Contes et Légendes (Joël Pommerat / Nanterre Amandiers)

(de quoi ça parle en vrai)

« Contes et Légendes est une fiction documentaire d’anticipation sur la construction de soi à l’adolescence et le mythe de la créature artificielle. Joël Pommerat met en scène un monde légèrement futuriste dans lequel humains et robots sociaux cohabiteraient. A travers une constellation d’instants sensibles et drôles, Contes et Légendes donne à éprouver les ambiguïtés de ces différents modes d’existence et de vérité. » (source : ici)

Cie Louis et BrouillardScène Nationale de la Rochelle
" Contes et Légendes " Création de Joël Pommerat
Crédits photos : Elizabeth Carecchio

(ceci n’est pas une critique, mais…)

L’attente était forte. Joël Pommerat est un de mes metteurs en scène préférés (une petite dizaine de ses mises en scène déjà vues) et sa dernière création « Ça ira – Fin de Louis I » date déjà de l’automne 2015. L’artiste est connu pour son perfectionnisme (il avait refusé de présenter « Ça ira… » dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes lors du Festival d’Avignon 2015 car il n’était pas prêt) et force est de constater (je ne sais pas pourquoi, j’aime cette cette expression) que tout vient à point à qui sait attendre.

« Contes et légendes » est absolument sublime.

C’est comme si on remettait nos charentaises bien confortables. On retrouve les lumières d’Eric Soyer et surtout ces changements de décors parfaits et invisibles dans le noir – même si on joue avec ce cliché du théâtre de Pommerat en bougeant les meubles pendant une fin de scène ou un fondu au noir. Même si les comédien-nes sont totalement inconnu-es, on ne peut qu’être, à nouveau, impressionné par la direction d’acteurs. Il y a un niveau de jeu exceptionnel.

La pièce (d’anticipation) est une succession, comme c’est souvent le cas chez Pommerat, de scènes qui n’ont pas forcément un lien narratif entre elles. On y voit des personnages humains, le plus souvent des adolescent-es, et des humanoïdes du même âge. Certains pensent à l’univers de la série Black Mirror, je penserais plutôt à la série scandinave Real Humans, ne serait-ce que pour la représentation de ces robots plus vrais que nature.

Difficile d’en dire plus sans déflorer un des secrets de fabrication de la pièce, mais je vous conseille néanmoins de vous placer le plus près possible de la scène (aucun danger, je vous rassure) pour apprécier le jeu des actrices et des acteurs.

J’aurais aimé être une petite souris et observer tout le travail de recherche, de répétition pour ce spectacle. La langue est vivace, le jeu est dynamique, réaliste (même si, on l’aura compris, Pommerat aime jouer avec le réel). Et surtout la pièce aborde avec brio des thèmes tels le genre, le rapport à la masculinité, les relations (assez effrayantes, tant elles me paraissent si proche de ce que l’on vit déjà) entre les enfants, entre les enfants et les adultes…

Joël Pommerat parvient encore une fois à nous surprendre, pour le meilleur. Et son « Contes et Légendes » fera partie des spectacles marquants de cette saison 19/20.

(un mois de janvier et j’aime tout ce que je vois… c’est pas normal…)

 

CONTES ET LÉGENDES

Une création théâtrale de Joël Pommerat

Avec Prescillia Amany Kouamé, Jean-Edouard Bodziak, Elsa Bouchain, Lena Dia, Angélique Flaugère, Lucie Grunstein, Lucie Guien, Marion Levesque, Angeline Pelandakis, Mélanie Prezelin

Scénographie et lumières Eric Soyer – Recherches / Création costumes Isabelle Deffin – Création perruques et maquillage Julie Poulain – Son François Leymarie, Philippe Perrin – Création musicale Antonin Leymarie – Dramaturgie Marion Boudier – Renfort dramaturgie Elodie Muselle – Assistante mise en scène Roxane Isnard

Jusqu’au 14 février 2020 à Nanterre Amandiers puis à Tours, Toulouse… Marseille… et de retour l’automne prochain aux Bouffes du Nord.

 

(une autre histoire)

– Pourquoi tu fais cette tête ?

– Je viens de voir quelqu’un que je ne pensais pas voir ici. Enfin… C’est normal de la voir ici vu que je l’avais rencontrée lors d’un stage théâtre. Ce qui n’est pas normal, c’est qu’en quinze ans de vie à Paris, c’est la première fois que je la croise dans un théâtre.

– C’est qui ?

– C’est… quelqu’un. Quelqu’un que j’ai connu lors d’un stage théâtre.

– Tu l’as déjà dit.

– Il y a… neuf, dix…vingt-quatre ans.

– Vous étiez jeunes !

– Ta gueule !

– Tu viens, on va rejoindre les autres dans la file.

– Non, je ne peux pas. Je la vois, elle est juste derrière eux.

– Tu pourrais la saluer.

– Impossible. Je m’évanouirais.

– Qu’est-ce qu’elle t’a fait ?

– Qu’est-ce que je lui ai fait, c’est plutôt ça la question.

– Il y a prescription, non ?

– Je crois qu’elle m’a vu. Ecoute, je ne vais pas y aller, tiens, je te donne ma place. Je vais me faufiler pour la pièce d’Hubert Colas. Je ne vais rien comprendre, mais c’est pas grave, j’ai du sommeil à rattraper.

– T’es con.

– Je sais. Depuis au moins vingt-quatre ans et ça n’a toujours pas changé.

– « Human after all »

 

Vu le vendredi 24 janvier 2020 à Nanterre Amandiers

Prix de ma place : 10€ (carte Nanterre Amandiers)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Laisser un commentaire