TOUT LE MONDE NE PEUT PAS ÊTRE ORPHELIN (Les Chiens de Navarre / Jean-Christophe Meurisse / Bouffes du Nord)

(de quoi ça parle en vrai)

« 91% des Français affirment que la présence quotidienne de leur entourage familial apparaît comme étant essentielle. Je me sens bien souvent un égaré des 9% restants. Personnellement je n’ai jamais vraiment cru à la notion de famille tant mon passé de ce point de vue là n’est pas loin d’un désastre structurel et affectif. Et paradoxalement, le projet, l’idée même me bouleverse puisque j’ai fondé moi-même une famille. J’aurais pu utiliser mon pouvoir bien humain de dire non à la conception mais j’ai dit oui. Pour perpétuer quoi ? Des réveillons de Noël ? Des otites ? De l’amour ? Ce spectre large d’émotions que m’offre cette nouvelle recherche intime et spectaculaire est le point de départ idéal pour tenter de comprendre ce que représente cette société intime, étrange et violente à la fois… » Jean-Christophe Meurisse (source : ici)

© Ph. Lebruman

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Il y a quelque chose de réjouissant à voir les comédiens sur scène, un quart d’heure avant le début officiel de la représentation. Ici, point de clin d’oeil au spectateur, mais une famille qui se prépare au traditionnel dîner de Noël en famille. Les bouteilles sont débouchées, la dinde est découpée, on devine quels sont les liens entre les différents membres de la famille (les parents, les enfants, les pièces rapportées)…

Ici un dézingage en règle de la famille nucléaire traditionnelle. Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, ils sont affreux, sales et méchants. Comme toujours chez les Chiens de Navarre, il n’y a pas d’histoire à proprement parler, mais des histoires. Mais cette fois-ci, tout le monde joue sensiblement le même rôle du début jusqu’à la fin, avec des allées et venues dans le temps.

On se reconnait dans cette famille. Parce que les repas de Noël sont toujours sources de stress, de rires, parfois de larmes. Alors certes, les inconditionnels des Chiens de Navarre pourraient faire la fine bouche en constatant certains gimmicks recyclés, comme le « zizi élastique », la voix trafiquée ou encore l’usage de certaines chansons populaires (on se souvient de Thomas Scimeca, du parachute et de son Homme Heureux). Il n’empêche qu’on arrive toujours à trouver des moments si drôles, à encore s’étonner de l’investissement physique des comédien.nes – Charlotte Laemmel tire ici son épingle du jeu, tantôt Médée ultra-convaincante ou belle-fille engloutie par la cuvette des toilettes (j’ai toujours été d’humeur scatologique).

La bonne idée également de Jean-Christophe Meurisse est de conclure la pièce par une scène assez terrible et touchante que je n’évoquerai pas ici. Le metteur en scène sait également jouer sur la corde sensible et ça aussi, ça fait du bien.

(Une pensée pour Judith Siboni qui jouait dans la pièce lorsqu’elle a été créée et qui est décédée en mars dernier)

TOUT LE MONDE NE PEUT PAS ÊTRE ORPHELIN

Mise en scène Jean-Christophe Meurisse

Avec Lorella Cravotta, Charlotte Laemmel, Vincent Lécuyer, Olivier Saladin, Lucrèce Sassella, Alexandre Steiger et Hector Manuel en alternance avec Cyprien Colombo

Collaboration artistique Amélie Philippe – Régie générale et plateau Nicolas Guellier – Scénographie et construction François Gauthier-Lafaye – Costumes et régie plateau Sophie Rossignol – Création lumière Stéphane Lebaleur et Jérôme Perez – Régie lumière Stéphane Lebaleur – Création et régie son Isabelle Fuchs et Jean-François Thomelin – Directeur de production Antoine Blesson – Administrateur de production Jason Abajo – Attachée d’administration, de production et de communication Flore Chapuis – Stagiaire en administration et production Victoria Bracquemart

Jusqu’au 4 juillet 2021 aux Bouffes du Nord

(une autre histoire)

Le problème, c’est que j’ai une liste de personnes que je ne veux plus évoquer dans ces colonnes. La famille, c’est niet. Donc je parlerai de… Ahlala il fait chaud ces jours-ci, vous ne trouvez pas ? Il fait chaud et sur scène on voit un arbre de Noël, dis donc ! Ah bravo le dérèglement climatique ! J’ai faim. Je les vois manger de la dinde et j’ai faim. Parce qu’il est 20h30 et que je n’ai pas eu le temps de me faire à manger avant de partir. C’est que moi aussi, je suis tout déréglé ! Je l’aimais bien, le couvre-feu à 21h, parce que je savais que je serais rentré chez moi pour dîner ! En fait, ce que j’aime dans le protocole sanitaire, c’est que personne vient s’asseoir à côté de moi. J’ai la place. Ça va me manquer. Dans la chaleur estivale, se coller les uns aux autres sur un banc inconfortable, très peu pour moi. Pis là, on est en placement libre. Ça ne me plait pas. Parce qu’on doit venir plus tôt pour avoir les meilleures places et quand on est tout seul, venir plus tôt, c’est inconfortable. On ne sait pas quoi faire de ses bras, de ses mains, on ne veut pas non plus rester trop scotché sur son téléphone… Je ne suis pas quelqu’un de très sociable. J’en parle parfois à… Non, je m’étais promis de ne pas parler de cette personne-là. Les deux prochaines fois, je ne serai pas tout seul. Mais je me suis promis de ne pas écrire non plus sur les personnes qui m’accompagnent. Donc faut déjà que je réfléchisse à ce dont je vais écrire ici. Ça limite, hein ?

(un texte écrit au son du ventilateur – force 1 – et dans l’attente de possibles effets secondaires de ma deuxième injection Pfizer)

Vu le vendredi 11 juin 2021 aux Bouffes du Nord (Paris)

Prix de ma place : 26€

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

Crédits photos : © Ph. Lebruman

Laisser un commentaire