Le Projet Georges (Edith Proust / Laure Grisinger / Le Lavoir Moderne Parisien)

(de quoi ça parle en vrai)

« Pour éviter le doute Georges a des théories. Elle se pose des questions plus grandes qu’elle. Oui mais le très grand est aussi tout petit, et inversement. Par où commencer ? Comment ne pas se perdre ? Georges a fui les Hommes, ou peut-être pas. Georges suit à la trace le flot de sa pensée. Comme elle ne s’arrête jamais, Georges non plus. Alors elle marche. Elle marche et ça l’entraine jusqu’à. Georges n’est pas seule, elle traine derrière elle Joseph. Joseph c’est son arbre, deux mètres de haut, sur roulettes. Ensemble ils cherchent l’endroit. L’endroit où Joseph pourra s’enraciner. (source : ici)

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Crédits photos : DR

 

(ceci n’est pas absolument pas une critique excessivement dithyrambique que j’ai réécrite vingt-sept fois, mais…)

Je ne suis pas arrivé par hasard au Lavoir Moderne Parisien. Je savais. Je savais qu’Edith Proust y serait présente. Parce qu’Edith Proust, dès son apparition sur la scène du Théâtre du Train Bleu à Avignon l’été dernier dans la pièce d’Elsa Granat « Le Massacre du Printemps » m’a bouleversé, fasciné… C’est à cause d’elle (et également la présence d’Elsa Granat) que j’ai vu « Data Mossoul » de Joséphine Serre à la Colline le mois dernier (la pièce s’est avérée décevante mais Edith Proust s’y révélait à nouveau intense et toujours prompte à jouer.)

Aujourd’hui, Edith Proust est seule sur scène. Elle porte à bout de bras ce « Projet Georges » depuis cinq ans et avec le compagnonnage de Laure Grisinger à l’écriture et à la mise en scène (complice également de la grande réussite du « Massacre du Printemps »… tout est lié…) le hisse au firmament.

Pour certain.e.s, il s’agira d’une révélation, pour d’autres comme moi une confirmation.

Il est rare d’être emporté par un personnage dès les premiers instants d’un spectacle. Edith Proust y est méconnaissable : bonnet vissé sur la tête, cheveux en plastique qui ressortent, maquillage clownesque. Car oui, il s’agit d’un spectacle de clown comme on n’en voit pas souvent et c’est bien dommage. Mais cela va au-delà du spectacle de clown. Lors de ces pérégrinations poético-philosophiques « dedans la tête » de Georges, on s’étonnera de vouloir le/la prendre dans ses bras, de la/le revoir dès que possible, tellement ce personnage nous aura émus. Sa voix, son regard, sa gestuelle, sa démarche, ses mots… « J’adore » ! J’ai eu la chance de m’installer au premier rang et observer le moindre écarquillement d’yeux, les lèvres qui frémissent.

Pis Georges n’est pas tout seul. Joseph est là. Joseph est un arbre dont elle s’occupe. Son compagnon. Elle lui parle, Georges. De la vie, de l’infiniment petit et de l’infiniment grand, de la solitude, du Monde. La performance physique d’Edith Proust n’est pas la seule chose à retenir. Il y a aussi des mots, un propos qui fait sens et qu’on aurait eu envie de noter si on n’avait pas eu peur de rater une seule miette.

Edith Proust. Septième fois que je cite son nom. Car quand vous entendrez parler d’elle. vous saurez.

 

LE PROJET GEORGES

Autrices Edith Proust et Laure Grisinger

Mise en scène Laure Grisinger et Edith Proust

Avec Edith Proust

Présenté par la Compagnie L’usine à Lièges

Les jeudi et vendredi 14 février 2020 au Théâtre de la Tempête (Paris) à 18h, entrée libre sur réservation par courriel : marine.lecoutour.pro@gmail.com

 

(d’autres histoires)

M. et moi, on n’a peur de rien. On s’assoit au premier rang. Au milieu. Pendant le spectacle, Georges parle des yeux de M., puis la comédienne me regarde. Droit dans les yeux. Plus tard, elle évoquera mon sweat bordeaux mais cette fois-ci, elle me dit que je suis plutôt grand. Je ne réponds pas. On ne sait jamais s’il faut répondre ou pas en pareille situation. Elle répète à nouveau que je suis plutôt grand. Je tente d’exprimer un « Soit » avec mes sourcils, mes yeux et ma bouche simultanément. Mais que si on regarde du ciel, de très très haut, je suis tout petit. Insignifiant. Un grain de sable. C’est ce qu’elle me dit. Je pars de la salle, la tête dans les épaules, les bras ballants, appelez-moi Charlie Brown.

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Joseph n’est plus. Joseph c’est l’arbre un peu sec de Georges. Hier soir, c’était la dernière représentation. Il est au bout de sa vie, Georges. Fini la vie de star, les paillettes, l’eau gratis en spray. Ashes to Ashes. Direct à la poubelle. On demande à la comédienne : « Edith, tu dis au revoir à Georges ? – Au revoir, Georges ! »

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Après la représentation, M. et moi attendons Edith. Je suis toujours mal à l’aise. Je sais que je vais sourire, que je vais bredouiller trois mots. Elle arrive, nous embrasse, nous discutons quelques minutes, elle part et me touche le bras.

MOI : Elle m’a touché le bras ! Elle m’a touché le bras !

M. : Et elle t’a même touché la joue avec sa joue…

MOI : Elle m’a touché la joue ! Elle m’a touché la joue !

M. : Fais gaffe, si jamais tu racontes ça dans une de tes autres histoires, j’en connais une qui va être jalouse…

MOI (après un temps de réflexion) : T’as raison, je ne vais peut-être pas l’écrire et encore moins la publier.

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Et je me gêne moi-même quand je pense qu’Edith Proust lira ces quelques lignes…

 

Vu le dimanche 20 octobre 2019 au Lavoir Moderne Parisien (Paris)

Prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

5 réflexions au sujet de « Le Projet Georges (Edith Proust / Laure Grisinger / Le Lavoir Moderne Parisien) »

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