Aux Éclats (Nathalie Béasse / Théâtre de la Bastille)

(de quoi ça parle en vrai)

« … Aux éclats… explore les débordements en tous genres, les limites entre le plein et le trop-plein, entre le vide et ce qui excède, mais aussi les failles et les empêchements des êtres humains grâce à la présence de trois personnages, sortes de Buster Keaton des temps modernes, qui jouent devant nous comme des enfants… » (source : ici)

© Jean-Louis Fernandez

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Avec Nathalie Béasse, on ne sait jamais comment ça va commencer. Ici, les trois coups de théâtre très vite supplantés par le bruit d’une disqueuse (enfin, je crois, je ne suis pas M. Bricolage, au grand désarroi de mon père). Des éclats de voix en coulisses. Je les imagine dans l’atelier si bien rangé et organisé du Théâtre de la Bastille, les voix se déplacent. Très difficile de distinguer ce qu’elles se disent (ou bien est-ce mon masque qui m’empêche d’entendre ?). C’est comme si le théâtre bougeait, comme s’il était vivant. Du théâtre vivant. C’est drôle d’écrire ça après la période que nous avons passée. Puis des faux spectateurs qui se transforment en magiciens qui ont le rythme dans le sang, même quand les éléments se déchaînent, un « Je te tiens la barbichette » qui me fait penser à une performance de Marina Abramovic

« Aux éclats » doit être mon cinquième spectacle de Nathalie Béasse. Même si « Roses », une adaptation très personnelle de « Richard III » emporte mon adhésion, je ne peux qu’être enthousiasmé par ces éclats de jeu, sans queue ni tête, aux premiers abords (je serais bien incapable de vous résumer la pièce, la preuve). Nathalie Béasse / Christopher Nolan, même combat : faut pas chercher à comprendre, il faut ressentir. La comparaison s’arrête là, car la première est bien moins prétentieuse que le second. On pourrait parfois se croire à une énième conférence sur le rire, à la Jos Houben, mais le rebond est toujours pris au bon moment, on ne sait jamais où va nous emmener Nathalie Béasse, avec parfois un sentiment d’errance, avouons-le.

Ici, ça se touche, ça transpire, y a du corps et de l’âme, du Buster Keaton en somme (je pense présentement à ma prochaine chronique d’un spectacle vu le lendemain qui en est un peu l’antithèse, c’est troublant). Dans « Le Bruit des Arbres qui tombent », nous étions bouche bée devant la danse d’une bâche. Ici c’est un nuage de fumée, qu’on regarde s’élever. Tout se termine par un délabrement général (on s’attendrait à voir des grenouilles tomber du ciel) et comme leurs comédiens, on regarde, sans bouger, ce qu’ils (nous ?) ont provoqué. Au milieu de tout ce fatras, des artistes hyper-investis, qui tissent leur fil, de spectacle en spectacle et qui donnent envie de les revoir une prochaine fois.

Ps : Quand tu as des difficultés à trouver des arguments ou à analyser une oeuvre, décris ce que tu vois, ça passera (je ne suis pas fortiche dans l’analyse, mais dans l’auto-analyse, je me pose là)

 

AUX ÉCLATS

Avec Étienne Fague, Clément Goupille et Stéphane Imbert

Conception, mise en scène et scénographie Nathalie Béasse

Lumières Natalie Gallard – Musique originale Julien Parsy – Régie son Tal Agam et Nicolas Lespagnol-Rizzi – Régie plateau Max Belland – Construction décor Julien Boizard, Corine Forget et Philippe Ragot

Au Théâtre de la Bastille jusqu’au 8 octobre 2020 et en tournée à Segré, Blois, Le Mans, Toulouse (les 15 et 16/12 au Théâtre Sorano), Nantes, Saint-Etienne, Ancenis…

 

(une autre histoire)

J’ai posé un masque sur la poignée de ma porte. Pour ne pas oublier, quand je pars. Si je m’entendais, je collerais des post-its de partout, pour ne pas oublier. J’ai une petite tête. Les anniversaires, les rappels, les documents à compléter et à rendre… Je marche, je suis masqué. J’arrive sur mon lieu de travail, je change de masque. Pas seulement mon visage ni ma personnalité, mais au sens propre. Toute la journée, je porte le masque. Je parle sous mon masque. L’été dernier, j’ai retrouvé des figurines inspirées d’un dessin animé qui s’appelait M.A.S.K. Le matin, ça va. Je gère. C’est l’après-midi que ça se complique. Comme envie de l’arracher. Je suis d’avis qu’il n’y a pas que le masque que j’ai envie d’arracher. Je vais envie de m’arracher moi, de là.

Le soir, je vais au théâtre pour voir des gens qui ne portent pas le masque. Jamais aimé les spectacles de Comedia Dell Arte. Même si je suis respectueux et sincèrement époustouflé par celles et ceux qui maîtrisent cet art si particulier du théâtre masqué. Ce soir, ils ne portent pas le masque. Ils s’embrassent, ils se touchent, ils boivent, ils transpirent, ils éructent.

Épiphanie (pas la ville ni les Rois Mages). Je veux faire ça. Je veux être là. Je veux répéter et jouer et ne plus sortir, rester dans ma boîte noire et chanter et danser. Toute la journée. Toute la vie.

 

Vu le lundi 21 septembre 2020 au Théâtre de la Bastille (Paris)

Prix de ma place : Pass Bastille (13€/mois)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

2 réflexions au sujet de « Aux Éclats (Nathalie Béasse / Théâtre de la Bastille) »

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