Le Présent qui déborde (Christiane Jatahy / CentQuatre)

(de quoi ça parle en vrai)

« Avec Ithaque, créé en 2018 aux Ateliers Berthier, Christiane Jatahy avait présenté le premier volet d’une Odyssée pour notre temps. (…) Chez Jatahy, cette recherche qu’entreprend le jeune héros est aussi comme une quête d’autres odyssées inouïes et bien réelles, celles que vivent tant de réfugiés et de migrants aujourd’hui. Dans un premier temps, l’artiste s’est rendue avec sa caméra un peu partout dans le monde, au Liban, en Grèce, en Palestine, en Afrique du Sud ou en Amazonie, afin d’y recueillir des témoignages de personnes jetées sur les routes par la guerre ou la violence. Ce versant documentaire de l’enquête se complète d’un versant fictionnel. Jatahy a invité des comédiens issus des mêmes communautés que ses interlocuteurs à jeter des ponts entre leurs récits et le poème homérique. Ces matériaux seront confrontés en scène avec la performance vivante des interprètes. Et de même que l’exil et la migration traversent et remettent en cause les frontières, on sentira s’abattre les cloisons séparant la fiction du réel, les acteurs des spectateurs, la parole du poète et le chœur des voix anonymes, l’Odyssée mythique au seuil de l’histoire européenne et toutes les odyssées invisibles disséminées à travers notre époque. » (source : ici)

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Crédits photos : Paulo Camacho

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Voilà maintenant six ans que je suis le travail de Christiane Jatahy (Julia le 20 septembre 2013, déjà au CentQuatre) et on ne peut que constater qu’elle ne cesse de creuser son sillon, de se remettre en question, ne serait-ce qu’à propos de son utilisation de la vidéo. Ici, point de fiction à proprement parler. Nous faisons face ici à un écran, comme au cinéma. L’artiste brésilienne et son équipe ont sillonné le monde pour collecter la parole de personnes déracinées, en proie à la guerre et on ne peut qu’être troublé par le regard, face caméra, de cette petite fille, alors que tout le monde à côté d’elle prépare une fête. Parce que, même si les témoignages des protagonistes sont parfois poignants et graves, il reste encore de l’espoir (si si.)… Parce que c’est aussi par le collectif qu’on parviendra à se faire entendre et à éventuellement nous rendre du baume au coeur (je suis d’humeur optimiste aujourd’hui). Christiane Jatahy fait littéralement traverser ses « personnages » de l’écran à la salle : sans nous en rendre compte (plus ou moins), nous sommes infiltré.e.s par des femmes et des hommes qui racontent aussi leurs propres histoires, vont nous faire remuer notre popotin sur notre siège au son des guitares et autres instruments traditionnels.

Malgré la technique (nous voyons sur l’écran un montage effectué en direct des images du film et celles prises sur le vif dans le public), l’ensemble est ô combien sensible, d’un humanisme confondant. Et Christiane Jatahy n’hésite pas à prendre la parole pour évoquer son histoire familiale, le Brésil, l’Amazonie. « La Règle du Jeu » excepté, elle a toujours évoqué son pays dans ses spectacles et on sent que ce qu’il s’y passe aujourd’hui a une résonnance toute particulière, quand nous voyons à l’écran cette tribu, en plein coeur de l’Amazonie, peut-être sur le point d’effectuer leur propre odyssée.

Ps : La comédienne Julia Bernat, présente habituellement dans toutes les productions de Christiane Jatahy, me manque.

 

LE PRÉSENT QUI DÉBORDE O agora que demora Notre Odyssée II

Mise en scène, réalisation, dramaturgie Christiane Jatahy
Collaboration artistique, scénographie, lumière Thomas Walgrave – Collaboration et coordination compagnie Henrique Mariano – Photographie Paulo Camacho – Son Alex Fostier – Musique Vitor Araújo, Domenico Lancellotti – Montage Christiane Jatahy, Paulo Camacho – Cadrage Paulo Camacho – Seconde caméra Thomas Walgrave – Mixage Breno Furtado, Pedro Vituri

avec Faisal Abu Alhayjaa, Manuela Afonso, Abed Aidy, Omar Al Jbaai, Abbas Abdulelah Al’Shukra, Maroine Amimi, Vitor Araújo, Bepkapoy, Emilie Franco, Joseph Gaylard, Noji Gaylard, Renata Hardy, Ramyar Hussaini, Iketi Kayapó, Irengri Kayapó, Ojo Kayapó, Laerte Késsimos, Kroti, Yara Ktaish, Pitchou Lambo, Abdul Lanjesi, Mélina Martin, Jovial Mbenga, Nambulelo Meolongwara, Linda Michael Mkhwanasi, Mbali Ncube, Pravinah Nehwati, Adnan Ibrahim Nghnghia, Maria Laura Nogueira, Jehad Obeid, Ranin Odeh, Blessing Opoko, Phana, Pykatire, Corina Sabbas, Leon David Salazar, Mustafa Sheta, Frank Sithole, Fepa Teixeira, Ivan Tirtiaux, Ahmed Tobasi

En tournée à Strasbourg, Saint-Étienne, Besançon…

 

(une autre histoire)

Après le spectacle, je rejoins des amies dans un bar dans le 18e. Allez savoir pourquoi, j’ai besoin de boire. Pas à cause du spectacle, juste envie de déconnecter. Dans le bar, un de leurs amis mixe. Tout le monde mixe de nos jours. C’est un autre ami qui m’a fait cette remarque. J’ai envie de faire une boum chez moi. Rien que pour emmerder mon voisin du dessous. Régulièrement je l’entends dire « Putain ». Il doit jouer aux jeux vidéos, je ne vois aucune autre explication à la lumière bleutée qui traverse ses fenêtres le soir. Je l’entends aussi éternuer très fort. Mais jamais baiser. A ma boum, je mixerais aussi, je passerais mes vieux 45 tours comme Samantha Fox, A-ha ou Europe. J’avais des goûts très sûrs quand j’avais huit ans. Mais je ne buvais pas encore de bière. Et les deux pintes bues ce soir, sans avoir trop mangé, font mal. Avant c’était trois. Je n’ai plus huit ans. Ou plutôt, mes trente-deux ans, il y a huit ans, sont déjà loin. Il y a huit ans, je m’étais exilé en Ecosse, sur l’ïle de Skye (tu le vois, le lien avec le spectacle, légèrement capillo-tracté ?). J’y serais bien resté, dans ma montagne. Faut lire Walden. Ok, lui c’était dans une forêt. Mais le résultat est le même. Je fais celui qui a lu Walden, je ne suis jamais arrivé à le terminer. Je suis un imposteur.

 

Vu le samedi 16 novembre 2019 au CentQuatre, Paris (avec Odéon Théâtre de l’Europe)

Prix de ma place : 20€ (abonnement Odéon)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

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