Des Territoires (… et tout sera pardonné ?) (Baptiste Amann / Théâtre de la Bastille)

(de quoi ça parle en vrai)

« Après avoir convoqué la Révolution française puis la Commune dans les deux premiers épisodes, c’est la révolution algérienne qui surgit cette fois sur scène. (…) Nous avions laissé les personnages rassemblés dans leur cité HLM à l’occasion de l’enterrement des parents. (…) À cet instant de l’histoire, Lyn, Hafiz et Samuel sont rassemblés autour de leur frère Benny qui, suite aux violentes émeutes dans le quartier, est en état de mort cérébrale. Faut-il arrêter la machine ? Pendant ce temps-là, dans le même hôpital, se déroule le tournage d’un film sur la guerre d’Algérie et notamment sur le procès de la figure emblématique de Djamila Bouhired. Condamnée à mort pour « actes de terrorisme », cette militante du FLN fut finalement libérée, notamment grâce à Jacques Vergès, célèbre avocat qui fera de ce procès celui de la colonisation. L’actrice qui interprète la révolutionnaire, en conflit avec le réalisateur, va rencontrer la famille de Benny. Les époques se chevauchent et les dilemmes s’entrecroisent : faut-il arrêter ou continuer de jouer ? Faut-il mourir pour ses idées ? » (source : ici)

Photo Sonia Barcet
Crédits photos : Sonia Barcet

(ceci n’est pas une critique, mais…)

J’avais apprécié le premier, j’avais moins aimé le deuxième, il n’y avait pas de raison que je n’aille pas voir le dernier volet de la trilogie. 1 partout, balle au centre.

La pièce démarre par une scène savoureuse pendant une émission de radio qui n’a rien à voir avec les deux précédentes parties mais qui annonce déjà la pièce de résistance de la… pièce : l’Algérie.

Précédemment l’Histoire rentrait par effraction dans l’histoire. De manière un peu capillotractée, on se retrouvait au coeur de la Révolution Française, de la Commune, tandis qu’ici les séquelles de la Guerre d’Algérie s’invitent par le truchement (j’adore ce mot) du tournage d’un film, dans l’hôpital même où Benjamin est hospitalisé. Certes, tout ceci est amené de manière plus subtile mais le dispositif reste le même : l’entrelacement de la grande et de la petite histoire, des récits des différents personnages. On ne peut pas enlever cela à Baptiste Amann qui poursuit ce qu’il a commencé à entreprendre et on ne peut que saluer une certaine ambition dans la narration (mille-feuilles narratif, multiplicité des sujets sociétaux parfois seulement effleurés : le manque de moyens des hôpitaux, la mort de jeunes des cités suite à la confrontation avec la police…), ainsi que des fulgurances au niveau de l’écriture.

Ce qui m’avait intérésssé au début de cette aventure, c’était ces quatre frères et soeur qui devaient faire face au décès simultané de leurs parents. Or, plus les épisodes passent, plus les liens qui tissaient leurs relations semblent s’effilocher, théâtralement parlant. Je ne parle même pas du clin d’oeil méta, quand un des frères avoue que ça lui semble bizarre de vivre autant d’accidents de la vie (ses parents puis son frère) en seulement trois jours. On perd quelque chose au niveau de la fratrie, comme si la disparition de Benjamin avait cassé ce qui me semblait être la dynamique de la pièce elle-même. Mais apparemment, il ne s’agissait que d’un prétexte.

La relation naissante entre Hafiz, le frère adoptif d’origine algérienne et la comédienne qui interprète Djamila Bouhired, dans le film tourné à quelques couloirs de là, est assez touchante. On aurait voulu en voir plus. Parce qu’hormis le tournage, la guerre d’Algérie a eu un impact direct sur l’un des personnages de cette saga. Or, encore une fois, on aurait voulu voir un approfondissement de ce qui tourmente Hafiz, surtout qu’on l’avait déjà vu venir dans le précédent opus.

(il est difficile de critiquer une pièce quand on aurait voulu voir la pièce qu’on avait rêvée)

Même si la pièce peut se voir indépendamment des autres, il peut manquer certaines subtilités à celles et ceux qui ne les ont pas vues. Les raisons pour lesquelles Benjamin est en mort cérébrale ne sont pas évidentes à comprendre par exemple (même pour quelqu’un qui a vu le précédent épisode il y a deux ans).

Peut-être que je ne me souviens pas, mais pour la première fois de la trilogie, l’action est localisée : ici Avignon, la ville natale du metteur en scène, cette ville qu’on connait surtout pour son festival et ses papes, mais pas vraiment pour tout ce qu’il se passe extramuros. Oui, il y a une vie en dehors des murailles de la ville et elle n’est pas toute rose. (note pour plus tard : imaginer la vie des gens là-bas, pendant le festival… sûrement la même que les autres jours de l’année).

Je ne peux faire l’impasse sur l’énergie et la force d’interprétation de Solal Bouloudnine qui, des Armoires Normandes avec les Chiens de Navarre au Italie Brésil 3 à 2 (d’Alexandre Tobelaim), m’a toujours enthousiasmé (tout ça pour ne pas souligner le jeu inégal des comédiens).

Tout ça pour dire que2h30 c’est long et que je me demande ce qu’en a pensé Olivier Py, présent dans la salle. Olivier Py… Avignon… La boucle est bouclée.

 

DES TERRITOIRES (… ET TOUT SERA PARDONNÉ ?)

Avec Solal Bouloudnine, Alexandra Castellon, Nailia Harzoune, Yohann Pisiou, Samuel Réhault, Lyn Thibault, Olivier Veillon

Texte et Mise en scène Baptiste Amann

Collaboratrice artistique Amélie Enon – Régie générale François Duguest – Création lumière Florent Jacob – Création sonore Léon Blomme – Scénographie Baptiste Amann – Construction décor Atelier Lasca – Costumes Suzanne Aubert – Administration de production Morgan Hélou – Production L’Annexe

Jusqu’au 13 décembre 2019 au Théâtre de la Bastille (Paris) et en tournée en 2020 à Bordeaux, Brive, Toulouse, Dijon…

 

(pas d’autre histoire…)

… parce que j’ai aussi une vie… Mais Des Territoires (… et tout sera pardonné ?) aura eu le mérite de me remettre les mains dans le cambouis. Car même si je fus globalement déçu, la pièce m’a donné de quoi penser. Ce qui n’est pas si anodin.

(Post-scriptum)

Je ne veux pas cafter, mais depuis que quelqu’un m’a dit que j’avais l’air de tout apprécier, je n’apprécie plus rien (peut-être pas à sa juste valeur). Malédiction !

 

Vu le vendredi 29 novembre 2019 au Théâtre de la Bastille, Paris

Prix de ma place : 13€ / mois (pass Bastille)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Pièce (Grémaud / Bovay / Gurtner / Théâtre de la Ville / Festival d’Automne à Paris)

(de quoi ça parle en vrai)

« Du théâtre dans le théâtre dans le théâtre… On ne se lasse pas d’observer comment Tiphanie Bovay-Klameth, Michèle Gurtner et François Gremaud démontent spectacle après spectacle les rouages de la représentation pour exposer avec un délicieux sens de l’humour la réalité humaine à l’oeuvre derrière l’artifice. Ainsi, dans Pièce, on assiste aux efforts de deux comédiennes et un comédien pour préparer un spectacle et le jouer. Cette mise à nu du processus de création, non pas en dévoilant les coulisses mais en montrant directement ce qui a lieu in situ, suscite une multiplicité de relations qui s’entretissent et interagissent pour offrir, non seulement un aperçu cocasse des rapports humains – car tout part de là et y revient –, mais aussi les balbutiements d’intuitions qui naissent, pour peu à peu prendre forme. Et, bientôt, cela devient un spectacle. » (source : ici)

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Crédits photos : Dorothée Thébert Filiger

(ceci n’est ni une critique ni une autre histoire, mais…)

Voici une pièce que j’attendais avec impatience. Et je fus forcément déçu. Je voulais rire. Parce qu’en ce moment j’en ai besoin. J’ai froid, le temps est gris, je n’aurai sûrement aucune retraite quand je serai mort, ma vie sentimentale est à nouveau dans les pâquerettes (je plaide coupable), je patiente bon gré mal gré jusqu’à ce qu’une certaine personne daigne lire le contenu de mon « side project » (qui est en fait mon « main project ») et ainsi enfin passer à l’étape suivante, je n’ai plus d’inspiration… Pourquoi donc la sauce n’a-t-elle pas pris pour moi ?

Parce que j’étais loin. Je crois que c’est une bonne excuse. La salle de l’Espace Cardin est bien trop grande pour apprécier les mimiques, les regards, la gestuelle du trio suisse. Il m’a manqué cette proximité. Ou des lunettes. J’ai déjà la flemme de me rendre chez le médecin pour ma toux de fumeur alors que je ne fume même pas, alors aller chez l’ophtalmo…

Certes, j’ai souri et parfois ri, surtout au début, en voyant nos trois comédiens entrer sur scène, postiche sur la tête, bruitages synchonisés à leurs pas. Certains ne maîtrisent pas leur texte, d’autres hésitent quant au ton employé, les mêmes jouent faux. Ils se trompent et recommencent. On se reconnait en eux. Enfin… pas moi, parce que j’excelle dans mon domaine. Dès que je suis sur scène, je me transcende,  les gens rient, je ne fais rien et les gens s’esclaffent. Quand je suis sur scène, on ne sait d’ailleurs jamais si je suis ou si je joue, si ça a commencé ou pas. Je crois que j’aurais dû m’écouter plus et embrasser ma vocation…

Les comédiens (les vrais) sont excellents, il n’empêche que j’ai vu poindre progressivement le bout du nez de l’ennui. La répétitivité des scènes ne m’a guère… Mazette, on ne peut dire « Il ne me sied guère » au passé composé ni au passé simple !

Vous m’avez compris, j’aurais dû m’abstenir d’écrire cette chronique tellement je suis passé à côté de cette pièce « Pièce ». Quand on a un truc dans la tête qui se la joue chewing-gum dans les cheveux, on n’apprécie rien. Surtout pas un chewing-gum goût cheveux pelliculés.

 

PIÈCE

Collectif Gremaud/Gurtner/Bovay: Tiphanie Bovay-Klameth, François Gremaud & Michele Gurtner

Avec Tiphanie Bovay-Klameth, François Gremaud, Michele Gurtner & Le Musicien Samuel Pajand

Musique Samuel Pajand – Lumieres Antoine Friderici – Scénographie Victor Roy – Collaboration Costumes Sarah André

En 2020 à Genève et Lausanne

 

(une autre annonce)

Pour ceux qui ne sont toujours pas au courant, cette saison sera la dernière pour ce blog… Vous voilà tous prévenus !

 

Vu le dimanche 17 novembre 2019 au Théâtre des Abbesses, Paris (Théâtre de la Ville / Festival d’Automne à Paris)

Prix de ma place : 17€ (cat 1 balcon – carte TDV)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Le Présent qui déborde (Christiane Jatahy / CentQuatre)

(de quoi ça parle en vrai)

« Avec Ithaque, créé en 2018 aux Ateliers Berthier, Christiane Jatahy avait présenté le premier volet d’une Odyssée pour notre temps. (…) Chez Jatahy, cette recherche qu’entreprend le jeune héros est aussi comme une quête d’autres odyssées inouïes et bien réelles, celles que vivent tant de réfugiés et de migrants aujourd’hui. Dans un premier temps, l’artiste s’est rendue avec sa caméra un peu partout dans le monde, au Liban, en Grèce, en Palestine, en Afrique du Sud ou en Amazonie, afin d’y recueillir des témoignages de personnes jetées sur les routes par la guerre ou la violence. Ce versant documentaire de l’enquête se complète d’un versant fictionnel. Jatahy a invité des comédiens issus des mêmes communautés que ses interlocuteurs à jeter des ponts entre leurs récits et le poème homérique. Ces matériaux seront confrontés en scène avec la performance vivante des interprètes. Et de même que l’exil et la migration traversent et remettent en cause les frontières, on sentira s’abattre les cloisons séparant la fiction du réel, les acteurs des spectateurs, la parole du poète et le chœur des voix anonymes, l’Odyssée mythique au seuil de l’histoire européenne et toutes les odyssées invisibles disséminées à travers notre époque. » (source : ici)

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Crédits photos : Paulo Camacho

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Voilà maintenant six ans que je suis le travail de Christiane Jatahy (Julia le 20 septembre 2013, déjà au CentQuatre) et on ne peut que constater qu’elle ne cesse de creuser son sillon, de se remettre en question, ne serait-ce qu’à propos de son utilisation de la vidéo. Ici, point de fiction à proprement parler. Nous faisons face ici à un écran, comme au cinéma. L’artiste brésilienne et son équipe ont sillonné le monde pour collecter la parole de personnes déracinées, en proie à la guerre et on ne peut qu’être troublé par le regard, face caméra, de cette petite fille, alors que tout le monde à côté d’elle prépare une fête. Parce que, même si les témoignages des protagonistes sont parfois poignants et graves, il reste encore de l’espoir (si si.)… Parce que c’est aussi par le collectif qu’on parviendra à se faire entendre et à éventuellement nous rendre du baume au coeur (je suis d’humeur optimiste aujourd’hui). Christiane Jatahy fait littéralement traverser ses « personnages » de l’écran à la salle : sans nous en rendre compte (plus ou moins), nous sommes infiltré.e.s par des femmes et des hommes qui racontent aussi leurs propres histoires, vont nous faire remuer notre popotin sur notre siège au son des guitares et autres instruments traditionnels.

Malgré la technique (nous voyons sur l’écran un montage effectué en direct des images du film et celles prises sur le vif dans le public), l’ensemble est ô combien sensible, d’un humanisme confondant. Et Christiane Jatahy n’hésite pas à prendre la parole pour évoquer son histoire familiale, le Brésil, l’Amazonie. « La Règle du Jeu » excepté, elle a toujours évoqué son pays dans ses spectacles et on sent que ce qu’il s’y passe aujourd’hui a une résonnance toute particulière, quand nous voyons à l’écran cette tribu, en plein coeur de l’Amazonie, peut-être sur le point d’effectuer leur propre odyssée.

Ps : La comédienne Julia Bernat, présente habituellement dans toutes les productions de Christiane Jatahy, me manque.

 

LE PRÉSENT QUI DÉBORDE O agora que demora Notre Odyssée II

Mise en scène, réalisation, dramaturgie Christiane Jatahy
Collaboration artistique, scénographie, lumière Thomas Walgrave – Collaboration et coordination compagnie Henrique Mariano – Photographie Paulo Camacho – Son Alex Fostier – Musique Vitor Araújo, Domenico Lancellotti – Montage Christiane Jatahy, Paulo Camacho – Cadrage Paulo Camacho – Seconde caméra Thomas Walgrave – Mixage Breno Furtado, Pedro Vituri

avec Faisal Abu Alhayjaa, Manuela Afonso, Abed Aidy, Omar Al Jbaai, Abbas Abdulelah Al’Shukra, Maroine Amimi, Vitor Araújo, Bepkapoy, Emilie Franco, Joseph Gaylard, Noji Gaylard, Renata Hardy, Ramyar Hussaini, Iketi Kayapó, Irengri Kayapó, Ojo Kayapó, Laerte Késsimos, Kroti, Yara Ktaish, Pitchou Lambo, Abdul Lanjesi, Mélina Martin, Jovial Mbenga, Nambulelo Meolongwara, Linda Michael Mkhwanasi, Mbali Ncube, Pravinah Nehwati, Adnan Ibrahim Nghnghia, Maria Laura Nogueira, Jehad Obeid, Ranin Odeh, Blessing Opoko, Phana, Pykatire, Corina Sabbas, Leon David Salazar, Mustafa Sheta, Frank Sithole, Fepa Teixeira, Ivan Tirtiaux, Ahmed Tobasi

En tournée à Strasbourg, Saint-Étienne, Besançon…

 

(une autre histoire)

Après le spectacle, je rejoins des amies dans un bar dans le 18e. Allez savoir pourquoi, j’ai besoin de boire. Pas à cause du spectacle, juste envie de déconnecter. Dans le bar, un de leurs amis mixe. Tout le monde mixe de nos jours. C’est un autre ami qui m’a fait cette remarque. J’ai envie de faire une boum chez moi. Rien que pour emmerder mon voisin du dessous. Régulièrement je l’entends dire « Putain ». Il doit jouer aux jeux vidéos, je ne vois aucune autre explication à la lumière bleutée qui traverse ses fenêtres le soir. Je l’entends aussi éternuer très fort. Mais jamais baiser. A ma boum, je mixerais aussi, je passerais mes vieux 45 tours comme Samantha Fox, A-ha ou Europe. J’avais des goûts très sûrs quand j’avais huit ans. Mais je ne buvais pas encore de bière. Et les deux pintes bues ce soir, sans avoir trop mangé, font mal. Avant c’était trois. Je n’ai plus huit ans. Ou plutôt, mes trente-deux ans, il y a huit ans, sont déjà loin. Il y a huit ans, je m’étais exilé en Ecosse, sur l’ïle de Skye (tu le vois, le lien avec le spectacle, légèrement capillo-tracté ?). J’y serais bien resté, dans ma montagne. Faut lire Walden. Ok, lui c’était dans une forêt. Mais le résultat est le même. Je fais celui qui a lu Walden, je ne suis jamais arrivé à le terminer. Je suis un imposteur.

 

Vu le samedi 16 novembre 2019 au CentQuatre, Paris (avec Odéon Théâtre de l’Europe)

Prix de ma place : 20€ (abonnement Odéon)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Sylvia (Fabrice Murgia / An Pierlé / Théâtre National Wallonie Bruxelles)

(de quoi ça parle en vrai)

Figure de proue d’un féminisme plus poétique qu’engagé, Sylvia Plath se débattra toute sa vie entre son désir de répondre aux injonctions du rêve américain des années 50 et 60 (épouse et mère parfaite) et son besoin irrépressible d’écrire. (…) Pour se pencher sur cette voix féminine, Fabrice Murgia a conçu un spectacle tournoyant qui donne à voir la richesse et le conflit intérieur de la poétesse américaine. Sur scène, neuf comédiennes incarnent Sylvia à différents moments clés de sa vie. (…) …Un portrait sensible, encore enrichi par la sublime mélancolie des compositions musicales de l’auteure-compositrice belge An Pierlé. (source : ici)

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Crédits photos : Hubert Amiel

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Cela commence comme n’importe quel spectacle belge : les comédiennes sont sur scène, nous regardent nous installer. Avec elles, les technicien.ne.s, qui paraissent décontracté.e.s. Les musiciens sont déjà en place, musique d’ambiance. An Pierlé est à son piano.

On est tout de suite saisi par la dimension du dispositif, impressionnant. Plateaux qui bougent, musique omniprésente, caméras qui tournoient, comédiennes interchangeables dans le rôle de Sylvia Plath. J’ai envie d’être vulgaire : ils ont même une « putain » de grue pour filmer ! Parce qu’il y a aussi un grand écran qui diffuse en direct les images tournées. Un rendu assez exceptionnel, grâce à Juliette Van Dormael et le metteur en scène Fabrice Murgia (qui n’est autre que le directeur du Théâtre National Wallonie-Bruxelles).

Les comédiennes parlent en anglais. Elles sont francophones ou néerlandophones, mais elles parlent en anglais. Pourquoi ? On n’entend même pas les vrais mots de Sylvia Plath car les droits ont été bloqués par la descendance de la poétesse.

Musique, surtitres, images, ballet des décors, comédiennes méritantes mais dont aucune ne me fait dire : « Waouh », surabondance d’informations. Les scènes sont trop brèves pour réellement nous émouvoir. Un moment, si : à jardin, les actrices sont en loges, elles se changent, plaisantent… à cour la neuvième comédienne est seule, assise sur une chaise. La solitude de Sylvia Plath. Une pause.

Sylvia Plath est devenue un symbole du « génie féminin écrasé par une société dominée par les hommes ». Charge mentale, soumission, elle est (presque) toujours passée après la carrière de son mari, lui aussi poète. Son mari est interprété par un comédien, soit-disant choisi dans le public – je n’ai pas bien compris l’intérêt, hormis celui de rendre anonyme la personne qui a mis sous cloche le talent de son épouse. Le figurant arborera dans ses scènes muettes un masque, le visage de Ted Hughes. Ce dernier aurait détruit une partie du journal intime de Sylvia Plath dans lequel elle décrivait leur vie commune.

Le spectacle a le mérite de mettre en lumière la vie de cette poétesse, de rendre compte de toutes ces femmes qui ont dû mettre en sourdine leur talent (on peut voir aussi le film de Céline Sciamma « Portrait de la jeune fille en feu » avec l’admirable Adèle Haenel, dans un sujet similaire). Il a le mérite de se donner les moyens de ses ambitions. On en prend plein la vue. Cela dit, je suis surpris de  ne voir personne crédité pour l’écriture du spectacle. Il faudra qu’on m’explique. Quant à la musique, jazz, et la voix d’An Pierlé , elles pourraient se suffire à elles-mêmes.

Malgré mes quelques bémols, « Sylvia » donne envie d’en savoir plus sur cette poétesse, de lire ces mots et ce n’est déjà pas si mal.

 

SYLVIA

Mise en scène Fabrice Murgia

Direction photo Juliette Van Dormael

Voix et piano An Pierlé

Avec Valérie Bauchau, Clara Bonnet, Solène Cizeron, Vanessa Compagnucci, Vinora Epp, Léone François, Magali Pinglaut, Ariane Rousseau, Scarlet Tummers Avec la participation de Alfredo Cañavate

Clarinette basse, sax, guitare et percussions Koen Gisen – Clavier et ordinateurs Hendrik Lasure – Percussions Casper Van de Velde

Assistant caméra Takeiki Flon – Assistante à la mise en scène Justine Lequette – Stagiaire assistante à la mise en scène Shana Lellouch – Création vidéo et lumière et direction technique Artara / Giacinto Caponio – Assistant création vidéo et régie Dimitri Petrovic – Costumes Marie-Hélène Balau – Scénographie Rudy Sabounghi – Assistant scénographie Julien Soulier – Décoratrice Aurélie Borremans – Assistante décoratrice Valérie Perin – Stagiaires décoration Léa Pelletier, Sophie Hazebrouck – Documentation et aide à la dramaturgie Cécile Michel

En tournée à Orléans, Le Mans, Namur, Saint-Etienne…

 

(une autre histoire)

Dans les théâtres, c’est parfois placement libre. Ce n’est pas le cas ici. J’ai choisi nos places. Deuxième rang, 1 et 3. Au centre. C. me demande si je veux échanger nos places. Je lui dis : « Regarde, je suis au centre, on ne peut pas faire mieux. Regarde, la scène, le trait, c’est le milieu du plateau. Je suis pile au milieu. »

Dans les théâtres, c’est parfois pair d’un côté, impair de l’autre. Nous c’est impair. Ce qui est bien, c’est qu’on est au bout des sièges impairs. On n’aura pas à se lever.

Des spectateurs nous demandent de nous lever, parce qu’ils ont une place impaire mais qu’ils sont passés par la porte paire. Des instituteurs n’ont pas fait leur boulot. Tous des feignasses, ces instits !

Un spectateur nous fonce dessus, il veut passer. Mais il a la place 2. Il n’ a pas compris le principe du placement pair/impair. Il s’assoit à côté de moi. Il s’accapare notre accoudoir commun. Une bataille de plus que je perds. Pendant le spectacle, il montre du doigt tel musicien, telle comédienne. Son amie soupire. Le spectateur est nerveux. Il bouge sa jambe, comme l’oncle Pierrot quand il attendait son verre de Ricard. Tout le rang tremble de concert avec lui. Toute la rangée le regarde. Il arrête. Lors des derniers instants de la pièce, il passe un bras autour de son amie, pose ses lèvres sur sa joue. Une fois, deux fois. Elle dit : « Arrête ». Il n’arrête pas. Elle dit : « Arrête ». Il n’arrête pas. Elle se lève et dit : « Je suis Sylvia ! »

 

Vu le samedi 9 novembre 2019 au Théâtre National Wallonie Bruxelles, Bruxelles

Prix de ma place : 30€ (cat.1)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Les Bonnes (Robyn Orlin / Jean Genet / Théâtre de la Bastille)

(de quoi ça parle en vrai)

« La metteuse en scène et chorégraphe Robyn Orlin s’empare de l’une des plus célèbres pièces de Jean Genet, Les Bonnes, dans laquelle deux sœurs domestiques tentent d’empoisonner leur maîtresse, tout en multipliant entre elles de délirants jeux de rôles pervers. Faisant écho à un fait divers qui défraya la chronique dans la France des années 30, la pièce soulève la question du conflit de classe, offre une satire de la bourgeoisie, une réflexion sur le travestissement, et apparaît comme une parodie de la tragédie classique. Mêlant chorégraphie, théâtre et cinéma, Robyn Orlin fait dialoguer le jeu au plateau avec la projection en arrière-scène du film que Christopher Miles adapta de la pièce en 1975. » (source : ici)

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© Robyn Orlin

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Le genre de pièces où tu te dis : Oui ! Et en fait… Non…

Nous sommes d’abord séduits par le dispositif : une caméra fixe filme les comédiens sur scène et leur image est ensuite incrustée dans le film de Christopher Miles, aujourd’hui oublié. L’image est loin d’être parfaite et c’est totalement assumé. Nous sommes loin de la perfection d’un spectacle de Julien Gosselin, pour citer le premier exemple qui me vient en tête. Nous sommes ébahis ensuite par l’application des comédiens qui respectent les marques sur scène pour être totalement raccord avec le décor fictif (celui du film) dans lequel ils évoluent. Et c’est à peu près tout. Là on attendait que le procédé évolue, il s’enlise.

L’oeil est immanquablement attiré par l’image alors que les comédiens évoluent devant nous. Une fois qu’on a compris le principe, on s’attarde alors sur le jeu des acteurs et c’est là où le bât blesse également. J’entends le choix de Robyn Orlin d’employer des acteurs noirs pour jouer ces Bonnes qui veulent empoisonner leur maîtresse blanche. Mais pourquoi donc avoir choisi des hommes si c’est pour les faire jouer de manière excessive et outrée des femmes ? De plus, lors de la générale à laquelle j’ai assisté, la diction était loin d’être parfaite et notre attention n’a cessé de s’éparpiller. Et je ne parlerai pas du gimmick de faire jouer les acteurs également dans le public. A quoi bon ?

Une déception de la part de la chorégraphe sud-africaine qui s’essayait pour la première fois à la création intégrale d’une pièce de théâtre, elle qui m’avait tant étonné avec « And so you see… our honourable blue sky and ever enduring sun… can only be consumed slice by slice… »

 

LES BONNES

Un projet de Robyn Orlin

Avec Andréas Goupil, Arnold Mensah, Maxime Tshibangu

 D’après le texte de Jean Genet

Création lumières Laïs Foulc – Création costumes Birgit Neppl – Création vidéo Eric Perroys – Création musique Arnaud Sallé – Régisseur général Fabrice Ollivier

Jusqu’au 15 novembre 2019 au Théâtre de la Bastille avec le Festival d’Automne à Paris, puis à Toulouse, Rouen, Tremblay-en-France et Tours.

 

(une autre histoire)

Dimanche soir… Pas l’après-midi… Mais dimanche soir. Il pleut. Demain c’est la rentrée. Après le spectacle, quelqu’un propose d’aller boire un verre. On refuse. Demain c’est la rentrée. Il faut être en forme pour la rentrée. On ne peut décemment pas boire un verre, peut-être deux, se coucher trop tard un dimanche soir. On a passé ces deux dernières semaines à se reposer pour être en forme le jour j. Ce n’est pas pour annihiler tous ces efforts. Il y a quinze ans, je l’aurais bu ce verre. J’aurais même pu faire une nuit blanche et enchainer avec le boulot. Mais ça, c’était avant. Je pense à mon programme de la semaine. Je pleure. Je pense à mardi, parce que mardi sera le soir où je serai chez moi au calme, au chaud, à ne rien faire. Parce que les autres soirs, je serai toujours par monts et par vaux. Il me tarde mardi. Mardi soir. Ne rien faire.

 

Vu le dimanche 3 novembre 2019 (générale) au Théâtre de la Bastille, Paris

Prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito