Les Analphabètes (Ingmar Bergman / Le Balagan’ retrouvé / TGP St Denis)

(quand on ne lit pas la bible)

Les Analphabètes ? Mes élèves ?

(de quoi ça parle en vrai)

(…) Les deux artistes s’inspirent ici du scénario de Scènes de la vie conjugale, film réalisé en 1973 par le cinéaste suédois Ingmar Bergman, chef d’oeuvre doux-amer, drame ordinaire et bouleversant de l’amour qui dure puis qui s’efface. Pour cette reprise, ils ont invité un musicien : Thibault Perriard, batteur, familier des plateaux de théâtre, compagnon de route de Samuel Achache et Jeanne Candel. Trois acteurs donc, pour un spectacle qui s’écrit oralement et corporellement au « soir le soir ». Il y a dans cette proposition une exigence, une intensité, quelque chose qui semble brûler sous nos yeux : la force du théâtre dans l’instant présent. (source : ici)

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© Charlotte Corman

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Le défi était de taille : à nouveau une adaptation d’un matériau d’Ingmar Bergman (on le saura qu’on fête les 100 ans de l’artiste), en l’occurence « Scènes de la vie de conjugale », dont j’avais déjà vu la version réussie du tg STAN avec Franck Vercruyssen et Ruth Vega Fernandez. D’autant que, comme pour les spectacles du collectif flamand, les acteurs sont déjà sur scène à notre arrivée dans la salle, proposent aux spectateurs de s’asseoir ici ou là, accueillent les retardataires. La comparaison s’arrête ici car le spectacle du Balagan’ Retrouvé se suffit à lui-même.

Le spectacle dure plus ou moins 2h30 avec l’entracte. Je dis plus ou moins car comme il est indiqué dans la bible :   le  « spectacle qui s’écrit oralement et corporellement au « soir le soir » ». Il n’y a pas de texte pré-établi, nous devons faire confiance aux acteurs pour nous emmener dans les recoins des relations de ce couple. Gina Calinoiu et Lionel González écoutent leurs corps, l’impulsion du moment, savent où ils doivent aller et prennent parfois des chemins de traverse. La parole est tantôt hésitante, heurtée ou assurée (on y est même enrhumé), comme une certaine vie. Rien n’est simple.

Les deux acteurs sont particulièrement remarquables. La « petite » salle du TGP St Denis permet une proximité, je dirais même une immersion assez étonnante. Il est important, je pense, de le signaler, mais nous savons que c’est du théâtre, il y a même un musicien sur scène (j’y reviendrai). Pourtant, lors d’une scène de dispute physique, quand l’homme frappe la femme, nous avons envie d’intervenir, de monter sur scène et d’empêcher ce qui se produit.

La pièce est à la fois dure, intense. On y rit aussi, parfois nerveusement – Lionel González est particulièrement impressionnant dans la lâcheté, la mauvaise foi et toujours sur le fil du rasoir, car il en pourrait en faire beaucoup plus.

Et la musique du Thibault Perriard (d’inspiration jazz, donc prompt à s’adapter aux improvisations des comédiens) souligne, tout en discrétion. Le musicien est spectateur, sait se faire oublier, mais a une présence indéniable.

Une vraie belle découverte mais attention, la représentation que vous verrez peut-être ne sera pas tout à fait la même que la mienne.

 

LES ANALPHABÈTES

Avec Gina Calinoiu, Lionel González, Thibault Perriard

Collaboration artistique Marion Bois – Scénographie Lisa Navarro – Lumière Fabrice Ollivier – Costumes Élisabeth Cerqueira

Production Le Balagan’ retrouvé.

Jusqu’au 24 février 2019 au TGP St-Denis

(une autre histoire)

Comme disait le père Ingmar sur nous autres les humains, moi aussi je suis un analphabète des sentiments. On pourrait même dire aveugle. Malvoyant. Sourd. Handicapé. Je ne sais pas s‘il est de bon ton, aujourd’hui, d’utiliser ce vocabulaire-là pour ça. Je ne sais pas faire, je n’ai jamais su faire et je pense bien que… ben… je ne saurai jamais. Je suis vieux. On apprend de moins en moins. Nos machinchoses dans notre cerveau ne sont plus aptes à s’adapter, intégrer de nouvelles données.

Je ne sens plus mon coeur battre d’ailleurs. Je mens. Je mens quand je dis que je mens. Je ne sais plus.

Le temps passe, je me vois vieillir – si je ne faisais pas ce que je fais présentement, vieillirais-je moins vite ?

Je suis le dernier.

Revenons-en aux sentiments, je m’égare – j’aime tellement me perdre, dans la ville, dans mes pensées.

Hey ! Mais demain c’est la St Valentin ! Non non… rien.

Je voudrais pour mon prochain anniversaire une machine à écrire, pour que tous les mots aient une résonnance. Qu’on m’offre des carnets Moleskine pour toute la vie – je suis immortel – pour aller à l’essentiel. Arrêter d’effacer. Apprendre par coeur. By heart. Peut-être que ça donnera de l’allant, qu’il fera sa vie, mon coeur (mon amour). Il me racontera ses aventures.

J’interromps momentanément le programme : un poil de torse vient de transpercer le tissu de mon t-shirt.

Là tout de suite, du repos, j’ai besoin, je crois.

 

vu le dimanche 10 février 2019 au TGP St Denis

prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

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