Le Projet Georges (Edith Proust / Laure Grisinger / Le Lavoir Moderne Parisien)

(de quoi ça parle en vrai)

« Pour éviter le doute Georges a des théories. Elle se pose des questions plus grandes qu’elle. Oui mais le très grand est aussi tout petit, et inversement. Par où commencer ? Comment ne pas se perdre ? Georges a fui les Hommes, ou peut-être pas. Georges suit à la trace le flot de sa pensée. Comme elle ne s’arrête jamais, Georges non plus. Alors elle marche. Elle marche et ça l’entraine jusqu’à. Georges n’est pas seule, elle traine derrière elle Joseph. Joseph c’est son arbre, deux mètres de haut, sur roulettes. Ensemble ils cherchent l’endroit. L’endroit où Joseph pourra s’enraciner. (source : ici)

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Crédits photos : DR

 

(ceci n’est pas absolument pas une critique excessivement dithyrambique que j’ai réécrite vingt-sept fois, mais…)

Je ne suis pas arrivé par hasard au Lavoir Moderne Parisien. Je savais. Je savais qu’Edith Proust y serait présente. Parce qu’Edith Proust, dès son apparition sur la scène du Théâtre du Train Bleu à Avignon l’été dernier dans la pièce d’Elsa Granat « Le Massacre du Printemps » m’a bouleversé, fasciné… C’est à cause d’elle (et également la présence d’Elsa Granat) que j’ai vu « Data Mossoul » de Joséphine Serre à la Colline le mois dernier (la pièce s’est avérée décevante mais Edith Proust s’y révélait à nouveau intense et toujours prompte à jouer.)

Aujourd’hui, Edith Proust est seule sur scène. Elle porte à bout de bras ce « Projet Georges » depuis cinq ans et avec le compagnonnage de Laure Grisinger à l’écriture et à la mise en scène (complice également de la grande réussite du « Massacre du Printemps »… tout est lié…) le hisse au firmament.

Pour certain.e.s, il s’agira d’une révélation, pour d’autres comme moi une confirmation.

Il est rare d’être emporté par un personnage dès les premiers instants d’un spectacle. Edith Proust y est méconnaissable : bonnet vissé sur la tête, cheveux en plastique qui ressortent, maquillage clownesque. Car oui, il s’agit d’un spectacle de clown comme on n’en voit pas souvent et c’est bien dommage. Mais cela va au-delà du spectacle de clown. Lors de ces pérégrinations poético-philosophiques « dedans la tête » de Georges, on s’étonnera de vouloir le/la prendre dans ses bras, de la/le revoir dès que possible, tellement ce personnage nous aura émus. Sa voix, son regard, sa gestuelle, sa démarche, ses mots… « J’adore » ! J’ai eu la chance de m’installer au premier rang et observer le moindre écarquillement d’yeux, les lèvres qui frémissent.

Pis Georges n’est pas tout seul. Joseph est là. Joseph est un arbre dont elle s’occupe. Son compagnon. Elle lui parle, Georges. De la vie, de l’infiniment petit et de l’infiniment grand, de la solitude, du Monde. La performance physique d’Edith Proust n’est pas la seule chose à retenir. Il y a aussi des mots, un propos qui fait sens et qu’on aurait eu envie de noter si on n’avait pas eu peur de rater une seule miette.

Edith Proust. Septième fois que je cite son nom. Car quand vous entendrez parler d’elle. vous saurez.

 

LE PROJET GEORGES

Autrices Edith Proust et Laure Grisinger

Mise en scène Laure Grisinger et Edith Proust

Avec Edith Proust

Présenté par la Compagnie L’usine à Lièges

Les jeudi et vendredi 14 février 2020 au Théâtre de la Tempête (Paris) à 18h, entrée libre sur réservation par courriel : marine.lecoutour.pro@gmail.com

 

(d’autres histoires)

M. et moi, on n’a peur de rien. On s’assoit au premier rang. Au milieu. Pendant le spectacle, Georges parle des yeux de M., puis la comédienne me regarde. Droit dans les yeux. Plus tard, elle évoquera mon sweat bordeaux mais cette fois-ci, elle me dit que je suis plutôt grand. Je ne réponds pas. On ne sait jamais s’il faut répondre ou pas en pareille situation. Elle répète à nouveau que je suis plutôt grand. Je tente d’exprimer un « Soit » avec mes sourcils, mes yeux et ma bouche simultanément. Mais que si on regarde du ciel, de très très haut, je suis tout petit. Insignifiant. Un grain de sable. C’est ce qu’elle me dit. Je pars de la salle, la tête dans les épaules, les bras ballants, appelez-moi Charlie Brown.

**********

Joseph n’est plus. Joseph c’est l’arbre un peu sec de Georges. Hier soir, c’était la dernière représentation. Il est au bout de sa vie, Georges. Fini la vie de star, les paillettes, l’eau gratis en spray. Ashes to Ashes. Direct à la poubelle. On demande à la comédienne : « Edith, tu dis au revoir à Georges ? – Au revoir, Georges ! »

**********

Après la représentation, M. et moi attendons Edith. Je suis toujours mal à l’aise. Je sais que je vais sourire, que je vais bredouiller trois mots. Elle arrive, nous embrasse, nous discutons quelques minutes, elle part et me touche le bras.

MOI : Elle m’a touché le bras ! Elle m’a touché le bras !

M. : Et elle t’a même touché la joue avec sa joue…

MOI : Elle m’a touché la joue ! Elle m’a touché la joue !

M. : Fais gaffe, si jamais tu racontes ça dans une de tes autres histoires, j’en connais une qui va être jalouse…

MOI (après un temps de réflexion) : T’as raison, je ne vais peut-être pas l’écrire et encore moins la publier.

**********

Et je me gêne moi-même quand je pense qu’Edith Proust lira ces quelques lignes…

 

Vu le dimanche 20 octobre 2019 au Lavoir Moderne Parisien (Paris)

Prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Please Please Please (La Ribot / Mathilde Monnier / Tiago Rodrigues / Centre Pompidou / Festival d’Automne)

(de quoi ça parle en vrai)

Dans Please Please Please, sa dernière création en date de 2019, La Ribot s’allie à nouveau à la chorégraphe Mathilde Monnier (…) et pour la première fois au metteur en scène portugais Tiago Rodrigues. Ils signent ensemble un pacte dérégulé par lequel tous trois s’engagent à préserver ce que la danse a de plus indomptable. Comme une contre-proposition au contrat social, l’accord déjoue les normes du spectacle pour laisser s’exprimer des corps rendus à leur seul désir, incluant le public à son insu. La pièce s’interroge sur ce que l’institution (de l’école au centre d’art) peut faire au corps en déclinant des figures de marginalité, présentées comme autant de façons de contourner la norme. Please Please Please mutualise, selon leurs propres termes, la danse du beau et celle de l’exécrable dans une performance polymorphe qui prend le sauvage pour prisme de lecture. Au cours de cette négociation, les clauses du spectacle se redéfinissent sans cesse. Placé en situation d’autonomie, chacun éprouve alors seul son corps, au risque assumé du ridicule, de l’incertitude et du dysfonctionnement. (source : ici)

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Crédits photos : Grégory Batardon – DR

(ceci n’est toujours pas une critique, mais…)

Je ne connaissais pas La Ribot, je n’avais jamais vu Mathilde Monnier sur scène mais avant ce soir, j’avais déjà assisté à huit spectacles écrits par Tiago Rodrigues (1). Les plus fidèles d’entre vous savent combien je suis attaché au travail de l’artiste portugais (2). Depuis que j’ai démarré cet espace qui ne se veut pas critique, il y a deux ans et demi, je souffre de deux syndromes : Celui de l’Imposteur (Qui suis-je pour donner mon avis ?) et celui du Fan (Puis-je parler d’un spectacle alors que je connais (plus ou moins) en personne l’artiste et qu’en plus j’apprécie son travail ?). Je prenais toujours des pincettes, annonçait la couleur mais me voilà libéré : Je n’ai pas aimé « Please Please Please » !

Sur scène, une masse non identifiée qui mesure la largeur de la grande scène du Centre Pompidou. Certains diront un Monstre type du Loch Ness qui sera finalement deshabillé à la fin du spectacle, d’autres un tube digestif… une longue et interminable bouse ? Mathilde Monnier et La Ribot entrent sur scène et amorcent une danse infinie, jusqu’à la fin de la première partie. Elles dansent. Elles parlent. Je m’endors. Les deux artistes laissent alors parler leurs corps. Je lutte contre le sommeil. Je parviens à le vaincre. Puis une mère, un bébé se parlent. En espagnol non sur-titré, en français.

Perplexité sera le maître-mot de cette soirée. Je suis en train de voir quoi. J’aurais pu me raccrocher à la poésie des mots de Tiago Rodrigues, mais ses saillies ne m’atteignent pas. Elles sont, de manière incompréhensible pour moi, fades et sans intérêt. Je ne suis, non plus, pas touché par le parcours de Mathilde Monnier et La Ribot.

Je ne chercherai pas à en dire plus, je ne ferai que confirmer le premier syndrome cité.

(1) : By Heart (3), Bovary (2), Sopro (2), The Way She Dies (2), Tristesse et joie dans la vie des girafes, Ça ne se passe jamais comme prévu, Je t’ai vu pour la première fois au Théâtre de la Bastille (2), Antoine et Cléopâtre (2)

(2) : J’avais participé en 2016 à l’Occupation Bastille qu’il avait dirigée.

 

PLEASE PLEASE PLEASE

Un spectacle de La Ribot, Mathilde Monnier, Tiago Rodrigues

Avec Mathilde Monnier, La Ribot

Traduction, Thomas Resendes – Musique, Béla Bartók (extraits) – Lumières, Eric Wurtz – Scénographie, Annie Tolleter – Réalisation scénographie, Christian Frappereau, Mathilde Monier  – Costumes, La Ribot, Mathilde Monnier

Costumes, Marion Schmid, Letizia Compitiello – Création musique et régie son, Nicolas Houssin – Direction technique et régie lumière, Marie Prédour – Régie plateau, Guillaume Defontaine

En tournée en 2020 à Strasbourg, Nantes et Angers

 

(d’autres histoires)

Si j’étais venu au Centre Pompidou sans avoir lu la note d’intention du spectacle, sans connaître les noms des gens ayant commis ce spectacle, j’aurais pu penser qu’il s’agissait d’un hommage à cette chanson interprétée par James Brown. En voyant cette vidéo, je repense à la performance du groupe The National qui, sur invitation de l’artiste Ragnar Kjartansson, a interprété pendant six heures, soit 99 fois, le morceau « A lot of sorrow », et ce, de manière ininterrompue. As-tu déjà écouté 99 fois d’affilée une chanson ?

**********

Entre deux micro-siestes, je repense à tout ce que je dois faire durant les prochains jours : le ménage, remplacer l’ampoule de ma lampe de chevet, la lessive, remplir le frigo, relancer C. qui doit me faire un retour sur la soixante-dix-huitième version de ma pièce (et éventuellement lui proposer de la mettre en scène), dormir, courir, ne pas tousser, répondre à des questions sur la frustration, trouver un logement pour mon Noël québécois, aller pour la dernière fois chez mon coiffeur marseillais bientôt à la retraite, sortir du placard la couette, transpirer en mettant la housse de la couette, lire le dernier Fabcaro et cette pièce québécoise qu’A. m’a envoyée le mois dernier, écouter les nouveaux disques de Pierre Lapointe et Patrick Watson, écrire… toujours.

 

Vu le vendredi 18 octobre 2019 au Centre Pompidou dans le cadre du Festival d’Automne à Paris

Prix de ma place : 14€ (abonnement Festival d’Automne)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Le Mariage (Timeau de Keyser / Théâtre de la Bastille)

(de quoi ça parle en vrai)

« Timeau De Keyser et le collectif Tibaldus livrent une adaptation féroce du Mariage. Dans cette pièce de Witold Gombrowicz, Henri, soldat polonais envoyé en France pendant la Seconde Guerre mondiale, bascule dans un rêve où, par la force poétique du langage, s’invente un royaume dont il devient le roi tyrannique. Entre le grotesque et la folie, les situations glissent et les personnages changent sans cesse de visages, entraînés dans un ballet dont les mouvements distordent le pouvoir et les interactions sociales. Pour épouser cette débordante rêverie, Timeau De Keyser construit un théâtre à la géométrie brute et ludique, traversé de polyphonies flamandes, révélant ainsi l’écriture musicale de Gombrowicz. » (source : ici)

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© Pieter Dumoul

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Je pense que je pourrais copier coller l’introduction d’une de mes critiques précédentes : Le spectacle avait tout pour me plaire et pourtant…

Timeau de Keyser et le collectif Tibaldus ont la jeunesse pour eux, un certain enthousiasme, un dispositif proche de celui du tg STAN (tous les comédiens sur scène (en jeu ou en regard), une scénographie dépouillée, une décontraction apparente, l’envie certaine de jouer – dans tous les sens du terme -…) Ce qui ne m’a pas empêché d’être déçu, voire lassé. Il y a des moments poétiques (les chants particulièrement harmonieux), des trouvailles jubilatoires (le pouvoir suprême de l’index), des gimmicks qui fonctionnent (chaque personnage se voit identifié par son prénom chanté). Pourtant je me suis ennuyé, alors que les comédiens étaient justes, : la faute à certaines longueurs et à une machine qui tournait à vide. Cela manquait de maturité et le dispositif « Je suis en représentation même si tout laisse croire que je suis en répétition (comédiens en jogging, je me lève quand c’est bientôt mon tour de jouer, mais avant ça je bois à la gourde et je mange un morceau de banane…) » a atteint ses limites.

On reste à l’extérieur.

 

LE MARIAGE

Spectacle de Timeau De Keyser, Collectif Tibaldus

D’après Witold Gombrowicz (Traduction Paul Beers) De et avec Simon De Winne, Hans Mortelmans, Ferre Marnef, Lieselotte De Keyzer, Katrien Valckenaers, Hendrik Van Doorn, Sander De Winne et Lieven Gouwy

Régie Marie Vandecasteel

(ce spectacle était présenté dans le cadre du temps fort  P.U.L.S. Initié en 2017 par Guy Cassiers et le Toneelhuis — le Théâtre de la Ville d’Anvers — P.U.L.S. est d’abord un dispositif artistique qui favorise l’accompagnement et l’accès aux grands plateaux pour de très jeunes artistes. Ce spectacle sera en tournée prochainement aux Pays-Bas et en Belgique)

 

(une autre histoire)

Attention ce que je vais conter dans les prochaines lignes est purement auto-congratulationnel. Mais ça fait du bien parfois.

Dans la file d’attente, je rejoins une camarade de jeu qui me présente sa fille d’une vingtaine d’années.

MA CAMARADE (à sa fille) : Tu le reconnais ? Tu te souviens de lui sur scène ?

SA FILLE (après un moment de réfléxion) : L’an passé, c’est toi qui parlais de ta prof d’anglais ?

Notez qu’elle se souvenait de moi dans l’avant-dernier spectacle dans lequel je jouais un texte que j’avais écrit et pas le dernier où j’interprétais « seulement » Henrik, le personnage principal de « Après la répétition » d’Ingmar Bergman.

*****

Au Café de l’Industrie, après la représentation, mon alter ego théâtral et moi croisons deux de ses amies. Ces dernières me reconnaissent : « Mais c’est toi qui avait mis en scène E. dans ta pièce ! »

Voilà voilà… J’ai bien dormi après ça.

 

Vu le samedi 12 octobre 2019 à 20h30 au Théâtre de la Bastille (Paris)

Prix de ma place : 13€ par mois (Pass Bastille)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

New Skin (Hannah De Meyer / Théâtre de la Bastille)

(de quoi ça parle en vrai)

« À l’orée de la représentation, Hannah De Meyer entame une chanson pour faire sienne l’indignation d’auteurs et autrices féministes, écologistes et décolonialistes. Pour autant, New Skin procède moins par citations que par perturbations : Hannah De Meyer cherche à éprouver la manière dont les récits alternatifs de Judith Butler, Achille Mbembe et Donna Haraway peuvent habiter son corps. Sa présence est à la fois poreuse et insécable, comme un éclat de roche brillante et hypnotique. Les visions s’enchâssent, pleines de colère et de tendresse, cheminant jusqu’à la caverne d’une divinité féminine originelle. L’espace scénique se fait alors organique, telle une cellule qui se dilate et se rétracte, contenue dans le corps de l’artiste puis s’élargissant pour envelopper le public. » (source : ici)

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© Hannah De Meyer

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Ce samedi 12 octobre, j’ai vu trois spectacles d’affilée. Paris s’est donné pour moi des airs de Festival d’Avignon. Mal m’en a pris puisque j’ai dérogé à ma règle de ralentir et à la fin de la soirée, j’avais la certitude suivante : aucun des trois spectacles ne m’avait véritablement enthousiasmé. Je voyais les qualités, mais certains défauts venaient entacher cette envie de partager, de recommander tel ou tel spectacle.

Vingt-quatre heures plus tard, malgré un texte (dit en français) que je n’ai saisi que par fulgurances (les moments sur la conception et la naissance, par exemple), c’est ce spectacle-là qui me reste en mémoire : New Skin.

Parce que Hannah De Meyer présente un spectacle original et hypnotique. Je me souviens avoir dit au camarade que j’ai rejoint un peu plus tard dans la soirée pour « Le Mariage » (prochainement dans ces mêmes colonnes) : « Je crois qu’elle l’aurait fait en flamand non sur-titré ou avec des grommelos, j’aurais presque plus apprécié. » Il faudrait peut-être voir cette création deux fois, pour appréhender ce travail corporel (proche de la danse) et sonore assez incroyable dans un premier temps, puis comprendre ce qui est dit.

Hannah de Meyer est un corps. Elle dit des mots, on la sent vivre ses mots, elle se meut dans l’espace, change de rythme, ses gestes calculés pourraient en fait presque se passer de mots (même si ce sont ces mots qui déclenchent tout, c’est contradictoire, je sais). Mais pas de sons (je veux dire, on ne pourrait pas s’en passer)

Ce que l’artiste fait avec ses moyens (un micro, les hauts-parleurs du théâtre) m’ont rappelé le chef d’oeuvre de Simon McBurney « The Encounter » dans lequel le dramaturge anglais nous emportait en Amazonie à l’aide d’un système phonique de haute volée (nous étions munis d’un casque audio, nous n’entendions que la voix de McBurney et les différents bruitages qu’il lançait, en « mode 3D »).

Une belle découverte que cette Hannah De Meyer (même si, la prochaine fois, il faudra que je lise la note d’intention pour apprécier pleinement son travail).

 

NEW SKIN

Spectacle de Hannah De Meyer

Texte et interprétation Hannah De Meyer

Regard extérieur Jesse Vandamme – Son Niels Van Heertum et Frederik Leroux – Lumière Peter Missotten

Jusqu’au 16 octobre 2019 au Théâtre de la Bastille (Paris) et le 7 mars 2020 au Quartz (Brest)

(ce spectacle est présenté dans le cadre du temps fort  P.U.L.S. Initié en 2017 par Guy Cassiers et le Toneelhuis — le Théâtre de la Ville d’Anvers — P.U.L.S. est d’abord un dispositif artistique qui favorise l’accompagnement et l’accès aux grands plateaux pour de très jeunes artistes)

 

(une autre histoire)

Salle du haut du théâtre de la Bastille,

Je m’assois en bout de rang. Je suis le premier arrivé dans la salle. Je m’assois en bout de rang, parce qu’après New Skin, je dois descendre dans la salle du bas pour ma troisième pièce de la journée, le Mariage, récupérer au vol mon alter-ego théâtral qui ne me ressemble en rien (trop longue histoire) et tenter de ne pas s’asseoir sur un strapontin.

J’espère que la pièce n’aura pas de retard. J’espère que la pièce ne sera pas trop bonne, parce que si la pièce est trop bonne, ça va applaudir à n’en plus finir et je n’oserai jamais me lever alors que les autres spectateurs applaudissent l’artiste. Pis, l’artiste, elle me verra si je me lève avant tous les autres. Elle pensera que je me lève parce que j’ai adoré son travail, mais comme je descendrai les marches, elle pensera que je n’ai pas aimé, donc je me ferai remarquer en partant tout en continuant à applaudir, ce qui est le comble du ridicule, parce que si ça te plait, tu restes à ta place, point. Deux saluts… trois saluts… Trois saluts, c’est correct. Quatre, ça commence à faire… Si je m’arrête d’applaudir, peut-être lancerai-je le mouvement ? Peut-être que ne suis-je pas le seul dans ce cas-là ? D’autres spectateurs, comme moi, doivent être invités au Mariage d’après Gombrovicz ? Où êtes-vous ? On fait comment ? Si j’étais dans Star Trek, je me téléporterais directement, sans gêner qui que ce soit. « Beam me up, Jean-Marie ! » (c’est le prénom du directeur du théâtre, je préfère préciser)

Un jour, j’aurai ma place réservée au théâtre de la Bastille, ô oui, un jour j’aurai un fauteuil à mon nom !

 

Vu le samedi 12 octobre à 19h30 au Théâtre de la Bastille (Paris)

Prix de ma place : 13€ / mois (Pass Bastille)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

L’Assemblée des Rêves (Duncan Evennou / Les Plateaux Sauvages)

(de quoi ça parle en vrai)

« Un quatuor donne corps à un corpus de rêves recueilli par un collectif d’artistes, de scientifiques et de citoyen·ne·s à Nanterre pendant l’élection présidentielle française de 2017 et mis en texte par Lancelot Hamelin. Les acteur·trice·s du spectacle transmettent la parole des habitant·e·s dans toute leur sensibilité. Différentes conceptions du rêve s’y entrechoquent pour laisser apercevoir l’inframonde d’une ville. En quoi le rêve nous renseigne-t-il sur un territoire et le traduit ? Cette archive onirique permet-elle ainsi de rendre visible l’invisible ? » (source : ici)

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© Pauline Le Goff

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Les quatre comédiens sont autour d’une table, comme pour l’enregistrement d’une émission de radio. La table est jonchée de petits papiers, la même dimension que les reçus qu’on nous donne au supermarché. Au centre, une machine qui imprime les dits reçus. Sur ces bouts de papier, les retranscriptions des témoignages.

Ce dispositif est passionnant. Il pourrait être renouvelable à l’infini. Les comédiens lisent (plus ou moins) ces pépites. Ce qui est intéressant, c’est d’entendre comment la parole est reproduite, quels mots sont choisis, quel est le débit, les hésitations, le mécanisme de la pensée, les interrogations des personnes interrogées sur la démarche. Le rêve en lui-même n’est pas forcément le plus captivant, même si certains sont savoureux.

L’interprétation des comédiens aide à la compréhension, notamment celle de Manuel Vallade, drôle et investi. J’émettrai une réserve concernant Isabelle Angotti qui ne m’a pas paru au diaposon de ses petits camarades, restant trop souvent le nez dans ses fiches et n’offrant pas un jeu suffisamment varié. Ce déséquilibre m’a quelque peu empêché d’être totalement enthousiaste. La représentation aurait également pu être plus resserrée, à mon sens (cela aurait peut-être permis à ma voisine de ne pas piquer du nez… petit bonhomme qui fait un clin d’oeil).

Parfois nos rêves n’ont pas de fin, comme cette critique.

 

L’ASSEMBLÉE DES RÊVES

Texte Lancelot Hamelin
Mise en scène Duncan Evennou
Design de recherche Benoît Verjat – Scénographie Patrick Laffont de Lojo et Benoît Verjat – Création sonore Maya Boquet – Création lumière Patrick Laffont de Lojo

Avec Isabelle Angotti, Maxime Lévêque et en alternance Thierry Raynaud, Olivia Ross, Anne Steffens et Manuel Vallade, avec la voix de Maya Boquet

Jusqu’au 18 octobre 2019 aux Plateaux Sauvages (Paris)

 

(d’autres histoires)

Aux Plateaux Sauvages, c’est toi qui choisis le prix de ton billet : 5 / 10 / 15 / 20 / 30€. Mazette, combien vais-je payer ? J’ai un emploi, je gagne suffisamment ma vie pour ne pas mourir de faim et me loger décemment dans Paris. Je ne peux pas sortir un billet de 5, on pensera que je suis radin. Déjà que je suis du genre à compter mes sous… Je ne vais pas sortir ma carte bleue pour mettre 30 balles pour un spectacle d’un théâtre subventionné, faudrait pas pousser Mémé dans les orties ! Non, je vais mettre 10€. Je suis du genre à avoir un fichier Excel dans lequel je note mes dépenses. Je compte le nombre de spectacles que je vois, je fais une moyenne… 11€ En moyenne, je paye 11€ par spectacle. Invitations, abonnements compris. J’en vois une centaine dans l’année. Tu peux faire le compte. J’arrondis à 10€, je donnerai 1€ de pourboire à la serveuse ce soir, ça compensera.

*****

C’est moi qui ai lancé les applaudissements, c’est moi qui ai lancé les applaudissmeents !!!

*****

Rêve de cette nuit : J’ai rêvé de mon ex… Parce qu’avant la pièce, je suis allé voir « Chambre 212 » de Christophe Honoré, tout seul. Et que le précédent film du réalisateur, je l’ai vu avec mon ex. Mais elle n’était pas mon ex à ce moment-là. C’était l’année dernière. Mais cette année, c’est mon ex. J’ai failli lui écrire pour lui dire où j’étais. Parce qu’il y a des artistes, des endroits, comme ça, qui te font repenser immanquablement à une personne. Mais je me suis retenu. Mon pouce droit a bien tenté de composer des mots sur mon téléphone, mais ma main gauche s’est saisi de l’appareil électronique et l’a jeté contre le mur. Ma main gauche est comme ça. Qu’est-ce que je ferais sans elle ? Du coup, j’ai rêvé d’elle cette nuit. Et ça m’énerve.

 

Vu le samedi 12 octobre 2019 à 17h aux Plateaux Sauvages (Paris)

Prix de ma place : 10€

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Stallone (Emmanuelle Bernheim / Fabien Gorgeart / CentQuatre / Festival d’Automne)

(de quoi ça parle en vrai)

« Lise, 25 ans, est une secrétaire médicale à l’existence paisible. Tout bascule après une séance de cinéma : le film Rocky 3 lui fait l’effet d’une véritable épiphanie. Suivant l’exemple de l’ancien champion de boxe qui rempile pour un dernier tour de ring, Lise se lance à corps perdu dans la reprise de ses études de médecine. » (source : ici)

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Crédit photo : Huma Rosentalski

(ceci n’est pas une critique, mais…)

A l’origine, un roman court d’Emmanuelle Bernheim, aujourd’hui disparue. Un titre : Stallone. Un acteur mythique aux films inoubliables : Rocky 1, Rocky 2, Rocky 3, Rocky 4, Rocky 5, Rocky Balboa, Rambo 1, Rambo 2, Rambo 3, John Rambo, Rambo (tellement tu écris ce nom, il ne veut plus rien dire)

Alors oui, le seul reproche que l’on pourrait faire sans avoir vu le spectacle serait le suivant : encore ce dispositif archi-rabattu : une comédienne au micro + un musicien (ici au clavier) + une adaptation d’une oeuvre littéraire. Et pourtant…

Pourtant l’histoire de Lise, racontée à la troisième personne par Clotilde Hesme, fonctionne à merveille, car ce récit d’une jeune femme qui prend sa vie en mains après avoir pris un uppercut en voyant Rocky 3 est tour à tour émouvant, dynamique, drôle, inspirant, émouvant (oui, je l’ai déjà dit). La mise en scène sobre de Fabien Gorgeart met en avant la simplicité des mots d’Emmanuelle Bernheim.

Scène d’introduction : Nous entendons la scène du combat ultime entre Rocky Balboa et Clubber Lang (joué par Mr T.). Clotilde Hesme et Pascal Sangla (qui l’accompagne sur scène musicalement et théâtralement) entrent sur scène et sont captivés par ce qu’ils « voient » (le film n’est pas projeté). La comédienne est au bord des larmes.

Cependant elle ne nous émouvra pas immédiatement. Elle parait même en dedans, presque grise. Dans le jeu et physiquement. Sans un seul effet spécial ni raccord, Clotilde Hesme, au fil de la pièce, va gagner en assurance, comme son personnage, se colorer. C’est bête à dire, mais il faut le voir pour le croire.

Il fallait un Pascal Sangla (déjà vu chez les Chiens de Navarre) malicieux et juste, quel que soient les personnages qu’il interprète (tous les autres personnages du roman en somme) pour lui tenir la dragée haute, ce qu’il réussit haut la main. De multiples variations du thème « Eye of the Tiger » du groupe Survivor retentissent tout au long du spectacle, tout va vite, on passe du rire aux larmes en un clin d’oeil. On s’étonne à vouloir rattraper « Daylight » après le résumé hilarant qu’en fait Lise, on aimerait que l’histoire se poursuive…

En résumé, un grand coup de coeur pour cette histoire et ces deux grands artistes !

 

STALLONE

conception : Fabien Gorgeart et Clotilde Hesme
mise en scène : Fabien Gorgeart
d’après Stallone d’Emmanuèle Bernheim (Gallimard)
avec : Clotilde Hesme et Pascal Sangla

création sonore et musique live : Pascal Sangla – lumières : Thomas Veyssière – assistanat à la mise en scène : Aurélie Barrin – collaboration artistique : Cyril Gomez-Mathieu

Jusqu’au 26 octobre 2019 au CentQuatre (Paris) dans le cadre du Festival d’Automne à Paris puis en tournée à Rennes, Tulle, Toulon.

 

(d’autres histoires)

Dans l’histoire, dans la pièce, Lise se passe en boucle la chanson du film : « Eye of the Tiger » du groupe Survivor. Le mois dernier, après l’achat panurgique d’une platine disque vinyle, j’ai récupéré d’anciens vinyles à moi, chez mes parents. J’ai évidemment laissé derrière moi ma pléthorique collection de disques à la gloire de Chantal Goya et Dorothée (je ne pensais pas en avoir autant) pour conserver la substantifique moelle de mon passé vinylistique. S’en vient le moment de faire quelques confidences concernant ces fameuses chansons des années quatre-vingts :

  • Thriller de Michael Jackson m’a seulement effrayé à la toute fin de son clip, quand le King of Pop se retourne dévoilant le rire sardonique de Vincent Price.
  • You can call me Al de Paul Simon : J’ai toujours été persuadé que Chevy Chase était Paul Simon.
  • Pile ou face de Corynne Charby : Je me souviens être allé chez le coiffeur, tout le monde pensait que je lisais un Astérix mais j’avais caché un Lui avec Corynne Charby toute nue…
  • Nuit de folie de Début de soirée : Je connais toujours les paroles par coeur. Oui, je sais…
  • J’ai deux 45t de David Hallyday… et « Hélène » aussi de Roch Voisine.
  • Je pense vraiment utiliser le 45t de Michel Leeb La Ponctuation pour agrémenter mes cours de grammaire… (j’attends que Laurent Lafitte le réactualise au Français)
  • A mon retour de classe verte, mes parents m’avaient offert le 45t de Samantha Fox « Touch me » mais je n’ai pas pensé à appeler la DDASS. (et on ne faisait pas encore d’anglais en école élémentaire)

 

Vu le mercredi 9 octobre 2019 au CentQuatre (Paris)

Prix de ma place : 14€ (abonnement Festival d’Automne)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito