Contes Immoraux – Partie 1 : Maison-Mère (Phia Ménard / Cie Non Nova / Bouffes du Nord)

(de quoi ça parle en vrai)

« Une feuille de carton géante, quelques mètres de ruban adhésif, des piques et un corps. D’un geste sans hésitation comme on mènerait le combat à mort ! Ici pas de sang mais la sueur d’une tension entre une architecture titanesque et la bâtisseuse. Etaler, tracer, couper, assembler, poser, puis recommencer encore jusqu’à l’équation parfaite. Qui est-elle ? Une mortelle ou un mythe ? Une réfugiée d’un temps proche, celle qui reconstruira malgré les intempéries et les déluges mythiques ? Tout se joue à l’instant et l’erreur guette… » (source : ici)

 

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Crédits photo : Jean-Luc Beaujault

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Ceci, rappelons-le, est une performance.

Jouons-la d’abord basique : c’est l’histoire de la construction d’une maison de type Acropole, ça prend 1h15 et elle est détruite en 15 minutes.

Jouons-la plus finement : Nous assistons au montage laborieux d’une maison en carton, aux dimensions assez impressionnantes. Le personnage interprété par Phia Ménard retire les pièces inutiles, plie, monte, scotche avec du scotch pas totalement résistant, fait le tour de son chantier une fois, deux fois… On n’oublie pas que c’est une performance. Quand on ne voit plus Phia Ménard (parce qu’on est placé du mauvais côté de la scène), on observe les spectateurs, hypnotisés, agacés, amusés, comme nous en fait (comme moi, quoi).

Puis, sans crier gare, on reste fasciné, scotché (petit jeu de mots des familles pour qui a vu le spectacle, car un stock assez conséquent de scotch est utilisé pour solidifier la maison). La performeuse tente de mettre la maison debout. Il lui faudra plusieurs tentatives. Si on m’observe à mon tour, je suis assez ridicule, je trouve, car très expressif : mes yeux, ma bouche, grands ouverts, de peur que tout s’effondre, que Phia Ménard ne parvienne pas à mener à son terme son effort. On tremble pour elle. Et elle joue de ça. On l’entend soupirer voire rugir, on l’entendrait presque transpirer (les sons sont captés, décalés, modifiés). On voit sur son visage l’impatience, l’agacement, voire la frustration mais aussi la persévérance. Et pourtant – séquence divulgâchage – la maison tiendra debout.

Des gouttes d’eau tombent alors sur la bâtisse en carton. Phia Ménard s’assoit. La pluie tombe sur la scène du théâtre de plus en plus fort. L’artiste regarde son oeuvre se détruire. Nous assistons à cette chute, rapide et implacable, impuissants. Et nous laissons faire… Tu la devines l’allégorie ? Le théâtre est envahi de fumée, nous distinguons à peine la silhouette de Phia Ménard. Fin.

Même si j’ai passé ma non-critique à décrire au final la performance, il en reste que ce qu’on ressent est assez indescriptible. Il faut se laisser porter par le travail de Phia Ménard et il est certain que vous vous en souviendrez très longtemps, tellement ce spectacle est phénoménal…

 

CONTES IMMORAUX – PARTIE 1 : MAISON MÈRE

Une performance de la Compagnie Non Nova

Ecriture et mise en scène Phia Ménard et Jean-Luc Beaujault

Scénographie et Interprétation Phia Ménard

Composition sonore et régie son Ivan Roussel – Régie plateau Pierre Blanchet et Rodolphe Thibaud – Costumes et accessoires Fabrice Ilia Leroy

Jusqu’au 1e mars 2020 aux Bouffes du Nord (Paris) puis à Chambéry, Brest, Gradignan…

 

(une autre histoire)

Elle est assise en fond de scène et nous, spectateurs, arrivons dans la salle.

« Et c’est parti pour le show… J’ai oublié un truc… le ruban adhésif, ok, ma tronçonneuse, ok… elle est rechargée ? Merde, je ne sais plus si j’ai changé la batterie ! (…) Et vas-y qu’on me prend en photo, qu’on la met sur Instagram « En attendant que Phia Ménard… bla bla bla… » (…) Mais quelle idée de venir avec un enfant de 8 ans ? Au premier rang en plus… Il va se balader, jouer avec la boule de scotch que j’aurai jetée, ne pas obéir à sa mère… Je déteste les enfants. (…) Y a l’ouvreur qui marche dans mon espace de jeu, j’aime pas ça. Et ce spectateur qui va s’embrocher dans le micro : « Mais regarde où tu mets tes pieds, putain ! » (…) Alors ? Combien de personnes vont sortir avant la fin ce soir ? (…) Oh toi, tu te mets au premier rang… j’espère que tu as prévu ton ciré et tes bottes de pluie ! » (…) J’ai oublié mon texte, putain, qu’est-ce que je dois dire ? Aaaaah, mais je suis conne… c’est vrai… je n’ai pas de texte ! Je suis maline quand même ! »

 

Vu le lundi 24 février 2020 aux Bouffes du Nord (Paris)

Prix de ma place : 26€ (promo carte Nanterre Amandiers)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

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