Maps / Stéréo (Liz Santoro & Pierre Godard / Théâtre de la Bastille / Atelier de Paris CDCN)

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Quand tu prends un abonnement intégral dans un théâtre, tu acceptes, je dirais même tu accueilles sa programmation, en trois mots : Tu fais confiance. C’est parfois à double tranchant, mais cela te permet de ne rater aucune pièce de tes artistes préférés (tg STAN, Tiago Rodrigues…), de faire des découvertes ahurissantes (Lisbeth Gruwez, Nina Santes…) et parfois de refuser en bloc. Aujourd’hui Liz Santoro & Pierre Godard. Ce n’est pas pourtant pas faute d’essayer : deux spectacles cette année, Maps et Stéréo, For Claude Shannon il y a deux ans, mais… quand ça veut pas, ça veut pas. Mais pourquoi donc ?

Je sais qu’il me manque certains codes en danse. Qu’il m’est encore plus difficile d’analyser, de critiquer ce type de spectacles. En l’occurrence, je vois où Santoro & Godard veulent en venir, je comprends le parti-pris, mais cela ne me touche pas. Point.

« Les spectacles de Liz Santoro et Pierre Godard sont autant de « machines chorégraphiques » où dialoguent langage et mouvement, extrême rigueur et ludique incertitude » (programme de salle)

Le problème, c’est que je ne vois pas ce que viennent faire ces mots scandés par les danseurs de Maps ni le texte écrit à distance et en direct par Cynthia Koppe et projeté sur le plateau de Stéréo. Même si le corps est évidemment là, le geste et le sens qui en découlent passent trop souvent par la tête. Je n’ai ressenti aucune émotion naître en moi.

MAPS « Avec des déplacements précis et des gestes minimaux, les danseurs de Maps s’orientent ainsi en fonction de mots projetés aléatoirement, dépliant sur l’espace scénique le fonctionnement de notre cerveau. (…)  les corps d’abord contraints révèlent leur liberté d’interprétation jusqu’à atteindre un intense état de joie et de présence. » (programme de salle)

Je n’ai rien ressenti de tel. Certes, je vois l’investissement des danseurs. Cynthia Koppe est assez impressionnante de ce point de vue là, mais je n’ai pas vu l’explosion tant attendue après ces gestes et ces mouvements infiniment calculés.

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Crédits photos : DR

STÉRÉO « Le surgissement du texte, aussi bien spatial que sonore, ouvre un espace qui démultiplie le corps de la danseuse et diffracte le regard du spectateur. Mais ce qui devient palpable, c’est la relation entre deux corps distants, entre présences physiques et immatérielles, comme une expression poétique et fantomatique des nouvelles technologies. » (programme de salle)

Surcharge cognitive évidente pour moi, après une semaine plutôt difficile. Tu tentes de comprendre ce que dit (ou écrit) en anglais Cynthia Koppe (qui voit le spectacle grâce au téléphone portable de Liz Santoro, posé au proscénium, tout en te demandant qui influe sur qui. Des gestes se répètent, mais rien ne fait sens pour moi.

Tout cela a évidemment l’avantage de me faire réfléchir, il n’empêche que je ne pense pas que j’irai revoir un spectacle de Liz Santoro et Pierre Godard.

Ps : Je viens de relire ma chronique à propos du premier spectacle que j’ai vu d’eux et… C’est étonnant comme certaines sensations restent en tête, à presque deux ans d’intervalle.

MAPS

Avec Matthieu Barbin, Lucas Bassereau, Jacquelyn Elder, Maya Masse, Cynthia Koppe et Liz Santoro

Spectacle de Liz Santoro et Pierre Godard – Conception Liz Santoro et Pierre Godard

Espace et collaboration artistique Mélanie Rattier – Musique Greg Beller – Costumes Angèle Micaux – Lumières et régie générale Anne-Sophie Mage

Production Le principe d’incertitude

STÉRÉO

Avec Liz Santoro

Spectacle de Liz Santoro et Pierre Godard – Conception Liz Santoro et Pierre Godard en collaboration avec Cynthia Koppe

Médium Cynthia Koppe – Espace Mélanie Rattier – Musique Greg Beller – Lumières Laïs Foulc – Costumes David Anselme – Régie générale Titouan Lechevalier

Production Le principe d’incertitude

Jusqu’au 7 mars au Théâtre de la Bastille, puis le 20 mars au CDCN de Roubaix

(une autre histoire)

« Tu rejoins des amis ? » me demande-t-elle. Je réponds : « Pas cette fois-ci. Mais j’y croise toujours quelqu’un que je connais. »

Plus tard.

Je ne le connais pas et pourtant il me parle.

« Il faudrait qu’ils mettent des bancs pour des gens comme moi ». C’est par cette affirmation que l’homme se présente à moi. J’étais le premier de la file, il me pique ma place, mais je ne dis rien. Je réponds : « Il y en a un à l’autre entrée ! » Il rétorque : « Je sais, mais ma place à moi est de ce côté-ci ».

L’homme a ses habitudes. Il s’assoit toujours au même endroit. A partir de ce moment-là, il me tiendra la jambe, jusqu’à l’ouverture des portes. Il me détaillera tous ses abonnements ainsi que les nombreux avantages financiers que cela lui procure (surtout quand on est handicapé et à la retraite comme lui), fera l’article d’un théâtre en banlieue, évoquera la médiocrité de la programmation théâtrale parisienne de cette saison, de la mauvaise volonté d’un certain théâtre de la Ville de Paris concernant les places « à destination des personnes en situation de handicap », de son voyage avorté à Annecy à cause d’une faiblesse au coeur (je saurai tout), de ses rituels du mois de mai au moment des annonces des programmations théâtrales pour la saison à venir…

Les portes s’ouvrent. Il se dirige vers la place que j’avais en tête pour moi : côté jardin, en bout de rang, sans strapontin. Je lui souhaite un bon spectacle et m’engouffre au troisième rang, au centre, derrière une personne dotée d’un respirateur (qu’il enlèvera pendant la représentation, heureusement).

Sur le chemin du retour, j’ai repensé à cette rencontre. Même s’il n’était pas moi plus vieux (l’homme était bien plus grand que moi et il y a longtemps que j’ai terminé ma croissance), je me suis vu, moi en plus vieux, seul. Point positif : je me mettrai donc à parler aux gens, alors que j’ai tendance aujourd’hui à me recroqueviller sur moi-même, spectateur de ma vie, misanthrope compulsif. Point négatif : je ne veux pas devenir lui.

Vus les mardi 3 mars 2020 (Maps) et vendredi 6 mars 2020 (Stéréo) au Théâtre de la Bastille, Paris

Prix de ma place : Pass Bastille (13€ / mois)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

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