LA CERISAIE (Anton Tchekhov / Tiago Rodrigues / Cour d’Honneur du Palais des Papes / Festival d’Avignon

(de quoi ça parle en vrai)

« Exilée à Paris depuis de nombreuses années, Lioubov, créature insaisissable et lunaire, revient dans son domaine qui doit être vendu pour dette. Pivot tragique de cette pièce qui oscille entre drame et comédie, cette figure maternelle, cette mater dolorosa, interprétée par Isabelle Huppert, retrouve les siens perturbés par l’avenir de la propriété et, plus largement, du monde qu’elle a laissé derrière elle. La société moderne et ses mutations sociales arrive à grands pas. À grand bruit. » (source : ici)

© Christophe Raynaud de Lage

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Tiago Rodrigues… J’ai vérifié, la première chronique écrite sur ce blog n’était pas à propos d’une de ses pièces, mais seulement la deuxième (Antoine et Cléopâtre). J’ai déja moins apprécié une de ses productions (Please Please Please), donc je sais être déçu. J’ai assisté à la dernière de « La Cerisaie » dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes. C’était un peu cette pièce qui avait façonné mon séjour à Avignon cette année, au niveau calendaire. J’ai malheureusement lu ou entendu tout ce qu’on a pu dire ou écrire sur cette pièce. Et ce qui est bien, c’est que je n’aurai pas à aller dans les détails, puisque tout ou presque a déjà été dit (ou la combine du blogueur flemmard).

Tiago Rodrigues était attendu au tournant, à cause de la pièce elle-même, du lieu, de l’annonce faite en début de festival de sa nomination à la tête du Festival d’Avignon dès 2023, ainsi que de la présence d’une certaine vedette française qui lui aurait fait les yeux doux et que je préfère définitivement au cinéma plutôt qu’au théâtre.

Pour une fois, (malheureusement) l’artiste lisboète n’a pas réécrit à sa sauce le texte du bien aimé Tchekhov (et donc cela n’a pas été joliment traduit par Thomas Resendes). J’aurais aimé avoir été une petite souris et assister aux lectures et aux répétitions. Je pense tout haut : « Mais comment peut-on répéter une pièce aussi importante la journée et jouer le soir même du Tennessee Williams ? »

Pour la deuxième fois, Tiago Rodrigues réunit une distribution francophone (hors spectacle conçu pour une école d’art dramatique). Force est de constater que la cohésion me paraissait plus forte pour « Bovary » que pour « La Cerisaie ». Pour « Bovary », le casting était « Bastille-compatible », ici c’est plus « Odéon-compatible » – nombre de comédiens et comédiennes ont joué dans des productions Braunschweig (que je n’aime toujours pas). Donc hormis la joie de retrouver les fidèles David Geselson et Grégoire Monsaingeon, chers à mon coeur, j’eus tout de même la joie de découvrir l’impeccable Océane Cairaty et surtout l’impressionnant Adama Diop qui bouffe tout le reste de la distribution (et sa vedette), de par sa présence et sa voix.

Un de mes moments les plus marquants, quand il crie : « La cerisaie est maintenant à moi ! À moi ! » Adama Diop s’impose, c’est lui la vedette ! A moins que ça soit Tiago Rodrigues qui crie que la Cour d’Honneur est maintenant à lui. Comme si tout était écrit. Que des suppositions, je le concède.

Il était également réjouissant de voir l’émotion de Suzanne Aubert lors des saluts, de la voir embrasser une dernière fois les murs de la Cour d’Honneur quand les trompettes de Maurice Jarre ont retenti. Je fus également amusé par l’apparente décontraction de Tom Adjibi…

Je vois les défauts de la pièce, ses longueurs, sa distribution trop hétéroclite (dans le jeu – Alex Descas et Isabelle Huppert sont ceux qui s’en sortent le moins bien, à mon avis), un manque d’émotion, même quand le vent fort s’invite dans la partie : Lors de la représentation de Sopro au Cloître des Carmes, les larmes m’avaient envahi en voyant les rideaux s’envoler, en écoutant « Wild is the Wind » de Nina Simone. Ici les comédiens font voler pendant un très long moment des mouchoirs (à la Raimund Hogue), des voiles. C’est languissant et vain.

Je vois ces défauts, disais-je, je m’étais tellement préparé à ne pas aimer… et pourtant je ne parviens pas à ne pas aimer ce spectacle. Comme le disent nos amis suisses, je suis déçu en bien. La pièce sera sûrement resserrée pour sa reprise en décembre à Lisbonne, les comédiennes et comédiens auront eu plus l’habitude de jouer ensemble.

(les scènes nationales étant tout de même moins larges que celle de la Cour d’Honneur, les comédien.ne.s auront moins de distance à parcourir… Au contraire de moi, quand je suis passé d’un studio de 16m2 à un deux pièces de 31m2 : le matin, je devais me lever cinq minutes plus tôt, car aller de la salle de bains à ma chambre en passant par la cuisine et mon salon me prenait plus de temps.)

Je ne sais pas si je la reverrai, cette pièce, comme j’ai revu By Heart ou The Way she dies.

« La Cerisaie » c’est aussi un peu la fin d’une époque, le début d’une nouvelle. Quand elle a été écrite et encore aujourd’hui.

LA CERISAIE

Avec Isabelle Huppert, Isabel Abreu, Tom Adjibi, Nadim Ahmed, Suzanne Aubert, Marcel Bozonnet, Océane Cairaty, Alex Descas, Adama Diop, David Geselson, Grégoire Monsaingeon, Alison Valence
Et Manuela Azevedo, Hélder Gonçalves (musiciens)

Texte Anton Tchekhov (Traduction André Markowicz et Françoise Morvan)
Mise en scène Tiago Rodrigues


Collaboration artistique Magda Bizarro – Scénographie Fernando Ribeiro – Lumière Nuno Meira – Costumes José António Tenente – Maquillage, coiffure Sylvie Cailler, Jocelyne Milazzo – Musique Hélder Goncalves (composition), Tiago Rodrigues (paroles) – Son Pedro Costa – Assistanat à la mise en scène Ilyas Mettioui

En tournée notamment à Paris (Odéon) du 7 janvier au 20 février 2022, Clermont Ferrand (juin 2022), Villeurbanne (septembre 2022), La Rochelle (septembre 2022)…

(une autre histoire)

« Ah ! ma cerisaie, ma chère, ma belle cerisaie ! Ma vie, ma jeunesse, mon bonheur, adieu… adieu !… Un dernier regard à ces murs, à ces fenêtres ! »

Pareil.

Vu le samedi 17 juillet 2021 à la Cour d’Honneur du Palais des Papes (Avignon IN)

Prix de ma place : 32,30 €

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

Ps : Cinquantième mois d’existence du blog, quatre-centième article publié. J’aime les nombres ronds. Point final. Et j’ai même pas fait exprès.

2 réflexions au sujet de « LA CERISAIE (Anton Tchekhov / Tiago Rodrigues / Cour d’Honneur du Palais des Papes / Festival d’Avignon »

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