c’est peut-être Claude Shannon qui avait tout prévu, chaque représentation étant à chaque fois différente… Mince, ils m’ont encore eu : je suis le seul spectateur et vous autres dans le public êtes tous des danseurs-comédiens. Pourquoi me regardez-vous tous ?

 

vu le mercredi 4 avril 18 au Théâtre de la Bastille, Paris.

prix de la place : 13€/mois (pass Bastille)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito