Kreatur (Sasha Waltz / La Villette)

(de quoi ça parle en vrai)

Dans l’environnement sonore créé par le trio Soundwalk Collective, avec les costumes de la styliste Iris van Herpen et les lumières d’Urs Schönebaum, la chorégraphe allemande renoue ici avec quelque chose d’originel. Comment existe-t-on, aujourd’hui, dans cette société sans dessus dessous qu’est devenue la nôtre ? Brinquebalés, arc-boutés, malmenés, insurgés. Entre le pouvoir et la domination, la liberté et le contrôle, la communauté et la solitude, on s’essaye à l’équilibre. Ça blesse, ça vibre, ça cogne, ça échappe, ça insiste. Sans répit, les quatorze danseurs matérialisent ces tensions incessantes, ces déplacements d’un pôle à l’autre, intemporels autant qu’arrimés à notre contexte contemporain. (source : ici)

ute und luna zscharnt
(photo de couverture : Walter Bickmann – ci-dessus : Ute & Luna Zscharnt)

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Cette pièce de danse intitulée « Kreatur » a déjà été présentée lors du dernier Festival d’Avignon. Les retours avaient été plutôt frais mais l’envie de découvrir le travail de Sasha Waltz était intacte.

Le premier tableau du spectacle est « de toute beauté ». Nous voyons ces danseurs, toutes et tous torse nu, évoluer à l’intérieur d’une espèce de cocon, s’en extirper, se rencontrer, puis prendre place derrière des sortes de miroirs sans tain flexibles, dans lesquels ils s’enferment, nous donnant l’occasion d’admirer leurs corps diffractés (je ne sais absolument pas si cela veut dire grand chose), grâce également à la magnifique lumière de Urs Schönebaum.

Et c’est après cela que les ennuis commencent, que l’ennui s’empare peu à peu de moi. Je vois un groupe qui se meut, s’arrête et repart de concert. Puis le chef de la meute mène ses semblables qui reproduisent ses gestes. Attends, mais bon sang, c’est bien sûr : j’ai déjà fait cet exercice-là lors d’un atelier de théâtre amateur ! Quelque chose se brise dans ma perception de cette pièce. Les interprètes se mettent à parler : « La vie est fantastique, pourquoi on se la complique ? ». Non, les paroles c’est : « Le plastique, c’est fantastique ! » (jamais je n’aurais pensé citer le groupe Elmer Food Beat ici et je l’ai pourtant fait !).

Dans le dernier tableau, nous entendons « Je t’aime moi non plus », la chanson de Gainsbourg et Birkin. Les danseurs s’entremêlent, y a une poutre en bois qui s’imbrique dans ces corps… Je trouve cela daté et même ridicule.

Je trouve cela surtout dommage quand je repense à l’exceptionnel tableau introductif.

 

KREATUR

Direction, chorégraphie Sasha Waltz

Costumes Iris van Herpen – Musique Soundwalk Collective – Lumières Urs Schönebaum – Directeur de répétition Davide Di Pretoro Dramaturgie Jochen Sandig

Danseurs Liza Alpízar Aguilar, Jirí Bartovanec, Davide Camplani, Clémentine Deluy, Peggy Grelat-Dupont, Hwanhee Hwang, Annapaola Leso, Nicola Mascia, Thusnelda Mercy, Virgis Puodziunas, Zaratiana Randrianantenaina, Yael Schnell, Corey Scott-Gilbert, Claudia de Serpa Soares

 

(une autre histoire)

Sasha Waltz est allemande. Premier point commun, j’ai du sang allemand. Lorrain pour être plus précis, mais à un moment ou à un autre, ce sang était quand même allemand. Pis, j’ai fait Allemand LV1. Je ne le répète jamais assez.

Sasha Waltz est née à Karlsruhe. Avec ma classe de seconde, nous avions passé une journée à Karlsruhe. Les coïncidences parfois… Le matin, nous étions au lycée, le midi nous mangions des pates (allez savoir pourquoi ça m’a marqué) avec du Spezi. Le Spezi, c’est un mélange de Coca et de soda à l’orange. J’adore ! L’après-midi nous avions quartier libre. Je me baladais en chantant lalala avec un de mes amis, puis nous nous perdîmes. Les églises se ressemblaient toutes, nous faillîmes nous faire écraser par une bicyclette folle qui ne semblait pas comprendre que nous étions égarés sur cette immense piste cyclable : « Mais c’est où pour les piétons, c’est là où c’est clair ou là où c’est foncé ? ». Nous demandâmes notre chemin à un parfait inconnu : « Die Jugendherberge, bitte ? Wir sind verloren ! » Ce gentil monsieur nous proposa de nous ramener en voiture.

Notez que nous n’avons absolument pas pensé une seule seconde au pire. Cela dit, peut-être s’est-il passé quelque chose dans cette voiture, que mon inconscient a totalement occulté. Peut-être que tout cela n’existe pas, que tout ce que j’ai vu, tout ce que je raconte, tout ce que j’ai vécu, c’est dans ma tête. Que les mots que j’écris ici sont en fait sur les murs d’une cave allemande et que ça fait bien longtemps que j’ai dévoré et digéré mon acolyte…

 

vu le vendredi 19 avril 2019 à la Grande Halle de la Villette

prix de ma place : 12€ (tarif personnel Villette obtenu grâce à une amie)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

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