Au théâtre ce soir…

Bonjour à vous,

J’espère que vous allez bien, en tout cas le mieux possible et qu’il en est de même de vos proches.

Je ne parlerai pas ici, même s’il y en aurait à dire, des conséquences d’une telle crise sanitaire sur le paysage culturel français, entre les annulations des représentations, les points d’interrogation concernant les festivals, les reports des spectacles à la saison prochaine – ce qui aura un impact sur ceux qui étaient déjà prévus pour la saison 20/21 et qui devront « laisser leur place »…

Je me suis longtemps demandé si je devais publier un billet recensant tous les spectacles que nous proposent les internets, en ces temps de disette de spectacle vivant. Mais il existe pléthore de sites, de blogs qui proposent déjà cela.

Je me suis longtemps demandé si je devais publier un billet qui recenserait mes anciennes chroniques dont les spectacles sont présentement disponibles au plus grand monde. Mais je me suis dit que ça n’avait pas grand intérêt, si ce n’est gonfler artificiellement mes statistiques et je n’en suis plus là.

La semaine dernière a été publiée une capsule audio que j’ai enregistrée pour Radio Mortimer (collectif de blogueuses et blogueurs théâtre, dont je fais partie), dans laquelle je me souvenais d’une représentation bien particulière. Il s’avère qu’aujourd’hui Frank Vercruyssen du tg STAN a mis en ligne la lecture du texte qui m’a tant ému : Nusch de Paul Éluard. J’ai donc décidé de vous transmettre les liens de quatre spectacles (ou lectures), seulement quatre, qui représentent bien ce que j’ai toujours défendu ici : l’amour des mots, l’amour du théâtre et une certaine simplicité. Et ainsi, encore une fois, montrer toute mon admiration envers ces personnes.

Prenez bien soin de vous et à bientôt,

NUSCH de Paul Éluard par Frank Vercruyssen (tg STAN)

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SOPRO de Tiago Rodrigues (sous-titré en français) : lien ici (la vidéo ne peut être intégrée ici – visible pour une durée indéterminée)

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DOREEN de David Geselson (visible jusqu’à la fin du confinement)

 

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THE PRISONER de Peter Brook et Marie-Hélène Estienne (disponible jusqu’au 6 avril)

Dieu est un DJ (Falk Richter / Fabrice Murgia / Ma télé)

(quand on n’a pas lu la bible)

Oui, tu vas avoir cette chanson dans la tête toute la journée : « If God is a DJ… Life is a dancefloor… Love is the rhythm… You are the music… » (Pink)

(de quoi ça parle en vrai)

« Un couple de jeunes artistes s’enferme, se filme, et balance sa vie sur la toile pour gagner de l’argent. Faussement réfugiés dans une bulle qui éclate à la face du monde, les voilà condamnés à « produire du show » et perdant peu à peu contact avec la réalité. DJ’s de leur propre existence, ils mixent, compilent, sélectionnent, recombinent la « musique du monde ». De leur monde. Un monde où l’on ne distingue plus le vrai du faux. Où avoir un enfant est un projet trop lourd pour même l’entendre. Où, à trop vouloir le fuir en se marginalisant, on s’enferme dans un univers petit bourgeois » (source : ici)

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Crédits photos : © Luciana Santin Poletto

(ceci n’est pas une critique…)

Ou la fausse bonne idée, de voir un spectacle à la maison.

Frustré de ne pas pouvoir voir tous les spectacles inscrits sur mon agenda de mars et d’avril (Illusions perdues de Pauline Bayle au Théâtre de la Bastille, Normalito de Pauline Sales au Carreau du Temple, Furia de Lia Rodrigues au Théâtre de Gennevilliers, Quinquin de Corentin Hennebert & Johana Bacry au Théâtre de Verre, Les Sept Péchés Capitaux de Pina Bausch au Théâtre du Châtelet, le concert de CocoRosie au Trianon, Le Revisor de Crystal Pite et Jonathan Young à la Villette, liste à compléter après le 5 avril…), je me suis mis dans l’idée de regarder un des nombreux spectacles mis à notre disposition sur les internets durant ce temps de confinement et de le chroniquer. J’avais donné le choix aux personnes qui me suivent sur les réseaux sociaux (Instagram, Twitter, Facebook) entre 4 spectacles dont celui-ci.

Parce « Dieu est un Dj » est un texte d’un auteur que je ne connais que de nom (Falk Richter… toujours des lacunes, je sais).

Parce que « Dieu est un Dj » est une pièce mise en scène par Fabrice Murgia, que j’ai découvert il y a neuf ans à Avignon, à la Manufacture, avec « Life Reset, chronique d’une ville épuisée » – j’adore ce titre et j’avais adoré ce spectacle.

Parce que Fabrice Murgia est belge, que j’avais vu Sylvia l’automne dernier et que le weekend dernier, j’aurais dû le passer à Bruxelles, ma… 4e ville préférée (après Marseille, Paris et Québec).

Pourquoi ceci donc n’est pas une critique ? (et il n’y aura pas de mais…)

Parce que ça ne se commande pas. Pas pour moi en tout cas. Non, je ne dis pas : « Allez, je regarde un spectacle qui date d’il y a presque dix ans et j’écris un papier dessus ! » Ou plutôt, si, je l’ai dit et je me suis rendu compte assez rapidement de mon erreur.

Parce qu’il est difficile de critiquer un spectacle chez soi. Comme je ne suis pas la personne la plus appropriée pour émettre des critiques fines à propos de la scénographie, de la dramaturgie – je le mentionne suffisamment assez dans mes chroniques, à quoi puis-je me rattraper ? A la puissance de jeu des comédiens ? Y a ce putain d’écran d’ordinateur qui m’empêche d’être complètement dedans. Si j’avais su raccorder l’ordi à la télé, aurait-ce été différent ? Pas certain.

Aussi, quelle serait la pertinence d’une critique qui viendrait neuf ans après la création d’un spectacle ? J’aurais pu faire un comparatif (parce que Fabrice Murgia aime utiliser l’image, les écrans… j’ai tout de suite pensé au travail de Julien Gosselin ou à la pièce de Marc Lainé, Vanishing Point, une pièce road-movie). Mais je n’ai tout simplement pas l’esprit suffisamment disponible pour faire cela.

Donc, ceci n’est pas une critique et « Ceci n’est pas une critique » restera en confinement jusqu’à nouvel ordre.

Prenez bien soin de vous et à bientôt. (purée… avec tout ça, je vais me sentir obligé de rempiler ici pour la saison 2020/21… Vous saviez que Tiago Rodrigues allait reprendre « By Heart » au théâtre de la Bastille la saison prochaine ? Vous le savez désormais. Oui, j’ai signé un contrat pour mentionner dans chacune de mes chroniques ce théâtre… Et dire que je paye mes places, même là-bas !)

 

DIEU EST UN DJ

Texte de Falk Richter (traduction Anne Monfort)

Mise en scène de Fabrice Murgia

avec Raphaëlle Bruneau, Vincent Hennebicq, Laura Sépul

présenté notamment au Théâtre National Wallonie-Bruxelles en 2011…

(à voir ici, ainsi que les autres spectacles de Fabrice Murgia : https://www.artara.be/streaming/)

 

(une autre histoire)

J’ai une télévision connectée, mais la vidéo de la pièce ne veut pas se lancer. Je n’ai pas le câble approprié pour brancher l’ordinateur à mon grand écran. Je me résous à regarder la pièce sur le petit écran de mon ordinateur.

Je la regarde sur ma chaise ou dans mon canapé ? Sur mon canapé. Mais avant, j’enlève mon pyjama. Je vais le regarder tout nu. Mon rêve, assister à un spectacle à oilpé. Non, c’est faux. Pis, j’ai baissé le chauffage, faut bien faire des économies quelque part, rester toute la journée chez soi engendre des frais et ce n’est pas mon minstre de tutelle qui va me rembourser… (pas de politique, pas de politique, désolé). Me voilà habillé de façon sobre et confortable, en survêt. J’ai toujours rêvé assister à un spectacle en jogging. Merci Covid-19 !

Mais je ne mettrai pas mes pieds sur le canap’… Bon, je vais tout de même enlever mes baskets. (je ressens déjà les courbatures de mon premier entraînement dans ma cuisine, seul endroit où je peux sauter sans faire trembler tout l’immeuble… j’espère que ce sont bien des courbatures causées par l’entraînement et pas par le… (quinte de toux) Je sais enfin faire le machin chose que font tous les sportifs, la bouche dans le coude, l’autre bras levé… fin de la parenthèse).

J’ai soif, je pourrais faire comme cette fois où je suis allé voir Moeder par Peeping Tom au Barbican de Londres (tu te souviens, Camelia Burows ?). En fait, non, je n’avais pas osé, mais les spectateurs pouvaient prendre leur verre de vin ou leur pinte de bière dans la salle. Voilà, j’ai toujours rêvé faire ça, boire ma pinte de Cagole (bière supposément marseillaise et très légère… comme une Cagole) dans un théâtre.

La pièce commence.

Mince, j’ai oublié d’éteindre mon téléphone. Mince, j’ai encore reçu un courriel. Mince, c’est 20h, j’ai mon voisin de l’immeuble d’à côté que j’entends mais que je ne vois jamais qui applaudit à sa fenêtre. Et si je passais la tête par ma fenêtre pour voir à quoi il ressemble ? Le gars qui chante du Aznavour, que j’entends parfois ronfler… Je vais prendre un miroir, comme ça, il ne me verra pas.

Je devais regarder quelque chose sur mon ordinateur, mais je ne me souviens plus très bien…

 

Vu le samedi 21 mars 2020 à la maison

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

En attendant…

 Chers vous,

(alors, je ne savais pas quoi choisir comme image… j’ai cherché et je n’ai trouvé qu’une pauvre photo de ciel prise entre le Canada et la France le 2 janvier dernier… du temps où on était insouciant… C’est tellement pas naturel d’être confiné dans un avion…)

Comment dire ? Comment dire quelque chose qui a déjà été dit un million de fois ces derniers jours…

Il est évident que cela va être un peu compliqué de chroniquer les spectacles que j’avais prévu de voir… Je me suis demandé : « Mais que vais-je faire ? Laissé-je cet espace à l’abandon en attendant ou bien ? » Loin de moi l’idée de vous narrer mes aventures solitaires dans mon appartement parisien ni les affres du télétravail quand on n’est absolument pas formé pour.

Que puis-je faire donc ?

Je peux déjà vous conseiller des captations de spectacles comme celle-ci ou celle-là ? Je peux également vous parler de l’initiative de Radio Mortimer, ce collectif de blogueurs/blogueuses dont je fais partie, qui a lancé une série de capsules dans lesquelles ses chroniqueurs racontent des souvenirs de théâtre : c’est moi qui démarre avec ma première fois au théâtre (texte que j’ai recyclé, si vous êtes un fidèle d’entre les fidèles)

Et je me disais que tous les samedis, comme dans le temps, avec « Au Théâtre ce soir », je regarderais un spectacle en rattrapage, sur Arte, France Tv ou une autre plateforme et que je ferais comme si. Allez, c’est ce qu’on va faire. Je regarde, j’écris et si ça vous donne envie, vous pourrez, à votre tour, voir le spectacle en question.

Je vous donne rendez-vous ce samedi et je démarrerai avec… SURPRISE ! (ok, j’ai eu la flemme de chercher, j’hésite entre une pièce de boulevard sur la plateforme France TV (j’en profiterai pour me filmer en train de regarder la pièce et voir si je décoche au moins une fois un sourire) ou du Pina Bausch…

Restez chez vous et à bientôt.

 

(plus rien ne sera plus pareil, on est d’accord ?)

 

Ps : Je ne sais pas comment se relèveront les théâtres et les compagnies après tout ça (pour ne parler que de ce qui nous concerne ici, mais si vous voulez mon avis… non, je ne donnerai pas mon avis), ni quelles seront les aides allouées par nos dirigeants préférés, mais déjà on peut, si nos moyens nous le permettent, ne pas demander de remboursements pour les spectacles annulés… On doit rester solidaire.

Le Théâtre et son Double (Antonin Artaud / Gwenaël Morin / Nanterre Amandiers)

(de quoi ça parle en vrai)

« Après ses relectures de grands classiques (Molière, Shakespeare, Sophocle, Racine…), Gwenaël Morin s’empare du Théâtre et son double d’Antonin Artaud en se donnant comme point de départ le manifeste du « théâtre de la cruauté ». Sous une immense bulle blanche dans laquelle sont installés comédiens et spectateurs, le metteur en scène interroge son expérience à la lumière des théories d’Artaud jusqu’à détruire son propre travail, à la recherche d’un autre théâtre sous les ruines… » (source : ici)

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Photo de couverture : Martin Argyroglo – Photo ci-dessus : Richard Sammut

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Gwenaël Morin apparait parmi nous et tente de se frayer un chemin en portant un livre factice, aussi grand que lui, « Le Théâtre et son double » d’Antonin Artaud, qu’il posera ensuite à terre, tel le monolithe de « 2001 l’Odyssée de l’Espace ».

Avant d’aller plus en avant dans cette chronique, je me dois de signaler que nous ne sommes pas dans une salle de spectacles ordinaire. Après le discours du personnel du théâtre dans le hall, les spectateurs sont invités à sortir du théâtre et de suivre le mouvement, telle une procession en direction d’un lieu saint. Nous pénétrons alors dans une bulle blanche (l’oeuvre du maître des lieux, Philippe Quesne). Ici aucun siège, nous pouvons rester debout ou nous asseoir par terre. On prend une petite photo, on lève les yeux au ciel, un grand lustre et cette toile blanche encore immaculée (c’est la première) seront les seuls décors de cet essai.

Pour vous dire la vérité, je n’ai jamais lu Antonin Artaud. Je connaissais son regard, son visage, son tempérament, son lien avec la psychiatrie, mais je n’avais jamais eu le courage de lire ses mots. Les comédiens présents sur le plateau sont bien courageux de se coltiner les mots du Mômo. (le terme « se coltiner » est peut-être mal choisi, mais je n’en vois pas d’autre, tellement certains passages sont d’apparence incompréhensibles (dits par Lucie Brunet) ou impressionnants de force (dits dès l’ouverture par Richard Sammut).

Avec Gwenaël Morin, on ne sait trop sur quel pied danser, comme si de toute évidence, il était impossible d’adapter « Le Théâtre et son double » (d’ailleurs est-ce qu’on l’adapte ?). Le metteur en scène prend le parti pris d’un work in progress, dans lequel il prend également part, en intimant aux comédiens tel mouvement ou telle approche en direct. Ainsi, il n’hésitera pas à recommencer une certaine scène dans la dernière partie du (court) spectacle à cause de la soufflerie du lieu. Car Gwenaël Morin n’oublie pas où il est : tantôt lieu quasi religieux dans lequel on se recueille pour écouter sagement la parole d’Artaud (d’ailleurs, on ne tardera pas à se lever comme à la messe, à frapper dans ses mains comme pour un Gospel… ). Les comédiens ne tarderont pas à invoquer l’esprit d’Anton15 (oui, parce que les Marseillais, donc moi, on dit Antonin avec un « in » à la fin, et pas « un », or ici, c’était la blague d’Antonin dit AntonUn, vous me suivez ?) (parenthèses beaucoup trop longues, ça faisait longtemps) Où en étais-je ? Tantôt théâtre en chantier (qui ressemble à une ruine, comme le fait remarquer Manu Laskar). Gwenaël Morin sait qu’il a un spectacle à mener, d’Antonin Artaud qui plus est, dans un lieu qui connaitra des bouleversements et dont nous ne connaissons pas encore l’issue (je vous invite à consulter ce lien qui vous explique tout : ici).

Les comédiens font vivre littéralement cette grande bulle blanche. (j’avais noté cette phrase, je n’ai pas su où la placer, donc la voici, comme un cheveu sur la soupe – surtout que je me refuse de dire comment ils font, donc cela n’a aucun intérêt, vous pouvez l’effacer de votre mémoire)

Le Théâtre et son double est un objet atypique (forcément), qui manquerait peut-être de folie (mais c’était la première et c’est une création – la tension était palpable) mais qui fait encore des échos dedans ma tête. Une expérience intense qui désoriente, amuse  et étonne. La prochaine fois, je lirai Artaud et le programme de salle avant de voir le spectacle, promis.

 

LE THÉÂTRE ET SON DOUBLE

Conception et mise en scène Gwenaël Morin

Texte « Le Théâtre et son double », Antonin Artaud, Éditions Gallimard, 1938

Scénographie Philippe Quesne – Dramaturgie Camille Louis – Stagiaire Kay Zevallos-Villegas

Distribution Lucie Brunet, Lucile Delzenne, François Gorrissen, Manu Laskar, Nicolas Le Bricquir, Nicole Mersey-Ortega, Richard Sammut

Jusqu’au 28 mars 2020 à Nanterre Amandiers

 

(une autre histoire)

Antonin Artaud est né à Marseille. (comme moi. J’ai même passé mon bac au lycée portant son nom)

« La poésie, la mise en scène, la drogue, les pèlerinages, le dessin et la radio, chacune de ces activités a été un outil entre ses mains, « un moyen pour atteindre un peu de la réalité qui le fuit » (Une fois, j’ai écrit un poème, c’était pour ma bien aimée. J’attends toujours sa réponse. Une fois, j’ai mis en scène une pièce que j’ai écrite. Depuis je n’ai plus jamais mis en scène de pièces. Une fois, j’ai essayé la drogue. La drogue de l’amour bien sûr ! Et aussi un peu de crack à Stalingrad, de la coke, des amphét’ et de l’opium, mais seulement le dimanche et les jours fériés et entre midi et deux les jours de semaine. Une fois, j’ai fait un pèlerinage dans un monastère à Ganagobie. Je n’ai pas envie de faire de l’humour là-dessus, le nom Ganagobie suffit à lui-même. Une fois, j’ai fait du dessin. Ma maîtresse me dit alors qu’heureusement j’excellais en orthographe. Le mois prochain, je vais (normalement) animer une émission de radio, cela fait deux mois que j’écris mon introduction.)

Antonin Artaud était atteint d’un cancer du rectum. (non non… je ne dirai rien là-dessus non plus)

(merci Wikipedia)

 

Vu le mardi 10 mars 2020 à Nanterre Amandiers

Prix de ma place : 10€ (Carte Nanterre Amandiers)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Maps / Stéréo (Liz Santoro & Pierre Godard / Théâtre de la Bastille / Atelier de Paris CDCN)

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Quand tu prends un abonnement intégral dans un théâtre, tu acceptes, je dirais même tu accueilles sa programmation, en trois mots : Tu fais confiance. C’est parfois à double tranchant, mais cela te permet de ne rater aucune pièce de tes artistes préférés (tg STAN, Tiago Rodrigues…), de faire des découvertes ahurissantes (Lisbeth Gruwez, Nina Santes…) et parfois de refuser en bloc. Aujourd’hui Liz Santoro & Pierre Godard. Ce n’est pas pourtant pas faute d’essayer : deux spectacles cette année, Maps et Stéréo, For Claude Shannon il y a deux ans, mais… quand ça veut pas, ça veut pas. Mais pourquoi donc ?

Je sais qu’il me manque certains codes en danse. Qu’il m’est encore plus difficile d’analyser, de critiquer ce type de spectacles. En l’occurrence, je vois où Santoro & Godard veulent en venir, je comprends le parti-pris, mais cela ne me touche pas. Point.

« Les spectacles de Liz Santoro et Pierre Godard sont autant de « machines chorégraphiques » où dialoguent langage et mouvement, extrême rigueur et ludique incertitude » (programme de salle)

Le problème, c’est que je ne vois pas ce que viennent faire ces mots scandés par les danseurs de Maps ni le texte écrit à distance et en direct par Cynthia Koppe et projeté sur le plateau de Stéréo. Même si le corps est évidemment là, le geste et le sens qui en découlent passent trop souvent par la tête. Je n’ai ressenti aucune émotion naître en moi.

MAPS « Avec des déplacements précis et des gestes minimaux, les danseurs de Maps s’orientent ainsi en fonction de mots projetés aléatoirement, dépliant sur l’espace scénique le fonctionnement de notre cerveau. (…)  les corps d’abord contraints révèlent leur liberté d’interprétation jusqu’à atteindre un intense état de joie et de présence. » (programme de salle)

Je n’ai rien ressenti de tel. Certes, je vois l’investissement des danseurs. Cynthia Koppe est assez impressionnante de ce point de vue là, mais je n’ai pas vu l’explosion tant attendue après ces gestes et ces mouvements infiniment calculés.

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Crédits photos : DR

STÉRÉO « Le surgissement du texte, aussi bien spatial que sonore, ouvre un espace qui démultiplie le corps de la danseuse et diffracte le regard du spectateur. Mais ce qui devient palpable, c’est la relation entre deux corps distants, entre présences physiques et immatérielles, comme une expression poétique et fantomatique des nouvelles technologies. » (programme de salle)

Surcharge cognitive évidente pour moi, après une semaine plutôt difficile. Tu tentes de comprendre ce que dit (ou écrit) en anglais Cynthia Koppe (qui voit le spectacle grâce au téléphone portable de Liz Santoro, posé au proscénium, tout en te demandant qui influe sur qui. Des gestes se répètent, mais rien ne fait sens pour moi.

Tout cela a évidemment l’avantage de me faire réfléchir, il n’empêche que je ne pense pas que j’irai revoir un spectacle de Liz Santoro et Pierre Godard.

Ps : Je viens de relire ma chronique à propos du premier spectacle que j’ai vu d’eux et… C’est étonnant comme certaines sensations restent en tête, à presque deux ans d’intervalle.

MAPS

Avec Matthieu Barbin, Lucas Bassereau, Jacquelyn Elder, Maya Masse, Cynthia Koppe et Liz Santoro

Spectacle de Liz Santoro et Pierre Godard – Conception Liz Santoro et Pierre Godard

Espace et collaboration artistique Mélanie Rattier – Musique Greg Beller – Costumes Angèle Micaux – Lumières et régie générale Anne-Sophie Mage

Production Le principe d’incertitude

STÉRÉO

Avec Liz Santoro

Spectacle de Liz Santoro et Pierre Godard – Conception Liz Santoro et Pierre Godard en collaboration avec Cynthia Koppe

Médium Cynthia Koppe – Espace Mélanie Rattier – Musique Greg Beller – Lumières Laïs Foulc – Costumes David Anselme – Régie générale Titouan Lechevalier

Production Le principe d’incertitude

Jusqu’au 7 mars au Théâtre de la Bastille, puis le 20 mars au CDCN de Roubaix

(une autre histoire)

« Tu rejoins des amis ? » me demande-t-elle. Je réponds : « Pas cette fois-ci. Mais j’y croise toujours quelqu’un que je connais. »

Plus tard.

Je ne le connais pas et pourtant il me parle.

« Il faudrait qu’ils mettent des bancs pour des gens comme moi ». C’est par cette affirmation que l’homme se présente à moi. J’étais le premier de la file, il me pique ma place, mais je ne dis rien. Je réponds : « Il y en a un à l’autre entrée ! » Il rétorque : « Je sais, mais ma place à moi est de ce côté-ci ».

L’homme a ses habitudes. Il s’assoit toujours au même endroit. A partir de ce moment-là, il me tiendra la jambe, jusqu’à l’ouverture des portes. Il me détaillera tous ses abonnements ainsi que les nombreux avantages financiers que cela lui procure (surtout quand on est handicapé et à la retraite comme lui), fera l’article d’un théâtre en banlieue, évoquera la médiocrité de la programmation théâtrale parisienne de cette saison, de la mauvaise volonté d’un certain théâtre de la Ville de Paris concernant les places « à destination des personnes en situation de handicap », de son voyage avorté à Annecy à cause d’une faiblesse au coeur (je saurai tout), de ses rituels du mois de mai au moment des annonces des programmations théâtrales pour la saison à venir…

Les portes s’ouvrent. Il se dirige vers la place que j’avais en tête pour moi : côté jardin, en bout de rang, sans strapontin. Je lui souhaite un bon spectacle et m’engouffre au troisième rang, au centre, derrière une personne dotée d’un respirateur (qu’il enlèvera pendant la représentation, heureusement).

Sur le chemin du retour, j’ai repensé à cette rencontre. Même s’il n’était pas moi plus vieux (l’homme était bien plus grand que moi et il y a longtemps que j’ai terminé ma croissance), je me suis vu, moi en plus vieux, seul. Point positif : je me mettrai donc à parler aux gens, alors que j’ai tendance aujourd’hui à me recroqueviller sur moi-même, spectateur de ma vie, misanthrope compulsif. Point négatif : je ne veux pas devenir lui.

Vus les mardi 3 mars 2020 (Maps) et vendredi 6 mars 2020 (Stéréo) au Théâtre de la Bastille, Paris

Prix de ma place : Pass Bastille (13€ / mois)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Printemps Vingt Vingt

Autant dire que, vu ce qu’il se passe dehors, je ne sais pas si nous pourrons voir tous ces spectacles, mais on fera tout pour… D’ailleurs, pourquoi m’embêter, je pourrais très bien faire une liste des spectacles que je n’irai de toute façon pas voir. Au hasard : Isabelle Huppert dans la Ménagerie de Verre (je deviens allergique) ? Ou tenter de deviner lesquels j’ai prévu de voir mais que je ne verrai finalement pas (à cause d’une répétition impromptue, un rendez-vous galant, un boycott des Bouffes du Nord après la déprogrammation du phénoménal spectacle de Phia Ménard au profit de Kanye West…)

 

 

1/ MAPS (les 3 et 4 mars) / STEREO (les 6 et 7 mars) de Liz Santoro et Pierre Godard au Théâtre de la Bastille 

Ou le retour des deux chorégraphes au Théâtre de la Bastille, après For Claude Shannon qui ne m’avait pas vraiment convaincu, mais je veux bien leur redonner deux chances. Pis, c’est comme pas si je pouvais faire autrement, puisque c’est inclus dans mon pass intégrale… (à l’heure où j’écris cette chronique, j’ai déjà vu Maps et, pour en faire une micro-critique, je n’adhère pas aux parti-pris du duo)

2/ LABOURER de Madeleine Fournier au Théâtre de la Bastille (du 3 au 6 mars)

Qui êtes-vous, Madeleine ? (pas certain que j’irai voir une autre de ses oeuvres, au regard de ce que j’ai ressenti lors de la représentation… j’en dis trop et pas assez, je le sais)

3/ LE THÉÂTRE ET SON DOUBLE de Gwenaël Morin à Nanterre Amandiers (du 10 au 28 mars)

Ce metteur en scène m’avait enchanté avec ses Molière d’Antoine Vitez, vus au Théâtre du Peuple à Bussang il y a presque deux ans – d’ailleurs, j’y retournerai cet été pour, sûrement, un des derniers articles du blog. Cela sera l’occasion de me confronter à l’écriture d’Antonin Artaud (avec qui je partage au moins deux points communs : le lieu de naissance et le lycée du même nom où j’ai passé mon baccalauréat).

 

 

4/ ILLUSIONS PERDUES de Pauline Bayle au Théâtre de la Bastille (du 11 mars au 10 avril)

Ma connaissance en l’oeuvre de Balzac est proche de zéro, mais je fais confiance en Pauline Bayle, elle qui m’avait enchanté (j’ai oublié mon dictionnaire des synonymes) avec son adaptation d’Iliade et Odyssée.

5/ NORMALITO de Pauline Sales au Carreau du Temple (du 13 au 15 mars)

L’autrice Pauline Sales + une commande de Fabrice Melquiot + un soupçon d’Anthony Poupard (que je reverrai cet été à Bussang…)

6/ FURIA de Lia Rodrigues au Théâtre de Gennevilliers (les 14 et 15 mars)

Je l’avais raté l’an passé à Chaillot, je tente la ligne 13 cette année pour aller jusqu’à Gennevilliers, tellement son Pindorama m’avait fasciné.

7/ LES SEPT PÉCHÉS CAPITAUX de Pina Bausch au Théâtre du Châtelet (du 24 au 29 mars) / LE SACRE DU PRINTEMPS de Pina Bausch au 13e Art (du 1e au 21 juin)

L’an passé, j’avais également raté les deux nouvelles créations de la compagnie. On ne m’y reprendra pas. Un jour j’irai à Wuppertal (j’y suis déjà allé) voir un spectacle de Pina Bausch.

 

 

8/ COCOROSIE au Trianon (le 3 avril)

Autant vous dire que je n’ai pas réécouté les soeurs Cassady depuis 2007 et leur album The Adventures of Ghosthorse & Stillborn et que j’espère retrouver dans ce concert mes vingt-neuf ans… Oui, j’en suis là, RENDEZ-MOI MA JEUNESSE ! (comme disait Roland Barthes : « Je n’ai pas une nostalgie mais des nostalgies. » #dropthemic)

9/ REVISOR de Crystal Pite & Jonathon Young à la Villette (du 1e au 4 avril)

Je suis un mouton de Panurge : on me dit d’aller voir un spectacle de Crystal Pite, donc je vais voir un spectacle de Crystal Pite.

10/ LA BRÈCHE de Tommy Milliot au Théâtre Joliette Minoterie (Marseille) (du 8 au 10 avril)

Je serai à Marseille pendant les vacances de Pâques et comme je n’ai rien d’autre à faire, j’irai aussi au théâtre. J’avais le choix entre un spectacle à l’Espace Kev Adams (véridique) ou celui-là.

11/ LE SILENCE ET LA PEUR de David Geselson au Théâtre de la Bastille (du 20 au 29 avril)

Oui… encore une pièce autour de Nina Simone. Mais comme c’est le très occupé David Geselson qui est aux manettes, je ne peux rien lui reprocher.

 

 

12/ VACANCES VACANCE d’Ondine Cloez au Théâtre de la Bastille (du 21 au 25 avril)

Mystères mystère…

13/ DANS LE NOM de Tiphaine Raffier aux Ateliers Berthier (du 22 avril au 7 mai)

Précédemment comédienne chez Julien Gosselin, sa pièce à elle, France Fantôme, m’avait grave impressionné (oui, je parle comme ça aussi) (en reprise au même endroit du 14 au 28 mai). Parviendra-t-elle à confirmer l’essai ? Nous le saurons prochainement…

14/ JAMAIS LABOUR N’EST TROP PROFOND par Thomas Scimeca, Anne-Elodie Sorlin et Maxence Tual à Nanterre Amandiers (du 23 au 30 avril) / TOUT LE MONDE NE PEUT PAS ÊTRE ORPHELIN par les Chiens de Navarre aux Bouffes du Nord (du 2 au 14 juin)

Des anciens Chiens de Navarre, les nouveaux Chiens de Navarre… Curieux de voir mon premier, sans la patte Jean-Christophe Meurisse, craintif d’être lassé pour mon deuxième.

 

 

15/ BILLION DOLLAR BABY à la Nouvelle Seine (du 1e avril au 28 mai)

Après Thomas Scimeca, une autre Marseillaise sur scène : Audrey Vernon, dont j’ai vu les trois précédents spectacles (pertinents et drôles : Comment épouser un milliardaire ? Chagrin d’Amour et Marx et Jenny)

16/ UNE CÉRÉMONIE par le Raoul Collectif au Théâtre National Wallonie Bruxelles (du 28 avril au 14 mai)

Normalement, je devrais à nouveau me rendre en mai prochain à Bruxelles pour voir ce nouveau spectacle du génial collectif belge, en avant-première avant son passage au Festival d’Avignon cet été et en 20/21 au Théâtre de la Bastille. Je vous raconterai…

17/ PHÈDRE ! (du 4 mai au 6 juin) / RÉCITAL / CHORALE / LES POTIERS (DU 14 au 16 mai) par le Collectif Gremaud / Gurtner / Bovay au Théâtre de la Bastille

Pas d’Occupation Bastille cette année, mais des Suisses en force avec ces quatre spectacles, sûrement drôles et intelligents. (j’avais adoré la Conférence de Choses, moins Pièce)

 

 

18/ ITALIENNE, SCÈNE ET ORCHESTRE de Jean-François Sivadier à la MC 93 (du 28 mai au 6 juin puis du 19 juin au 5 juillet)

Pièce culte avec Nicolas Bouchaud

19/ POQUELIN II par le tg STAN aux Nuits de Fourvière (du 4 au 7 juillet)

Je ne sais pas encore si cette pièce sera jouée la saison prochaine au Théâtre de la Bastille ou pendant le Festival d’Automne, mais j’aurais très envie de découvrir les Nuits de Fourvière par l’intermédiaire de mon collectif flamand préféré.

20/ LES INFILTRÉ.E.S saison 3 au Théâtre de la Bastille (les 18 et 19 juin)

On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Un des projets théâtraux auxquels je participe reprend du service (et moi aussi par la même occasion, moi qui, à la même époque l’an passé, clamait que ça serait ma dernière saison)

 

QUAND IL N’Y EN A PLUS, IL Y EN A ENCORE…

À part ça, j’aurais pu aussi citer les spectacles en continuation ou en reprise, que j’ai déjà vus (et appréciés), comme : Hedda qui est toujours à l’affiche du Théâtre de Belleville jusqu’au 29 mars – le grand retour de Jean-Baptiste Thierrée et Victoria Chaplin avec leur Cirque Invisible (au Théâtre du Rond Point du 3 mars au 5 avril) – Maîtres Anciens – Comédie avec Nicolas Bouchaud (au Théâtre de la Bastille du 10 mars au 3 avril) – la reprise à la Comédie Française du génial Comme une pierre qui… de Marie Rémond (du 15 avril au 24 mai), ou comment Bob Dylan enregistra la chanson « Like a rolling stone » – ainsi que Hercule à la plage de Fabrice Melquiot que j’avais beaucoup apprécié l’été dernier (à l’Espace Cardin du 24 avril au 3 mai) – sans oublier le retour du tg STAN, pas à Bastille mais au Théâtre 14 avec la reprise de Après la répétition (une pièce chère à mon coeur) avec Georgia Scalliet d’après Bergman (du 28 au 30 mai)…

Mais également des spectacles qu’il me sera difficile de voir pour des raisons techniques (imaginez tout ce que vous souhaitez) : la reprise de Trans (mes enlla) par Didier Ruiz, que je raterai à nouveau (à la Maison des Métallos du 19 au 21 mars) – la lecture de la pièce Fanny écrite par Rebecca Deraspe, une autrice québécoise à suivre (à la MC93 – Hors les murs du Théâtre Ouvert, le 22 mars) – La 7e vie de Patti Smith  (tout est dans le titre) de Benoît Bradel avec Marie-Sophie Ferdane (au Théâtre 14, du 24 mars au 7 avril) –  Le dernier jour du jeûne par Simon Abkarian au Théâtre de Paris (du 3 avril au 4 juin) – un des derniers concerts de Léopoldine HH pour cette tournée « Blumen in Kopf » (le 20 avril à la Manufacture Chanson) – la création de Du côté de Guermantes d’après l’oeuvre de Proust et mis en scène par Christophe Honoré (à la Comédie Française du 23 avril au 7 juin mais c’est déjà malheureusement complet…) Andando Lorca 1936 (aux Bouffes du Nord du 28 avril au 10 mai), ne serait-ce que pour les comédiennes Estelle Meyer, Johanna Nizard, Zita Hanrot, Audrey Bonnet… – le festival Mises en Capsules (du 18 mai au 6 juin) au Théâtre Lepic, qui vient d’annoncer sa nouvelle programmation (avec notamment une pièce écrite par une ancienne camarade que je connais depuis le CP…) – Les secrets d’un gainage efficace par les Filles de Simone, que j’avais raté l’été dernier (au Théâtre Paris Villette du 20 mai au 6 juin) – This is how you will disappear de Gisèle Vienne, qui m’intrigue toujours autant, après Jerk ou Crowd (au Théâtre du Châtelet du 27 au 31 mai).

J’ai employé le mot Bastille quinze fois, je ferai mieux la prochaine fois. Bonne nuit !

À l’Ouest (Olivia Grandville / Théâtre de la Bastille)

(de quoi ça parle en vrai)

« En 1921, âgé de cinq ans, Moondog, le «Viking de la Sixième Avenue», a la chance de jouer du tom-tom avec des Indiens Arapahos. C’est sur les pas de ce compositeur de légende, au cœur des réserves autochtones du Canada et d’Amérique du Nord, qu’Olivia Grandville noue un dialogue entre son propre langage chorégraphique et les danses de pow-wow, rassemblement autant social que spirituel. À l’Ouest interroge ainsi la place de la danse dans les cultures amérindiennes, dressant sur scène une structure métallique en forme d’igloo, au centre de laquelle un poste de télévision dévoile les grands espaces et les traditions des premiers habitants. Au rythme d’un tambour envoûtant, décrivant des cercles autour de cet igloo, cinq jeunes femmes martèlent le sol, dansent jour et nuit pour se rapprocher de la transe. » (source : ici)

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(c) Marc Domage

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Je ne suis absolument pas celui qu’il faut pour parler « danse » (déjà que pour le théâtre… oui, j’ai encore sorti ma branche d’ortie, je suis prévisible, mais ne vous en faites pas, plus que cinq mois avant la fin). Pas pour rien que je ne me suis pas prononcé en début de semaine sur « Ce qui n’a pas lieu » de Sofia Dias et Vitor Roriz, également présenté au Théâtre de la Bastille avec l’Atelier de Paris / CDCN. Mais quand un spectacle m’enthousiasme, je ne peux que prendre mon ordinateur sur mes genoux et tenter de mettre des mots sur ce que j’ai ressenti en écoutant de la musique déprimante car c’est dimanche soir (Agnes Obel et son nouvel album « Myopia »).

Après la grande claque Nina Santes, l’an passé au même endroit, voici donc ma découverte de la chorégraphe Olivia Grandville qui m’a fait le même effet, l’immersion en moins.

Il y a forcément le rythme imposé par le percussionniste Paul Loiseau, qui aide à la transe. Les danseuses n’arrêteront jamais leur danse de pow-wow métissée avec la danse contemporaine, mais aussi d’autres danses plus traditionnelles. On les sent toutes très investies, Tatiana Julien en tête. Quarante-huit heures après avoir vu ce spectacle, il me reste encore très nettement des images, ces toiles transparentes qui recouvrent l’igloo, cette ronde ininterrompue, cette façon de taper du pied – chaque danseuse a sa façon de faire. La chorégraphe sait jouer sur le rythme, tantôt lancinant, tantôt rapide et obsédant.

Le spectacle est aussi le témoignage d’un périple qui a amené Olivia Grandville de l’Abitibi (région québécoise) à Ottawa, en passant par Albuquerque au Nouveau Mexique. Sa danse est chargée des rencontres qu’elle a faites (un film documentaire autour de son voyage prolongeait le spectacle) et de l’histoire autochtone elle-même.

En résumé, un spectacle fascinant (c’est mon mot de la semaine) qui fait appel à nos sensations.

 

À L’OUEST

Chorégraphie d’Olivia Grandville

Avec Lucie Collardeau, Clémence Galliard, Olivia Grandville, Tatiana Julien et Marie Orts

Textes et entretiens Olivia Grandville

Remerciements pour leur coopération et leurs témoignages à Carl Seguin, Réjean Boutet, Malik Kistabish, Marguerite Wylde, Israël Wylde-McDougall, Katia Rock et Marie Léger

Percussions Paul Loiseau – Musiques Alexis Degrenier et Moondog – Réalisation sonore Jonathan Kingsley Seilman – Régie son Lucas Pizzini – Lumières Yves Godin – Conception scénique Yves Godin et Olivia Grandville – Costumes Éric Martin – Images Olivia Grandville – Regard extérieur Magali Caillet – Collaboration Stéphane Pauvret, Aurélien Desclozeaux, Anne Reymann, Fabrice Le Fur et Will Guthrie

Avec l’Atelier de Paris / CDCN

Bientôt à Périgueux, Pontchâteau…

 

(une autre histoire)

À L’EST

Je pris le train à Vancouver. Encore inconscient de ce que ce voyage allait être, je m’assis dans mon fauteuil et attendis sagement le départ. Je ne savais pas que j’allais réapprendre la lenteur : quelques 4 300 kilomètres pour rejoindre Toronto à 50 km / h en moyenne, vous ferez le calcul. Je n’avais pas pris mon ordinateur portable, le wifi était inexistant, ma soeur m’avait prêté sa liseuse (je n’ai jamais autant lu que durant ce périple – de mémoire : Vernon Subutex 1 et 2 (Virginie Despentes), Intérieurs (Thomas Clerc), Tout est fatal (Stephen King), Vie et mort de la jeune file blonde (Philippe Jaenada)). Je devais m’accomoder des compagnons de route que je n’avais pas choisis (des enfants qui subissaient plus qu’autre chose ce long voyage, d’autres personnes que j’ai maintenant oubliées). Parfois je me rendais au wagon loisirs pour écouter le concert d’un bluesman qui faisait le trajet gratuitement contre deux concerts – je ne sais plus son nom, c’est dommage. Je croisais les passagers de la première classe qui faisaient leur petite balade en terre de seconde classe, là où les voyageurs dormaient sur des fauteuils et n’avaient aucune douche pour se laver – je vous laisse imaginer le parfum de notre wagon après trois jours… En revanche, nous n’avions pas le droit d’humer le parfum des couchettes-lis de la première classe. Toujours cette lutte des classes !

Ce que je préférais, c’était prendre mon plaid et m’installer dans le wagon au toit transparent. C’est là qu’on pouvait voir les levers et les couchers de soleil, les paysages se transformer subtilement : des plaines aux Rocheuses, des Rocheuses aux lacs à perte de vue. Le temps n’avait plus aucune valeur. Tout ce qu’on avait à faire, c’était se perdre dans nos pensées, imaginer les routes empruntées par les Colons, les chevauchées sauvages des Autochtones, comme si on remontait le temps à contre-courant.

Vancouver Toronto. Il doit bien y avoir une signification dans ces mots-là.

 

Vu le vendredi 28 février 2020 au Théâtre de la Bastille (Paris)

Prix de ma place : 13€ / mois (pass Bastille)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito