Original d’après une copie perdue (Samuel Achache, Marion Bois et Antonin-Tri Hoang / Théâtre de l’Aquarium)

(de quoi ça parle en vrai)

« Il existe, le saviez-vous, une œuvre musicale dont on trouve des traces depuis l’épisode biblique de la Bataille de Jéricho. Certains commentateurs comme Isaac Bilkner ou Scholem Assaraff affirment que les sons produits par les trompettes n’étaient pas qu’un bruit suffisamment puissant pour détruire les murailles de la ville, mais bien une suite de notes harmonisées. Si on ne peut saisir cette musique nulle part on la retrouve partout, dans une multitude d’œuvres scientifiques ou artistiques depuis cette période jusqu’à nos jours. (…) C’est dans cette musique, son histoire et les œuvres qu’elle a traversées, que nous voulons nous engouffrer et envahir le Théâtre de l’Aquarium et ses abords… » (source : ici)

Crédits photos : Bun Jun Fri

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Ce n’est pas commun de redémarrer sa saison théâtrale dans un lieu comme la Cartoucherie. Pour l’instant, la plupart des théâtres y sont fermés au public, sauf le Théâtre de l’Aquarium. C’est l’ensemble « La Vie Brève » qui gère le lieu depuis à peine plus d’un an. Je n’avais pu me rendre à la première édition de leur festival « Bruit » l’hiver dernier et je m’en mords encore les doigts, tellement l’impression donnée par cette déambulation m’a enthousiasmé.

« Original d’après une copie perdue » s’est joué trois fois – j’étais présent pour la dernière. Je m’imagine tout le groupe (une vingtaine de personnes, artistes et techniciens ensemble dans un même élan artistique) concevoir, fabriquer, répéter durant un été et lâcher prise trois soirées durant. Cet événement a fait office de reprise, de fête, de bande annonce pour celles et ceux qui ne connaitraient ni ce lieu ni le travail de « La vie brève ».

Si je devais m’amuser au jeu des adjectifs, je dirais que ce fut, dans le désordre, foutraque, généreux, bouillonnant, imparfait, réjouissant, foisonnant… C’est le genre de spectacle où même des défauts deviendraient des qualités.

Tout se passe partout : devant le théâtre, dans le hall d’entrée, dans les différentes salles de l’Aquarium, dans l’atelier. Parfois assis, parfois debout. Tous ensemble (masqués, je précise) ou éparpillés dans ce grand espace (qui accueille aussi le reste du temps de nombreux artistes en création : les Lieux Dits de David Geselson ou l’Avantage du Doute, pour ne citer que ceux que je connais et affectionne) à écouter, voir, ressentir des bribes ou des pans entiers de concerts, scènes de théâtre, expositions, conférences, etc.

Je repense à (liste non exhaustive) l’abattage de Léo-Antonin Lutinier (déjà vu dans « Tarquin », toujours par l’Ensemble « La vie brève » au Nouveau Théâtre de Montreuil, spectacle qui m’avait laissé une impression mitigée, comme quoi, je ne suis pas rancunier), à la virtuosité et à la malice des musiciennes Sarah Margaine et Eve Risser, aux chanteuses lyriques (je ne suis pas parvenu à les identifier, je suis en-dessous de tout) qui profitent de l’acoustique des toilettes, à un match de boxe au résultat incertain, à un opéra inachevé en conclusion…

On se trouve chanceux d’avoir pu assister à ce geste artistique éphémère (on reviendra au Théâtre de l’Aquarium pour un prochain temps fort) et ravi de démarrer la saison théâtrale d’une aussi belle façon.

(un peu rouillé dans l’écriture quand même)

 

 

ORIGINAL D’APRÈS UNE COPIE PERDUE

Conception : Samuel Achache, Marion Bois et Antonin-Tri Hoang

Avec Samuel Achache, Pierre-Antoine Badaroux, Benoît Bonnemaison-Fitte, Pierre Borel, Lionel Dray, Anne-Lise Heimburger, Myrtille Hetzel, Antonin-Tri Hoang, Clémence Jeanguillaume, Léa Lanöe, Léo-Antonin Lutinier, Sarah Margaine, Agathe Peyrat, Eve Risser, Marie Salvat, Julien Villa, Lawrence Williams

et l’équipe technique Estelle Cerisier, Sarah Jacquemot Fiumani, Serge Ugolini

Au Théâtre de l’Aquarium (Paris)

 

 

(une autre histoire)

Au départ, je voulais écrire un texte sur toutes ces personnalités présentes hier soir au Théâtre de l’Aquarium et que je reconnaissais malgré leur masque. Je voulais m’amuser à imaginer ce que je leur aurais dit si j’avais osé les aborder.

« Oh tiens, comment allez-vous, j’ai vu votre dernier spectacle, je ne l’ai pas aimé du tout ! »

Puis, je me suis dit que je n’allais pas citer leurs noms, parce qu’ils n’ont pas demandé à figurer dans une de mes chroniques et que, peut-être, leurs proches ne savaient pas qu’ils étaient à la Cartoucherie de Vincennes, puisqu’il est de notoriété que je suis lu par des millions de personnes.

(le jeu, pour les plus perspicaces, est de deviner de qui il s’agit – c’est parfois très pointu)

Ça commence dans le bus 112 (Château de Vincennes – Cartoucherie). À côté de moi, une comédienne, que je ne voyais pas aussi grande, à la voix si singulière. J’avais envie de lui demander comment se déroulaient les répétitions de « Coriolan » par François Orsoni. En face de moi, un metteur en scène et une comédienne. Je ne saurai pas comment les aborder puisque je n’ai absolument pas aimé leur spectacle l’an dernier au Train Bleu à Avignon. Alors même que je les avais appréciés, séparément. Je pourrais occulter cet élément, mais je ne sais pas mentir, même par omission.

« Oh tiens, j’ai un grand souvenir de votre relecture de « La Mouette » et depuis que je vous ai vue à la Cité Internationale, je me suis plongé dans Bourdieu. Je vous aime, mais séparément ! »

Au Théâtre de l’Aquarium, je reconnais le directeur d’un théâtre de Seine-St-Denis. Je n’ai rien à lui dire. Je reconnais aussi ce directeur de théâtre / metteur en scène / auteur d’un grand théâtre parisien, très reconnaissable. Je crois qu’il a retrouvé ma trace, car je le croisais très souvent à Avignon, à la Manufacture par exemple. J’ai subitement envie de danser et de chanter devant lui.

« Palace, Palace, ça c’est Palace ! »

Une farandole en temps de Covid. Mais je ne le ferai pas, je n’aime pas me donner en spectacle.

Je reconnais aussi cet auteur, qui nous regarde bizarrement, mon double et moi. Oui, parce que je ne suis pas tout seul, je suis accompagné de mon double théâtral. Il m’a joué moi. J’ai l’impression qu’il a grandi. Ou peut-être bien que je me voûte ? Il nous regarde parce qu’il tente de deviner ce qu’on dit et transposer le tout dans une de ses histoires ? Oui, ok, j’ai enlevé mon masque, mais c’est pour mieux boire, mon enfant ! Ou bien pense-t-il que je suis un autre ?

« Je m’appelle Alex. Enchanté. »

Puis il y a cette personne que je trouve admirable, grâcieuse et désirable… Que je crois reconnaître… Un échange de regards… Je n’ose pas. Je pars, sans mon masque, en courant.

« Ce soir, j’ai la mélancolie athlétique. »

 

 

Vu le samedi 29 août 2020 au Théâtre de l’Aquarium (Paris) 

Prix de ma place : gratuit

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Automne Vingt Vingt

Même si je suis loin d’avoir rempli mon agenda contrairement aux années précédentes, je suis arrivé à trouver une petite vingtaine de spectacles susceptibles de me plaire cet automne. Voici donc ma sélection pour cet automne vingt vingt, en espérant que tout se déroule comme prévu, je ne vous fais pas un dessin, surtout que je ne sais pas dessiner.

Par ordre d’apparition :

1- Original, d’après une copie perdue au Théâtre de l’Aquarium (les 27, 28 et 29 août) – Conception : Samuel Achache, Marion Bois et Antonin-Tri Hoang, avec notamment la pianiste Eve Risser, le comédien Léo-Antonin Lutinier, etc.

« Performance déambulatoire dans les recoins du théâtre avec une vingtaine d’acteurs, musiciens, costumiers, techniciens, éclairagistes : Installations sonores, conférences, concerts inachevés, film reconstitué, performance, pièce de théâtre, opéra miniature etc. »

En attendant la deuxième édition de Bruit – Festival de l’Aquarium, il est bon de reprendre les bonnes vieilles habitudes (théâtrales) en arpentant ce haut lieu de la Cartoucherie. J’aime déambuler, que cela soit écrit. Et ça me fera peut-être oublier que c’est la rentrée…

2- Uneo uplusi eurstragé dies à la Villette – par Gwenaël Morin (les 12 et 13 septembre 2020 – avec le Festival d’Automne à Paris)

« Uneo uplusi eurstragé dies met en scène trois mises à mort à partir de l’œuvre de Sophocle : celle d’Ajax, d’Antigone et d’Héraclès. Du lever du jour au zénith de midi, la force tragique antique et l’urgence théâtrale de Gwenaël Morin se mêlent, entre épure scénique et rituel singulier. »

L’idée de me lever à 6h du matin pour voir ce spectacle déambulatoire de 6h30 à la Villette me ravit au plus haut point. Surtout que je vis à 6 minutes à pied de ce haut lieu du 19e arrondissement de Paris, je ne le répèterai jamais assez. Je cherche d’ailleurs à acheter dans ce quartier-là ou dans les 20e/11e un deux pièces d’au moins 30 mètres carrés à moins de 200 000€. Certaines personnes disent que je suis un rêveur, mais je ne suis pas le seul.

3- De la sexualité des orchidées au Centre Wallonie Bruxelles (les 17 et 18 septembre 2020) – Conférence performée de et par Sofia Teillet

« Sous des dehors de conférencière très sérieuse, Sofia Teillet nous livre une leçon de biologie des plus savoureuses et jubilatoires. Images et schémas à l’appui, elle se passionne pour la sexualité de certaines espèces végétales et animales, en particulier celle de l’orchidée. Nous découvrirons les techniques de reproduction étonnantes qu’ont développées ces espèces, en réponse à leur environnement et leur difficulté à rencontrer naturellement l’autre sexe. »

Je suis nul en botanique et j’aime apprendre des nouvelles choses. (je trouve qu’il y a de plus en plus de conférences performées dans le paysage théâtral (au moins) français. Et je ne dis pas cela parce que ma pièce à moi prendra également cette forme…)

4- Aux éclats au Théâtre de la Bastille – par Nathalie Béasse (du 14 septembre au 8 octobre 2020)

« Sur le plateau, on se déguise, on met des masques, on essaye de s’adonner à la prestidigitation, on se court après, on s’asperge d’eau, on s’énerve, on se gifle, on se réconcilie, on roule ou on chute… Aux éclats… explore les débordements en tous genres, les limites entre le plein et le trop-plein, entre le vide et ce qui excède, mais aussi les failles et les empêchements des êtres humains grâce à la présence de trois personnages, sortes de Buster Keaton des temps modernes, qui jouent devant nous comme des enfants. »

Ouverture du Théâtre de la Bastille avec la nouvelle création d’une de ses artistes fétiches. Revenir, je l’espère, dans ce lieu, que je ne fréquenterai pas aussi fréquemment que durant les saisons précédentes sera forcément un grand moment pour moi. Six mois déjà…

5- D’autres mondes au Nouveau Théâtre de Montreuil – par Frédéric Sonntag (du 22 septembre au 9 octobre 2020)

« Au début des années 60, un jeune physicien français au génie précoce et un auteur de science-fiction soviétique travaillent sans le savoir sur le même concept : l’existence d’univers parallèles. Cinquante ans plus tard, leurs enfants – le leader d’un groupe de rock renommé et une futurologue récemment médiatisée – sont chacun hantés par l’héritage paternel et confrontés au même moment à d’étranges événements : le surgissement d’autres réalités au sein de leur réalité propre. Mais que sont donc exactement ces autres mondes qui s’ouvrent à eux ? »

Le précédent spectacle de Frédéric Sonntag, B. Traven, avait donné lieu à mon premier papier pour le Blog de Nestor. Je m’en souviens, aussi, parce que ça m’avait beaucoup plu. Rien à voir, il y a des artistes, comme ça, qui reste à l’écart de Paris, pour une raison inexpliquée…

6- Jamais labour n’est trop profond à Nanterre Amandiers – Conception et mise en scène de Thomas Scimeca, Anne-Elodie Sorlin & Maxence Tual (du 22 au 27 septembre 2020)

« La planète souffre de mille maux. Les sols s’épuisent. Les forêts brûlent. L’air devient irrespirable. La biodiversité se réduit de jour en jour. Et voilà que les pandémies nous isolent quand elles ne nous tuent pas. Que faire ? Faut-il crier « Tous aux abris ! » ? Revenir à la terre ? Cultiver ses propres tomates ? La scène, le théâtre, jouer : cela a-t-il encore du sens ? Ne vaut-il pas mieux contempler la lenteur extatique de l’escargot ou réapprendre à utiliser notre télencéphale à des fins plus utopiques ? »

Ce spectacle, qui aurait dû se jouer la saison dernière, ne sera sûrement pas comme les autres. Je suis même curieux de voir ce que donne un spectacle avec des anciens Chiens de Navarre, sans Jean-Christophe Meurisse aux commandes.

7- The History of Korean Western Theatre au Théâtre de la Bastille – Conception, texte, direction, musique, vidéo et performance Jaha Koo (du 23 septembre au 1e octobre 2020 – avec le Festival d’Automne à Paris)

« Jaha Koo a quinze ans quand il rejoint le club théâtre de son école. En 2008, il assiste à un symposium célébrant le 100 anniversaire du théâtre coréen. Il s’étonne. Pourquoi les auteurs les plus joués en Corée du Sud sont-ils Shakespeare, Molière et Ibsen ? Existe-t-il un théâtre contemporain en dehors du répertoire occidental ? »

Une de mes grandes frustrations de l’an passé (hormis les spectacles annulés) fut de ne pas avoir pu découvrir son spectacle avec des auto-cuiseurs, répétition oblige. Hâte de le découvrir avec ce nouveau spectacle.

8- Exécuteur 14 au Théâtre du Rond Point – Une pièce de Adel Hakim, mise en scène de Tatiana Vialle, avec Swann Arlaud, en présence de Mahut (du 30 septembre au 23 octobre 2020)

« Il n’avait rien d’un assassin. Mais la guerre est là, qui l’imprègne, dilue en lui son langage et son venin. Il devient le guerrier d’un conflit dont il ne comprend rien. Il apprend la haine, suit un Dieu vengeur. Contaminé par la barbarie, il se débat avec ses restes d’humanité. »

Ou l’incompréhension de ne pas avoir vu une précédente (et touchante) mise en scène de Tatiana Vialle être reprise à Paris. Cette fois-ci, elle met seulement en scène un certain Swann Arlaud…

9- La brèche au CentQuatre – Texte de Naomi Wallace, mise en scène de Tommy Milliot (du 7 au 17 octobre 2020)

« Dans les années 1970, quatre adolescents scellent un pacte pour protéger le plus fragile d’entre eux. Ils se retrouvent quatorze ans plus tard : Acton est mort. »

Je profite d’un abonnement au CentQuatre pour découvrir de nouvelles troupes, des artistes en devenir. Pour la petite histoire, j’aurais dû voir cette pièce la saison dernière lors d’une de mes escapades marseillaises au Théâtre Joliette.

10- Quand je serai grande à la Comédie des 3 Bornes – de et avec Margaux Cipriani et mise en scène par Sophie Troise (tous les lundis, du 5 octobre 2020 au 25 janvier 2021)

« A 30 ans un bilan s’impose ! Il faut quitter l’enfance où on avait encore un pied pour se lancer complètement dans le monde adulte ! Il faut faire le point entre ce qu’on imaginait et la réalité… Mais il ne faut pas pour autant oublier ses rêves ! Il faut les réaliser et passer au dessus des désillusions… La vie, la vraie, le travail, la maternité avec toutes ses surprises et sa poésie, la famille, les vieux dans les bus,… un monde s’ouvre à nous avec sensibilité et humour… »

Copinage pour un spectacle mis en scène par celle avec qui je travaille sur ma propre pièce…

11- Parlement au Théâtre de la Bastille – de Joris Lacoste avec Emmanuelle Lafon (du 8 au 14 octobre 2020, avec le Festival d’Automne à Paris)

« Depuis 2007, Joris Lacoste mène avec un collectif l’Encyclopédie de la parole, projet destiné à inventorier et répertorier les formes orales.(…) En résulte ici un monologue jubilatoire, porté par la prodigieuse Emmanuelle Lafon qui enchaîne sans pause la confidence murmurée, le discours d’une femme politique, celui d’un philosophe inspiré, le commentaire sportif, le message téléphonique de la conseillère bancaire ou la dictée, souvent en français, parfois dans une langue étrangère… Les codes des différents régimes de parole apparaissent dans toute leur nudité et ce qu’on perçoit alors est d’abord une musique, à la fois familière et étrange, comique et effrayante, car déplacée, extraite de sa gangue habituelle. »

Pour la petite histoire, Emmanuelle Lafon fait aussi partie du collectif F71 qui, fut un temps, créait des spectacles autour des écrits de Michel Foucault. C’est grâce à une de leurs créations, Notre corps utopique, que j’ai découvert ce philosophe. Et donc rien que pour cela…

12- La peste c’est Camus mais la grippe est-ce Pagnol ? aux Bouffes du Nord – par les Chiens de Navarre et conçu par Jean-Christophe Meurisse (du 16 au 24 octobre 2020)

« Dans ce contexte sanitaire et culturel exceptionnel, j’ai proposé aux acteurs qui ont fait l’histoire des Chiens de Navarre de se réunir, pour dix soirées et d’inventer un spectacle différent chaque soir. De jouer ou lire une pièce qui n’a jamais été écrite à chaque représentation. Nous revenons ainsi aux principes fondateurs de la compagnie : la totale improvisation. Libre, jubilatoire et explosive. Pour le meilleur et surtout (nous espérons) pour le pire. » Jean-Christophe Meurisse

Vais-je avouer que j’ai mis un mois avant de comprendre le jeu de mots du titre ? En tout cas, heureux de revoir tous les Chiens de Navarre pour un impromptu, une forme originale, une surprise ! Mais était-ce une bonne idée de prendre cette place au premier rang ?

13- Madame Fraize au Théâtre du Rond Point – par Monsieur Fraize sur une mise en scène de Papy (du 28 octobre au 28 novembre 2020)

Monsieur Fraize flotte dans une robe verte et fendue, il chante l’amour et le manque. Peut-être a-t-il emprunté la robe de Madame Fraize pour mieux parler d’elle, âme sœur et tout à la fois grand-mère, sœur et marraine ? Madame Fraize est son épouse, réelle ou rêvée, on ne connaîtra pas son nom. Elle le guide aujourd’hui. Elle le sociabilise. Enfant timide à vie, il a vécu dans l’ombre de ses parents. Il vit aujourd’hui dans la lumière de sa compagne.

Une autre de mes inspirations, avec un tout nouveau spectacle. J’ai copié collé le résumé, mais je ne veux même pas le lire tellement je veux avoir la surprise, déjà qu’avec ce titre…

14- Les Frères Karamazov à l’Odéon Théâtre de l’ Europe – par Sylvain Creuzevault avec notamment Nicolas Bouchaud (du 12 novembre au 6 décembre 2020, avec le Festival d’Automne à Paris)

« Les Frères Karamazov est un monstre. Comme pour Les Démons (mis en scène aux Ateliers Berthier à l’automne 2018), Sylvain Creuzevault taille dans ses 1300 pages les éléments d’une lecture inspirée par Heiner Müller et Jean Genet, selon qui l’ultime roman de Dostoïevski est avant tout “une farce, une bouffonnerie énorme et mesquine”. Cet humour farcesque devient ici littéralement ravageur. »

Je n’ai jamais lu ce monument de la littérature russe. Cette pièce me fera office de « profil d’une œuvre », ça me rappellera le bon temps du lycée où je ne lisais pas tout ce qu’on me prescrivait et… J’en dis trop. Ma professeure de français sera déçue si je raconte tout… Et puis y a Nicolas Bouchaud…

15- Pacific Palisades au Théâtre Paris Villette – texte Guillaume Corbeil / mise en scène et dramaturgie Florent Siaud / interprétation Evelyne de la Chenelière (du 12 novembre au 5 décembre 2020)

« En 2015, un homme prétendant être mi-homme mi-extraterrestre et agent des services secrets américains est retrouvé mort dans sa voiture. Son garage cache des millions de dollars en armes, munitions et petites coupures. Autour de lui, gravitent plusieurs femmes. Pacific Palisades part de cet intrigant fait divers californien pour mener l’enquête. Fiction ? Réalité ? »

Il me faut ma dose de théâtre québécois. Et quand je lis que l’auteur de « Nous voir nous – Cinq visages pour Camille Brunelle » + un metteur en scène dont j’avais manqué l’adaptation de 4.48 Psychose de Sarah Kane + une comédienne qu’il me tarde de découvrir : je répondrai présent.

16- Ton père au Monfort Théâtre – d’après le livre de Christophe Honoré, par Thomas Quillardet (du 18 au 28 novembre 2020, avec le Festival d’Automne à Paris)

« C’est l’histoire d’un homme qui vit à Paris avec sa fille de 10 ans. Sur le papier que cette dernière a trouvé épinglé à la porte de leur appartement, des mots griffonnés au feutre noir : « Guerre et Paix : contrepèterie douteuse ». Très vite, tout s’emballe. Qui a écrit ces mots ? Qui le soupçonne d’être un mauvais père ? Peut-on être gay et père ? »

Parce que Thomas Quillardet ne m’a pour l’instant pas déçu avec ses adaptations scéniques des films de Rohmer ni avec la pièce de Tiago Rodrigues « Tristesse et joie dans la vie des girafes » (d’ailleurs est-ce que le film portugais adapté de cette pièce sortira un jour en France ?). Parce que Christophe Honoré (même si j’en apprécie un film sur deux).

17- Abysses aux Plateaux Sauvages – sur un texte de Davide Enia et une mise en scène de Alexandra Tobelaim (du 23 au 28 novembre 2020)

« Aujourd’hui, un père et un fils regardent l’Histoire se dérouler sous leurs yeux, sur un rivage de l’île de Lampedusa. Au cœur des débarquements, cette histoire nous porte à la rencontre des sauveteur·trice·s et des habitant·e·s de cette île. Abysses est le récit de la fragilité de la vie et des choses, où l’expérience de la douleur collective rencontre celle, intime, du rapprochement entre deux êtres. »

Si les Plateaux Sauvages rouvrent vraiment, je répondrai présent à cette pièce d’une metteuse en scène dont j’avais beaucoup apprécié le Italie Brésil 3 à 2, vu à la Manufacture il y a quelques années à Avignon. Je précise, les Plateaux Sauvages ont une excellente programmation et une multitude de rencontres, ateliers avec les artistes programmés, tout cela pour un prix « responsable » (on choisit nous-mêmes le prix) A consulter !

18- Catarina et la beauté de tuer des fascistes aux Bouffes du Nord – texte et mise en scène de Tiago Rodrigues (du 26 novembre au 19 décembre 2020, avec le Festival d’Automne à Paris)

« Cette famille tue des fascistes. C’est une tradition suivie, sans exception, par chaque membre de la famille depuis plus de 70 ans. Aujourd’hui, ils se réunissent dans une maison à la campagne, au sud du Portugal, près du village de Baleizão. La plus jeune de la famille, Catarina, va tuer son premier fasciste, kidnappé pour l’occasion. C’est un jour de fête, de beauté et de mort. Cependant, Catarina est incapable de tuer ou refuse de le faire. Un conflit familial éclate, suivi de plusieurs questions. »

En attendant ma quatrième et dernière vision de « By Heart » en décembre le jour de mon anniversaire, c’est aux Bouffes du Nord qu’on appréciera la toute dernière création de l’artiste portugais. Je ne vais pas récapéter tout ce que je pense, tout ce que je sais de Tiago Rodrigues, on est d’accord…

19- Choeur des amants aux Bouffes du Nord – texte et mise en scène de Tiago Rodrigues (du 27 novembre au 19 décembre 2020)

« Tiago Rodrigues revient à sa première pièce de théâtre. Écrite et créée à Lisbonne, en 2007, Chœur des amants est un récit lyrique et polyphonique. Un jeune couple raconte à deux voix la condition de vie et de mort qu’ils traversent lorsque l’un d’eux se sent étouffé. En juxtaposant des versions légèrement différentes des mêmes événements, la pièce nous permet d’explorer un moment de crise, comme une course contre-la-montre, où tout est menacé et où l’on retrouve la force vitale de l’amour. »

Double programme puisque le même jour je verrai deux personnes qui me rappelleront certains souvenirs : Alma Palacios et David Geselson, de retour dans l’univers de Tiago Rodrigues.

20- Une cérémonie au Théâtre de la Bastille – Écriture et mise en scène Raoul Collectif (du 26 novembre au 19 décembre 2020)

« Nous sommes des Quichottes lorsque nous partons nous battre avec des armes usées et poussiéreuses contre le capital, contre la finance, contre la bêtise et les profits, contre le patriarcat et la fascination du pouvoir, contre les esprits étriqués et les discours dominants. En ce qui nous concerne ces armes sont le théâtre – la parole, les mots, les corps, les voix, la musique, l’ivresse poétique. Et l’intelligence collective. »

Une pièce que j’aurais dû voir au printemps dernier au Théâtre National de Bruxelles, que vous auriez pu voir cet été au Festival d’Avignon, que certains verront avant moi pendant la semaine d’art dans la cité des Papes fin octobre… Bruxelles, Avignon, vous me manquez !

En prime, deux pièces qui sont reprises cet automne et que j’avais appréciées…

Je ne sais pas ce qu’il en sera des concerts, mais j’espère assister au Requiem de Mozart à la Philharmonie de Paris… Puis pourquoi pas revoir Jonathan Capdevielle ou Mathieu Bauer… Du Boris Charmatz, des spectacles présentés par le Festival d’Automne à Paris s’inclueront peut-être à ce joli programme… Je serai aux aguets quant à la programmation du Théâtre 14 qui a su faire preuve d’inventivité et d’une belle réactivité en présentant des spectacles annulés au Off d’Avignon (merci la Covid !), je tendrai l’oreille concernant les pièces programmées au Théâtre de Belleville, à la Reine Blanche ou au Lavoir Moderne Parisien…

En attendant de nouvelles chroniques, prenez bien soin de vous.

Crédits photos : DR – Bun Jun Fri – Camille Bondon – Jean-Louis Fernandez – Kyle Thompson – Anne-Elodie Sorlin / Camille Lourenço – Choy Jong Oh – Stéphane Trapier – Christophe Raynaud de Lage – Sandrine Servent – Huma Rosentlski – DR – Stéphane Trapier – DR – DR – DR – Alexandra Bandeau – Pedro Macedo – Filipe Ferreira – DR

Angèle (Marcel Pagnol / Jean Giono / Patrick Ponce / Cartoun Sardines Théâtre / El Zocalo)

(de quoi ça parle en vrai)

« Angèle, fille de paysans, vit avec ses parents, Clarius Barbaroux et Philomène Barbaroux, dans une ferme provençale, la Douloire, isolée au fond d’un vallon. Elle est aimée en secret par Albin, un jeune paysan. Mais celui-ci tarde à déclarer sa flamme. Un jour, Angèle se laisse séduire par Louis, un mauvais garçon de passage qui l’entraîne à Marseille, la grande ville, et la prostitue… » (source : ici)

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Crédits photos : Thibaud PONCE

(ceci n’est pas une critique, mais…)

C’est avec une émotion non dissimulée que je me suis rendu au théâtre voir ma première pièce de théâtre post-confinement. Et pas n’importe où, puisque l’occasion m’a permis de découvrir le théâtre El Zocalo à Barcelonnette, petite ville de la vallée de l’Ubaye si chère à mon coeur (c’est pas loin où je suis né littérairement parlant – longue histoire)

C’est le Cartoun Sardines Théâtre, une compagnie marseillaise qui est aux manettes, avec Patrick Ponce à sa tête. J’avais déjà vu trois de leurs spectacles : le premier, j’étais en terminale, je crois, avec les amis de l’option théâtre. La Mère m’accompagne pour l’occasion. Je lui dis : Le Cartoun Sardines Théâtre, c’est inventif et c’est accessible. Je ne me suis pas trompé. La Mère a aimé « Angèle » et moi aussi.

On a aimé, parce que ça raconte Marseille et la Provence. Parce que ça parle d’une époque dont on a toujours entendu parler grâce aux Anciens qui ne sont plus là. Parce qu’en face de nous, il y avait une troupe sensationnelle d’acteurs, qui s’amusaient autant qu’on s’amusait. Aussi, peut-être, parce qu’ils étaient heureux d’être là, tout simplement.

Le Cartoun Sardines Théâtre sait toujours être inventif, disais-je. Ici, pas de décors frontaux « à l’ancienne » ou de vidéo omniprésente, mais un travelling circulaire, parce que nous assistons au tournage d’un film sans caméra, avec changement d’axe, action, coupez, etc. Des comédiens qui jouent plusieurs rôles dont des chèvres ou des portes, un régisseur qui veille au grain et qui est partie prenante du spectacle, un quatrième mur explosé qui permet les digressions et autres recontextualisations, parce que la Provence au début du XXe siècle, y a de quoi dire (au niveau du vocabulaire comme au niveau des moeurs et de la place de la femme dans la société)

Le rythme est rythmé… non. Le rythme est trépidant, les comédiens sont justes et tout simplement bons (pensée qui revient de temps à autre… il n’y a pas qu’à Paris que cela se passe. Sans passer par l’expression « Nos régions ont du talent », on ne s’imagine pas à côté de quoi on passe en Provence, en Bretagne ou ailleurs) et mine de rien, on assiste à un spectacle ultra-millimétré et ça ne se voit même pas, grâce à la générosité de la compagnie. La pièce joue à fond la connivence avec le public et le laisse imaginer, être actif dans sa tête.

En résumé, je ne peux que vous conseiller de guetter la venue de cette compagnie dans votre région, parce qu’il n’y a pas que Paris ou Marseille dans la vie.

 

ANGÈLE

D’aprés le film de Marcel Pagnol et le roman de Jean Giono « Un de Baumugnes »

Conception / Adaptation / Mise en scène : Patrick Ponce

Avec : Florine Mullard, Bruno Bonomo, Marc Menahem, Thierry Otin, Fabien Gaertner et Stéphane Gambin

Scénographie : Stéphane Gambin, Patrick Ponce – Décor / Régie générale et plateau : Stéphane Gambin – Assistanat décor : Antoine Cano – Costumes : Christian Burle – Musique / Création son / Régie son  : Pierre Marcon – Lumières : Jean-Bastien Nehr – Régie Lumières : Laurie Fouvet ou Jérémie Hutin ou Julien Soulatre.

Production : Cartoun Sardines Théâtre.

Le 24 septembre 2020 à Arles, le 25/09 à Marseille (Odéon), le 26/01/21 à Châteaubriand (44)… (liste non exhaustive)

 

(une autre histoire)

Cet été, j’avais prévu d’aller à Avignon, puis à Bussang et pourquoi pas au Festival Pampa en Gironde (qui n’a pas été annulé, lui), mais le destin (ou autre chose) en a décidé autrement.

J’y suis quand même allé, à Avignon (et pas EN Avignon, faut-il encore le rappeler, écrivez-moi en MP pour plus de précisions, je viens de soutenir une thèse sur la question).

On se gare dans le parking sous le Palais des Papes. On en sort. C’est comme si on était dans le Truman Show :

« Ok, vous avez compris, quand ils sortent du parking, tout le monde s’anime, tout le monde s’agite. Comme si rien n’avait changé. »

On sort, on voit des touristes, le petit train sur le point de partir, une compagnie costumée qui parade, on nous donne même un tract (spoiler alert : ce sera le seul de la journée).

Quand je dis « on », c’est l’Ami Marseillais et moi. Onze ans déjà qu’on fait le festival ensemble. On est un vieux couple. On a nos habitudes, nos coins préférés, on met une heure à choisir le restaurant… Ami Marseillais, j’espère que tu ne le prendras pas mal, je t’aurais bien échangé contre celle qui occupe mes pensées. Je sais, je dis ça tous les ans. Je fais toujours exprès d’être tout seul au mois de juillet. C’est faux. Même quand je ne suis pas tout seul, je dis toujours : « Le mois de juillet, c’est sacré, c’est Avignon ! Je décale même mes vacances au Québec pour ça ! »

Y a du monde, des touristes, des gens pas comme nous, qui ne doivent pas se rendre bien compte. Parce qu’il suffit de s’engouffrer dans les entrailles de la Cité des Papes pour constater que c’est une coquille vide, que les théâtres qu’on affectionne (ou pas) sont fermés, que certains n’ont même pas pris la peine d’enlever les affiches de l’année dernière. Le bon point, c’est qu’on peut enfin voir ce qu’il y a derrière les affiches omniprésentes du Festival Off et qui aimantent (polluent) notre vision. On redécouvre la ville, ses bâtisses, on lève les yeux (au ciel) et on y voit des choses étonnantes. On arpente la rue des Teinturiers, où je ne mets jamais les pieds d’habitude, tellement il y a de monde et de théâtres qui ne m’intéressent pas. Il y a personne. Comme si c’était hors saison. On ne reconnait parfois pas certaines rues, comme la rue des Ecoles qui abrite le Village du Off…

« Attends, c’est bien là ? Oui, je savais que c’était dans une école, mais c’est cette entrée-là ? »

… et la Manufacture.

« Rien n’a été nettoyé dans la cour, regarde. Comme si c’était à l’abandon ».

Je ne dirai pas qui, mais l’un de nous deux a eu la larmichette à l’oeil.

D’habitude, là, il y a du monde. C’est la place Louis Pasteur. L’Entracte n’est pas ouvert. On a peine à se souvenir de comment c’était en temps de festival. Ça parait tellement petit. Mais comment faisaient-ils entrer toutes les tables et les chaises en terrasse ? Et la Place des Carmes… Vous êtes où les gens ? J’en profite pour envoyer un message à C. parce que l’avant-dernière fois qu’on s’était vu, c’était là et qu’elle m’avait proposé de lire ma pièce… Tel resto est fermé, tel autre n’est plus un resto… On mange quand même une glace, on va voir une installation d’Ernest Pignon-Ernest sur la place des Corps Saints. On prend même le traversier pour se rendre sur l’Île de la Barthelasse, c’est dire notre état de délabrement mental.

Alors, l’Ami Marseillais et moi-même, on compare les différentes programmations des théâtres parisiens et marseillais. Marseille qui n’a plus à rougir, qui occuperait son homme une bonne partie de l’année. Marseille, le sud, me manquent. Voilà. Et le théâtre aussi. Le théâtre surtout.

 

Vu le mercredi 29 juillet 2020 au Théâtre El Zocalo (Barcelonnette)

Prix de ma place : Gratuit

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito