(quand on ne sait pas où on met les pieds)
Y aurait-il un rapport avec la pièce mise en scène par Marie Rémond qui narre l’enregistrement de « Like a rolling stone » par Bob Dylan ?
(ceci n’est pas une critique, mais…)
Même si je suis plus Beatles que Stones, comme on dit, j’ai appris à connaître ces derniers, à les apprécier, à admirer leur longévité, leur talent, leur amour immodéré pour le blues. La première fois que j’ai dû entendre une de leurs chansons, ce fut par le truchement d’une cassette audio que nous avait donné un proche de la famille : une seule chanson d’eux, parmi Pink Floyd, Alain Bashung et j’en passe : Start me up. Puis, passant mon temps devant la télé, je tombai par hasard sur le générique de la série se déroulant au Vietnam « L’enfer du devoir » avec comme pour thème le fameux « Paint it black ». Malgré tout cela, je dois faire l’aveu que je n’ai jamais acheté un seul album des Pierres qui roulent… Ne me jetez pas la…
Le concert a lieu à l’U-Arena de Nanterre ou la plus grande arena d’Europe (36 100 spectateurs hier soir). Ça veut dire quoi U ? La zone est ultra sécurisée pour les raisons qu’on peut deviner. J’en profite tout de suite pour parler du retour au métro/RER, tous ces gens (et moi-même) allant dans la même direction m’ont fait penser, au choix, à la transhumance des moutons (et je reste soft) ou à des zombies du film de Danny Boyle, « 28 jours plus tard ».
Immédiatement, on sent un truc spécial (c’est quoi le mot déjà ?) en attendant d’entrer dans la salle. L’impatience, le sentiment qu’on va vivre quelque chose de magique, entourés de fans purs et durs.
La première partie (Cage the Elephant) est passée vite, grâce aussi à mes bouchons d’oreille. Tu entends la musique, mais pas ce qui se passe à côté de toi. Drôle de sensation. Le chanteur s’agite énormément et en vain. Il me vient à l’esprit l’anecdote racontée dans la série Roadies de Cameron Crowe, à propos de Lynyrd Skynrd, en première partie des Stones… Mais je n’ai pas le temps de la raconter ici…
Le vrai concert démarre. Sympathy for the Devil. Woo Woo. La voix de Mick est assurée, le son à l’arrivée de la guitare tonitruante de Keith n’est pas top et je ne vois absolument rien malgré les 128€ que m’a coûté la place, si ce n’est les écrans géants.
Les voir en détail sur les écrans géants me fait penser à Chéreau « Des visages et des corps ». Ou bien est-ce le contraire, je ne sais jamais. Mick ne parait pas ses 74 ans. Il bouge comme s’il en avait la moitié et va assurer durant les 2h15 du concert. Il est tout sec, parle un français sans accent. Keith me fait penser à la vieille cousine qui nous mettait sur ses genoux et qui nous parlait à deux centimètres du visage pour bien sentir toutes les Gitanes qu’elle avait pu fumer depuis le début de la journée. On voit des bras décharnés, des bras de vieux mais les doigts fonctionnent encore, même si… bon… même moi j’ai entendu les fausses notes… On le voit sourire, s’amuser avec le camarade Ronnie, qui me ferait peur si je le rencontrais au détour d’un sentier. Quant à Charlie Droopy Watts, il conserve son flegme légendaire, même si on a l’impression qu’il ne joue pas les notes qu’on entend, mais c’est sûrement dû au léger décalage son/image. Les chansons sont peut-être jouées un poil plus lentement qu’il y a vingt ou trente ans, mais ça envoie. 24 heures plus tard, je dois encore avoir les oreilles qui sifflent, mais c’est pas grave, façon de parler. L’occasion d’entendre en vrai, en fort « You can’t always get… », « Miss you », « Jumpin Jack Flash », etc. Le rappel avec Gimme Shelter fut dantesque, sans compter l’éternelle « Satisfaction ». Ce dont je me souviendrai, c’est leur (apparente) joie, le bonheur d’être encore sur scène, ensemble, soulignant qu’hier était leur dernier concert, mais pas pour toujours, se sont-ils empressé de préciser. Ils reviendront.
The Rolling Stones à l’U-Arena de Nanterre (92)
avec en première partie Cage the Elephant
SETLIST : Sympathy for the devil – It’s only rock’n’roll (but i like it) – Tumbling Dice – Just your fool (Buddy Johnson and his orchestra cover) – Ride ‘em on down (Jimmy Reed cover) – She’s so cold – She’s a rainbow – You can’t always get what you want – Paint it Black – Honky Tonk Women – Happy – Slipping Away – Miss You – Midnight Rambler – Street Fighting Man – Start me up – Brown Sugar – Jumpin’ jack flash – (Rappels) Gimme Shelter – (I can’t get no) satisfaction
Ps : Mick Jagger, dans la minute people, nous a indiqué qu’étaient présents dans la salle Patrick Bruel, Sylvie Vartan, Daft Punk et Brigitte Macron. Mais ont-ils payé leur place ? Ont-ils passé des heures devant l’ordinateur à réactualiser la page et tenté d’acheter leur place avec leur petite carte bleue posée à côté de l’ordinateur, maudissant leur fournisseur d’accès, je pose la question ???
(une autre histoire)
Je ne comptais rien écrire de plus, mais je me sens obligé, pour ma santé mentale, parce que j’ai besoin d’expulser ma colère, de vous conter ceci. Et comme j’écris cette chronique dans le TGV Paris – Aix en Provence de 9h21, je me permets. Oui, mes autres histoires ont toujours un lien avec mon sujet principal.
Tu te fais chier à réserver tes places deux mois à l’avance, à choisir le siège : en bas (parce pas envie de monter la lourde valise dans les compartiments du haut), dans le sens de la marche (parce que j’ai toujours eu le mal des transports), côté fenêtre (je ne me rends jamais aux toilettes des TGV et prendre un café à trois euros, non merci, au moins je peux regarder le paysage et m’appuyer contre la vitre pour dormir). J’arrive avec suffisamment d’avance pour être parmi les premiers à entrer dans le train et trouver encore de la place pour ma valise. Parce qu’il n’y a jamais assez de places pour toutes les valises des gens qui partent en vacances.
Je suis à ma place. Voiture 17 siège 26. Un homme d’une cinquantaine d’années s’assoit à côté de moi. Il a la jambe plâtrée. Son épouse me demande si je veux bien changer de place, parce qu’ils ont pris leurs places sur internet (je ne comprends pas cette excuse), que sa place à elle est en haut. Dans cinq minutes, le train prendra son envol. Je les regarde, je refuse. « Vous comprenez, la place pour la valise, tout ça, tout ça et il est hors de question que je la laisse ici sans surveillance. ». « Oui, je comprends bien », me répond-t-on. Non, mais c’est vrai, quoi, pourquoi c’est toujours les personnes seules qui doivent changer de place ? Déjà que vivre nous coûte plus cher, nous sommes celles qui devons laisser la place aux autres. « Vous pouvez vous décaler ? Vous attendez quelqu’un ? Mon homme/Ma femme a la place ici, a la place là. Purée, je vais geler les miches sur ton strapontin et toi, tu vas profiter de ma place toute chaude, à fricoter avec ton/ta chèr.e et tendre, tandis que moi, ben, j’aurai que mes yeux pour pleurer, parce que tu me mets face à ma solitude ?
Cinq minutes plus tard, la femme revient à la charge. « Vous voulez bien changer de place alors ? Cette dame veut bien se déplacer et vous prendriez sa place. regardez : C’est dans un carré. Vous serez mieux pour travailler. » Une place en carré avec une famille de trois dont deux jumelles de dix ans. Je déteste les jumeaux, ils m’angoissent. J’aurai encore moins de place pour les jambes, pis je suis dans le sens inverse. ». J’accepte. Ils me remercient. Je ne réponds pas : « Je vous en prie ».
Je suis le vieux garçon avare, misanthrope que je redoutais de devenir. Au secours.
Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito