À l’Ouest (Olivia Grandville / Théâtre de la Bastille)

(de quoi ça parle en vrai)

« En 1921, âgé de cinq ans, Moondog, le «Viking de la Sixième Avenue», a la chance de jouer du tom-tom avec des Indiens Arapahos. C’est sur les pas de ce compositeur de légende, au cœur des réserves autochtones du Canada et d’Amérique du Nord, qu’Olivia Grandville noue un dialogue entre son propre langage chorégraphique et les danses de pow-wow, rassemblement autant social que spirituel. À l’Ouest interroge ainsi la place de la danse dans les cultures amérindiennes, dressant sur scène une structure métallique en forme d’igloo, au centre de laquelle un poste de télévision dévoile les grands espaces et les traditions des premiers habitants. Au rythme d’un tambour envoûtant, décrivant des cercles autour de cet igloo, cinq jeunes femmes martèlent le sol, dansent jour et nuit pour se rapprocher de la transe. » (source : ici)

8-ouest5
(c) Marc Domage

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Je ne suis absolument pas celui qu’il faut pour parler « danse » (déjà que pour le théâtre… oui, j’ai encore sorti ma branche d’ortie, je suis prévisible, mais ne vous en faites pas, plus que cinq mois avant la fin). Pas pour rien que je ne me suis pas prononcé en début de semaine sur « Ce qui n’a pas lieu » de Sofia Dias et Vitor Roriz, également présenté au Théâtre de la Bastille avec l’Atelier de Paris / CDCN. Mais quand un spectacle m’enthousiasme, je ne peux que prendre mon ordinateur sur mes genoux et tenter de mettre des mots sur ce que j’ai ressenti en écoutant de la musique déprimante car c’est dimanche soir (Agnes Obel et son nouvel album « Myopia »).

Après la grande claque Nina Santes, l’an passé au même endroit, voici donc ma découverte de la chorégraphe Olivia Grandville qui m’a fait le même effet, l’immersion en moins.

Il y a forcément le rythme imposé par le percussionniste Paul Loiseau, qui aide à la transe. Les danseuses n’arrêteront jamais leur danse de pow-wow métissée avec la danse contemporaine, mais aussi d’autres danses plus traditionnelles. On les sent toutes très investies, Tatiana Julien en tête. Quarante-huit heures après avoir vu ce spectacle, il me reste encore très nettement des images, ces toiles transparentes qui recouvrent l’igloo, cette ronde ininterrompue, cette façon de taper du pied – chaque danseuse a sa façon de faire. La chorégraphe sait jouer sur le rythme, tantôt lancinant, tantôt rapide et obsédant.

Le spectacle est aussi le témoignage d’un périple qui a amené Olivia Grandville de l’Abitibi (région québécoise) à Ottawa, en passant par Albuquerque au Nouveau Mexique. Sa danse est chargée des rencontres qu’elle a faites (un film documentaire autour de son voyage prolongeait le spectacle) et de l’histoire autochtone elle-même.

En résumé, un spectacle fascinant (c’est mon mot de la semaine) qui fait appel à nos sensations.

 

À L’OUEST

Chorégraphie d’Olivia Grandville

Avec Lucie Collardeau, Clémence Galliard, Olivia Grandville, Tatiana Julien et Marie Orts

Textes et entretiens Olivia Grandville

Remerciements pour leur coopération et leurs témoignages à Carl Seguin, Réjean Boutet, Malik Kistabish, Marguerite Wylde, Israël Wylde-McDougall, Katia Rock et Marie Léger

Percussions Paul Loiseau – Musiques Alexis Degrenier et Moondog – Réalisation sonore Jonathan Kingsley Seilman – Régie son Lucas Pizzini – Lumières Yves Godin – Conception scénique Yves Godin et Olivia Grandville – Costumes Éric Martin – Images Olivia Grandville – Regard extérieur Magali Caillet – Collaboration Stéphane Pauvret, Aurélien Desclozeaux, Anne Reymann, Fabrice Le Fur et Will Guthrie

Avec l’Atelier de Paris / CDCN

Bientôt à Périgueux, Pontchâteau…

 

(une autre histoire)

À L’EST

Je pris le train à Vancouver. Encore inconscient de ce que ce voyage allait être, je m’assis dans mon fauteuil et attendis sagement le départ. Je ne savais pas que j’allais réapprendre la lenteur : quelques 4 300 kilomètres pour rejoindre Toronto à 50 km / h en moyenne, vous ferez le calcul. Je n’avais pas pris mon ordinateur portable, le wifi était inexistant, ma soeur m’avait prêté sa liseuse (je n’ai jamais autant lu que durant ce périple – de mémoire : Vernon Subutex 1 et 2 (Virginie Despentes), Intérieurs (Thomas Clerc), Tout est fatal (Stephen King), Vie et mort de la jeune file blonde (Philippe Jaenada)). Je devais m’accomoder des compagnons de route que je n’avais pas choisis (des enfants qui subissaient plus qu’autre chose ce long voyage, d’autres personnes que j’ai maintenant oubliées). Parfois je me rendais au wagon loisirs pour écouter le concert d’un bluesman qui faisait le trajet gratuitement contre deux concerts – je ne sais plus son nom, c’est dommage. Je croisais les passagers de la première classe qui faisaient leur petite balade en terre de seconde classe, là où les voyageurs dormaient sur des fauteuils et n’avaient aucune douche pour se laver – je vous laisse imaginer le parfum de notre wagon après trois jours… En revanche, nous n’avions pas le droit d’humer le parfum des couchettes-lis de la première classe. Toujours cette lutte des classes !

Ce que je préférais, c’était prendre mon plaid et m’installer dans le wagon au toit transparent. C’est là qu’on pouvait voir les levers et les couchers de soleil, les paysages se transformer subtilement : des plaines aux Rocheuses, des Rocheuses aux lacs à perte de vue. Le temps n’avait plus aucune valeur. Tout ce qu’on avait à faire, c’était se perdre dans nos pensées, imaginer les routes empruntées par les Colons, les chevauchées sauvages des Autochtones, comme si on remontait le temps à contre-courant.

Vancouver Toronto. Il doit bien y avoir une signification dans ces mots-là.

 

Vu le vendredi 28 février 2020 au Théâtre de la Bastille (Paris)

Prix de ma place : 13€ / mois (pass Bastille)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

2 réflexions au sujet de « À l’Ouest (Olivia Grandville / Théâtre de la Bastille) »

Laisser un commentaire