Joueurs – Mao II – Les Noms (Don DeLillo / Julien Gosselin / Odéon Théâtre de l’Europe)

(de quoi ça parle en vrai)

Joueurs (1977) Pammy et Lyle Wynant sont au bord de la rupture quand leur route croise celle d’un groupe de terroristes. Cette rencontre fait basculer leur classique destin de couple moderne. Conciliabules et obsessions sexuelles font bientôt d’eux des « joueurs » aveugles et impuissants, emportés dans une spirale qu’ils ignorent et qui risque pourtant d’engloutir tout un pan de la société américaine…

Mao II (1990) Moon, Khomeiny, Mao – vu par Andy Warhol –, le terrorisme et le fanatisme, un écrivain et son éditeur, une photographe, une téléphage, un archiviste monomane : Mao II prend thèmes et personnages au piège d’une illusion romanesque impitoyable, tel un miroir où la fin du XXe siècle peut se contempler, fascinée et inquiète.

Les Noms (1982) Ils sont Américains. Ils travaillent pour des multinationales qui essaiment dans les régions les plus névralgiques du globe, tandis que monte la menace terroriste des années 1970. L’un de ces nouveaux nomades, entraîné par sa fascination pour une secte criminelle et par sa passion pour la mystique du langage, se livre à une périlleuse enquête, comme une tentative d’explication de l’Amérique. (source : ici)

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Crédits photos : Simon Gosselin

(ceci n’est pas une critique, mais…)

J’aurais dû adorer cette nouvelle expérience proposée par Julien Gosselin et sa bande. « Les Particules élémentaires » furent un vrai choc, les 12h de 2666 passèrent crème. Allez comprendre, je redoutais de passer plus de neuf heures dans un fauteuil devant cette nouvelle production du collectif « Si vous pouviez lécher mon coeur », alors même que je n’avais jamais lu les mots de Don DeLillo.

Je ne remets nullement en cause les thèmes abordés par Gosselin, importants, essentiels. Je comprends ses préoccupations récurrentes : la violence, le monde, son rapport à la littérature… Je pense d’ailleurs ajouter un nouveau livre, écrit par DeLillo, à ma pile. Je suis le premier à lever la main pour défendre l’utilisation de la vidéo quand elle est pertinente. Ici la qualité de l’image est impeccable, l’équipe technique est très douée : ça voltige. Les acteurs qu’on reconnait d’une pièce à l’autre sont tout aussi talentueux et énergiques, notamment Noémie Gantier, Victoria Quesnel et Caroline Mounier du côté des filles et Denis Eyriey du côté des garçons. Frédéric Leidgens, d’une autre génération et d’un autre style de jeu que ses jeunes camarades, tient une place à part dans la pièce, il casse une certaine musique par sa présence et sa diction si particulière mais je n’ai pas toujours eu l’impression que la greffe prenait.

Néanmoins, malgré toutes ces qualités, j’ai éprouvé une frustration, comme une mise à l’écart. Je sais que les acteurs sont là, derrière un voile, une fumée, une cloison, je les vois jouer grâce à la présence de la caméra. Encore une fois, j’entends la volonté de raconter une histoire autrement. Avec cettre trilogie, la vidéo est encore plus présente que pour 2666. Mais ça m’a contrarié, qu’il y ait presque toujours ce filtre, ce quatrième mur. Et encore une fois, c’est assez indéfinissable, car un autre jour j’aurais été très enthousiaste. Peut-être aurais-je dû voir les trois pièces séparément ? Je m’inquiète parce que je me suis plaint de la vidéo en continu, du bruit incessant.

Le samedi 24 novembre 2018, j’avais besoin de calme, de silence.

Je parais très mitigé, pour ne pas dire autre chose. Pourtant le spectacle est là, sérieux, à la hauteur de ses ambitions. Mais je ne fus pas capable.

Alerte Divulgâchage : Et c’est là où je me dis qu’à quinze jours de mon passage à 40 ans, je vire vieux con, mais on avait vraiment besoin que presque tous les acteurs se foutent à poil lors d’une très longue scène ? Même si la transe, tout ça tout ça…

Moment « j’en suis pas fier et tout le monde s’en fiche » : J’ai eu une crampe à la cuisse en plein milieu du marathon. La dernière fois que j’en avais eu une, c’était au mollet et droit et… Non… je ne le raconterai pas, mais j’étais en pleine activité physique…

JOUEURS – MAO II – LES NOMS

avec Rémi Alexandre, Guillaume Bachelé, Adama Diop, Joseph Drouet, Denis Eyriey, Antoine Ferron, Noémie Gantier, Carine Goron, Alexandre Lecroc-Lecerf, Frédéric Leidgens, Caroline Mounier, Victoria Quesnel, Maxence Vandevelde

adaptation et mise en scène Julien Gosselin

traduction Marianne Véron – scénographie Hubert Colas – création musicale Rémi Alexandre, Guillaume Bachelé, Maxence Vandevelde – création lumière Nicolas Joubert – création vidéo Jérémie Bernaert, Pierre Martin – création sonore Julien Feryn – costumes Caroline Tavernier

production Si vous pouviez lécher mon cœur

avec le Festival d’Automne à Paris

jusqu’au 22 décembre 2018 aux Ateliers Berthier – Odéon Théâtre de l’Europe et aussi le 19/01/19 au Bonlieu, Annecy, le 16/02/19 au Théâtre de Saint Quentin en Yvelines, le 16/03/19 au Quartz à Brest et du 23 au 30 mars 2019 au Théâtre National de Bretagne, Rennes

(une autre histoire)

Il n’y aura pas d’autre histoire aujourd’hui. En parallèle, j’ai terminé d’écrire un monologue d’une trentaine de pages. J’estime avoir le droit de ne rien écrire aujourd’hui.

« Et puis, Monsieur, Madame, Mademoiselle,

Sachez qu’en ce moment, je suis bien fatigué,

J’en ai marre, j’en ai marre, j’en ai marre, j’en ai marre,

Et je voudrais bien me reposer.

J’en ai marre d’aligner des paroles et des paroles… »

 

vu le samedi 24 novembre 2018 aux Ateliers Berthier (Odéon Théâtre de l’Europe)

prix de ma place : 48€ (abonnement festival d’Automne)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

La Bible, vaste entreprise de colonisation d’une planète habitable (Céline Champinot / Théâtre de la Bastille)

(de quoi ça parle en vrai)

« S’inspirant très librement de la Bible, elle met en scène cinq jeunes scouts à la sortie du catéchisme, indignées contre le Ciel. À la fois trop haut et trop vide, cet ami traître n’entend plus se soucier de la catastrophe annoncée que nous sommes devenus : des petits colons possesseurs de la nature… » (Elsa Kedadouche – source : ici)

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© Céline Champinot

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Céline Champinot et le groupe LA gALERIE savent occuper un espace. Pour leur précédente pièce, la salle du haut du théâtre de la Bastille avait été repeinte en couleurs vives. Cette fois-ci, nous pénétrons dans un centre omnisports.

Leur nouveau spectacle est dans la lignée de « Vivipares (posthume), brève histoire de l’humanité ». Et les qualités relevées il y a deux ans sont toujours présentes : un quintet d’actrices au diapason et à l’énergie folle (Louise Belmas est « remplacée » par Claire Rappin (jolie découverte) et nous retrouvons avec plaisir le reste du groupe), l’énorme travail vocal autour du texte (on en ressent d’autant plus l’implication du groupe, rien n’est laissé au hasard, tout est orchestré), l’inventivité des décors, l’ingénieuse utilisation des accessoires, des jolis (et drôles) intermèdes musicaux (concoctés par la metteure en scène elle-même, en collaboration avec la pianiste inclassable Eve Risser (qu’on pourra voir le 15 décembre au Nouveau Théâtre de Montreuil)) et l’écriture de Céline Champinot, profonde, poétique et ludique, qui, je trouve, a gagné en puissance.

Malheureusement, on retrouve un défaut déjà présent dans « Vivipares… », un certain trop-plein. Il est difficile de suivre et d’entendre ce texte dans son intégralité, tellement il y a de choses à appréhender et aussi parce qu’il manque parfois de variations dans l’oralité : tout ou presque est au même niveau sonore, à la même vitesse. L’univers du groupe est foisonnant, certes, mais surtout touffu.

Mais l’humour, l’investissement des comédiennes et les mots de Céline Champinot donnent envie de continuer à les suivre dans un prochain épisode…

 

LA BIBLE, VASTE ENTREPRISE DE COLONISATION D’UNE PLANÈTE HABITABLE

Avec Maëva Husband, Élise Marie, Sabine Moindrot, Claire Rappin et Adrienne Winling

Texte et mise en scène Céline Champinot / groupe LA gALERIE

Dramaturgie et chorégraphie Céline Cartillier – Scénographie Émilie Roy – Stagiaire scénographie Héloïse Dravigney – Lumières Claire Gondrexon – Costumes Les Céline – Confection costumes Louise Lafoscade – Musique Céline Champinot et Ève Risser – Régie générale Géraud Breton – Construction Géraud Breton et François Douriaux

Jusqu’au 8 décembre 2018 au Théâtre de la Bastille, Paris

 

(une autre histoire)

Je suis baptisé, j’ai à mon compteur huit ans de catéchisme et je ne me souviens toujours pas de ce que représente la Pentecôte.

Un jour, ma mère m’a dit : « Faut que tu viennes avec moi à l’église pour Vendredi Saint, y a le curé des loubards qui va faire un discours. » J’ai dit ok ! En fait, le père Gilbert n’était point là. Je ne sais plus qui, quelqu’un devait seulement lire un de ses sermons, et on devait marcher dans le village en reproduisant le chemin de croix de JC et ses je ne sais combien de stations, tout en récitant « Notre Père », autant de fois qu’il y a de stations. J’étais le plus jeune, j’étais le plus barbu, qui est-ce qui s’est coltiné la croix en bois sur le dos pendant tout le trajet ? C’est Bibi ! Heureusement que je n’ai rencontré personne que je connaissais. De toute façon, je ne connais personne dans mon village. Les gens ne me reconnaissent jamais.

A Noël, il nous arrive d’aller à la messe. C’est pas à minuit, donc c’est acceptable. L’hostie fait office d’apéritif d’apéritif, quoique quelque peu sec. Je ne fais plus que les mariages, les enterrements et la messe de Noël. Y a un truc que je déteste, c’est quand on doit s’embrasser ou se serrer la main pour donner la paix du Christ. Il fait froid, tout le monde est malade, je ne vous fais pas un dessin. Sans parler de l’hypocrisie sans nom de la manoeuvre.

Je ne mentionnerai pas la fois où le curé colombien nous a absous de tous nos péchés d’un vague signe de croix du bout de l’index. Plus personne ne va à confesse. Tout fout le camp.

Tout comme la fois où le curé, à la fin de la célébration, nous a invités à rejoindre les trains en partance pour la Manif pour tous. C’était d’ailleurs la dernière fois que je mis les pieds dans cette église. Je suis comme ça, moi. Brut de pomme.

 

vu le mercredi 19 novembre 2018 au Théâtre de la Bastille, Paris

Prix de ma place : 13€ / mois (pass Bastille)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Un Instant (Marcel Proust / Jean Bellorini / TGP Saint Denis)

(de quoi ça parle en vrai)

Des quelque trois mille pages qui composent « À la recherche du temps perdu », Jean Bellorini et Camille de La Guillonnière conservent les passages de l’enfance de l’auteur auprès de sa mère tant aimée et mettent en lumière la relation tendre et profonde avec la grand-mère, jusqu’à la mort de cette dernière… (source : ici)

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Crédits photos : Pascal Victor

(ceci n’est pas une critique, mais…)

J’avais pris quelque peu mes distances avec le travail de Jean Bellorini. Tout avait pourtant commencé par un coup de foudre il y a quelques années grâce à son adaptation des Misérables. Malgré les Paroles Gelées de Rabelais, mon intérêt s’était ensuite quelque peu étiolé avec une pièce de Brecht et Liliom pour finalement faire l’impasse sur les Frères Karamazov. Trop d’échelles et d’accordéons tue l’échelle et l’accordéon.

C’est après avoir écrit cette phrase d’anthologie et absolument pas réductrice que je me rendis à St Denis pour voir ce spectacle inspiré de l’oeuvre majeure de Marcel Proust, que je n’ai jamais lu, soyons pour une fois sincère. Ce n’est pas faute d’avoir relu plusieurs fois la première phrase « Longtemps je me suis couché de bonne heure ».

A notre entrée dans la salle, on est immédiatement saisi par la beauté de la scénographie qui s’offre à nous : des chaises par centaines, une chambre suspendue, une échelle, évidemment. Les deux acteurs font leur entrée, noir, ça commence.

Je retrouve alors avec plaisir la voix et le phrasé si particuliers de Camille de Guillonnière, qu’on pourrait écouter des heures durant. On fait la connaissance de la touchante Héléne Patarot, qui évoquera aussi son enfance : « ceci n’est pas une madeleine ». Il est doux de constater la complicité entre les deux acteurs. On prend surtout notre temps. C’est rare, de prendre le temps. Un temps précieux. Un moment délicat.

P.S. : Je me suis assoupi un instant, la faute à une longue semaine de labeur. Je me devais de le mentionner. Ma mémoire s’est mise à rêver… J’ai laissé voyager mes pensées…

 

UN INSTANT

Avec Hélène Patarot, Camille de La Guillonnière

Musicien Jérémy Peret

Adaptation Jean Bellorini, Camille de La Guillonnière et Hélène Patarot – Scénographie et lumière Jean Bellorini – Costumes et accessoires Macha Makeïeff – Création Sonore Sébastien Trouvé – Assistanat à la scénographie Véronique Chazal

Jusqu’au 9 décembre 2018 au TGP St Denis mais aussi les 16 et 17 février au Théâtre Louis Aragon (Tremblay-en-France), du 13 au 16 mars à La Criée (Marseille), etc.

(une autre histoire)

J’avais rencontré un gars, lors d’une formation, très étrange. Nous l’avions surnommé Ignatius, parce qu’il ressemblait au protagoniste de la Conjuration des Imbéciles de John Kennedy Toole. J’avais même écrit une chanson sur lui. Il nous avait dit, au milieu d’une conversation, qu’il avait trois cents livres chez lui qu’il n’avait pas encore lus. Je lui demande de répéter. Trois cents. Je doute de sa réponse. Il confirme. Impossible. Trois cents. Tu te joues de nous. Trois cents. Non, mais c’est un chiffre énorme, tu te trompes. (silence) Ah oui, c’est peut-être pas trois cents. Ce fut sa dernière réponse.

Treize ans après l’avoir fait changer sa réponse, je regarde ma bibliothèque et si je compte… trois cents. Trois cents livres que je n’ai pas lus. Des qu’on m’a offert, des que j’ai achetés pour plaire à une fille, des qui me font encore peur. Comme « À la recherche du temps perdu », acheté en 2005. J’entre dans une librairie avec un livre en tête, j’en ressors avec cinq. J’en lis deux. Tous les mois. Treize ans que je fais ça. Faites le calcul.

Je suis Ignatius.

 

vu le vendredi 16 novembre 2018 au Théâtre Gérard Philippe, Saint Denis

prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Nachlass – Pièces sans personnes (Rimini Protokoll / MC93 Bobigny)

(de quoi ça parle en vrai)

« Huit personnes qui ont choisi de préparer leur départ imaginent leur chambre de mémoire, mettant en scène le témoignage de ce qu’elles souhaitent laisser après leur disparition. Une expérience sensible où chaque spectateur est invité à visiter les pièces scénographiées comme autant de seuils entre la présence et l’absence. » (source : ici)

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Crédits photos : Samuel Rubio

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Comme à mon habitude, je n’ai absolument rien lu en rapport avec cet objet non identifié. J’étais également incapable de dire ce qu’avait bien pu présenter le Rimini Protokoll auparavant, mais je savais que je devais voir ce Nachlass, et pas seulement en souvenir de mes cours d’allemand LV1.

En sortant du théâtre, je dis à la personne qui m’accompagnait : « Je crois que je n’écrirai rien sur ce qu’on vient de voir. » Non par manque d’intérêt, mais parce que j’avais béni ce choix de n’avoir rien lu, rien subi non plus, à l’heure de l’omniscience virtuelle. Et que je ne voyais pas comment en parler sans en dévoiler le contenu. Et pourtant, deux jours plus tard, j’écris.

« Nachlass », c’est le titre. En allemand, « nach » signifie « après ». « Lass » du verbe « lassen », laisser. Mais il peut prendre n’importe quel sens, c’est un peu comme le « get » en anglais, tout dépend de la particule ou de la préposition qu’on lui associe.

« Pièces sans personnes », c’est le sous-titre. Parce qu’effectivement, nous sommes dans une installation artistique et que nous ne croiserons personne, hormis les spectateurs avec qui nous partagerons huit moments intimes. Parfois émouvants, touchants, ludiques aussi, malaisants rarement, mais toujours pudiques. Huit pièces aux atmosphères savamment étudiées, mais en respect, je pense, avec ces personnes qui, apparemment, ont accepté de se livrer. Parce qu’ici, il n’y aucune notice, on ne nous dit pas : c’est vrai, c’est pas vrai. Parce que la déformation d’un spectateur averti nous fait toujours douter de la véracité de ce genre d’oeuvre dite documentaire.

Je ne voulais pas écrire, parce qu’on pense inévitablement à soi, à ce qu’on va laisser derrière nous.

Dans un mois, j’aurai quarante ans. La moitié d’une vie. En principe.

 

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Conception Rimini Protokoll (Stefan Kaegi / Dominic Huber)

Vidéo Bruno Deville – Dramaturgie Katja Hagedorn – Son Frédéric Morier – Assistantes conception Magali Tosato et Déborah Helle – Assistantes scénographie Clio Van Aerde et Marine Brosse – Conception technique et construction du décor Équipe du Théâtre de Vidy

Jusqu’au 17 novembre 2018 à la MC93 Bobigny

 

(une autre histoire)

J’avais quel âge quand on me la proposa ? Avant cela, une autre histoire, toujours.

Un jour, par curiosité, je posai à ma conseillère une question sur les emprunts immobiliers, pour un appartement dans Paris.

Sourire de la conseillère. Question de la conseillère : « Mais vous faites quoi de votre argent ? » Réponse de moi : « Ben, je voyage ? » Conseil de la conseillère : « Voyagez moins ! » La première chose que je fis en rentrant chez moi : acheter un aller retour Paris Montreal.

Je crois que mes conseillers changent tous les ans. J’en vois un sur deux. Bonne moyenne. Deux conseillers plus tard…

Le nouveau conseiller me regardait droit dans les yeux : « Vous avez déjà pensé à souscrire à une assurance obsèques ? Cela ne coûte que 3€ par mois et vos proches n’ont rien à débourser. Vous êtes marié ? Vos parents sont encore en vie ? Des enfants ? »

Je regardai le vague qui entourait mon conseiller dont j’ai déjà oublié le nom : « Euh… À vrai dire, je n’y avais pas pensé (je ne veux pas y penser)… Je suis encore jeune tout de même. »

Le nouveau conseiller se figea : « Mais Monsieur, tout le monde meurt ! »

J’ouvris la bouche pour répondre à cette déclaration fracassante, mais aucun son ne sortit de ma bouche.

vu le samedi 10 novembre 2018 à la MC93 Bobigny

prix de la place : invitation Télérama

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

L’Autre Fille (Annie Ernaux / Marianne Basler / J.P. Puymartin / Les Déchargeurs)

(de quoi ça parle en vrai)

« Annie Ernaux adresse une lettre à sa soeur disparue deux ans avant sa naissance, morte à six ans, emportée par la diphtérie. Cette soeur dont elle découvre l’existence passée en entendant les bribes d’une conversation entre une cliente et sa mère dont les paroles “ Elle était plus gentille que celle-là ” se gravent à jamais dans sa mémoire. Elle, l’enfant vivant, dormira dans le lit de la sœur disparue, son cartable deviendra le sien, elle mettra ses pas dans les siens. Au fil de son existence, elle se construit contre elle, entre réel et imaginaire, au gré des objets, des photos, des paroles échappées. » (source : ici)

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Crédits photos : Julien Piffaut

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Un peu plus d’un mois après avoir vu Romane Bohringer prendre à bras le corps un des romans d’Annie Ernaux, c’est au tour de Marianne Basler de s’emparer d’un autre court roman de l’autrice. Les mots ciselés, la parole simple mais directe de l’écrivaine sont un matériel exceptionnel pour toute bonne actrice et Marianne Basler sert à la perfection cette écriture et cette histoire.

On sent l’actrice impliquée : le texte avant tout. La mise en scène est sobre, une petite musique par ici, une voix par là, une porte au loin qui restera fermée pendant pratiquement toute la pièce, rien d’ostentatoire. Car ce texte mérite toute notre écoute, car le jeu de Marianne Basler mérite toute notre attention.

Malgré les petits bruits parasites non-naturels de certains spectateurs qui nous empêchent parfois de rester concentré, mais c’est le lot de toute expérience collective, comme on me l’a fait remarqué dernièrement (je ressens de plus en plus l’incapacité de faire abstraction du téléphone qui vibre, des chuchotements…), on est touché par l’émotion portée par l’interprète.

 

L’AUTRE FILLE

Texte : Annie Ernaux

Mise en scène : Marianne Basler, Jean-Philippe Puymartin

Interprétation : Marianne Basler

Lumières Franck Thévenon – Musique Vincent-Marie Bouvot – Collaboration artistique Elodie Menant

Jusqu’au 1e décembre 2018 aux Déchargeurs, Paris mais également du 24 au 28 avril 2019 aux Bernardines, Marseille

 

(une autre histoire)

J’ai failli ne pas venir parce que j’ai mal aux dents. Donc je dors mal. Donc j’ai fait une micro-sieste avant de partir, mais j’étais tellement bien sous ma couette… C’est parce que j’ai mal aux dents que je deviens sensible à toute perturbation extérieure. Parce que finalement, je suis allé au théâtre.

La représentation d’hier soir… On chuchote, on farfouille dans son sac, on laisse vibrer le téléphone… Parfois j’aimerais entendre le texte dans un casque, qui m’isolerait de toute interférence. On me répond : « En somme, ne pas aller au théâtre ». Je suis désolé mais… Non, je ne suis pas désolé. Si aller au théâtre, c’est se permettre de faire du bruit sans tenir compte des autres spectateurs et des artistes sur scène, je préfère rester chez moi, effectivement.

En fait, ce n’est pas mon mal aux dents qui me fait prendre la mouche. J’étais déjà comme ça avant. Je ne supporte plus les gens. J’ingère les mots de Cioran et de Pessoa depuis trop longtemps. Le gars qui prend tout l’accoudoir, la personne qui se colle à moi dans le métro comme si j’étais invisible, la voiture qui ne s’arrête pas au passage piéton, le jeune qui passe en même temps que moi dans le tourniquet du métro sans me demander mon avis, les gens sur les trottinettes qui ne ralentissent pas sur les trottoirs, celles et ceux qui lisent un mot sur deux.

Mais je suis confiant. Ma voisine ne claque plus sa porte, le matin, quand elle part au travail, tout peut s’arranger. Ah non… En fait, je ne l’entends plus car désormais je pars avant elle pour me rendre au boulot.

 

vu le vendredi 9 novembre 2018 aux Déchargeurs, Paris

prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Après la répétition (Ingmar Bergman / tg STAN / Théâtre de la Bastille / Festival d’Automne à Paris)

(de quoi ça parle en vrai)

Après la répétition, les langues se délient… Dans ce huis clos fascinant aux dialogues ciselés, le spectateur assiste à la conversation complice, parfois conflictuelle, souvent ambiguë, entre Henrik Vogler, un célèbre metteur en scène, et Anna, sa jeune comédienne fétiche qui joue l’un des premiers rôles dans sa nouvelle pièce, Le Songe d’August Strindberg. Cette pièce, Vogler l’a déjà montée autrefois… mais avec Rakel Egerman, la mère d’Anna, qui jouait alors le même rôle que sa fille aujourd’hui. Cette femme décédée, il l’a aimée. C’était il y a vingt-trois ans, l’âge d’Anna. (Maxime Bodin – source : ici)

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© Dylan Piaser

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Je veux lire le texte ! Constater si ce que j’ai entendu a bien été écrit par Bergman ou bien… Encore plus que pour toute autre adaptation du père Ingmar, « Après la répétition » parait être un texte écrit pour le tg STAN. Même rapport au théâtre, même simplicité dans la complexité des sentiments, dans le décalage temporel. (j’ai bien écrit « simplicité dans la complexité…)

Je n’ai rien noté, parce que je ne voulais rien rater du jeu de Franck Vercruyssen, toujours aussi faussement nonchalant et qui peut tout jouer, mais également celui de Georgia Scalliet, qui, à bien des égards, peut irriter (la voix, la minauderie, m’a dit la personne qui m’accompagnait… je balance, c’est pas bien) mais qui m’a séduit et m’a paru toujours juste et envoûtante.

Pour qui connait le tg STAN, on est en terrain connu et conquis, car Franck Vercruyssen est à son meilleur. Tout est maîtrisé, jusqu’au son de la moto pétaradant dans la rue de la Roquette avant qu’il ne prononce le mot « silence ». Il sait également choisir ses partenaires de jeu : après Ruth Vega Fernandez (dans « Scènes de la Vie Conjugale ») et Alma Palacios (dans « Mademoiselle Else »), ce face à face avec Georgia Scalliet est tout aussi savoureux et passionnant à suivre.

Pour qui ne connait pas le tg STAN, la pièce est une formidable porte d’entrée dans leur univers.

Bergman disait à propos de la représentation théâtrale que ce qui importait était : la parole, le comédien, le spectateur. Bergman / tg STAN : Même combat !

Ps : Je dis à mon amie : « Tu vois ce canapé, c’est le même que dans « Infidèles ». Dans la pièce, le personnage de Franck Vercruyssen parle de ces accessoires qu’il réutilise d’une pièce à l’autre.

Pps : Dimanche prochain, j’aurai la chance de participer à un atelier de jeu en compagnie de Franck Vercruyssen… Impatience…

 

APRÈS LA RÉPÉTITION

D’après Après la répétition d’Ingmar Bergman

De et avec Georgia Scalliet de la Comédie-Française et Frank Vercruyssen

Avec la collaboration de Alma Palacios, Ruth Vega Fernandez et Thomas Walgrave Costumes An D’Huys Technique tg STAN

Jusqu’au 14 novembre 2018 au Théâtre de la Bastille en partenariat avec le Festival d’Automne

 

(une autre histoire)

Certains le savent peut-être, je fais du théâtre. Présentement, je participe à un atelier qui a pour nom « Les Infilitré.e.s ». Quand des spectateurs montent sur scène… On travaille sur quatre pièces de la programmation du théâtre de la Bastille, dont « Après la répétition ».

L’autre jour, le metteur en scène nous a demandé d’écrire un texte autour de ce spectacle. On ne l’avait pas encore vu mais il nous a donné le choix entre deux phrases : « Je répète, je répète, mais rien ne vient » et « Cette personne me rappelle mon premier amour ».

Quand j’ai entendu cette dernière phrase, j’ai souri, parce que c’est exactement la phrase qui pourrait résumer la première pièce que j’ai écrite. Parce que j’ai écrit une pièce, il y a quelques années. Je travaille actuellement sur la seconde… c’est très laborieux comme processus. Je peux pondre, pour ne pas dire autre chose, quatre chroniques pour ce blog en un weekend, mais je suis incapable d’écrire quelque chose de personnel… de valable et de personnel en un claquement de doigts. Je veux dire, vraiment personnel. Mais là n’est la question. J’ai toujours été incapable de résumer ma pièce. Je ne sais pas raconter. Tout le monde peut vous le dire. Mais cette phrase « Cette personne me rappelle mon premier amour », c’est précisément ma pièce.

J’ai donc décidé de m’inspirer de la phrase « Je répète, je répète, mais rien ne vient. » Autant vous dire que rien n’est venu. Pourtant, j’avais écrit un mot, puis un deuxième, répété ces mots-là à voix basse, mais… non… rien. J’ai alors écrit d’après la seconde phrase. Et comme je n’ai absolument aucune imagination, j’ai réécrit ma pièce en trois cents mots. En fait, j’ai inventé une nouvelle situation pour parler de la même chose.

Parce que je ne fais que ça, répéter, rabâcher, radoter. Parfois, même, j’oublie que j’ai déjà écrit, tellement je radote. Je radote en disant que je radote.

Ma première pièce s’appelait « Non non non pas d’insectes dans ma tête ». Ma deuxième pièce s’appellera « Dedans ma tête ».

Ceci n’est pas un hasard.

 

vu le dimanche 4 novembre 2018 au Théâtre de la Bastille, Paris

prix de ma place : 13€ / mois (Pass Bastille)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito