LA CERISAIE (Anton Tchekhov / Tiago Rodrigues / Cour d’Honneur du Palais des Papes / Festival d’Avignon

(de quoi ça parle en vrai)

« Exilée à Paris depuis de nombreuses années, Lioubov, créature insaisissable et lunaire, revient dans son domaine qui doit être vendu pour dette. Pivot tragique de cette pièce qui oscille entre drame et comédie, cette figure maternelle, cette mater dolorosa, interprétée par Isabelle Huppert, retrouve les siens perturbés par l’avenir de la propriété et, plus largement, du monde qu’elle a laissé derrière elle. La société moderne et ses mutations sociales arrive à grands pas. À grand bruit. » (source : ici)

© Christophe Raynaud de Lage

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Tiago Rodrigues… J’ai vérifié, la première chronique écrite sur ce blog n’était pas à propos d’une de ses pièces, mais seulement la deuxième (Antoine et Cléopâtre). J’ai déja moins apprécié une de ses productions (Please Please Please), donc je sais être déçu. J’ai assisté à la dernière de « La Cerisaie » dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes. C’était un peu cette pièce qui avait façonné mon séjour à Avignon cette année, au niveau calendaire. J’ai malheureusement lu ou entendu tout ce qu’on a pu dire ou écrire sur cette pièce. Et ce qui est bien, c’est que je n’aurai pas à aller dans les détails, puisque tout ou presque a déjà été dit (ou la combine du blogueur flemmard).

Tiago Rodrigues était attendu au tournant, à cause de la pièce elle-même, du lieu, de l’annonce faite en début de festival de sa nomination à la tête du Festival d’Avignon dès 2023, ainsi que de la présence d’une certaine vedette française qui lui aurait fait les yeux doux et que je préfère définitivement au cinéma plutôt qu’au théâtre.

Pour une fois, (malheureusement) l’artiste lisboète n’a pas réécrit à sa sauce le texte du bien aimé Tchekhov (et donc cela n’a pas été joliment traduit par Thomas Resendes). J’aurais aimé avoir été une petite souris et assister aux lectures et aux répétitions. Je pense tout haut : « Mais comment peut-on répéter une pièce aussi importante la journée et jouer le soir même du Tennessee Williams ? »

Pour la deuxième fois, Tiago Rodrigues réunit une distribution francophone (hors spectacle conçu pour une école d’art dramatique). Force est de constater que la cohésion me paraissait plus forte pour « Bovary » que pour « La Cerisaie ». Pour « Bovary », le casting était « Bastille-compatible », ici c’est plus « Odéon-compatible » – nombre de comédiens et comédiennes ont joué dans des productions Braunschweig (que je n’aime toujours pas). Donc hormis la joie de retrouver les fidèles David Geselson et Grégoire Monsaingeon, chers à mon coeur, j’eus tout de même la joie de découvrir l’impeccable Océane Cairaty et surtout l’impressionnant Adama Diop qui bouffe tout le reste de la distribution (et sa vedette), de par sa présence et sa voix.

Un de mes moments les plus marquants, quand il crie : « La cerisaie est maintenant à moi ! À moi ! » Adama Diop s’impose, c’est lui la vedette ! A moins que ça soit Tiago Rodrigues qui crie que la Cour d’Honneur est maintenant à lui. Comme si tout était écrit. Que des suppositions, je le concède.

Il était également réjouissant de voir l’émotion de Suzanne Aubert lors des saluts, de la voir embrasser une dernière fois les murs de la Cour d’Honneur quand les trompettes de Maurice Jarre ont retenti. Je fus également amusé par l’apparente décontraction de Tom Adjibi…

Je vois les défauts de la pièce, ses longueurs, sa distribution trop hétéroclite (dans le jeu – Alex Descas et Isabelle Huppert sont ceux qui s’en sortent le moins bien, à mon avis), un manque d’émotion, même quand le vent fort s’invite dans la partie : Lors de la représentation de Sopro au Cloître des Carmes, les larmes m’avaient envahi en voyant les rideaux s’envoler, en écoutant « Wild is the Wind » de Nina Simone. Ici les comédiens font voler pendant un très long moment des mouchoirs (à la Raimund Hogue), des voiles. C’est languissant et vain.

Je vois ces défauts, disais-je, je m’étais tellement préparé à ne pas aimer… et pourtant je ne parviens pas à ne pas aimer ce spectacle. Comme le disent nos amis suisses, je suis déçu en bien. La pièce sera sûrement resserrée pour sa reprise en décembre à Lisbonne, les comédiennes et comédiens auront eu plus l’habitude de jouer ensemble.

(les scènes nationales étant tout de même moins larges que celle de la Cour d’Honneur, les comédien.ne.s auront moins de distance à parcourir… Au contraire de moi, quand je suis passé d’un studio de 16m2 à un deux pièces de 31m2 : le matin, je devais me lever cinq minutes plus tôt, car aller de la salle de bains à ma chambre en passant par la cuisine et mon salon me prenait plus de temps.)

Je ne sais pas si je la reverrai, cette pièce, comme j’ai revu By Heart ou The Way she dies.

« La Cerisaie » c’est aussi un peu la fin d’une époque, le début d’une nouvelle. Quand elle a été écrite et encore aujourd’hui.

LA CERISAIE

Avec Isabelle Huppert, Isabel Abreu, Tom Adjibi, Nadim Ahmed, Suzanne Aubert, Marcel Bozonnet, Océane Cairaty, Alex Descas, Adama Diop, David Geselson, Grégoire Monsaingeon, Alison Valence
Et Manuela Azevedo, Hélder Gonçalves (musiciens)

Texte Anton Tchekhov (Traduction André Markowicz et Françoise Morvan)
Mise en scène Tiago Rodrigues


Collaboration artistique Magda Bizarro – Scénographie Fernando Ribeiro – Lumière Nuno Meira – Costumes José António Tenente – Maquillage, coiffure Sylvie Cailler, Jocelyne Milazzo – Musique Hélder Goncalves (composition), Tiago Rodrigues (paroles) – Son Pedro Costa – Assistanat à la mise en scène Ilyas Mettioui

En tournée notamment à Paris (Odéon) du 7 janvier au 20 février 2022, Clermont Ferrand (juin 2022), Villeurbanne (septembre 2022), La Rochelle (septembre 2022)…

(une autre histoire)

« Ah ! ma cerisaie, ma chère, ma belle cerisaie ! Ma vie, ma jeunesse, mon bonheur, adieu… adieu !… Un dernier regard à ces murs, à ces fenêtres ! »

Pareil.

Vu le samedi 17 juillet 2021 à la Cour d’Honneur du Palais des Papes (Avignon IN)

Prix de ma place : 32,30 €

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

Ps : Cinquantième mois d’existence du blog, quatre-centième article publié. J’aime les nombres ronds. Point final. Et j’ai même pas fait exprès.

YALLA ! (Sonia Ristic / Déborah Banoun / Espace Alya / Avignon Off)

(de quoi ça parle en vrai)

« A la frontière du Liban, face à face, un adolescent palestinien et une soldate israélienne. L’adolescent a une pierre à la main, la soldate le tient en joue. Un instant de temps suspendu, pendant lequel deux monologues intérieurs s’entrecroisent, soufflant un vibrant message d’espoir » (source : ici)

(ceci n’est pas une longue critique, mais…)

J’aime raconter les histoires dans le désordre. Voici donc l’histoire de mon premier spectacle de l’édition 2021 du Festival Off d’Avignon.

Ce n’était pas la première fois que je recevais une invitation pour assister à cette pièce. La Compagnie Jetzt est installée à Romainville, en Seine-St-Denis, pas loin de là où je travaille, et pourtant je n’y suis jamais allé, malgré la présence dans la pièce de Pauline Etienne, que j’ai (re)découverte l’an passé dans la magnifique série « 18h30 », disponible sur Arte.tv. Mais cette fois-ci, je ne me suis pas défilé.

Il s’agit en fait d’une lecture, dans le cadre des plateaux ouverts aux auteurs contemporains et aux artistes, organisés par l’Espace Alya, un lieu que je n’ai pas l’habitude de fréquenter, mais pourquoi pas ? Comme j’arrive un peu en avance pour retrouver un ami, je ne vois pas l’attachée de presse. Je me rends donc à l’accueil pour la presse, qui me renvoie directement à la billetterie. Je me présente, je mentionne « Yalla ! » mais personne ne semble savoir ce que c’est. Je précise qu’il s’agit d’une lecture exceptionnelle. On me donne finalement un billet qui ne s’avèrera pas être le bon (« De toute façon, c’est gratuit ! », c’est ce qu’on me répond). Je discute avec l’ami en question – à Avignon, je mange, bois des coups et discute avec des gens que je pourrais voir à Paris, allez comprendre – et découvre que l’espace de jeu est en extérieur, en plein cagnard, juste à côté de l’entrée qui donne sur la rue très passante Guillaume Puy, pour celles et ceux qui connaissent.

On nous invite à nous installer autour de la longue table (voir affiche). Pauline Etienne et Bachir Tlili sont déjà en place, de part et d’autre de la table, leur cahier en main – c’est une lecture, je le rappelle.

Nous sommes à peine une petite dizaine de spectateurs et je crois que je suis le plus jeune. J’ai mes lunettes de soleil toutes neuves, mais j’ai oublié de mettre de la crème solaire sur mon front qui se dégarnit. Non, évidemment, c’est mon implantation des cheveux, rien à voir. Et nous gardons le masque sur le nez (alors que dans la rue à côté, personne ne se le met, soit dit en passant).

Je ne sais plus qui a commencé à parler. Elle ou lui. Deux monologues, donc. Deux personnes qui se font face. En temps réel, tout se passerait extrêmement vite, mais là nous profitons du détail de leurs pensées, de ce jeune Palestinien et de cette soldate israélienne. Le propos est on ne peut plus d’actualité, comme l’impression que la même pièce aurait pu être écrite, il y a dix, vingt… ans.

Le soleil, dans les yeux, tape fort. Malgré la force du texte, on est quelque peu perturbé par les éléments et les bruits parasites (une parade par ici, des spectateurs par là). Ce n’est décidément pas rendre service aux auteurs contemporains d’organiser cela comme cela. Un coup de vent fait voler les gravillons au sol et la metteuse en scène dit STOP.

Ceci ne fait pas partie du spectacle. C’est abrupt, violent, pour le spectateur, pour les acteurs, mais la metteuse en scène dit STOP. Elle s’excuse, parce que le soleil, parce que le vent, parce que le bruit, parce que la lutte. Elle propose de nous installer ailleurs, un peu plus à l’ombre, de nous servir à boire (ce qui devait être fait un peu plus tard dans la pièce – nous en profitons pour enlever notre masque, sages comme nous étions) et de discuter de ce que nous avions entendu, des avancées des répétitions, de la prochaine création. Pauline Etienne propose de lire la suite, plus calmement. C’est décidé. Bachir Tlili s’allume une cigarette (grâce au briquet de l’ami parisien) et c’est reparti.

C’est bête, mais oui, l’écoute était belle. Il y avait peut-être moins de jeu mais plus d’intensité, cette manière de nous regarder, nous, moi. Le texte fort, mieux entendu. Je ne sais pas si c’est le texte ou les regards de Pauline Etienne et de Bachir Tlili qui m’ont le plus ému. Je ne sais pas si c’est parce que je sais inconsciemment que c’est mon dernier festival en tant que blogueur, qu’il n’y a même pas une semaine, je marchais sur un des chemins de Compostelle et que je me sens encore vidé physiquement et l’impression de ne plus être à ma place, que dedans ma tête, je pense à autre chose ou à quelqu’un d’autre. Parce qu’aussi et surtout cette histoire peut basculer à tout moment, parce que l’issue peut être fatale. J’aime bien l’idée du moment suspendu, parce que c’était tout à fait ça. Je ne sais pas si les comédiens l’ont bien vécu, mais de mon côté, j’ai eu l’impression de vivre un moment rare, impromptu, profond, qui m’a donné envie de voir la création cet automne, pas loin de là où je travaille.

YALLA !

Texte de Sonia Ristic (publié aux éditions Lansman)

Mise en scène de Déborah Banoun

Avec Pauline Etienne, Bachir Tlili

Lumières et régie générale : Pierre Peyronnet – Scénographie : Gala Ognibene, Guillemine Burin Des Roziers

Le 27 novembre 2021 au Pavillon (Romainville) et du 27 au 29 janvier 2022 au Théâtre de l’Opprimé (Paris)

Vu le vendredi 16 juillet 2021 à l’Espace Alya (Avignon) – Festival Off

Prix de ma place : gratuit

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

LES FEMMES DE BARBE BLEUE (Lisa Guez / Théâtre des Carmes / Avignon Off)

(de quoi ça parle en vrai)

« Sur scène, pleines de désir et de vie, les fantômes des femmes de Barbe Bleue nous racontent comment elles ont été séduites, comment elles ont été piégées, comment elles n’ont pas pu s’enfuir… » (source : ici)

© Simon Gosselin (photos 2020 avec la distribution originale)

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Le genre de pièce qui n’a pas eu l’exposition qu’elle méritait à cause de la pandémie. Alors même que ça commençait un peu comme un conte de fées. « Les Femmes de Barbe Bleue » a commencé par se faire connaître dans une petite mais passionnante salle du XVIIIe arrondissement de Paris, le Lavoir Moderne Parisien puis a obtenu les Prix du Jury et des Lycéens du festival Impatience fin 2019, qui devaient lui donner droit à être joué au Festival d’Avignon en 2020. Annulé. Les représentations publiques en Centquatre à Paris, annulées. Heureusement, la pièce est reprise cet été pour quatre représentations dans le Off au Théâtre des Carmes.

Long préambule pour une pièce qui est assurément une belle réussite, notamment grâce à la simplicité de la mise en scène (des chaises sur scène, c’est tout et c’est amplement suffisant, tellement le jeu des comédiennes est remarquable), à une écriture de plateau intelligente, à un propos qui se démarque par sa complexité (ce n’est pas aussi simple de dire non à Barbe Bleue), par la lisibilité du sous-texte (non, ce n’est pas seulement une relecture du conte, mais également une réflexion sur les violences faites aux femmes – même moi, j’ai fait le parallèle, sans même avoir eu besoin de lire la note d’intention), à l’engagement des comédiennes, notamment Ninon Perez qui a repris un des rôles et vole la vedette par son naturel et son humour.

Bref, il ne s’agit pas d’une découverte, puisque j’arrive après la bataille, mais Lisa Guez et ses comédiennes Valentine Bellone, Anne Knosp, Valentine Krasnochok, Ninon Perez, Jordane Soudre sont toutes à suivre. D’ailleurs la Comédie Française a déjà mis le grappin sur Lisa Guez puisque cette dernière y présentera les Leçons de Louis Jouvet en 2022…

LES FEMMES DE BARBE BLEUE

par la compagnie Juste avant la Cie

Mise en scène : Lisa Guez

Interprètes : Valentine Bellone, Anne Knosp, Valentine Krasnochok, Ninon Perez, Jordane Soudre

Dramaturgie : V. Krasnochok

Création lumière : Lila Meynard et Sarah Doukhan – Création musicale : Louis-Marie Hippolyte et Antoine Wilson

En tournée à Lyon du 30/11 au 04/12/21, à Lille du 18 au 22/01/22…

(une autre histoire)

Elle est au premier rang. Je ne vois que son dos, que son crâne, ses cheveux courts. C’est elle ou c’est pas elle ? Elle ne voudrait pas se retourner que je sois sûr et certain ? Non pas que cela ait une importance majeure – pour une fois, je ne parle pas d’une femme que je convoitais ou que je convoite, mais seulement d’une personne avec qui j’ai fait du théâtre, l’année où la pandémie a démarré.

Je ne l’aimais pas. C’est dit, c’est dit. Y a des gens comme ça, rien ne vaut la première impression. Le genre de personnes qui s’impose, qui en fait des caisses, qui prend trop de place. Je le jure, j’ai prié pour ne pas avoir de scène avec elle. Elle a beaucoup écrit cette année-là, comme moi, pour l’atelier et aucun de ses textes n’avait été sélectionné, contrairement à moi (je prends ma pomme et la frotte sur ma poitrine, oui, je me la pète). Elle l’a très mal pris. D’ailleurs, n’avait-elle pas dit qu’elle ne voulait pas dire un texte qu’elle n’aurait pas écrit ? En entendant par là, que le dit texte ne serait pas à sa hauteur. Non, je n’ai pas mal compris.

Je la salue, d’ailleurs, si elle lit ces lignes…

Bref, à la fin du spectacle, elle n’applaudit pas. Oui, c’est elle, la fameuse, pas de doute. J’aurais bien aimé savoir ce qui lui a déplu. Elle n’applaudit pas ce magnifique spectacle. Son non-applaudissement me fait l’effet d’un snobisme, d’une prétention. Les gens ne changent pas. Mais peut-être lui fais-je un procès d’intention ? C’est comme ça qu’on dit ? J’ai découvert récemment qu’il m’arrivait d’employer des mots ou des expressions à mauvais escient.

A la sortie, je rejoins un ami et je la vois. Je vois qu’elle me voit, elle se dirige vers moi et… oh purée, elle me snobe ! Elle tourne ostensiblement la tête de l’autre côté pour ne pas croiser à nouveau mon regard et… Oh purée de patates douces, elle fait comme si je n’existais pas ! J’y crois pas, une personne qui m’insupporte, et humainement et théâtralement, et elle ne me dit pas bonjour ? Je suis choqué !

Je crois que je m’en remettrai.

Vu le samedi 17 juillet 2021 au Théâtre des Carmes (Avignon OFF)

Prix de ma place : 14,50€ (Carte Off)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

INCANDESCENCES (Ahmed Madani / Théâtre des Halles / Avignon Off)

(de quoi ça parle en vrai)

« Une centaine de filles et de garçons ont accepté de rencontrer Ahmed Madani et de lui ouvrir leur cœur. Neuf d’entre eux portent sur la scène les récits trop souvent passés sous silence de vies ordinaires au caractère extraordinaire. Ils n’ont pas froid aux yeux, s’emparent du plateau pour dire ce qui les unit, les sépare, les fragilise, leur donne la force de se tenir debout et d’avancer. Ils s’adressent à nous avec éloquence, fierté, drôlerie, élégance. Un récit universel, joué, dansé, chanté, expression de l’immense joie d’amour qui a engendré notre humanité. » (source : ici)

Photo de couverture © Nicolas Clauss / Photo ci-dessus : © François Louis Ahténas

(ceci n’est pas une critique, mais…)

En fait, je me rends compte que je pourrais seulement copier coller la description de la partie « de quoi ça parle en vrai ». Y a un peu de ça. Une de mes connaissances a participé à un des ateliers organisé par Ahmed Madani mais n’a malheureusement pas été retenue dans la distribution finale. Je ne la connais pas suffisamment pour savoir ce qui est d’elle dans le spectacle. D’ailleurs, on s’en fiche un peu, de savoir si ce que disent ces jeunes est vrai ou pas, si ça leur appartient ou pas. D’ailleurs, question, assument-ils tout ce qu’ils disent quand leurs parents ou leurs amis sont dans la salle ?

Cette pièce, c’est un peu la célébration de la vie. Les récits sont tour à tour touchants, drôles, enlevés, parfois graves… Ahmed Madani sait y faire pour mettre en valeur chacun de ses acteurs (seulement deux d’entre eux ont fait le Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique), retranscrire « la parole du jeune » : famille, amour, sexualité, religion, tout y passe et rien n’est gênant (sauf quand l’une des comédiennes demande au public quand il a perdu sa virginité… ça me fait penser à quelqu’un qui a raconté la sienne dans un podcast, mais c’est une autre histoire…)

Il fait toujours du bien de voir sur un plateau une certaine diversité sociale et physique. J’en parlerai (peut-être) lors de ma chronique à propos de la Cerisaie version Tiago Rodrigues, il est encore mieux de la voir sans que cela soit le sujet. Et ça me gêne toujours un petit peu de voir sur scène toutes les couleurs de peaux représentées, dans une salle remplie de (plus ou moins) vieux bourgeois blancs en bermudas et sandales, mais c’est un autre débat.

Ce fut mon dernier spectacle dans le Off d’Avignon et ça m’a fait du bien. Et même s’il s’agit d’une de ces pièces qui a déjà une tournée longue comme le bras pour la saison 21/22, on a envie de le défendre et d’inciter les gens à se déplacer pour le voir.

INCANDESCENCES

Texte et mise en scène Ahmed Madani

Avec Aboubacar Camara, Ibrahima Diop, Virgil Leclaire, Marie Ntotcho, Julie Plaisir, Philippe Quy, Merbouha Rahmani, Jordan Rezgui, Izabela Zak

Assistanat à la mise en scène Issam Rachyq-Ahrad, création lumière et régie générale Damien Klein, création son Christophe Séchet, création vidéo Nicolas Clauss, regard extérieur chorégraphique Salia Sanou assisté de Jérôme Kaboré, costumes Ahmed Madani et Pascale Barré, coach chant Dominique Magloire

Jusqu’au 30 juillet 2021 au Théâtre des Halles (Avignon Off) puis, notamment, à Bruxelles (du 9 au 27 novembre 2021), Sevran (10/12/21), Bobigny (du 26 au 30 janvier 2022), Libourne, Nîmes, Privas, Poitiers, Mantes la Jolie…

(une autre histoire)

J’aurais dit quoi si la comédienne m’avait demandé à quel âge j’avais perdu ma virginité ? La vérité ? Un mensonge ? Une pirouette ?J’ai perdu ma virginité hier.

– Hier ? Waouh ! Vraiment ?

– Oui, hier, parce que c’est comme si c’était hier, je veux dire, je m’en souviens comme si c’était hier. Mais ce n’était pas hier, hein, que ça soit bien clair !

– On vous croit, on vous croit, quoique, cela aurait été bien original… Et je ne vais pas vous demander comment ça s’est passé, rassurez-vous.

– Mais si, je veux le raconter, j’ai le droit, non ? Tout le monde veut savoir, j’en suis certain ! Ça s’est passé un 20 septembre, elle s’appelait Julia, mais je l’appelais Mademoiselle Julie.

– On va s’arrêter là…

– Et moi, elle m’appelait Alex. Je n’ai jamais osé la contredire, de peur qu’elle s’en aille. Parce que je ne m’appelle pas Alex ni Alexandre…

– Le spectacle doit poursuivre…

– Il faisait nuit et ça s’est passé dans un lit…

– Au secours !

– J’avais mis mon caleçon fétiche…

– Ça va trop loin, j’ai honte…

– Me voilà mélancolique… c’est de votre faute, je vous déteste ! Vite un remède, je n’en puis plus ! Oui, je change d’humeur assez rapidement. Il faut que je consulte, on me le dit souvent. En plus France Inter a arrêté l’émission « Remède à la mélancolie » d’Eva Bester, je ne sais pas comment je vais faire. J’ai envie de chanter.

– Ça ne fait pas partie du spectacle, je précise.

– « J’ai encore rêvé d’elle… »

Vu le lundi 19 juillet 2021 au Théâtre des Halles (Avignon Off)

Prix de ma place : 15,60€ (carte Off)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

UNE FEMME EN PIÈCES – Cząstki kobiety (Kata Weber / Kornél Mundruczó / Gymnase du Lycée Aubanel / Festival d’Avignon)

(de quoi ça parle en vrai)

« Quand la jeune Maja décide d’aller à l’encontre des conventions familiales pour affronter le deuil de son enfant, elle devient une véritable héroïne contemporaine. » (source : ici)

© Christophe Raynaud de Lage

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Pour celles et ceux qui ne le sauraient pas, « Pieces of woman » est également un film en anglais par les mêmes auteurices (Kata Wéber et Kornél Mundruczó), visible sur Netflix. Je l’ai vu, surtout parce que j’avais apprécié les deux films précédents de Mundruczó, même si on y percevait une certaine prétention dans les cadrages et autres plans séquences.

On va dire que la pièce est l’assemblage de deux plans séquences. Mon premier est un accouchement qui tourne mal et mon deuxième une réunion de famille. Mon premier est filmé en direct et projeté sur le mur d’une maison (qui ressemble plus à un mobile home) et mon deuxième, du théâtre bien classique, quoique ultra réaliste avec micros, canard qui cuit dans le four et douche qui fonctionne.

Comment peut-on être à la fois un réalisateur de films qui maîtrise techniquement son sujet et présenter au théâtre une première partie aussi moche au niveau de l’image (rendu médiocre, mise au point très hasardeuse), sans compter les sur-titres qui ne suivaient pas – oui, parce que c’était en polonais – ? Sans parler du temps interminable pour les régisseurs d’enlever les cloisons et transformer le plateau en vrai scène de théâtre. Autant revoir la première partie du film avec Vanessa Kirby et Shia LaBeouf.

Dans la deuxième partie, le temps s’étire, ça se chamaille, la mère est malade, les personnages se mettent à la place de la jeune mère en deuil mais ne la comprennent pas, les personnages masculins sont inexistants (ce qui n’est pas forcément un défaut), les deux soeurs se souviennent de leurs jeunes années en faisant tournoyer un ruban de gymnastique et en écoutant « Felicita », la chanson d’Al Bano et Romina Power (j’ai le 45t), on baille, on apprécie tout de même le jeu nuancé de Justyna Wasilewska alias la jeune Maja, mais ça me passe au-dessus. Je suis un sans-coeur qui ne comprend rien à rien, qui aimerait applaudir et me lever comme c’est un peu la mode cette année, mais non. En matière de repas de famille, on préfère Festen, un autre film adapté en pièce…

UNE FEMME EN PIÈCES – Cząstki kobiety

Avec Dobromir Dymecki, Monika Frajczyk, Magdalena Kuta, Sebastian Pawlak, Marta Scislowicz, Justyna Wasilewska, Agnieszka Zulewska et Łukasz Jara, Łukasz Winkowski (camera and sound on stage)

Texte et adaptation Kata Wéber (Traduction du hongrois Jolanta Jarmolowicz)
Mise en scène Kornél Mundruczó


Dramaturgie Soma Boronkay
Musique Asher Goldschmidt – Scénographie, costumes Monika Pormale – Lumière Paulina Góral – Assistanat à la mise en scène Karolina Gebska…

Jusqu’au 25 juillet 2021 au Festival d’Avignon puis en tournée à Athènes, Rome, Vilnius, Hambourg…

(une autre histoire)

Le ruban de gymnastique… Jamais essayé. C’était pas trop mon fort, la gymnastique. Peur de prendre mon élan, passer par-dessus le cheval d’arçon. Je savais faire la chandelle et la roulade avant, quant au reste… Je ne suis pas très souple. Je me souviens avoir feint la foulure du poignet pour ne pas passer une évaluation au collège avec Monsieur Blanchard. Il fallait concevoir un programme avec des enchaînements imposés… La planche… trois pas… roulade avant… pieds joints… évidemment je n’arrive pas à me remettre debout tout seul… trois pas… un saut de biche… trois pas… je ne sais plus ce que je dois faire… trois pas… Une fois, j’ai fait l’arbre droit, j’étais tout content d’être arrivé à le faire, mais je ne suis pas parvenu à redescendre en roulade avant et plaf le plat sur le dos, le souffle coupé et je suis mort.

Vu le dimanche 18 juillet 2021 au Gymnase du Lycée Aubanel (Avignon IN)

Prix de ma place : 27,97€

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

LA TRILOGIE DES CONTES IMMORAUX (POUR EUROPE) (Phia Ménard / Opéra Confluence / Festival d’Avignon)

(de quoi ça parle en vrai)

« Une performance-conte en tension qui interroge l’identité, le corps et la matière d’une Europe chaotique à l’équilibre fragile. » (source : ici)

© Christophe Raynaud de Lage

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Ne pas relire ce que j’ai écrit à propos de la première partie… Oublier et revoir.

Dans la première partie – Maison Mère, donc, Phia Ménard tente de construire une maison en carton. Ça découpe, ça plie, ça scotche, elle est toute seule pour faire ça, le scotch se décolle, les piquets bougent et tombent, ça me parait plus rapide qu’il y a un an et demi et tout aussi long. Ce qui m’étonne, ce sont les rires que ça engendre. Le rire du désespoir quand rien ne va, quand on se demande quand on va sortir de cette galère. Le personnage toujours aussi punk de Phia Ménard semble en jouer. Une fois debout, cette maison-parthénon s’écroule, toujours aussi rapidement, sous une pluie diluvienne, sous le regard impuissant de Phia Ménard.

Puis, dans la deuxième partie – Temple Père, inédite pour moi, une nouvelle construction, plus élaborée. Cela prend encore une fois un certain temps avant de voir s’ériger ce temple, cette tour. Les quatre personnes en charge répondent aux ordres d’une dame un peu SM sur les bords… La construction est un peu plus carrée, peut-être plus risquée d’un point de vue physique : les cloisons sont parfois instables, les « esclaves » sont à une hauteur non négligeable et ce, sans protection. Phia Ménard joue un peu avec nos nerfs. C’est que la belle image à la fin, ça doit se mériter. Comme je n’ai pas lu la plaquette de présentation, je sais encore moins pourquoi ni comment – rien ne change chez moi de ce côté-là. Ici pas de destruction mais une image stroboscopique tournoyante qui est tout simplement sublime (mais faut attendre plus d’une heure et quart pour la voir)

Dernière partie, beaucoup plus courte, que je ne révèlerai pas, mais Phia Ménard revient, tout en haut de cette tour, descend sans la détruire mais… ALERTE DIVULGÂCHAGE… l’efface.

Ça veut dire quoi, tout ça. Que c’est un éternel recommencement ? Que l’Europe, pour ne pas la citer, n’arrêtera jamais d’être construite puis détruite, puis remontée, etc. Qu’on n’arrivera jamais à trouver une certaine sérénité, pour quelque raison que ce soit ? J’aime bien ne pas avoir de réponses, parfois, surtout quand c’est aussi beau et qu’on sent que ce n’est pas vide et qu’il nous reste un espace à nous, pour nous faire notre petite histoire.

LA TRILOGIE DES CONTES IMMORAUX (POUR EUROPE)

Avec Fanny Alvarez, Rémy Balagué, Inga Huld Hákonardóttir, Erwan Ha Kyoon Larcher, Élise Legros, Phia Ménard

Texte, scénographie, mise en scène Phia Ménard

Dramaturgie Jonathan Drillet

Lumière Éric Soyer, Gwendal Malard – Son Ivan Roussel, Mateo Provost – Costumes Fabrice Ilia Leroy, Yolène Guais – Matières Pierre Blanchet, Rodolphe Thibaud – Construction, accessoires Philippe Ragot – Assistanat à la mise en scène Clarisse Delile

Jusqu’au 25 juillet 2021 au Festival d’Avignon puis en tournée à la MC93 Bobigny du 6 au 12 janvier 2022, à Bayonne du 4 au 5 mars 2022, à Rennes du 28 avril au 5 mai

(une autre histoire)

Un couple, la trentaine bien tassée, arrive avec l’enfant sur les épaules. L’enfant n’a pas plus de trois ans. Pour voir trois heures d’un spectacle de Phia Ménard. A la fin, la mère prend en photo l’enfant en train d’applaudir. Non non non, ne jugeons pas, ne jugeons pas… Il est certain que la place de théâtre a certainement coûté moins cher qu’une gardienne d’enfants et… Je me tais. Je ne veux pas juger. Chacun fait fait fait ce qu’il lui plaît plaît plaît.

Mais même, sans parler de ce que peut ressentir un enfant de cet âge devant un tel spectacle. C’est quoi ton projet quand tu fais ça ? Passer ton temps, toutes les cinq minutes, à observer ta gamine, voir si elle dort, si elle n’a pas besoin de boire, si elle est bien assise, si elle préfère être avec Papa ou Maman, et une gamine, à cet âge-là, ça ne peut pas attendre trois heures sans aller aux toilettes, donc le ou la parent est obligé.e de sortir, de rater l’inratable. Mais pourquoi tu viens en fait ? Autant voir La Cerisaie sur internet, au moins, tu peux arrêter quand tu veux. Tu mets le son à fond, tu mets les ventilos force 10 pour le vent…

Ou alors ils veulent que leur enfant devienne architecte. C’est pour ça qu’ils lui montrent le spectacle de Phia Ménard. Architecte… J’en aurais à dire sur les architectes. Sur une architecte. Le spectacle dure 3 heures. La gamine a à peu près 3 ans et ça fait 3 ans que… Ça va trop loin, il faut que j’arrête ! C’est de leur faute aussi et l’autre là, avec son chapeau de paille pour cacher sa calvitie, mais tu es ridicule ! VADE RETRO MELANCHOLIA !

Vu le lundi 19 juillet 2021 à l’Opéra Confluences (Avignon IN)

Prix de ma place : 27,98€

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

LA RONDE (Arthur Schnitzler / Natascha Rudolf / Présence Pasteur / Avignon Off)

(de quoi ça parle en vrai)

« 10 rencontres amoureuses, 5 femmes et 5 hommes passant de bras en bras, dans un jeu de pouvoir et de séduction virevoltant, cruel et drôle : La Ronde de Schnitzler, écrite en 1897, déclencha le plus long scandale de la littérature allemande et fut interdite de représentation durant deux décennies ! » (source : ici)

© Laurent Cibien

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Une petite précision pour les personnes qui ne seraient pas des habituées du Festival Off d’Avignon : le Off, c’est aussi des spectacles qui se jouent dans des salles de classe avec 16 spectateurs, l’appareil de climatisation en guest star et le tableau vert à craie en fond de scène… Comment un « théâtre » peut-il oser proposer de jouer dans ces conditions ? C’est un autre débat.

Le dispositif est trifrontal (des chaises sont installées devant, à gauche et à droite de l’espace de jeu). La pièce se joue en mode dit nomade (un seul praticable de jeu au centre, quelques chaises et accessoires, zéro lumière). Je ne suis ni metteur en scène ni scénographe, mais ça me gêne toujours de voir des spectacles dans d’autres lieux que des théâtres, dans lesquels on n’intègre pas le lieu où on joue. Exemple extrême, le Théâtre du Peuple (à Bussang) où le cahier des charges exige des metteurs en scène d’inclure dans leur mise en scène la fameuse ouverture en fond de scène sur la forêt. Je dis ça et ça me choque tout autant quand les metteurs en scène n’utilisent pas les murs rouges, empreints d’histoire des Bouffes du Nord.

La pièce commence et je me dis « aïe ». Non pas qu’Arnaud Chéron – qui prend la parole en premier – joue mal, mais je ne suis plus habitué à cette façon de jouer. Je crois que j’ai pris des mauvaises habitudes, de voir des pièces ultra-réalistes ou avec une scénographie de dingue. Et là, je suis dans une salle de classe avec deux acteurs qui ne déméritent pas, j’y reviendrai, mais dont le jeu est légèrement excessif (pour moi) et qui n’arrêtent pas de se déshabiller et de se rhabiller, selon les besoins de la pièce. Et je pense, sincèrement, que si je l’avais vu dans d’autres conditions, j’aurais mieux accueilli ce spectacle.

Cela étant dit… Les comédiens jouent les différents personnages, sans toutefois chercher à tout prix à les différencier les uns des autres, ce qui n’entame en rien la compréhension de la pièce – la règle du « on voit A et B dans la scène 1, puis B et C dans la scène 2, puis C et D dans la scène 3, etc » est à mon sens comprise par le spectateur. Et c’est tant mieux ainsi, ce côté sobre me plaît et cela met en avant l’idée qu’en termes de séduction et de pouvoir, on est un peu tous pareil. Quand on est dans l’intime, quand la voix se fait plus bas, c’est tout de suite plus captivant. Et Fanny Touron et son comparse traduisent bien cette impression de ne jamais en finir, comme si on était enfermé avec eux dans une même boucle temporelle (même si l’action se déroule le temps d’une nuit). L’adaptation de la pièce pour deux comédiens (là où elle en requiérait dix) est plutôt maline, sans chercher à faire trop le malin pour trouver des transitions entre les différentes scènes.

Ça commençait mal et pourtant le temps (de la pièce et pour écrire cette chronique) a agi sur moi comme un baume. Peut-être aussi parce que j’ai toujours été malade dans les manèges, en parlant de ronde, ça doit être pour ça.

LA RONDE

Auteur : Arthur Schnitzler

Metteuse en scène : Natascha Rudolf (Compagnie Ligne 9 Théâtre (L9T))

Avec Fanny Touron, Arnaud Chéron

Création lumières et Regisseur technique : Luc Jenny

Jusqu’au 27 juillet 2021 à Présence Pasteur (Avignon Off) et en tournée…

(une autre histoire)

Il y a cinq ans, j’ai passé un mois à Lisbonne, pour écrire. Rien ne sortait. Je suis alors allé à la Cinemateca Portuguesa de Lisbonne voir « La Ronde » de Max Ophuls. Tout s’est ensuite débloqué. Cette structure m’avait inspiré. Ça commençait par un acteur qui ne voulait plus monter sur scène, que dis-je, qui ne pouvait plus. Son corps allait le lâcher, c’était une question de vie ou de mort. Il est finalement monté sur scène et il en est mort. Nous le retrouvons dans la scène suivante dans son cercueil, entouré par trois personnes, un fils inconnu, un régisseur et sa partenaire de jeu. Dans la troisième scène, le fils inconnu est au téléphone avec sa mère. Dans la quatrième scène, sa mère, etc.

J’ai tout mis à la poubelle. Ce n’était pas bon, tout simplement. Mais j’étais content d’avoir écrit, juste écrire. Jamais je n’avais écrit aussi rapidement une histoire. C’était nul, mais c’était pas grave. L’écriture n’est pas une science exacte. J’étais venu à Lisbonne pour écrire et j’ai écrit.

Vu le dimanche 18 juillet 2021 à Présence Pasteur (Avignon Off)

Prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

LE CABARET DES ABSENTS (François Cervantes / le 11. Avignon / Avignon Off)

(de quoi ça parle en vrai)

« Nous connaissons tous des gens qui n’ont jamais passé la porte d’un théâtre, mais pour qui, pourtant, nous continuons à faire du théâtre. Un théâtre, sauvé de la destruction, est confié à un passionné d’art qui y invente une aventure hors du commun. A la fois maison et salle de spectacle, ce théâtre ouvert tous les jours est une sorte de cabaret où les soirées sont des mosaïques de moments inattendus, qui naviguent entre rires et émerveillement. » (source : ici)

© Christophe Raynaud de Lage

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Six comédien.ne.s sont sur scène et commencent à nous narrer l’histoire de ce théâtre un peu particulier, des personnages qui le hantent ou le fréquentent ou qui n’y sont jamais entrés. On est assez rapidement étonné par le ton des acteurices (je fais des tests au niveau de l’orthographe, oui) très neutre, voire trop neutre et très scolaire. Nous n’avons pas Philippe Caubère devant nous et comme le texte de ce conte n’est pas des plus captivants à mon goût, on a des difficultés à se raccrocher à l’histoire de Tagada un enfant abandonné et des autres personnages, malgré la simplicité et la variété des voix.

Ces histoires sont rapidement entrecoupées de numéros de cabaret, comme on en voyait « à l’époque », à la qualité malheureusement assez aléatoire, les numéros chantés étant les plus faibles. Heureusement, la grâce du danseur Sipan Mouradian, la verve d’Emmanuel Dariès (quel bonheur d’entendre cet accent, sans que cela soit un artifice) et le génie comique de Catherine Germain alias la clown Arletti réactivent notre intérêt. Ce personnage de clown est la pépite de ce spectacle – je m’en veux de ne pas l’avoir connue avant et je ne serai pas étonné si j’apprenais qu’Edith Proust et son Georges avait fait une formation auprès de Catherine Germain, tellement j’ai vu de similitudes.

Plus haut, je parlais du ton neutre des récitants, comme pour prendre par surprise le spectateur devant leur numéro, parfois extraordinaire. Il est dommage de n’avoir pas su mieux doser ces instants magiques et poétiques et écourter d’autres un peu trop longs – je suis peut-être injuste pour le coup (je m’excuse tout le temps, faut que j’arrête avec ça)

A la fin du spectacle (d’une durée de 2h quand même), on m’a demandé ce que j’en avais pensé. Je déteste ça, de dire ce que j’en pense. J’avais encore en tête cette clown si drôle, ce repas sur scène… J’aurais dû dire qu’il s’agissait d’un spectacle prometteur mais malheureusement pas à la hauteur de ses ambitions. On va dire ça comme ça.

LE CABARET DES ABSENTS

Texte et mise en scène François Cervantes

Avec Théo Chédeville, Louise Chevillotte, Emmanuel Dariès, Catherine Germain, Sipan Mouradian, Sélim Zahrani

Création son et régie générale Xavier Brousse – Création lumière Christian Pinaud – Régie lumière Bertrand Mazoyer – Création costumes, masques et perruques Virginie Breger – Construction Cyril Moulinié

Production L’entreprise – cie François Cervantes

Jusqu’au 29 juillet 2021 au 11.Avignon (Avignon Off), puis à Marseille du 23 au 30 septembre, à Montpellier les 5 et 6 octobre…

(une autre histoire)

Le théâtre dont parle François Cervantes, c’est le Théâtre du Gymnase, à Marseille. Il se trouve dans une rue perpendiculaire à la Canebière, près du lycée Thiers.

Je suis né à Marseille, j’y ai vécu les vingt-cinq premières années de ma vie puis je suis monté à la capitale, comme on dit. Aujourd’hui, mes parents n’y vivent plus, la mère de mon père est décédée et mon coiffeur est à la retraite. Plus aucune raison d’y retourner, si ce n’est de saluer certains amis, parfois. Mais je consulte toujours les programmations des théâtres marseillais, on ne sait jamais, des fois que j’aurais envie de descendre le temps d’un weekend voir un spectacle, la mer, boire un verre à la Caravelle avec vue sur la Bonne Mère ou me promener dans des quartiers que je ne reconnaîtrais plus.

Je ne sais pas si Marseille me manque. Je ne sais pas si j’aurais envie d’y revenir.

Je ne sais pas ce que je veux, c’est peut-être ça le problème. Je n’ai jamais su, en fait. Voilà le noeud.

Et le temps passe…

Vu le dimanche 18 juillet 2021 au 11. Avignon (Avignon Off)

Prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

LE BONHEUR DES UNS (Côme de Bellescize / Les Béliers / Avignon Off)

(de quoi ça parle en vrai)

« Pourquoi ce couple ne parvient-il pas à se sentir heureux ? Ils ont tout pour, mais ça ne veut pas ! En pleine tempête existentielle, ils partent en quête de ce bonheur tant convoité, et rendent visite à des voisins aussi heureux qu’énervants. La comédie légère fait alors place à une farce corrosive, où lorsque le bonheur des uns fait le malheur des autres, la relaxation, la bienveillance et la résilience ne suffisent plus à masquer les traumatismes anciens ni à dompter les monstres intérieurs…» (source : ici)

© Alain Szczuczynski

(ceci n’est pas une critique, mais…)

La pièce commence sur les chapeaux de roue, avec des gueules, celles de David Houri et Coralie Russier, le teint gris, leurs personnages ne sont pas heureux et ne comprennent pas pourquoi. Tout l’inverse de leurs voisins interprétés de manière excessive et drôle par l’incroyable Éleonore Joncquez et Vincent Joncquez, couple bobo fengshui, qui cache évidemment le secret de leur « bonheur ». L’opposition des deux couples est assez jouissive, on rit de bon coeur, on y critique cette injonction au bonheur, par l’intermédiaire notamment du développement personnel et autre méditation de pleine conscience (Jean-Mimi Blanquer, si tu me lis, émoticone clin d’oeil) mais on pressent que Côme de Bellescize ne peut pas et ne veut pas se contenter d’une pièce juste drôle et grinçante. Un virage plus dramatique est négocié au milieu de la pièce : un raisin sec va enrayer quelque peu cette machine huilée. Les rôles s’inversent, le vernis s’écaille, des longueurs apparaissent, le rire se fait plus rare et cela me convainc moins, je ne parviens pas à me l’expliquer autrement. (je suis au summum de mon talent critique)

Il reste une comédie légèrement dramatique bien écrite et interprétée, notamment par Eléonore Joncquez à l’abattage impressionnant.

Soit dit en passant, la pièce est une mine de petites phrases que l’on pourrait très facilement s’approprier : « Ma vie est un frididaire vide », « Derrière chaque bonheur, il y a un enfant mort. », « Carpe Diem… mais sur plusieurs jours. », « Je t’ordonne d’être résilient. » , « Le bonheur, c’est être étanche au malheur des autres. »

LE BONHEUR DES UNS

Ecriture et Mise en scène : Côme de Bellescize
Avec David Houri, Eléonore Joncquez, Vincent Joncquez, Coralie Russier

Scénographie : Camille Duchemin – Costumes : Colombe Lauriot-Prévost – Lumière : Thomas Costerg – Son : Lucas Lelièvre – Régie générale : Manu Vidal

Jusqu’au 31 juillet 2021 au Théâtre des Béliers (Avignon Off) et en tournée…

(des tweets)

* Parqué dans la file d’attente, au soleil, proie facile des tracteurs et tractrices, j’écris un tweet pour éviter qu’on vienne me parler…

* – Bonjour, puis-je vous parler d’un spectacle au 11. ?

– Désolé, je pars cet après-midi.

– Ok, pas de souci…


– Non mais c’est vrai, je pars vraiment, là, dernier café, dernière glace et zou je pars ! C’est pas un mensonge : je ne mens jamais, je fuis mais ne mens pas !

* À part ça, une amie m’a donné le bonjour d’un de ses amis qui me suit sur Twitter. Il apprécie mes tweets. Mais alors pourquoi n’a t-il jamais liké mes tweets, hein ? J’aurais eu alors plus de visibilité et crevé mon plafond de verre : dépasser les 500 followers, c’est pas cher payé, quand même ! Moi aussi j’ai droit au bonheur et à un teléphone qui n’en peut plus de vibrer, tellement je suis liké et retweeté. Je veux de l’amour, je veux du bonheur ! Oui, j’ai le droit !  Je ne demande pas grand chose. Je ne fais pas ça pour ça, mais quand même ! J’ai même pas de chat, comment je vais faire sinon ?

Vu le dimanche 18 juillet 2021 au Théâtre des Béliers (Avignon Off)

Prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

LE DISCOURS (Fabrice Caro / Emmanuel Noblet / 3 Soleils / Avignon Off)

(de quoi ça parle en vrai)

« Lors d’un dîner familial, Adrien subit la discussion de son beau-frère qui lui demande de faire un discours pour le mariage de sa soeur. Entre le gratin et les anecdotes de ses parents, il tente d’imaginer des discours plus catastrophiques les uns que les autres alors qu’il n’attend qu’une chose : que Sonia, qui l’a quitté, réponde à son texto de 17h24, lu à 17h56 ! » (source : ici)

© Gilles Vidal

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Quand on lit Le Discours, le roman de Fabrice Caro, on le lit à voix haute. Il se prête à ce genre d’exercice. D’autant plus que, comme dirait l’autre, Adrien c’est moi ! (pas étonnant que l’auteur ait appelé le héros de son roman suivant Axel, mais c’est une autre histoire…)

Le metteur en scène Emmanuel Noblet avait fait des merveilles en adaptant « Réparer les vivants » de Maylis de Kerangal (dans un autre registre, j’en conviens) et je ne pouvais qu’être rassuré en assistant à ce Discours co-adapté avec son interprète impeccable, Benjamin Guillard : la simplicité est toujours de mise. On retrouve l’humour, les digressions du roman… Son héros n’est jamais pris de haut. Aussi parce que son interprète le joue sans le juger. Même si on aime voir ce perdant magnifique ne pas s’en sortir, on le prend d’affection.

La pièce est une bulle pétillante et divertissante, qui remplit de manière intelligente son cahier des charges. Et à aucun moment, je ne me suis dit : « Ohlala, encore un seul en scène. » C’est bête à dire, mais oui, Benjamin Guillard est seul sur scène, mais il sert de manière si juste et dynamique le texte de Fabrice Caro que j’ai oublié. Je ne sais pas pourquoi j’ai précisé cela, mais j’en avais besoin.

Ps : Je fus heureux de constater que la référence à Cioran avait été conservée, mais en revanche, où est Pessoa ? Je cite : « Je ne suis pas comme vous, je vous emmerde, j’ai trop de problèmes dans ma vie pour faire la chenille, j’ai lu « Le livre de l’intranquillité » de Pessoa, vous imaginez quelqu’un qui a lu « Le livre de l’intranquillité » de Pessoa faire la chenille ? » Je suis déçu…

LE DISCOURS

de Fabrice Caro

Mise en scène : Emmanuel Noblet

Interprète : Benjamin Guillard

Adaptation : E. Noblet, B. Guillard

Lumières : Emmanuel Noblet – Décor : Edouard Laug – Son : Sébastien Trouvé – Direction technique : Johan Allanic – Régie : Marc Leroy – Vidéo : Camille Urvoy

Jusqu’au 31 juillet 2021 au Théâtre des 3 Soleils (Avignon Off) et en tournée…

(une autre histoire)

Devant moi, une spectatrice. Son code de téléphone : 7777. Elle ne s’en cache pas. Et si je lui piquais son smartphone après le spectacle ? Besoin de frissons dans ma vie, d’une dose d’adrénaline ! J’ai une bonne endurance, je suis entraîné à courir sur une longue distance… Tous les quarts d’heure, pendant le spectacle, elle fouille dans son sac, prend un tic-tac, vérifie l’heure, boit une gorgée d’eau, vérifie ses messages. Son compagnon fait tomber son portable. Je ne plaisante pas, à chacune des représentations auxquelles j’assiste, au moins un téléphone tombe. A croire que les poches de nos bermudas ne sont pas faites pour garder en place nos objets connectés. C’est décidé, elle est une spectatrice tellement énervante, je vais le faire. En plus… elle met son masque sous le nez ! Je vais le faire. C’est la fin du spectacle, je me tiens prêt, je passe à côté d’elle et pof ! Attends un peu… Je… Je… Je n’arrive plus sortir de mon siège ! Pour faire rentrer un maximum de spectateurs, le théâtre a choisi d’installer des sièges Extra Small. Même dans les avions Ryanair, t’es mieux assis. Même avec mon pauvre mètre soixante-neuf et demi, j’ai l’impression d’être un grand. Et de toujours avoir un gros cul, alors que celui avait un peu perdu de sa splendeur ces dernières semaines. Je reste toujours coincé, comme si j’avais gonflé pendant la représentation. Les gens ne peuvent pas sortir à cause de moi, je les vois enjamber le rang pour partir. La dame au téléphone est déjà loin, avec son téléphone au code 7777. Qu’aurais-je trouvé dans son appareil ? Quel genre de photos ? Les régisseurs enlèvent les accessoires du Discours, posent les décors de la pièce suivante. J’espère qu’elle sera bien la pièce d’après…

Ps : Non, n’insistez pas, je ne parlerai de mon lien si particulier avec l’oeuvre de Fabrice Caro…

Vu le samedi 17 juillet 2021 au Théâtre des 3 Soleils (Avignon Off)

Prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

LOSS (Noëmie Ksicova / le 11. Avignon / Avignon Off)

(de quoi ça parle en vrai)

« Une scène d’anniversaire en famille. Rudy, 17 ans, s’adresse à nous. Plus tard, il se jettera sous un train. Puis, sa petite amie rendra visite à ses parents. Loss parle de la survie de ceux qui restent après. Une fable d’aujourd’hui. Comment survit-on après la mort d’un proche ? Est ce que l’unique destin d’un mort est son inexistence ? Chez la famille Guyomard, le temps s’arrête d’abord. Puis quelque chose de neuf apparaît. La petite amie jouera un rôle crucial dans cette histoire. » (source : ici)

© Simon Gosselin

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Moi, à 11h du matin, je vois une pièce sur le deuil et je me sens bien pour tout le reste de la journée. Il n’y a pas d’heure à Avignon, que cela soit écrit.

La pièce de Noëmie Ksicova est constamment sur le fil. Elle peut agacer par son côté « j’ai un micro, donc je chuchote, je suis hyper réaliste, regarde comme il ne se passe pas grand chose dans ma pièce… », pourtant, et heureusement, c’est contrebalancé par ces moments où, dans la première scène, Rudy nous parle directement de son quotidien, ou bien quand son fantôme, dans les scènes suivantes, apparait et disparait presque aussi instantanément.

Pour être honnête, la pièce a failli me perdre dès la deuxième scène (dans laquelle la famille accuse le coup après la disparition du personnage central). Elle est longue, répétitive, tranche complètement avec le réalisme du début de la pièce. Pourtant, comme dans les montagnes russes, quand ça s’arrête, ça va mieux. Ça ne se fait pas immédiatement. Le temps de reprendre le rythme de ces scènes où on parle tout bas, quand la petite amie de Rudy prend progressivement sa place dans la famille. Surtout dans ces moments hyper délicats et sensibles dans lesquels le père et la mère demandent à Noëmie, la petite amie, de parler, de marcher comme leur fils disparu. Noëmie, comme le prénom de l’autrice et de la metteuse en scène…

« Loss » n’est pas une pièce facile. Trois jours après l’avoir vue, il m’en reste encore quelque chose. C’est ça qui est important.

LOSS

Texte Noëmie Ksicova en collaboration avec Cécile Péricone et les comédiens

Conception et direction artistique Noëmie Ksicova 

Mise en scène Noëmie Ksicova, Cécile Péricone

Avec Lumir Brabant, Anne Cantineau, Juliette Launay, Antoine Mathieu, Théo Oliveira Machado et Noëmie Ksicova

Lumière Annie Leuridan – Musique Bruno Maman – Scénographie Céline Diez – Son Morgan Marchand – Régie lumière et régie Générale Louise Rustan – Regard Dramaturgique ponctuel Camille Louis – Regard chorégraphique ponctuel Johann Amselem

Production Compagnie Ex-Oblique 

Jusqu’au 29 juillet 2021 au 11. Avignon (Avignon OFF), puis au Théâtre de l’Oiseau Mouche avec la Rose des Vents à Lille/Villeneuve d’Ascq du 1e au 3 février 2022 et aux Célestins à Lyon du 17 au 29 mai 2022

(d’autres histoires)

* Pourquoi donc « Loss » et pas « Perte » ? Peut-être parce qu’une autre pièce, « Perte », se joue à la Scala ? En allemand, on l’aurait appelée « Verlust » (prononcer : faire-loust). Si on inverse les deux syllabes, cela donnerait « lustver »… comme dans « Lust for Life », « envie de vie ». Drôle, si je puis dire, pour une pièce qui parle du deuil. (oui, un peu capillotracté celle-ci, j’en conviens)

* Elle s’approche de nous et nous parle de sa pièce : « Un peu comme « Loss », mais avec une autre écriture. » Ai-je envie de voir une autre pièce sur le deuil, sachant qu’un des spectacles dans le In (« Une femme en pièces » de Kornél Mundruczó), au thème similaire, est aussi à mon programme ?

* Je suis très heureux, parce que je n’ai plus à prendre de plan pour me déplacer à Avignon Intra Muros. Au Bureau du Off, on m’a bien proposé un plan, mais j’ai refusé d’un tout petit geste de la main : « Je connais, merci mais non merci ». Il m’a fallu seulement vingt ans… En revanche, je ne sais jamais où bien manger. A dans vingt ans !

Vu le samedi 17 juillet 2021 au 11. Avignon (Avignon Off)

Prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

NORMALITO (Pauline Sales / le 11. Avignon / Avignon Off)

(de quoi ça parle en vrai)

« La maitresse demande à tous les élèves de sa classe de CM2 d’inventer leur superhéros. Lucas dessine Normalito le superhéros « qui rend tout le monde normaux ». Iris, enfant précoce, tente de se rapprocher de Lucas, elle qui aimerait tant devenir normale. Les deux enfants, que tout sépare, apprendront à se connaître. Le jeune duo va fuguer et rencontrer Lina, la dame pipi des toilettes de la gare. À travers cette fable sur la normalité et la différence, nous abordons la tolérance, l’empathie. Ne sommes nous pas tous différents et tous semblables ? » (source : ici)

© Arianne Catton Balabeau

(ceci n’est pas une critique, mais…)

D’abord une commande de Fabrice Melquiot à Pauline Sales : écrire sur les « supernormaux ». Comme une évidence, puis la promesse d’un spectacle de qualité. Ensuite une crainte, toujours la même, voir des acteurs adultes jouer des enfants de dix ans. Celle-ci est assez rapidement dissipée grâce au jeu nuancé de Cloé Lastère et au dynamisme d’Antoine Courvoisier (même si parfois un peu en force, j’ai trouvé). On y croit. On oublie aussi qu’ils sont sensés n’avoir que dix ans, mais on y croit quand même.

Toujours cette précision et cette ingéniosité dans la mise en scène de Pauline Sales, aidée cette fois-ci par la scénographie de Damien Caille-Perret, toute en portes qui grincent, de cuvette de toilettes roulante et de trouvailles étonnantes.

L’histoire se scinde en deux parties. Premièrement, ces deux solitudes qui ne se retrouvent pas dans leurs familles respectives, un brin caricaturales : le garçon normal dans une famille CSP+ bobo/écolo/machinchoso et la fille surdouée dans une famille tout droit sortie du roman de Roald Dahl « Matilda », qui regarde « Plus belle la vie » en mangeant des macaronis. Deuxièmement, la fuite, le jeu de cache-cache dans des toilettes publiques tenues par une certaine Lina, jouée finement par un Anthony Poupard étonnant, dans tous les sens du terme. Il faut s’habituer à cette rupture de ton et ce changement de direction dans la narration, mais au fond, on parle toujours du même sujet : C’est quoi être normal et/ou ordinaire ? D’abord, est-ce que ça existe ?

(et puis, mine de rien, ça aborde aussi le thème de la transsexualité, toujours avec sensibilité et sans en rajouter)

A la fin, on applaudit, on sourit. Purée, j’ai souri ! Je crois que j’étais content.

NORMALITO

Texte et mise en scène Pauline Sales

Avec Antoine Courvoisier, Anthony Poupard, Cloé Lastère

Régie lumière Grégoire de Lafond et Xavier Libois – Régie son Christophe Lourdais et Fred Buhl – Scénographie Damien Caille-Perret – Costumes Nathalie Matriciani – Lumière Jean-Marc Serre – Son Simon Aeschimann – Maquillage/Coiffure Cécile Kretschmar

Production Théâtre Am Stram Gram (commande de Fabrice Melquiot) – Genève et A L’ENVI – Coproduction Le Préau CDN de Normandie – Vire 

Jusqu’au 29 juillet 2021 au 11. Avignon (Avignon OFF) et en tournée, : notamment à Paris aux Plateaux Sauvages (les 1e et 2 octobre), à Brest (7 et 8 octobre), Caen (15 et 17 décembre), Lyon (du 10 au 14 mai 2022)…

(d’autres histoires)

* Je suis un homme blanc, hétérosexuel, cis (je crois que c’est comme ça qu’on dit), d’âge aujourd’hui moyen, gagnant ma vie correctement, même si c’est pas ouf. Je ne suis ni trop beau ni trop laid, je suis également d’intelligence moyenne, contrairement à ma pilosité qui ne l’est pas. Et pourtant je ne me trouve pas normal. C’est normal, docteur ?

* Avant d’arriver, je vérifie mon courriel de confirmation. Je remarque que j’ai demandé une place pour le vendredi 18 juillet – nous sommes le samedi 17. L’attaché de presse m’a réservé une place pour le dimanche 18 – nous sommes toujours le samedi 17. Je sue, j’angoisse. Je dois voir la pièce avec une amie, mais comment vais-je faire ? J’ai mal au ventre, impossible d’aller aux toilettes. Il est 9h30, je n’irai qu’en rentrant à l’hôtel vers 1h du matin. Oui, je sais, je sais, ne me regardez pas avec des yeux comme ça ! Tout rentre dans l’ordre, j’ai finalement ma place, grâce à une personne en charge, conciliante. Je me fais toute une histoire pour pas grand chose, c’est normal, docteur ?

* L’ongle noir, sur le deuxième orteil, c’est normal, docteur ? Mes insomnies, ces rêves où je rêve toujours de la même personne, ma vessie… oui non ça je sais… mon absence d’envie de rencontrer des nouvelles personnes, des pertes de mémoire, et pas que les mots, ces absences, ces oublis, cette façon de répéter trois fois les mêmes choses, mais en employant des mots différents, c’est normal, docteur ?

Vu le samedi 17 juillet 2021 au 11. Avignon (Avignon OFF)

Prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

LIFE ON MARS ? (Cie Thespis / La Factory / Avignon Off)

(de quoi ça parle en vrai)

« Pendant qu’une mission spatiale pour la planète Mars se prépare, des migrants se font former pour devenir auxiliaires de vie. Pour rompre sa solitude, un homme achète les services d’une escort-girl. Dans une entreprise, trois collègues confient à un consultant leurs difficultés à communiquer en open-space. » (source : ici)

© Thespis

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Autant le dire tout de suite, les solitudes contemporaines – le thème de cet assemblage de saynètes – ça me parle. Et c’est un peu ça qui m’a convaincu de voir cette pièce, créée collectivement par la (jeune) compagnie lyonnaise Thespis. Les écritures collectives, ça me parle aussi (pour des raisons que je n’expliquerai pas ici) et je sais qu’il est aussi excitant d’écrire au plateau (grosso modo, le spectacle s’écrit à partir des improvisations faites par les comédiens), qu’il est difficile de bien retranscrire toutes les bonnes idées issues d’improvisations. Car il faut préciser : les bonnes improvisations ne font pas forcément les bons spectacles.

Quand je vois ce que font Lisa Guez (Les Femmes de Barbe Bleue), Pauline Bureau (Féminines) ou Jean-Christophe Meurisse avec les Chiens de Navarre, on perçoit qu’il y a un vrai travail de réécriture. Or dans « Life on Mars ? », je ressens (et je me trompe peut-être) qu’il n’y a qu’une retranscription. Et même si les acteurs sont toutes et tous compétents, parfois drôles et toujours investis, cela ne m’a pas suffi.

On aurait également voulu que les situations soient plus exarcerbées, que cela soit plus saignant. Il y a de bonnes idées, comme ce sketch drôle en trois parties autour d’un mug jaune, objet de la discorde entre trois membres d’un C.E. ou encore cette scène assez émouvante, directement inspirée d’un épisode de Black Mirror ou Real Humans, dans laquelle une femme seule a commandé un humanoïde dont elle va s’éprendre (développement un poil rapide, mais très bien joué).

Je parais peut-être injuste, surtout parce que je suis déçu, parce que j’aurais voulu aimer ce spectacle. J’ai eu d’ailleurs beaucoup de difficultés à écrire ces quelques phrases, pour vous dire la vérité. Et je n’ai toujours pas compris ce que faisait ce tronc de cocotier au milieu de la scène, c’est peut-être pour ça aussi…

LIFE ON MARS ?

par la Compagnie Thespis

Mise en scène : Thai-son Richardier

Avec : Amandine Barbier, Titouan Bodin, Loïc Bonnet, Benoit Ferrand, Mellie Melzassard

Scénographie : Anabel Streihano – Lumière : Bastien Gérard – Costumes : Lysiane Clément

Jusqu’au 31 juillet 2021 à la Factory – Salle Tomasi (relâche les 19 et 26 juillet) – Avignon Off

(une autre histoire)

J’écris ces quelques mots dans un hôtel « Première Classe », en banlieue d’Avignon. Et je suis seul. A côté de moi, un deuxième lit sur lequel j’ai posé divers documents, mon sweat, mon sac, mes chaussettes. Et je suis seul. Les gens passent devant ma chambre, en parlant fort, sans même prendre la peine de baisser d’un ton en passant devant la porte de ma chambre.

Est-ce que vous pourriez pleurer ou au moins avoir la tête qui se penche vers la gauche, la bouche en coeur ? Ooooooh… le pauvre ! Vous vous dites ça ? Vous vous dites ça ?

Je suis à plaindre, hein ? Je suis l’homme le plus malheureux du monde. Bichette… Qu’est-ce que je pourrais écrire d’autre ? Hier matin, j’ai attendu cinq minutes, assis tout seul à une table en terrasse et personne n’est venu me servir. Je suis reparti comme je suis arrivé, seul et sans mon café. Vous pleurez, là ?

JE VIS ENCORE CHEZ MES PARENTS, OK ? Le summum de ma semaine, c’est quand ma mère me prépare du gratin de courgettes le lundi midi !

Ah voilà, enfin. De la compassion, de l’empathie, même. Je peux donc m’arrêter.

Vu le vendredi 16 juillet 2021 à la Factory – Salle Tomasi (Avignon Off)

Prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

AVIGNON OFF 21 (une micro-sélection)

C’est un peu à la dernière minute que je me suis décidé. L’année 2021 et Avignon ont quelque chose de symbolique pour moi et je ne pouvais décemment ne pas faire un petit saut là-bas, même si je n’y reste que trois petits jours. Malgré la fatigue, malgré le masque que nous devrons porter toute la journée dans les rues avignonnaises, je répondrai présent. Pour le In et pour le Off. Même si j’ai choisi ces 72 heures en fonction d’un seul spectacle – La Cerisaie par Tiago Rodrigues dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes, je ne manquerai pour rien au monde de découvrir des spectacles dans le Off.

Pour être honnête, j’ai eu des difficultés à composer mon programme, malgré le bon millier de spectacles que nous propose le Off. Même dans les théâtres que je fréquente assidument, comme le Train Bleu, le 11 ou la Manufacture, je n’ai pratiquement pas eu d’envies évidentes. Par ignorance sûrement, par manque de curiosité certainement. Elle est particulière, quand même, cette année !

Voici donc une très courte sélection des spectacles (16) que je verrai ou pas durant mes trois petits jours de festival… (du 16 au 19 juillet)

(crédits photos : © Arianne Caton Balabeau – © Margot Briand – © François-Louis Ahténas – © Simon Gosselin)

NORMALITO par Pauline Sales au 11. (du 7 au 29 à 9h45 – relâches les 12, 19, 26)*

Celui-là, ça fait longtemps que je veux le voir. J’avais même ma place aux Plateaux Sauvages, mais covid oblige… Séance de rattrapage, donc, pour le texte de Fabrice Melquiot, la mise en scène de Pauline Sales (qui écrit aussi très bien et dont j’attends avec impatience « Les femmes de la maison » au TGP Saint-Denis la saison prochaine), le jeu tout feu tout flammes (je ne sais pas, j’avais envie d’écrire cette expression) d’Anthony Poupard…

HOME – Morceau de nature en ruine de Magrit Coulon au Théâtre des Doms.(du 5 au 27 à 10h – relâches les 8, 15 et 22)

Des jeunes qui jouent des vieux, du théâtre mâtiné de documentaire. Parce que c’est belge.

INCANDESCENCES d’Ahmed Madani aux Halles (du 7 au 30 à 11h – relâches les 13, 20 et 27)*

J’avais été plutôt refroidi il y a deux ans par une de ses pièces, mais comme je souviens encore de F(l)ammes et que cette pièce appartient à la trilogie « Face à leur destin », on fait confiance.

LOSS de Noëmie Csikova au 11. (du 7 au 29 à 11h30 – relâches les 12, 19 et 26)*

Parce qu’on me l’a conseillé et je crois que j’aurai besoin d’un soutien moral après cette pièce… Je crois que ça parle d’une perte, mais pas de clés.

(crédits photos : © DR – © Roland Baduel – © DR – © DR)

LA RONDE par Natacha Rudolf à Présence Pasteur (du 7 au 27 à 12h30 et 15h10 – relâches les 10, 17 et 24)*

Parce que j’ai d’abord vu le film de Max Ophüls, dont la structure m’inspire toujours quand j’écris. Parce que la pièce est mise en scène par Natacha Rudolf, la directrice du Théâtre de la Noue à Montreuil et que Montreuil et moi, c’est une longue histoire.

UN DÉMOCRATE de Julie Timmermann à la Condition des Soies (du 10 au 20 à 12h45 – relâches les 12 et 19)

Parce que je l’avais raté il y a deux ans et que je le raterai encore cette année. J’ai envie de dire que cette pièce est plus que d’actualité, mais comme je ne me réfère qu’au titre, je ne suis pas bien sûr.

LE BONHEUR DES UNS de Côme de Bellescize au Théâtre des Béliers (du 7 au 31 – relâches les 12, 19 et 26)*

Pour découvrir l’écriture de Côme de Bellescize. Deuxième pièce qu’on me recommande… Je ne comprends pas, j’ai l’impression que je fais de plus en plus confiance aux gens cette année. Et je ne sais absolument pas de quoi il retourne.

YOURTE par la Compagnie Les Mille Printemps au Théâtre des Carmes (du 6 au 25 à 16h30 – relâches les 12 et 19)

Utopie, jeunesse, écologie, un monde nouveau ? Le genre de pièces dont j’ai beaucoup entendu parler lors de son passage au Théâtre 13 et… ben, ça ne sera pas cette fois non plus que je la verrai.

(crédits photos : © DR – © Katell Paugam – © Simon Gosselin – © DR )

LE DISCOURS par Emmanuel Noblet au Théâtre des 3 Soleils (du 7 au 31 à 16h55 – relâches les lundis)*

Parce que Fabrice Caro. Parce que ce roman, je m’y reconnais un peu beaucoup. Parce que la mise en scène du formidable Emmanuel Noblet.

DE LA DISPARITION DES LARMES par Léna Paugam au Théâtre du Train Bleu (du 14 au 26 à 18h05 – relâche le 20)

Parce que Léna Paugam m’avait beaucoup ému avec Hedda et que je m’en veux de ne pas pouvoir voir cette pièce, avec la lumière de Jennifer Montesantos.

LES FEMMES DE BARBE BLEUE par Lisa Guez au Théâtre des Carmes du 16 au 19 à 19h30)*

Parce que je tourne autour depuis bien trop longtemps pour ne pas le laisser passer cette fois-ci, surtout que cette pièce est malheureusement toujours autant d’actualité.

ALEX VIZOREK – Ad Vitam au Théâtre des Béliers (du 7 au 31 à 20h05 – relâches les 12, 19 et 26)

Parce qu’on ne se refait pas et qu’il me fait rire. Sur France Inter et ailleurs. On l’aura attendu longtemps ce nouveau spectacle !

(Crédits photos : © DR – © DR – © DR – © Christophe Raynaud de Lage)

LIFE ON MARS ? par la Compagnie Thespis à la Factory – Salle Tomasi (du 7 au 31 à 20h10 – relâches les lundis)*

Parce qu’on m’a invité pour le voir et que j’ai accepté, uniquement parce qu’on y parle des solitudes contemporaines et que ça me parle et que je me complais dedans !

VERO 1ERE REINE D’ANGLETERRE par les 26 000 Couverts à Villeneuve sur Scène (du 9 au 21 à 22h – relâche le 15)

Parce que chaque année, je me dis que je retournerai à Villeneuve les Avignon pour y voir du spectacle de rue ou sous chapiteau et que je n’y vais jamais.

MARIAJ EN CHONSONS par les Blond and Blond and Blond au Théâtre des Béliers (du 7 au 31 à 22h15 – relâches les 12, 19 et 26)

Parce que j’avais vu leur premier spectacle qui m’avait fait énormément rire. En plus, les gens qui jouent ont des liens avec des gens que j’apprécie énormément (Elsa Granat, Les Filles de Simone, ma metteuse en scène…)

LE CABARET DES ABSENTS par François Cervantès au 11. (du 7 au 29 à 22h30 – relâches les 12, 19 et 26)*

Troisième spectacle que je verrai qu’on me conseille… Je donnerai le prénom et le nom de la personne qui me l’a recommandé, si jamais ce n’est pas bon. Oui, je suis comme ça. Faudrait pas me croiser si jamais il y a une guerre… Blague à part, ça a l’air totalement fou. Ça parle d’un cabaret avec des absents, dont le silence, soudain le vide, peut-être pas ?

Sans oublier les reprises de deux spectacles que j’avais beaucoup appréciés : 

L’AUTRE FILLE avec Marianne Basler à la Reine Blanche (du 7 au 25 à 11h – relâches les 13 et 20)

IPHIGÉNIE À SPLOTT par Blandine Pélissier au Théâtre Artéphile (les jours impairs à 11h30)

Je vous invite à décortiquer, mieux que moi en tout cas, les programmations de la Manufacture, du Train Bleu et/ou du 11. ou la sainte trinité, sans oublier les Doms, Artéphile ou la Factory qui font un véritable effort, chaque année, de défrichage pour leur programmation.

D’ici là, on fait attention à soi, on en profite quand même, parce que ça ne va pas durer, encore.

Ps : Les spectacles avec astérisque sont les spectacles pour lesquels j’ai déjà ma place et dont vous retrouverez sûrement la chronique ce mois-ci, si j’arrive à m’organiser.

Pps : Vive Tiago Rodrigues… rien à voir avec le Off, mais j’avais quand même envie de l’écrire.

Textes : Axel Decanis