Le bruit des arbres qui tombent (Nathalie Béasse – Théâtre de la Bastille)

(quand on ne lit pas la note d’intention)

Installation vidéo, des arbres sont abattus, un à un, en temps réel. Aucune limite de temps, l’entrée est libre, on reste devant le grand écran, on repart, on revient. Le même ballet des arbres qui tombent, le bruit du bois qui casse. Depuis que vous lisez (à haute voix) ces quelques lignes, sept hectares de forêts ont été détruits dans le monde. Imaginez à la fin de cette chronique. (cela dit, en France, la superficie des forêts croît… j’ai un peu potassé le sujet, merci)

 

(ce que ça raconte en vrai)

Plus que les mots, ce sont les corps, les images et les sensations qui prédominent dans ce spectacle visuel, sonore et incontestablement poétique. Nathalie Béasse y explore les failles et les difficultés d’exister d’une humanité en prise avec la Nature. L’arbre qui tombe, c’est un homme empêché qui chute, mais qui, lui, peut possiblement se relever. Par l’intermédiaire de focus sur quatre individus se dessinent des instantanés de vie qui composent sur scène de véritables tableaux vivants, drôles, organiques et sensitifs. Pour le spectateur, c’est une palette d’émotions qui s’ouvre, allant du rire à la contemplation. (Maxime Bodin – site du Théâtre de la Bastille)

 

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Crédit photo : Jérôme Blin

 

(ceci n’est pas une critique mais…)

Dès le début du spectacle, nous sommes cueillis. Comment en parler sans tout dévoiler ? Me revient en tête la fameuse scène du sac en plastique qui danse dans le film de Sam Mendes « American Beauty », puissance mille. On reste béat devant une telle poésie. Puis des corps (deux) et ce mur de la salle du bas du théâtre de la Bastille, qui doit en voir des vertes et des pas mûres… Ici quatre artistes (dont Erik Gerken vu dans la série… Hero Corp !), des jeunes, des moins jeunes, trois hommes, une femme, des accents, des langues et des peaux différent.e.s (c’est donc ça l’écriture inclusive ?). Une succession de tableaux qui appellent à notre imagination et qui reviennent nous hanter bien après (il y a un autre mot que « Hanter » sans cette connotation négative ?) (je l’avoue, je n’ai pas tout compris, mais faut-il absolument tout comprendre ?) (je le répète, je ne lis jamais le programme avant de voir un spectacle, mais peut-être devrais-je ?). C’est devant ce genre de spectacles (beaux beaux beaux) que j’ai (encore plus) de mal à mettre des mots sur mes émotions. Il reste des images marquantes, on s’enterre, on éclabousse, on tombe, on joue. J’ai fermé les yeux pour écouter les dernières paroles du spectacle (ce que j’ignorais) (c’était de qui ?). Silence. Je les ai rouverts, le noir complet. La fin ?

Vu le 29 septembre 2017 à 20h au Théâtre de la Bastille (Paris 11)

Prix de la place :  13€/mois (Pass annuel)

 

Le Bruit des Arbres qui Tombent

Conception, mise en scène et scénographie  : Nathalie Béasse (Roses, Happy Child, La Meute…)

Avec Estelle Delcambre, Karim Fatihi, Érik Gerken et Clément Goupille

Lumières : Natalie Gallard – Musiques : Nicolas Chavet et Julien Parsy

jusqu’au 14 octobre 2017 au Théâtre de la Bastille (Paris 11) et notamment les 16/01/18 et 17/01/18 au Théâtre de Saint-Nazaire.

 

(une autre histoire)

Elle ricanent. Je les entends. Elles sont assises à côté de moi (elles m’ont demandé en arrivant si les places étaient prises, j’ai répondu avec mon plus beau sourire par la négative, en bouchant bien la vue de la personne qui m’accompagnait, histoire qu’elles ne croient pas que je suis intéressée par l’autre nana à côté de moi) et dès le début du spectacle, elles ricanent. Entendez bien que je ne dis pas « elle rient » ou « elle rigolent ». Non, leur rire est hautain, moqueur. Je les entends chuchoter. Elle pensent déjà à ce qu’elles vont faire après le spectacle. « Allez viens, on se tire et on va bien faire claquer nos sièges, tu vas voir, on va bien s’amuser ! » J’ai l’ouie très fine. Je commence à être bigleux, à ne pas reconnaître les gens, à ne pas savoir si c’est à moi qu’on adresse un salut, un sourire… (hier soir, je crois que j’ai mis un vent à quelqu’un comme ça, il faudra que je m’excuse. Encore.) mais j’ai l’ouïe (CK) fine. L’autre jour j’ai entendu un de mes élèves chuchoter à un de ses camarades : « Je m’en fiche si le maître nous a donné cinq minutes en moins de récréation, c’est rien. » Je me suis retourné et je lui ai dit : « Si c’est comme ça, ça sera dix. T’es content maintenant ? J’entends tout, je vois tout. Pis tu sais ce que c’est la vision périphérique ? Je ne vois pas ton visage, mais je vois la forme de ton corps qui bouge dans tous les sens. Est-ce que tu me comprends, petit être sponsorisé par Petit Bateau, avec ton ciré jaune et ta marinière ? Je suis ton pire cauchemar, j’ai même des yeux dans le dos. Tu veux les voir ? Bon, ils sont cachés par les poils. C’est pour ça que je ne fait pas épiler mon dos. Alors certes, ça en fait fuir quelques unes, mais imagine la tête des donzelles qui passent par chez moi et qui verraient mes yeux dans le dos. Pis ces yeux, ils voient à travers les vêtements. Même quand il y a trois couches. Mes yeux dans le dos, ils voient même à travers tes vêtements quand je ne porte qu’une chemise et que je te tourne le dos. Euh… Ce n’est pas ce que je voulais dire… Euh… J’ai un bouton on/off, je ne l’utilise pas si souvent. Seulement en cas d’attaque. J’esquive. Tchac tchac. Oui, je suis un super héros. J’ai des pouvoirs. Je suis un X-Men. Le X-Men poilu. »

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

 

Photo de couverture : Jérôme Blin

Ensemble Ensemble (Vincent Thomasset – Actoral Marseille)

(mis à jour le lundi 23 octobre 2017)

(quand on ne lit pas la bible)

C’est c’est l’histoire l’histoire d’un d’un homme homme qui qui bégaye bégaye. Mais mais il il souffre souffre d’une d’une forme forme de de bégaiement bégaiement inhabituelle inhabituelle puisque puisqu’il il parvient parvient à à dire dire un un mot mot entier entier mais mais ne ne peut peut s’empêcher s’empêcher de de le le répéter répéter. La la pièce pièce durera durera donc donc deux deux fois fois plus plus que que le le temps temps initialement initialement prévu prévu.

 

(de quoi ça parle en vrai)

Texte et chorégraphie prennent appui sur des matériaux multiples, notamment documentaires : carnets intimes trouvés dans un vide-grenier relatant la vie quotidienne d’une femme qui a traversé le XXème siècle, des témoignages d’ « entendeurs de voix », des individus diagnostiqués schizophrènes, des parcours de vie, des matériaux biographiques liés à la parole… Chaque matériau est séparé de sa source, est relu/traduit dans un langage spatial, sonore/musical et chorégraphique, développant des partitions multiples dans lesquelles lieux et personnes se confondent, se répondent, font circuler le verbe – éléments constitutifs d’un tout en constante évolution. Une mise en jeu qui interroge la notion de parcours, d’itinéraire, de traversée : traversée d’une pièce, d’un texte, d’un pays, d’un siècle, d’une vie. (site Actoral)

 

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crédit photo : Vincent Thomasset

 

(ceci est une critique, une vraie… et forcément elle n’est pas de moi…)

par notre envoyé spécial à Marseille, Laurent Suavet (qui est une vraie personne, je précise. Je ne me suis pas inventé un autre moi. Quand bien même je le ferais, j’utiliserais un autre prénom, parce que Laurent… soyons sérieux… je ne connais aucun personnage charismatique de la littérature ou du cinéma qui s’appelle Laurent ! Je n’appellerai pas mon enfant Laurent, par exemple. J’espère que le vrai Laurent va continuer à me parler après tout ça.)

Conceptuel. C’est le premier mot qui m’est venu à l’esprit pendant et après la vision du spectacle. En général, on a tendance à utiliser ce terme quand on n’a pas trop compris ou aimé une œuvre. Mais dans ma bouche, ça n’a rien de péjoratif. Je ne connaissais le travail de Vincent Thomasset qu’à travers son spectacle précédent (« Lettres de non-motivation » de Julien Prévieux, déjà présenté à Actoral il y a 2 ans et que j’avais adoré, probablement un des spectacles les plus drôles que j’ai pu voir dans ma vie) mais j’ai l’impression qu’il n’a jamais fait un théâtre purement narratif. D’une certaine manière, il raconte quand même des histoires mais jamais d’une façon directe ou trop explicative. De cette succession de saynètes et tableaux habilement chorégraphiés (3 des 4 comédiens présents sur scène viennent d’ailleurs de la danse), on retient avant tout l’expression corporelle et le mouvement, alors que le texte et les dialogues (pourtant assez présents) débouchent la plupart du temps sur une impossibilité à communiquer et à se faire comprendre. (Thomasset brouille d’ailleurs les pistes dès le départ via un stratagème qu’on ne dévoilera pas)

Certains regretteront peut être qu’il reste « le cul entre 2 chaises » et ne choisisse pas vraiment entre la dimension narrative (cette histoire de carnets intimes qu’on aurait aimé le voir approfondir) et un dispositif plus théorique qui a parfois tendance à repousser l’émotion et nous laisser à distance. Toutefois, le spectacle reste constamment ludique, plaisant, délicieusement absurde et décalé, et sa courte durée (environ 1h) fait qu’on ne s’y ennuie jamais. Et puis c’est toujours un plaisir de retrouver sur scène l’excellente Anne Steffens – elle était déjà présente dans les « Lettres de non-motivation » mais je l’avais véritablement découverte à Avignon il y a 3 ans dans le merveilleux spectacle de Dorian Rossel « Je me mets au milieu mais laissez moi dormir » (adaptation du chef d’oeuvre de Jean Eustache « La maman et la putain », elle y reprenait alors le rôle de Véronica, jouée dans le film par Françoise Lebrun).

Une critique écrite par Laurent Suavet.

Vu dans le cadre du festival Actoral le mercredi 27 septembre 2017 au théâtre du Gymnase, Marseille.

Prix de la place : 10€ (pass Actoral)

 

Ensemble ensemble

Conception, texte : Vincent Thomasset

Interprétation : Aina Alegre, Lorenzo De Angelis, Julien Gallée-Ferré, Anne Steffens

Lumières : Pascal Laajili – Création sonore : Pierre Boscheron – Musique originale : Benjamin Morando & Gabriel Urgell Reyes (The Noise Consort) – Conseiller musical : Benjamin Morando – Conseillère artistique : Ilanit Illouz – Scénographie en collaboration avec : Vincent Gadras – Costumes en collaboration avec Angèle Micaux – Assistante mise en scène : Flore Simon – Régie générale : Vincent Loubière

Prochainement : du 18 au 24 octobre 2017 au Théâtre de la Bastille (avec le Festival d’Automne) (Paris) et le 29 mars 2018 à la Passerelle (St Brieuc)

 

(une autre histoire)

Bon, je veux dire, ça demande une certaine préparation, d’aller au théâtre. Il faut calculer le temps de trajet, bien s’hydrater, mais pas trop, avoir un bon transit pour les moments de silence et surtout bien dormir. Bien dormir, avant la pièce, je précise. Mon voisin (que je ne nommerai pas, même si je peux dire qu’il lit peut-être ces lignes, que nous avons d’autres dates communes et qu’il fait deux têtes de plus que moi, donc j’éviterai de trop le contrarier), par exemple, il a dormi. Je n’ai pas osé le réveiller, mais j’ai bougé, je lui ai donné un coup de coude, sans faire exprès, comme on dit. Et il s’est réveillé. Quand on se réveille, c’est comme quand on tombe : on veut retrouver sa verticalité.  C’est marrant à observer. Puis on applaudit, comme si de rien n’était.

Moi, par exemple. Je suis énormément sorti ce mois-ci et pour la petite histoire, je suis présentement en vacances, depuis samedi. Mais je suis encore dans le rythme de mes journées de travail, de ce fait je me lève, même le dimanche, à sept heures du matin. Je suis en vacances, mais je ne me repose pas. Pas encore. Ce matin, j’ai couru aux Buttes Chaumont (j’emmerde mon monde avec mes progrès en demi-fond, y a pas de raison pour que vous soyez épargnés), puis j’ai vadrouillé toute la journée (je passe les détails, je vous en prie). Malgré deux cafés, je sentais bien que j’aurais des difficultés à tenir jusqu’au soir. Ben, je me suis rendu dans une salle de cinéma, ai choisi un film pour lequel je ne portais pas un intérêt de folie et me suis endormi. Je fus frais comme un gardon en sortant et j’ai pu ainsi profiter des belles voix et présence de Anne Steffens, de la magnifique création sonore de la pièce, notamment. Pour terminer, s’il y a bien quelque chose que j’aime quand je vais dans cette salle du bas du théâtre de la Bastille que je commence à bien connaître maintenant, pour diverses raisons, c’est que je peux ne pas la reconnaître : « Attends, c’est toi salle du bas ? T’as bien changé depuis la dernière fois. » Et pour cela, merci à tous ces artistes qui s’adaptent, qui réinventent ce lieu (ce qu’on peut voir aussi dans d’autres théâtres, évidemment).

Tout ça pour dire… Bonne nuit les petits.

 

Les parties « Quand on ne lit pas la bible » et « Une autre histoire » sont écrites par Axel Ito.

Grande (Tsirihaka Harivel/Vimala Pons – Centquatre)

(quand on ne lit pas la bible)

Grande (prononcez Grandé !) est une plongée dans le quotidien des baristas Starbucks qui luttent contre tous ces profiteurs et fainéants qui commandent un seul cappuccino « Grande » et restent assis toute la sainte journée dans les fauteuils club à profiter du Wifi, à recharger leur MacBook, à faire semblant de travailler et/ou d’écrire un roman ou pire une chronique théâtrale.

(ce que ça raconte en vrai)

De l’équilibre au vacillement, du chaos à l’agencement, du grandiose au minuscule, Vimala Pons et Tsirihaka Harrivel révolutionnent le langage du Music-Hall. Tout en jouant avec les fondamentaux du cirque (et du théâtre physique), ils créent un spectacle furieusement contemporain. Une grande Revue faite d’images poétiques et d’objets détournés. Une forme inventive, jubilatoire, haletante. Du mémorable strip-tease inaugural de Vimala, aux glissades expérimentales de Tsirihaka…, leur scène ressemble à un grand juke box distributeur de poèmes. (site du Centquatre)

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Crédit photo : Christophe Maout

(ceci n’est pas une critique mais…)

Que dire qui n’a pas déjà été dit ? « Je sais que j’ai tout dit et que d’autres avant moi ont dit ce que j’ai dit, mais ils ne sont pas moi », comme dit la chanson (« Visite des recoins » de Scotch & Sofa). C’est la deuxième fois que je vois, en un peu plus de neuf mois, ce spectacle, qui affiche toujours complet, et à raison (créé au même CentQuatre en début d’année et repris au Monfort Théâtre au printemps, pour ne parler que de Paris, centre du monde). Est-ce du cirque, du music hall, du théâtre, de la danse, un peu tout à la fois ? À vrai dire on ne se pose pas vraiment la question et c’est peut-être ça aussi qui nous fait revenir. Parce que la première fois, j’en suis sorti au moins autant épuisé que l’intrépide Tsirihaka Harivel et la surprenante Vimala Pons, épaté, époustouflé devant l’inventivité et la richesse des tableaux (j’imagine ces deux-là, tous les soirs, préparer leur mise… (tout leur matériel)). Ces artistes savent tout faire. Pourtant le temps m’avait fait oublier ces moments un peu plus mélancoliques, ces pauses aussi entre chaque revue pendant lesquelles on peut apprécier l’incroyable rôle des régisseurs plateau sans qui le spectacle ne peut se faire et qu’il ne faut jamais oublier. Revoir le spectacle une deuxième fois, c’est aussi faire un pas de côté, comme je les affectionne : entendre le public réagir lors de la première descente de toboggan de Tsirihaka Harivel (je veux pas cafter, mais trois jeunes petits cons devant (me voilà qui fait mon vieux), 2e rang au milieu, ont filmé à plusieurs reprises, malgré la mise en garde d’une régisseuse), capter le moment où ce dernier sourit aux changements d’humeurs de Vimala Pons (qu’il a dû pourtant voir faire des centaines de fois), où ces deux-là, d’un regard furtif, nous font comprendre leur complicité entière et leur attention réciproque. Aux saluts, on les voit essoufflés devant nous et encore ébahis devant cette salle 400 qui se lève avec un enthousiasme fou (et dès le premier salut). Quand le public sort, le duo revient sur scène, comme pour nous dire au revoir. Au revoir. Ça veut dire ce que ça veut dire.

Vu le mercredi 27 septembre 2017 à 20h30 au Centquatre (Paris 19)

(déjà vu lors de sa création au Centquatre le 8 janvier 2017)

Prix de la place : 10€ (tarif abonnement)

 

Grande

réalisation, conception, écriture, musique, dispositif sonore, dispositif lumière, création accessoires et création objets : Tsirihaka Harrivel & Vimala Pons

Jusqu’au 13 octobre 2017 au Centquatre (Paris 19) : COMPLET

En tournée du 14/11/17 au 18/11/17 au Théâtre Olympia (Tours), du 12/12/17 au 14/12/17 à la Comédie de Valence, les 22 et 23/02/18 au Théâtre de Cornouaille (Quimper)

 

(une autre histoire) : Micro-sieste

« Je n’arrive pas dormir. Pourtant tout se passe bien, qu’est-ce qui peut bien me donner autant de souci ? On affiche complet, l’ambiance au théâtre est au beau fixe. Le soir, évidemment, après la guerre, j’ai du mal à me mettre au lit, tout me semble trop calme, il me faut du temps pour redescendre (musique de descente). On joue ça depuis quand ? Ça devrait me rassurer, je ne connais pas (encore) la routine. Le problème, c’est que je ne dors que par micro-siestes.

(Une fois je dormais avec des potes, je veux dire dans la même chambre. Après la première nuit, ils m’ont dit que je ronflais. Ça m’a énervé, alors la deuxième nuit, j’ai attendu qu’ils s’endorment avant moi. Mais je les ai entendus se moquer de mon ronflement. Je pensais que je ne dormais pas, mais en fait je dormais déjà.)

C’est pas bon pour la santé, non, de dormir par intermittence ? Le pire, c’est que je ne me sens pas fatigué. Heureusement sinon je ne pourrai rien faire tous les soirs et je nous mettrais en danger. Mais là-haut, ça n’arrête pas. Je veux dire, de cogiter, de penser et repenser le spectacle, les mouvements, les déplacements, le rythme. Des années qu’on y travaille, ça ne s’arrêtera jamais. Il faut que je dorme.

(pause)

(play)

Il faut que je vous raconte. Là, genre cinq secondes après avoir fermé les yeux, j’ai  eu un spasme. C’est un réflexe, il parait, pour se réveiller. C’est le cerveau qui envoie cette information-là au corps, parce qu’il est persuadé qu’on est en train de mourir.  Très tôt dans la phase d’endormissement, tu rêves que tu tombes (d’un toboggan) ou que quelque chose te saute à la face (un pétard). Ça s’appelle la myoclonie. Mais je ne veux pas me réveiller, je voudrais dormir. Puis, j’ai encore rêvé (je me suis vraiment vu partir) mais pas d’elle. De lui. Dans la vraie vie il est mort. D’ailleurs, dans mon rêve, il entrait chez moi par effraction. Je ne sais même plus ce qu’il me disait. Pourquoi vient-il encore me hanter ? On est à Edinburgh. Les fantômes de mon passé. Les trompettes d’Avignon me réveillent. Vingt minutes viennent de passer. Toute une vie. Je dormirais encore mais après je n’arriverais plus à me lever, comme dans un état second. Je dormirai quand je serai mort, c’est comme ça qu’on dit, je crois. Alors je me réincarnerai en toboggan et je vous sentirai glisser sur moi. »

Photo de couverture et textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Real Magic

(quand on ne lit pas la bible)

Le Théâtre de la Bastille se diversifie et se fait cabaret avec un hommage au plus grand magicien de tous les temps : Garcimore. Son hologramme enchantera petits et grands avec en point d’orgue son célèbre numéro du tour de cartes, dans lequel il pose un jeu de cartes par terre et marche autour de celui-ci. Certes c’est d’une manière « décontrastée » que je viens de dévoiler le clou du spectacle mais je vous assure que c’est le genre de magie que vous ne verrez qu’une seule fois dans votre vie.

 

(ce que ça raconte en vrai)

Tout commence par une situation simple conçue selon le principe des jeux télévisés : un présentateur invite un participant à découvrir une énigme, et orchestre le suspense de sa résolution à grand renfort d’effets. Mais d’emblée, la situation revêt une forme d’absurdité : d’une part, la règle est excessivement difficile, puisque le compétiteur doit deviner le mot choisi par un autre « parmi tous les mots de la langue anglaise », d’autre part il n’y a aucun autre enjeu que celui de gagner, enfin lorsque le candidat échoue, le jeu ne s’arrête pas : les trois participants changent de rôle et tout recommence. (Laure Dautzenberg – Site du Théâtre de la Bastille)

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Crédit photo : Forced Entertainment

 

(ceci n’est pas une critique mais…)

Nous pourrions être dans un épisode de la Quatrième Dimension ou de Black Mirror. Un cercle vicieux qui ne se romprait jamais. Trois personnages coincés dans cette boucle et conscientes de l’être et qui ne semblent pas vouloir en sortir (en tout cas pas au même moment) et qui par la même occasion éprouve notre patience (même en connaissant de quoi il retournait , la durée du spectacle et le nombre de répétitions du jeu (quoique, toujours avec des variations, je précise), j’ai vite perdu le compte et me suis perdu moi-même). Mais ne vivrions-nous pas dans cette même boucle ? Ou chacun sa boucle. (Non, je ne parlerai pas de ma vie… pas cette fois-ci) Plus je pense à ce spectacle, plus je le comprends (j’ai toujours été un peu long à la comprenette) et plus ça me déprime. En revanche, cela m’a rassuré quant à ma capacité à comprendre de l’anglais sans avoir à lire les sur-titres. Certes tout est répété une bonne trentaine de fois ; il n’empêche, comprendre l’anglais sans être bourré… Ah non, c’est quand je bois que je parle bien.

Tout ça pour dire, Forced Entertainment a réussi son coup. C’est absurde, c’est énervant, c’est drôle et déprimant.

 

Vu le dimanche 24 septembre 2017 à 17h au Théâtre de la Bastille (Paris 11)

Prix de la place : 13€/mois (pass annuel)

 

Real Magic

Spectacle de Forced Entertainment

Mise en scène de Tim Etchells

Conception et interprétation Jerry Killick, Richard Lowdon et Claire Marshall (avec la contribution de Robin Arthur et Cathy Naden)

Scénographie : Richard Lowdon – Lumières : Jim Harrison – Son : Greg Akenhurst et Doug Currie – Assistante : Anna Krauss – Musiques électroniques et montage son : John Avery – Loops : Tim Etchells

Un spectacle soutenu par le Festival d’Automne

Les 27 et 28 septembre 2017 au Humain Trop Humain (Montpellier)

 

(une autre histoire) : boucles

Ma gardienne, je la vois tous les matins. Elle arrose les plantes dans la cour. Même quand il pleut. Même quand je pars en retard, je la croise. Ne pas me voir est peut-être annonciateur pour elle d’une mauvaise journée.

Le gars qui fait traverser les enfants sur la route, je lui dis bonjour tous les matins, je suis poli. Je ne dis rien d’autre. Ce gars m’énerve, il passe plus son temps à reluquer les minettes qu’à se mettre au milieu de la route. À quoi sert-il ?

Le matin, au travail, j’ai des rituels. J’arrive dans mon bureau, je lance l’ordinateur, je prends mon mug signé Siné « Chat-Mailleur ». Je mets en route la cafetière, mange une galette de riz en attendant, arrose les plantes. Tous les ans, je répète les mêmes phrases, je m’endors aux mêmes réunions, je me plains tout le temps, je suis toujours en retard sur mon planning.

Tous les ans, je me dis que je devrais changer de boulot. Tous les ans, je reporte.

Tous les matins, je vais au boulot à pied. Il ne faudrait pas y aller trop vite. Tous les soirs, je rentre à vélo. Il ne faudrait pas trop tarder.

J’ai l’impression de tout le temps faire la vaisselle chez moi. Faudrait peut-être que j’arrête de manger et de boire. Ou bien, sans aller dans de telles extrémités, boire à la bouteille par exemple.

Quand je fais pipi, je m’essuie toujours… un… deux… trois… quatre, en quatre temps, pas un de plus, pas un de moins.

Pendant les vacances, je rends toujours visite à mes parents. Je prends le train, mes parents viennent me chercher à la gare, on passe chez la mère de mon père, on remonte dans la maison familiale à cent kilomètres de là. On redescend vers la gare, je reprends le train…

Mes rencards, ça donne à peu près ça : on se donne rendez-vous à mi chemin, on discute de tout et de rien, je parle toujours des mêmes choses, small talk. A la fin, on ne sait pas trop si on va se revoir, mais on sait qu’on attendra que l’autre rappelle. Évidemment, personne ne rappelle.

Depuis quelque temps, au rythme de mon planning, je prépare un fichier texte, j’imagine ce que pourrait être un spectacle à partir de son titre, je copie colle le squelette de la chronique, les différentes parties, cherche une ou deux photos du spectacle en question pour agrémenter la lecture de l’article, vois le spectacle, note mentalement ou sur un carnet noir des mots pour la critique qui n’en est pas une mais qui y ressemble quand même de loin, reviens chez moi en cherchant ce que je pourrais écrire comme autre histoire. J’écoute la bande originale ad hoc pour écrire dans de bonnes conditions, bloque toutes les applications du téléphone et de l’ordinateur, écris, relis à haute voix, corrige, relis à haute voix, mets en page, publie.

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

 

Photo de couverture : Forced Entertainment

La Pomme dans le noir

(quand on ne lit pas la bible)

Dans un entrepôt de mille mètres carrés, dix personnes triées sur le volet se retrouvent enfermées. Une seule pourra en sortir vivant, mais seulement quand elle aura trouvé le nouvel iPhone X, posée quelque part dans le noir. Tous les spectateurs seront équipés de lunettes infra-rouges afin de vivre au plus près cette étonnante aventure.

(ce que ça raconte en vrai)

La romancière brésilienne la plus célèbre du XXe siècle, Clarice Lispector, a imaginé ce voyage initiatique d’un héros sans héroïsme, fuyant le crime qu’il a commis et se révélant à lui-même par la grâce de la rencontre de deux femmes étonnantes qui lui ouvrent le chemin. (site de la MC93)

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Crédit photo : Christophe Reynaud de Page

(ceci n’est pas une critique mais…)

La MC 93 sent le neuf. Tellement le neuf que l’ascenseur est en panne et qu’il nous faut monter l’équivalent de trois étages (?) pour accéder à la nouvelle salle. (j’ai couru ce matin, j’ai plus de genoux). On s’installe. Le noir partout. Ça m’angoisse. Il fait chaud. Ma toux nerveuse reprend. Où est ma bouteille d’eau ? Obligé de fermer les yeux, c’est épuisant, parce que les yeux ouverts cherchent mais ne trouvent aucune source de lumière. Une voix retentit, elle ressemble à celle du narrateur du dessin animé « Les mystérieuses cités d’or ». Pierre-François Garel avait donc déjà cette voix dans le ventre de sa mère. Merveilleux.

Blague à part, les quatre comédiens sont à la hauteur de leur talent (revoir l’imprévisible Mélodie Richard, la singulière Dominique Reymond, l’énigmatique Carlo Brandt…) avec en prime la découverte de Pierre-François Garel (après recherche, il jouait également dans « Salle d’attente » de Krystian Lupa, pièce dans laquelle j’avais découvert Mélodie Richard, ne m’en veuillez pas si je ne retins alors que cette dernière). Je fus moins convaincu par les apartés ou moments distanciés (Je n’ai pas compris, ce sont les acteurs qui parlaient ou leurs personnages ? Parce qu’en lisant un entretien de la metteure en scène Maris-Christine Soma, elle y déclare que les comédiens incarnent tantôt leurs personnages tantôt eux-mêmes…). Il faudra également qu’on m’explique l’utilisation de la chanson de Niagara « Pendant que les champs brûlent » pour une transition entre deux scènes.

C’est une pièce qui prend son temps (2h30 sans entracte, il faut être en forme (ce que je n’étais pas… note pour plus tard, ne plus aller courir juste avant), qui sait installer une atmosphère hors du temps.

Ps : Obnubilé par la goutte d’eau qui tombait du plafond, prémices accidentelles de la pluie artificielle qui tombera plus tard sur une partie du plateau, je n’ai pas écouté une partie de la pièce, je suis irrécupérable.

 

vu le samedi 23 septembre 2017 à 18h à la MC93 à Bobigny (93)

Prix de la place : invitation Télérama

 

La Pomme dans le noir

Mise en scène, adaptation et lumière Marie-Christine Soma

D’après Le Bâtisseur de Ruines de Clarice Lispector (Traduction Violante Do Canto, Gallimard — Collection L’Imaginaire)

Avec Carlo Brandt, Pierre-François Garel, Dominique Reymond et Mélodie Richard

Scénographie Mathieu Lorry-Dupuy – Son Xavier Jacquot – Images Raymonde Couvreu assistée de Giuseppe Greco – Costumes Sabine Siegwalt – Assistante à la mise en scène et à la lumière Diane Guérin – Stagiaire assistante à la mise en scène Marie Cousseau

Une Production MC93 — Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis.

Jusqu’au 8 octobre 2017 à la MC93 Bobigny

En tournée du 11/10/17 au 13/10/17 à la MC2 de Grenoble, du 17/10/17 au 21/10/17 au Théâtre Olympia (Tours)

 

(une autre histoire)

C’est la première fois que je retourne à Bobigny depuis… depuis… treize ans ? Un comité d’accueil se présente à moi à la sortie du métro : gendarmes et CRS en uniforme et l’air patibulaire. Après renseignement, je ne suis pas celui qu’ils attendaient. Je lève les yeux au ciel, fais un tour sur moi-même : mon Dieu que c’est moche ! Ça ne s’est pas arrangé en treize ans et neuf jours (c’était un mardi). Je débarquais de ma province chérie (Marseille) pour démarrer ma vie active. La convocation indiquait un bureau quelque part sur une espèce de dalle, un peu comme aux Olympiades dans le treizième arrondissement de Paris, dans lequel on me donnerait mon affectation définitive. Ce jour-là, j’observai les gens encore plus que d’habitude. Ces gens-là ne ressemblent pas à ceux que j’avais quittés, alors même qu’ils devaient avoir les mêmes origines sociales et/ou géographiques que ceux que je croisais dans ma cité HLM. Un peu de méfiance, qui disparaitra. Aujourd’hui, cette méfiance, je l’ai envers les gens de ma ville natale, va comprendre. Là-bas, dans ce bureau, j’ai signé un papier. Comme si j’avais signé de mon sang avec le diable, jusqu’à ce que la mort nous sépare. On m’indique du doigt la direction à prendre pour rejoindre mon affectation : un tramway et un bus à trois chiffres.

J’ai mon ticket en main. A droite, mon futur. A gauche, mon passé. (tout droit un blockhaus… ah non, c’est le centre commercial de Bobigny 2. Pourquoi 2, je n’en sais rien et c’est le cadet de mes soucis). Un ticket. Les larmes me montent aux yeux. Je veux rentrer chez moi. Je ne rentre pas chez moi. Je suis grand, je suis fort. A la Poste, là où j’ai travaillé durant trois ans pendant les vacances scolaires, ils m’ont donné une carte de voeux et offert un bol avec le Piaf dessus. Si je reviens, il faut que je rende le bol ?

Je vais à droite.

Je connais quelqu’un qui avait eu une idée de court métrage : le personnage principal choisit toujours d’aller à gauche, quoi qu’il arrive.

Je suis allé à droite. Et on regrette toujours d’être allé à droite.

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

 

Photo de couverture : Christophe Reynaud de Lage

Agatha

(quand on ne lit pas la bible)

Ou comment les douze jours pendant lesquels la célèbre romancière Agatha Christie disparut sans laisser de traces inspirèrent ses écrits futurs dont « Dix petits nègres ». Et si Agatha avait expérimenté pour de vrai le terrible stratagème du roman qu’elle écrira par la suite ?

 

(ce que ça raconte en vrai)

La provocation est dans le monde. Non seulement depuis, mais également bien avant Shakespeare, la force de l’amour et ses conséquences sont encore et toujours matière à histoires. Prenons Agatha : Elle – Lui – L’amour – Ils sont frère et sœur – Le secret – L’inceste, alors la provocation… (site du Café de la Danse)

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Crédits photos : DR (ça, c’est quand je ne suis pas arrivé à trouver le nom du photographe…)

 

(ceci n’est pas une critique mais…)

En juillet 2001, j’assistai à une représentation de « Agatha » par le Panta Théâtre, compagnie normande, au Théâtre des Doms pendant le festival Off d’Avignon. Moi qui ne connaissais peu ou prou l’écriture de Marguerite Duras (le film de Jean-Jacques  Annaud « L’Amant » était alors ma seule référence), je me souviens avoir dit à la fin de la pièce à la chargée de diffusion (que je connaissais) : « On entend bien le texte. » C’est le genre de phrases qu’on sort quant on ne sait pas quoi dire (surtout moi, je ne sais jamais quoi dire… vous vous en êtes peut-être rendu compte). Mais là c’était vrai. J’entendais, je comprenais le texte. Par la suite, je lus la pièce, j’enchaînai avec « Un barrage contre le Pacifique »… Ils sont rares les auteurs dont je  me dis : « Waouh, mais qu’est-ce que c’est bien écrit ! » (comme Albert Cohen d’ailleurs) (je n’argumente absolument pas, je sais). Tout ça pour dire que j’eus un brin d’appréhension avant d’aborder cette nouvelle adaptation de « Agatha ». Je m’étais déjà refusé de voir celle avec les frère et soeur Mesguich, toujours à Avignon, aussi, parce que bon… des vrais frère et soeur… (et une autre raison que je n’évoquerai pas ici)… Mais il est vrai que le nom Hans Peter Cloos qui avait mis en scène la toute première pièce de théâtre que j’avais vue (au lycée quand j’étais en 1e L option théâtre… tout un programme… « Roméo et Juliette » avec Denis Lavant et Romane Bohringer), me convainquit.

Je vais immédiatement enchaîner, car oui, longue introduction (et bientôt cette non-critique sera plus longue que ne le sera mon « autre histoire ») pour dire que je n’ai pas entendu le texte. Merci, au revoir.

Je n’ai pas compris l’utilisation de la vidéo (mais pourquoi donc des images des enfants du film « La Nuit du Chasseur » – Est-ce à supposer qu’eux aussi, dans leur malheur, développaient une attirance incestueuse, comme le souligne Hans Peter Cloos dans ses notes d’intention : « … Comme pour beaucoup de gens… » (oui alors j’ai extrait la phrase de son contexte, je sais, mais est-ce à dire que je rêve de ma soeur sans même le savoir ?)) et pourquoi donc cette mini caméra ? La musique est omniprésente, l’acteur (le frère) a certes un physique atypique (ce qui fait plaisir à voir) mais cabotine légèrement (euphémisme), l’actrice, elle, est plutôt convaincante (comme quoi, ce n’est pas parce qu’on a la plus longue… (cf les trois lignes de biographie concernant Alexandra Larangot et les soixante-dix lignes de Florian Carove dans le programme, oui j’ai compté et il en a plus que la bio de Marguerite Duras).

Pour conclure, j’ai trouvé l’ensemble assez grossier, mais je suis resté jusqu’à la fin.

 

vu le jeudi 21 septembre 2017 à 20h30 au Café de la Danse (Paris 11)

Prix de la place : 3,5€ (Weclap)

 

Agatha

Une mise en scène d’Hans Peter Cloos (assisté de Clémence Bensa)

sur un texte de Marguerite Duras

avec Florian Carove et Alexandra Larangot

décor : Marion Thelma – costumes : Marie Pawlotsky – lumière : Nathalie Perrier- vidéo : Matti Dolleans

musique : Pygmy Johnson

Une pièce présentée par Aimant d’Art.

Jusqu’au 7 octobre 2017 au Café de la Danse (Paris 11)

 

(une autre histoire)

« Génial ! Ce soir je vais danser au Café de la Danse ! Comment ça ils ne passent (presque) jamais de spectacles de danse ? Des concerts ? Mais on peut danser pendant les concerts ! Ce soir, c’est du théâtre ? Ah mince… Mais c’est quoi comme pièce ? Agatha ? T’es sûr qu’ils n’ont pas transformé la salle en pop up store pour Agatha Bijoux au moins ? J’ai une blague : Monsieur et Madame Blues ont une fille, elle s’appelle Agatha : Agatha Blues. Bon, ok, ça fonctionne mieux avec Agathe Zeblues. »

Mais autre chose, par exemple, je ne comprends pas pourquoi ils ne diffusent pas d’opérette à la Gaîté Lyrique ! Au moins, la Cigale, ça fait référence à la fable de la Fontaine, elle chante, donc on y entend de la musique. Et c’est pas là-bas qu’on y trouvera un vermisseau. Le gars qui a ouvert le café « La Fourmi », à côté, en a dans le ciboulot. Parce que souvent je crie famine là-bas. Je ne ferai aucune blague sur le Bataclan. Y a une date de prescription ? Même le Point Éphémère, que de la bouche, ça devait être un lieu… éphémère ! Ils l’ont ouvert pile poil quand je suis arrivé à Paris, en 2004, j’ai fait mes recherches. Et comme moi, ils sont toujours là. Est-ce qu’ils en ont marre des klaxons et du métro, comme moi ? J’y pense, l’an passé j’ai vu « Un album » par Laetitia Dosch sur le toit du Point FMR. Ben hier soir, elle était juste devant moi, enfin je crois que c’était elle. Je me demande ce qu’elle en a pensé… elle qui va jouer dans « La maladie de la mort » l’an prochain, mise en scène par Katie Mitchell.

C’est comme le Lèchevin rue Daval, alors qu’il y a une vraie rue Lèchevin à Paris (où se trouve la Ménagerie de Verre… Tennessee Williams y a-t-il créé sa pièce ? (j’ai longtemps cru que c’était une femme)) Il n’y a pratiquement rien comme choix de vin au Lèchevin. Dans une autre chronique (de mémoire « La règle du jeu »), je parlais du Lèchevin, (je sais, légère tendance à récapéter, ça fait aussi quatre fois que j’écris le nom de ce bar aux toilettes mythiques) j’avais fait tomber les verres de vin, qui coulait sur le sol. Pour ne pas gaspiller, car je suis un peu radin (voyez le prix de ma place), j’en étais arrivé à…

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

 

Les Grands

(quand on ne lit pas la bible)

« Y a pas que les grands qui rêvent

Y a pas que les grands qui ont des sentiments

J’voudrais qu’il m’embrasse sur les lèvres

Pas comme une enfant… »

 

(ce que ça raconte en vrai)

Cette nouvelle création de Fanny de Chaillé, à partir d’un texte de Pierre Alferi, mêle trois moments de la vie pour aborder de manière drôle et sensible la question de la construction de soi. Sur scène, trois personnages grandissent sous les yeux du public : de l’enfant à l’adulte en passant par l’adolescent. Trois âges se superposent, dialoguent, s’interrogent, s’opposent. Grandir, c’est se confronter à ces épaisseurs, à ce feuilleté d’émotions, de temps et de discours superposés. Quel enfant nous avons été, quel adolescent, quel adulte sommes-nous ? Comment donc et pourquoi en sommes-nous arrivés là ? (site du Centre Pompidou)

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Crédit photo : Christophe Raynaud De Lage

(ceci n’est pas une critique mais…)

… Je ne sais pas si elle se rend compte de son pouvoir. Le public s’impatiente, c’est un soir de première : bavardages, brouhahas (tous aux abris, y a des adolescents dans la salle !), un plateau vide. Une petite fille descend les marches de la grande salle du Centre Pompidou, s’arrête bord scène, dos aux spectateurs. Le silence s’installe. Elle entre dans l’espace de jeu. Ça commence, plus rien ne la perturbera, peut-être un ou deux toussotements. (encore une fois, je tousse à l’extérieur, mais dès que la pièce démarre, mes quintes disparaissent, mystère.)

Une petite fille joue. On entend sa voix enregistrée. Il y a des petits (ou minis), des moyens (les ados) et des grands (les adultes) qui jouent le même rôle. Pour une mini, c’est « inademissible », pour un ado, « y en a rien à foudre », pour un grand, on se bouche les oreilles.

La pièce nous attendrit, nous surprend quand les ados interpellent directement les adultes (Que voyons-nous ? Des jeunes d’aujourd’hui ? Des jeunes fantasmés par les grands de maintenant), nous séduit en observant ces 3×3 corps pas forcément raccords et pourtant composant la même personne (avec ce que cela implique dans l’esprit de chacun des personnages), nous perd un chouïa quand le propos se fait plus didactique.

Il y a des phrases qu’on note : « (en tant qu’adulte) On peut vivre à fond notre adolescence. » , « Les adultes jouent si bien leur rôle qu’ils y croient à fond. » , « On croit en rien, on essaie tout. »

Les musiques choisies (« Still living you » de Scorpions, « One » de U2, « Creep » de Radiohead (par la chorale Scala & Kolacny Brothers) (ça coûte combien d’utiliser de telles chansons ?)) jouent à fond leur rôle de madeleines de Proust. Pour moi, pour les gens de ma génération, mais pour les autres ? (Je me souviens de la boum de fin de CM2 où je dansais un slow sur du Herbert Leonard avec Florence A., je sens encore ses mains qui s’impriment sur mes épaules). La pièce se terminera par la voix de Dominique A. (j’aurais bien voulu aussi que ce dernier écrive toutes les musiques du spectacle… je sais, je ne suis pas le seul.) Et alors que sa voix retentit dans la salle, les minis mènent la danse, les ados et les adultes suivent. Fondu au noir.

Vu le mercredi 20 septembre à 20h30 au Centre Pompidou / Festival d’Automne

Prix de la place : 14,5€ (abonnement Festival d’Automne)

 

Les Grands

Conception et mise-en-scène : Fanny de Chaillé

Texte : Pierre Alferi, avec les contributions de Fanny de Chaillé, Margot Alexandre, Mathieu Burnel, Guillaume Bailliart, Grégoire Monsaingeon

Avec (Les grands) : Margot Alexandre, Guillaume Bailliart, Grégoire Monsaingeon, ainsi que Arsène Dachkevitch, Noël Guillou, Sofia Marty (les Minis) et Soline Baudet, Oscar Boiron, Félicien Fonsino (les ados)

Chanson originale : Dominique A – Conception sonore : Manuel Coursin – Scénographie et costumes : Nadia Lauro – Lumières : Willy Cessa – Assistant mise en scène : Christophe Ives

Jusqu’au 23 septembre 2017 au Centre Pompidou (en partenariat avec le Festival D’Automne)

En tournée du 14/11/17 au 18/11/17 à la Comédie de Reims, du 18/01/18 au 19/01/18  au CCN de Caen, du 23/01/18 au 24/01/18 au humain Trop humain (Montpellier), etc.

 

(une autre histoire)

Allez, mec, on y va : huit fois deux cents mètres à plein gaz. Y a personne dans le parc, t’as raté aucun entraînement, tu montes en puissance, tu te sens déjà plus léger malgré la plâtrée de pâtes de midi. Je savais que j’aurais dû attendre encore un peu, j’entends les nouilles se balader dans mon estomac. Et un tour… Et deux tours… et trois tours (…) et de sept. T’aurais pu plus te lâcher. T’en as encore sous la chaussette. C’est ça l’expression ? Attends, je regarde mon parcours. Purée, si j’en crois le GPS j’ai marché sur l’eau du lac des Buttes Chaumont. T’y crois, toi ? De nouvelles perspectives s’ouvrent à moi. Marseille Cassis, prends garde à toi ! Allez, dernier tour. Je vais même pouvoir terminer ma chanson, « Cours vite » de Silmarils. Trois, deux, un…

Je vais peut-être même rattraper le grand gaillard devant moi avant la fin de ma course. On dirait qu’il court au ralenti tellement il est grand et pourtant il avance presque aussi vite que moi. J’ai dit presque, hein ? Un grand échalas, deux têtes de plus que moi, chaussettes blanches, short, bandana et barbe. Je le dépasse. Je suis à fond. Mais il reprend assez facilement l’avantage sur moi. Eh mec, c’était pas un défi, non mais tu m’as vu ? Purée, le gars, il a seulement à allonger sa foulée et en plus il fait l’extérieur. La provocation, à peine il m’a re-dépassé qu’il reprend une course normale. La voix de mon appli me dit d’arrêter alors j’arrête. Je lâche : « P’tit con ! »

« Je te demande pardon ? » C’est le grand dadais qui a dit ça, il s’est arrêté et marche en ma direction. Je prends mes jambes à mon cou, en sens inverse. Mais le gars me rattrape, il fait trois mètres de haut. T’as dit quoi ? « Mais j’ai rien dit, quoi », j’lui dis.

« P’tit con, c’est ça que t’as marmonné. J’ai pas les esgourdes bouchées à trop écouter des vieilleries sur mon téléphone. Je te l’accorde, je suis con, c’était pas sport de ne pas te laisser me dépasser. Mais quand je t’ai vu suer sang et eau comme un goret, haleter comme si ça faisait deux heures que tu travaillais une donzelle, ça m’a fait sourire, j’ai voulu te taquiner. Oui, je suis con, je l’assume. Mais que tu dises que je suis p’tit, ça je ne supporte pas. ‘Tain, mais tu m’as vu, j’ai tout de grand.

– Ouais, ta connerie aussi.

– Et pas que. T’as vu ces oreilles, là ? Quand tu tourneras le dos, je m’envolerai, je ne fais jamais ça en public. J’arrive à bouger mes oreilles, ouais mec. Mes oreilles battent des ailes, mais faut que je m’aide d’autre chose. J’ouvre ma braguette et mon ultrakiki fait l’hélicoptère, là je survole la terre. Les filles, je les fais monter au ciel. Ça t’en bouche un coin. Je suis sûr que t’as tout de petit, toi.

– Alors j’ai découvert un long poil blanc ce matin à la base du cou. Pis, je mesure 169 centimètres et demi, je ne suis pas non plus euh…

– T’es riquiqui, comme ton kiki. Allez, bouge de là. Bouge de là.

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

 

Photo de couverture : Marc Domage

 

(NB : J’avais participé à l’Occupation Bastille au printemps 2016 qui comptait également dans ses rangs Grégoire Monsaingeon, ici acteur)

Novecento

(quand on ne lit pas la bible)

En vrai, comme je considère Alessandro Baricco comme étant un de mes auteurs préférés (« Océan Mer » très haut dans mon palmarès), je sais de quoi ça parle, mais on pourrait dire… Une représentation unique, le vingtième siècle raconté par la suave voix du narrateur de « Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain ».

 

(ce que ça raconte en vrai)

« La dernière fois que j’ai vu Novecento, il était sur un bateau dont il n’est jamais descendu. » André Dussollier donne sa voix au conte fantastique d’Alessandro Baricco. Novecento naît en 1900 sur un paquebot, il devient le plus grand pianiste du monde, mais jamais il ne mettra un pied à terre. (site du Théâtre du Rond Point)

 

De : Alessandro Baricco | Mise en scène : André Dussollier, Pierre-François Limbosch
Crédit photo : Christian Gonet

 

(Ceci n’est pas une critique…)

… mais être assis au deuxième rang peut s’avérer gênant, comme lorsque Laure Calamy dans « Modèles » de Pauline Bureau a capté mon regard au moment même où elle était vêtue d’une petite nuisette et que je la détaillais de la tête au pied. Heureusement ici, André Dussolier garde son costume et ma place près de la scène est un pur délice pour qui aime voir les comédiens de près. Les gouttes de sueur perler sur le front, une mâchoire grande ouverte, l’essoufflement. Tant de petites choses qui font mon bonheur. C’est que l’un des acteurs fétiches d’Alain Resnais ne se ménage pas, à l’image du quartet de jazz ô combien enthousiaste qui l’accompagne dans ces traversées de l’Atlantique et dans cette histoire de Danny Boodmann T.D. Lemon Novecento. Ma mère me glisse dans l’oreille un bémol (elle n’était pas présente, quoique si elle habitait Paris, je lui aurais conseillé ce spectacle, elle qui va rarement au théâtre) : « Il parle trop vite, je ne le comprends pas. » . Il est vrai que le débit mitraillette de Dussolier peut nous perdre et ce dernier se sent même obligé de marquer des pauses après chaque calembour made in Stéphane De Groodt pour nous permettre de les comprendre (embarrassé je fus lorsque, dans cette adaptation à six mains, je reconnus (je ne fus pas le seul, je pense) la plume d’un des auteurs : « Attends, là, c’est le moment où tout le monde est parti s’en jeter un derrière la cravate et que De Groodt a ajouté, ni vu ni connu je t’embrouille, les jeux de mots qui ont fait sa renommée. »)

C’est intéressant de faire le grand écart entre « We love Arabs » et « Novecento » dans la même soirée : passer d’un spectacle à différents degrés de lecture à un autre, lui, assez linéaire et lisse dans ce ce qu’il raconte. Effectivement, c’est une adaptation du court roman d’Alessandro Baricco, mais il me manquait le supplément d’âme, l’émotion que m’avait provoqué la lecture de cette histoire. Reste la satisfaction de voir cabotiner Dussolier sur scène et un spectacle grand public de qualité.

Vu le mercredi 13 septembre 2017 à 20h30 au Théâtre du Rond Point (Paris 08)

Prix de la place : 19€ (tarif abonnement)

 

Novecento

Texte : Alessandro Baricco

Mise en scène, adaptation française et interprétation : André Dussolier

Co-adaptation française : Gérald Sibleyras en collaboration avec Stéphane De Groodt

Scénographie et co-mise en scène : Pierre-François Limbosch – Lumière : Laurent Castaingt – Direction musicale : Christophe Cravero – Piano : Elio Di Tanna – Trompette : Sylvain Gontard en alternance avec Gilles Relisieux – Batterie et percussions : Michel Bocchi – Contrebasse : Olivier Andrès – Images : Christophe Grelié – Costumes : Catherine Bouchard – Assistanat artistique : Catherine D’At – Peinture : Alexandre Obolensky – Régie plateau : Patrick Flahau

Production : Deux Ailes productions, SIC — Scène Indépendante Contemporaine

Jusqu’au 1e octobre 2017 au Théâtre du Rond Point (Paris 9), puis à partir du 6 octobre 2017 au Théâtre Montparnasse (Paris 14) ainsi que du 26/01 au 02/02/18 au Théâtre des Célestins (Lyon)

 

(une autre histoire)

Après « We love Arabs », ma faim me tiraille à nouveau. Je compte mes sous, beaucoup de pièces marrons. J’attendrai l’après « Novecento » et mon chez moi pour manger, il doit me rester de la moutarde et des biscottes. Je sors. Dehors il pleut toujours. Je rentre. Les agents de la sécurité ne veulent toujours pas me palper. Je compte les jours depuis que ma tendre m’a palpé pour la dernière fois. Je n’ai pas assez de doigts de main et de pied pour compter les semaines. Les gens vont, viennent, sortent d’une autre salle, attendent d’être placés au restaurant du théâtre, feuillettent des livres à la librairie, on se croirait dans un multiplexe. Mais ça vit, pas de doute. Je me trouve un coin où m’asseoir, je feuillette « La Terrasse » que je n’arrive pas à lire. Ma mémoire défaille : j’ai reconnu du premier coup cette ex-présentatrice météo (Je suis de mauvaise foi, elle est très connue et a présenté bien d’autres émissions depuis sur le service public. Je dois désormais retrouver ma sagesse d’antan – dans ces derniers mots se cache un indice, sauras-tu de qui je parle ?) mais je ne sais plus comment s’appelle cet acteur… le mec là… avec une barbe… Il a joué dans les Revenants la série et dans Jimmy Rivière… Je vais quand même pas allé le voir pour lui demander son nom et je n’ai même plus assez de batterie sur mon cellulaire pour vérifier. En revanche je reconnais l’amie qui l’accompagne. (ou bien est-ce lui qui l’accompagne ?) Mais je ne vais tout de même pas la saluer alors que je n’ai vu aucun de ses films !

J’entre dans la salle. Deuxième rang à peu près au milieu. Je me lève pour laisser passer les gens, je m’assois. Je me lève pour laisser passer les gens, je m’assois. Aucun merci, aucune excuse. L’agent d’accueil nous demande de nous décaler vers le centre : la place sur ma droite est inoccupée. Je m’exécute. La place est froide. Je regarde ma voisine de gauche qui récupère ma place toute chaude. Je la déteste. Tout comme les spectateurs qui quittent leur siège pour se rendre à la toilette à une minute du début officiel du spectacle. En quoi ça me concerne finalement ?

Dans le métro du retour, une fille tente de lire la quatrième de couverture du livre que je fais semblant de lire. Je fais semblant d’écouter de la musique qui sort de mon téléphone qui a zéro pour cent de batterie. Je fais semblant de compter le nombre d’arrêts avant le mien alors que je sais parfaitement que… Non, je compte vraiment, parce que j’aime compter puis je multiplie ce nombre par un certain nombre de secondes pour évaluer approximativement mon horaire d’arrivée. Je suis placé dans la rame qui s’arrêtera en face de la sortie avec escalator. Dehors il pleut. Mon livre que l’auteur a mis 3 ans pour écrire et que je lis depuis 2 ans et demi prend l’eau. Je n’oublie pas mon code. Une fois, j’ai appelé ma mère (encore elle) pour lui demander le code de chez moi que j’avais oublié, alors qu’elle vit à 700 bornes de Paris. Six étages plus tard, j’ouvre mon frigo et constate que le pot de moutarde est bien à l’intérieur mais il est vide. Alors je mange mes ongles et mes peaux mortes.

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

 

Photo de couverture : Christian Gonet

Mount Olympus – To glorify the cult of tragedy, a 24h performance (dernière partie)

(d’après des notes prises dans le noir au cours de la dernière partie de « Mount Olympus », mais j’étais mieux placé, donc y avait plus de lumière, entre 13h et 19h)

(et je le répète encore une fois, ceci n’est pas une critique, seulement des pensées dites à voix haute. Pour une critique et une analyse plus approfondies, vous trouverez sûrement sur un autre blog (ou vlog))

 

J’ouvre les yeux à 8h du matin. Je consulte le programme de « Mount Olympus », calcule rapidement ce que je dois faire avant, je décide d’y retourner seulement pour 13h. Je n’ai même pas honte. J’aime prendre le temps le matin. Même quand je travaille : ralentir pour prendre mon petit déjeuner, mon caca en lisant le Télérama de la semaine, une douche chaude, peut-être même plus sous la douche… Et ce matin, je me devais (surtout à moi-même) d’écrire un texte sur la première partie de Mount Olympus de près de 1200 mots. Un jour, j’aurai un rédacteur qui me dira de couper ici ou là, mais pendant ce temps…

 

Avant de traverser l’avenue Jean Jaurès, je croise l’Occupant L., présent également à la Villette. Je lui confie que j’ai dormi la nuit dernière chez moi (je lui montre ma rue du doigt) et ai raté les parties 2 et 3. Je ne sais comment interpréter son regard. Est-ce de l’incompréhension : « Mais comment ? Tu aurais pu vivre une expérience unique et toi tu vas te coucher comme un vieux pépère ? » ou bien, et assez justement, de la déception teintée de ressentiment : « Espèce de bâtard, tu ne m’as même pas invité chez toi pour que je puisse me reposer au calme et me débarbouiller le visage et le cucul ? ».

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Crédit photo : Axel Ito (toujours aussi bien cadrée)

C’est la dernière pause avant le grand final (de cinq heures). Même quand on dort, il se passe toujours quelque chose sur scène. Les performeurs (mon correcteur orthographique me propose à la place de ce mot : perforateurs) dorment-ils vraiment ? La réponse doit être non. Seulement s’étendre, profiter du calme de la salle qui, elle, se réveille doucement de sa sieste. Je dois à tout prix rechercher des articles quant à la préparation de ces grands artistes. L’emploi du mot « performance » n’est ici pas usurpé.

 

Je me lance le défi un peu foufou d’éteindre complètement mon cellulaire durant les six prochaines heures. J’ai tenu deux heures et je ne suis pas le seul. C’est assez impressionnant de voir tous ces téléphones se dresser dès qu’une image parait intéressante sur scène (ce n’est pas la première fois que je le constate, évidemment, il n’empêche, ça m’étonne toujours). Je ne parlerai même pas du final, j’ai fait partie des nombreuses personnes à filmer le twerk ou la scène précédente et à publier les dites vidéos sur Instagram.

Quand j’étais au lycée, avec mes amis, nous voulions monter « Chroniques des jours entiers, des nuits entières » de Xavier Durringer. J’avais émis l’idée de jouer qu’une seule représentation, forcément unique, de fait, et qu’il n’y aurait aucune trace photographique et encore moins filmée. Plus de vingt ans plus tard, c’est toujours en état de projet.

Je vois également un petit vieux (enfin je crois, de loin je ne vois pas, je commence aussi à me faire vieux) au premier rang, qui filme plusieurs scènes à l’aide de sa putain de tablette. Je le vois reluquer sur son grand écran ces danseurs s’étalant de l’huile partout partout sur leur corps, puis qui luttent, dans un corps à corps (donc deux à deux) hypnotisant (à dire avec la voix de Jean-Paul Rouve). C’est un spectacle bandant, disons-le, les danseurs sont tous de toute beauté (à dire avec la voix de Jean-Paul Rouve). Les filles et les gars, et pour que je le dise… Je les ai trouvés si majestueux alors qu’ils dansaient le sirtaki sur la bande son du film « Zorba le Grec » ! Je me souviens avoir vu ce film très jeune, chez ma marraine. Elle possédait une immense collection de cassettes VHS. C’est chez elle que j’ai découvert Steve Mc Queen (dans La Grande Évasion), Kirk Douglas (dans Les Vikings) et donc Anthony Quinn.

Le sirtaki, c’était dans la première partie du spectacle. Pourtant, il ne me semble pas que je me sois absenté onze heures. Le temps accélère, ralentit, histoire de perception… Les scènes d’orgies végétales me reviennent également en tête. J’y pense, il doit bien exister un mot définissant les relations sexuelles avec des plantes. (je viens quand même de googleliser « relations sexuelles avec une plante ») (Saviez-vous que la paraphilie définissait l’intérêt sexuel persistant et puissant autre qu’un comportement et copulatoire ou précopulatoire avec un partenaire humain ? Wikipedia est mon ami.) Bon je n’ai pas trouvé le terme : plantophilie ? Ou bien terraphilie ? Je me souviens d’une interview de Paco Rabanne dans laquelle il déclarait qu’il avait fait l’amour à la terre. Après une averse, il avait creusé un trou dans la terre encore humide, avait introduit son machin dans le trou et puis, ben voilà quoi. Il se souvenait encore de l’odeur, ce mélange de sperme, de terre et sûrement de vers. Saviez-vous qu’un conseiller olfactif avait travaillé sur « Mount Olympus ». des parfums de vin, notamment, nous venaient nous caresser les narines tout au long du spectacle. Au premier rang, l’odeur devait être bien forte. Plus tard, un danseur se forcera à roter, à la limite du vomissement. Ça sentait fort, ça a dû l’aider.

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Crédit photo : Axel Ito (on voit le grand écran du petit vieux au premier rang)

Ceci dit, aucun regret de ne pas être resté sur le lieu durant 24 heures d’affilée (en parlant de 24 heures, je comprends bien la symbolique de ce nombre, mais il n’empêche que j’ai l’impression que certains segments sont étirés artificiellement, mais encore une fois, je le répète, je n’ai pas assisté à toute la performance, on pourrait me reprocher ma mauvaise foi ou mon ignorance envers le travail de Jan Fabre). Je me connais (enfin je crois…), c’est au-delà de mes forces, tout simplement. J’aurais râlé, fait la gueule (ce que je fais déjà naturellement). J’ai déjà tellement d’images dans ma tête, et y en a qui m’ont rassuré aussi, de voir ces acteurs qui oublient leur texte (quoi de compréhensible quand on est sur scène autant de temps) et répètent les répliques précédentes le temps de se souvenir. Alors on lit les sur-titres, le temps qu’ils se souviennent. J’ai même appris un nouveau mot : « Corroder ». En revanche, je ne sais toujours pas ce que ça veut dire (Ah mais oui… corroder… corrosif… ceci explique cela)… Puis on se rend compte qu’on lit des sur-titres en français, alors que le performeur parle français.

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Crédit photo : Wonge Bergmann

C’est la vingt-quatrième heure, la performance finit en apothéose (dans ce genre de spectacles, j’ai toujours une pensée émue pour le régisseur qui devra se coltiner le ménage), malgré une dernière partie moins forte, ai-je trouvé, que la première. mais deux derniers tableaux marquants dont la reprise du Twerk, trouvable très facilement sur Youtube.

Des phrases me restent en tête : « Every man needs a little bit of madness. » « Give me all the love you’ve got. » « Take the power back and enjoy your own tragedy, breathe, just breathe, and imagine something new ».

La fin n’a pas de fin.

Ps : J’ai adoré les lampes, il fallait que je l’écrive quelque part. Je veux les mêmes à la maison, que je puisse les monter et les descendre aussi, tant que faire.

 

Mount Olympus – To glorify the cult of tragedy, a 24h performance

Avec 28 interprètes perforateurs

Conception et mise en scène : Jan Fabre

Chorégraphie : Jan Fabre et ses danseurs

Textes : Jeroen Olyslaegers et Jan Fabre

Musique : Dag Taedelman

Scénographie : Miet Martens – Artiste olfactif : Peter de Cupere

Production : Troubleyn/Jan Fabre

 

Prochainement les 23 et 24 septembre 2017 à Belgrade (Serbie)

Du vendredi 15 septembre 2017 à 19h au samedi 16 septembre 2017 à 19h à la Grande Halle de la Villette (Paris 19)

Prix de la place : 20€ (tarif obtenu grâce à une amie qui travaille à la Villette)

 

Texte (sauf citations) : Axel Ito

Photo de couverture : © Wonge Bergmann and Troubleyn

 

Mount Olympus – To glorify the cult of tragedy, a 24h performance (1e partie)

(d’après des notes prises dans le noir au cours de la première partie de « Mount Olympus », entre 19h et 2h du matin)

(c’est que j’écris plutôt bien à l’aveugle !)

(je préviens, ce sera décousu, ce ne sera ni une non-critique, ni une autre histoire, « Mount Olympus », par son dispositif, est assez exceptionnel, d’où un format de chronique aussi exceptionnel, n’ayons pas peur des mots)

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Crédit Photo Axel Ito

L’automne dernier, j’ai participé à une course aux Buttes Chaumont et alors que je n’avais jamais couru plus de six kilomètres, je me suis inscrit aux huit (kilomètres). Course à l’aveugle, arriverai-je à tenir la distance, gravir quatre fois les montées du parc, telle était la question. Dans ma tête, pour ne pas être trop ridicule, j’ai calculé que je devais faire cette distance en moins d’une heure. Je l’ai finalement parcourue en moins de cinquante-quatre minutes. Loin d’être un temps génial, mais pour moi c’était bien, j’étais content.

Ce soir, je calcule dans ma tête les heures effectuées au travail, cette journée de la veille durant laquelle j’ai fait le tour du cadran au boulot, ces deux dernières semaines où je me suis endormi avant 23h (soirée au Rond Point mercredi dernier mise à part) : la reprise est dure. Sept mois que je n’avais pas travaillé, dans le sens traditionnel du terme. Sept mois que je (dans le désordre) regardais des films,  lisais, voyais des spectacles, écrivais comme je n’avais jamais écrit, parcourais l’Europe entre Lisbonne et Reykjavik en train et en bateau, prenais le temps. Un autre rythme.

Ces vingt-quatre heures me faisaient peur, avant même d’avoir commencé. Je m’en faisais une montagne (Olympus). Je quitte le travail à 17h35, lessivé et j’arrive à la Grande Halle de la Villette une heure plus tard. Dans ma tête, j’imaginais que le spectacle se jouerait en six parties, il n’y en aura que quatre, la première durera plus de six heures. Six heures ininterrompues.

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Crédit Photo : Axel Ito

« Bonjour, alors je m’entraîne depuis très longtemps pour ces vingt-quatre heures. Alors j’ai d’abord vu un spectacle de 3h30 sans interruption, c’était « My Dinner with André » (De Koe/tg STAN), j’avais bu du thé juste avant, j’ai besoin de me lancer des défis, puis y a eu un spectacle de 4h au Théâtre du Soleil. Certes, y avait un entracte, mais pour qui connait les bancs de ce théâtre, c’est un sacré challenge. Un été, j’ai passé la nuit dans la Carrière de Boulbon, près d’Avignon, pour la trilogie des Femmes de Wajdi Mouawad, on est passé au cran supérieur là, on avait les couvertures, c’était en plein air, 6h comme ça avec mes amis les moustiques qui m’aimaient bien, je me suis à peine assoupi. Pis, l’an passé, 2666, Gosselin, Bolano, 12h, même pas dormi, pas même une sieste, régime bananes chocolat… »

24h… Aucun suspense, je le dis d’avance, je suis rentré chez moi me coucher après la première partie et n’y retournerai que pour la dernière vers 13h. Il faut dire que je n’ai pas eu grand chose à parcourir entre la salle de spectacle et mon chez moi, 650 petits mètres seulement plus six étages. Mal à la gorge, mal assis, tout simplement fatigué et pas assez motivé pour rester la nuit entière. Je pensais déjà à un dimanche d’après nuit blanche, que je mettrais la semaine à m’en remettre. Je ne suis plus dans le Carpe Diem du Professeur Keating.

24h… Pourquoi finalement ? Je veux dire, en tant que spectateur. 24h pour faire 24h ? Un défi ? Un record ? Encore faut-il que ce qui est présenté en vaille la peine (ça vaut la peine, je précise). 24h ou le concours de celui qui a la plus grosse. Ça tombe mal, j’en ai une petite et je n’ai pas (plus) besoin de compenser. Même si je peux comprendre l’expérience.

Ceci étant dit… Cette première partie… Tout ce que je vois me rappelle une représentation l’an passé de Markus Öhrn à Gennevilliers. Le metteur en scène, avant le début de la pièce, nous prévient que nous sommes libres d’aller et venir pendant la représentation, celle-ci durant 3h30 sans entracte également. La durée de « Mount Olympus » est tellement exceptionnelle que tous les codes que nous connaissons deviennent caduques. On chuchote, on consulte notre téléphone, on boit, on mange (purée, le gars derrière moi a mangé des chips…), on applaudit à la fin de certains tableaux (applaudissements un peu provoqués, il faut dire), on participe en scandant des phrases affichées sur l’écran des sur-titres, donc, on va, on vient.

Probe zu Mount Olympus von Jan Fabre im Festspielhaus Berlin
Crédit Photo : Wonge Bergmann and Troubleyn
  • La tête dans le cul, ça me rappelle le film « Shortbus » de John Cameron Mitchell, dans lequel on voit un personnage chanter l’hymne américain dans le cul d’un autre.
  • Les métamorphoses (ou « Le maquillage des créatures »)
  • Cet acteur ventripotent qui bouge superbement.
Probe zu Mount Olympus von Jan Fabre im Festspielhaus Berlin
Crédit Photo : Wonge Bergmann and Troubleyn
  • « No Fuck Take me »
  • Dès que ça parle en français, je trouve ça mauvais.
  • Ces corps blancs magnifiques.
  • Du burlesque avec la couronne.
  • Le sirtaki.

Comment ont-ils pu répéter tout cela ? Certes, on voit les coutures, je ne pense pas qu’il y ait eu de générale, ils ont certainement dû revoir les débuts et fins de tous les segments, il n’empêche…

Accepter la non perfection. On voit des fragilités dans certaines chorégraphies collectives, mais on s’en fiche un peu, à dire vrai.

  • La corde à sauter. « What the pain that hurts the most ? »

L’épuisement. Ça joue sur l’épuisement et la répétition. Je connais très peu le travail de Jan Fabre, à dire vrai. La seule pièce que j’avais vue de lui, c’était ma première fois dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes à Avignon, en 2001, pour « Je suis sang ». Je n’y avais vu que provocation gratuite, du sang, des corps… Aussi parce que je n’avais aucune référence en la matière. À l’époque, j’étais un petit étudiant qui faisait du théâtre en semi-amateur, mais qui n’y connaissait rien. J’aime quand le temps s’étire. Or ici, on sent un systématisme. Cette idée de répétition est elle-même répétée. Cette redondance (j’aime ce mot) peut, du coup (je déteste ce tic de langage), lasser.

24h… On peut dormir, se détendre, sortir, rater certains tableaux. C’est avant tout cela que je retiendrai de cette aventure. Se permettre de ne pas tout voir. Tout comme dans la vie de dehors. Malheureusement on ne verra jamais tous les films, séries, livres, pays qu’on aura en tête. Aujourd’hui, il devient difficile d’accepter de rater des événements. Aujourd’hui, il est difficile de se dire : « Je n’ai pas vu la dernière pièce dont tout le monde parle, ce n’est pas grave. »

J’aime l’idée de la représentation sans fin. Quelque chose se joue, en permanence. Pas loin. On sort, on vit ou on dort, on revient, on reprend en cours de route, la vie ne s’arrête jamais. Je vis à Paris, mes amis à Marseille, ils vivent des choses auxquelles je ne prendrai part, leurs enfants grandissent (une fois, je n’ai pas vu ma meilleure amie pendant 9 mois, je l’ai retrouvée avec un enfant en plus) mais nous vivrons autre chose. Accepter que les choses se fassent sans nous.

Ecrire dans le noir, comme quand on écrit ses rêves. Qu’en restera-t-il le lendemain matin ?

 

Mount Olympus – To glorify the cult of tragedy, a 24h performance

Avec 28 interprètes performeurs

Conception et mise en scène : Jan Fabre

Chorégraphie : Jan Fabre et ses danseurs

Textes : Jeroen Olyslaegers et Jan Fabre

Musique : Dag Taedelman

Scénographie : Miet Martens – Artiste olfactif : Peter de Cupere

Production : Troubleyn/Jan Fabre

 

Du vendredi 15 septembre 2017 à 19h au samedi 16 septembre 2017 à 19h à la Grande Halle de la Villette (Paris 19)

Prix de la place : 20€ (tarif obtenu grâce à une amie qui travaille à la Villette)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

 

We Love Arabs

(quand on ne lit pas la bible)

Une critique au vitriol des vieux riches occidentaux légèrement racistes qui partent au Maroc faire du tourisme sexuel et pour qui les Arabes du Maroc, de Tunisie, d’Arabie Saoudite, etc, c’est « kif kif bourricot ».

(ce que ça raconte en vrai)

Un Juif et un Arabe : ils dansent, s’apprivoisent, ils commentent… Leurs mouvements et leur lutte, drôle de combat sensuel, illustrent les conflits fratricides. Avec une ironie fracassante, ils font tomber les murs entre les communautés. (site du Théâtre du Rond Point)

 

We love Arabs

Texte et Chorégraphie : Hillel Kogan

Avec Adi Boutrous et Hillel Kogan

Lumière : Amir Castro – Musiques : Kazem Alsaher, Mozart – Conseillers artistiques : Inbal Vaacobi, Rotem Tashach – Traduction : Talia de Vrie

Production DdD

Jusqu’au 8 octobre 2017 au Théâtre du Rond Point (Paris 08)

 

(ceci n’est pas une critique)

Commençons par la fin. La pièce se termine vers 19h30 et une envie de houmous nous prend subitement (cela pourrait être un cliché, mais ça n’en est pas un).

C’est l’histoire éternelle d’un Auguste et d’un Clown Blanc. Non, ça va au-delà.

Il devient de plus en plus rare d’être surpris. Je freine des quatre fers pour ne pas lire les critiques de spectacles ici ou là. Alors oui, j’entends l’enthousiasme, j’entends l’adhésion mais je me garde bien d’en savoir plus. D’où ma surprise ce soir devant ce spectacle. Je ne m’attendais pas à ce que ça soit aussi bavard, que ça soit aussi drôle et piquant, que les moments dansés et de silence en deviennent d’autant plus forts, à tant de degrés de lecture. Je terminerai là-dessus : j’ai beaucoup houmous ce spectacle. (aimé… houmous… j’ai honte de conclure là-dessus, mais le ridicule ne tue pas, il te rend même plus fort)

Vu le mercredi 13 septembre à 18h30 au Théâtre du Rond Point (Paris 08)

Prix de la place : 19€ (tarif abonnement)

Prochainement (liste loin d’être exhaustive, je privilégie les amis qui habitent là-bas) : le 18 octobre à Melbourne (Australie), les 18 et 19 janvier 2018 à la Chapelle St-Louis (Rouen), du 27 février au 3 mars 2018 au Théâtre National (Bruxelles), du 27 au 31 mars 2018 aux Bernardines (Marseille), du 25 au 28 avril 2018 au Théâtre de la Croix Rousse (Lyon), etc.

 

(une autre histoire)

Quelque chose me manque depuis que j’ai repris le travail, c’est la sieste. Cet après-midi, je ne travaille pas, donc je dors, mais seulement après avoir couru entre les gouttes (mon appli m’a dit que j’étais une rockstar après ma fabuleuse performance, c’est le plus beau jour de ma vie, je l’aime). Je dors, une micro-sieste de trente minutes suffira. Sur mes taies d’oreiller estampillées A.D. (mes initiales), c’est Maman qui me les a offertes. Je dors, deux heures. Si je n’avais pas dû me rendre au théâtre pour 18h30, je serais encore dans mon lit, à écouter les murs (mon voisin est champion interdépartemental de karaoké, division Aznavour). Il pleut et je n’ai toujours pas de parapluie. Un livre à la main (Intérieur de Thomas Clerc que j’ai démarré dans un train entre Vancouver et Toronto et que je vais peut-être terminer entre République et Roosevelt), je m’engouffre dans la bouche de métro. Je ferais bien un jeu de mots mais je n’en ferai pas. À ma station je suis toujours en 2G. C’est pas grave, j’ai de la musique à écouter (Duo Jatekok, piano à 4 mains) et un livre à écorner. Les gens. Je passerais ma vie à écrire sur les gens dans le métro. J’ai des pièces dans ma poche, mais je n’en donne aucune. Une fois, deux fois, trois fois. Embouteillage devant l’entrée de la ligne 9, station République. Les gens qui me croisent ne connaissent pas la priorité à droite. Je ne me souviens jamais, c’est en tête ou en queue ? Il pleut toujours. Les gens au Rond Point ne sont pas pareils. A la fin de l’été dernier, j’ai accompagné ma mère à un concert d’orgue, de tambourin et de galoubet (désolé, je ne l’ai pas chroniqué). J’étais le plus jeune de l’assistance. J’ai des poils blancs sur le torse, j’ai vu au cinéma des films qui ressortent aujourd’hui en copie neuve, j’ai connu six présidents, mais je suis encore le plus jeune, comme à l’école, parce que je suis de fin d’année. J’en suis à un âge où je peux autant fantasmer sur un modèle de dix-huit ans que je vois à la télé que sur une ancienne miss météo dont je tairai le nom mais y a eu eye contact ce soir dans le hall, je ne vous raconte que ça (Evelyne Dhéliat présente toujours la méteo, je précise). Je m’assois au premier rang mais à l’extrémité, près de la porte de secours, contre le mur, je veux dire. C’est l’extincteur mon voisin. L’agent d’accueil prend la parole, il nous demande d’éteindre nos téléphones portables (il faudrait qu’il améliore sa respiration, mais sa voix porte). Je l’éteins. Certes je n’ai pas d’amis, mais pour faire croire que j’en ai, j’ai activé les notifications Twitter de certaines personnes. Ma poche n’arrête pas de vibrer. Mon ventre gargouille (aucun rapport). J’ai faim. Je ne sais pas pourquoi mais je pense à mon restaurant libanais (c’est le mien parce qu’il est dans ma rue) (c’est ma rue que j’y vis). Ce restaurant-là est maudit. A deux reprises, j’y ai mangé avec ma douce (une première douce puis une deuxième douce). À deux reprises, elle a rompu dans la semaine.

(à suivre dans la chronique de Novecento… si j’arrive à l’écrire entre dormir, le travail et les 24h de Mount Olympus ce weekend)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

 

Photo : DR

Un cheval entre dans un bar

(quand on ne lit pas la bible)

Transposition sur scène de la série d’animation « Bojack Horseman » dont la saison 4 est disponible sur Netflix depuis le 8 septembre 2017.

 

(de quoi ça parle exactement)

Sur la scène d’un club miteux, dans la petite ville côtière de Netanya en Israël, le comique Dovalé G. distille ses plaisanteries salaces, interpelle le public, s’en fait le complice pour le martyriser l’instant d’après. Dans le fond de la salle, un homme qu’il a convié à son one man show (ils se sont connus à l’école), le juge Avishaï Lazar, écoute avec répugnance le délire verbal de l’humoriste. Mais peu à peu le discours et la soirée dérapent, sous les yeux des spectateurs médusés. Car ce soir-là Dovalé met à nu la déchirure de son existence. La scène devient alors le théâtre de la vraie vie. (site du Théâtre de la Colline)

 

« Un cheval entre dans un bar », (Editions du Seuil, 2015, traduction Nicolas Weill), Lauréat du The Man Booker Prize 2017.

Enregistrement en public de l’adaptation radiophonique du roman pour France Culture.

Réalisation et adaptation : Blandine Masson

Avec Jérôme Kircher, Wajdi Mouawad, Mathilde Mennetrier, les acteurs du groupe 43 de l’école du TNS, Johanna Nizard et Stan Valette

Musique originale : Sylvain Cartigny, Joseph Dahan, Colin Russeil et interprétée par Sylvain Cartigny, Joseph Dahan, Mathieu Bauer – Bruiteuse : Sophie Bissantz

Équipe Technique Radio France : Benjamin Perru, Pierre Henry, Tanguy Lecorno – Assistante à la réalisation Clémence Gross – Conseiller littéraire Guillaume Poix

 

(ceci n’est pas une critique)

Parfois il y a des gens qui lisent, le texte posé sur une table, un micro et un verre d’eau à portée de main. Tu fermes les yeux et tu es emporté. Cela n’aurait pu être que de la radio, la lecture concert de ce soir étant destinée à l’enregistrement d’une des fictions radiophoniques diffusées avec succès sur France Culture (mes hommages à Blandine Masson). Ce soir, nous avons vu un Jérôme Kircher enfiévré, un Wajdi Mouawad concerné, des musiciens, dont l’incomparable directeur du Nouveau Théâtre de Montreuil Mathieu Bauer à la batterie, survoltés… Alors oui, nous avons toujours le droit de fermer les yeux, mais nous manquerions beaucoup. Nous aurons bien assez l’occasion d’écouter dans le noir la voix de Jérôme Kircher lors de la diffusion de cette lecture du roman de David Grossman. Une lecture qui donne envie à notre tour de lire à haute voix la prose de cet auteur israélien inconnu de mes yeux, même si j’ai déjà offert un de ses livres, car j’aime offrir des livres que j’aimerais lire.

Vu (et entendu) le samedi 9 septembre 2017 à 20h30 au Théâtre de la Colline (Paris 20e)

Prix de la place : J’ai répondu présent à l’invitation de ma mère qui a l’âge de ma soeur.

(diffusion sur France Culture le 5 octobre de 21h à 23h)

 

(une autre histoire)

De chez moi à La Colline.

Je descends mes six étages, croise pour la troisième fois de la journée la gardienne de l’immeuble, mets mes écouteurs dans les oreilles, écoute la nouvelle compilation des Inrocks (vivement le concert de Girls in Hawaii en novembre), vois le tram passer mais ne cours pas. J’attends onze minutes le suivant qui finalement arrive, bondé. Je soupire. Je composte mon ticket, compte les arrêts. J’arrive à la station Porte des Lilas, consulte l’appli Vélib et constate qu’il n’y a aucune bicyclette disponible. Je soupire. Je me souviens que le ticket composté dans le tramway n’est pas valable dans le métro. Je marche. Je soupire. J’aime bien la ligne 3bis pourtant. Une autre fois. Je tourne la tête en direction de la piscine des Tourelles (Georges Vallerey pour les intimes). Je me dis qu’il faudrait que je nage. Je soupire. Je reconnais le quartier. J’y ai vécu sept ans. Je regrette de ne pas être repassé chez le marchand de journaux depuis mon départ pour mon quartier de maintenant, il y a cinq ans. Je le lui avais promis. Encore une promesse non tenue.

Je me souviens. Le jour de mes trente ans, je lui avais dit que ça me faisait bizarre parce que j’avais trente ans et que mon père avait trente ans quand il était devenu mon père. Le marchand de journaux homosexuel me regarde (cette précision a son importance) et me dit : « De toute façon, par rapport à ça, avoir trente ans, ça n’a pas vraiment d’importance pour les gens comme nous. » Je le regarde. Il me regarde. Je le regarde. « Ah, pardon, tu n’es pas… Je l’aurais parié. », ajoute-t-il. « Ben non », réponds-je. Je sors avec mon journal sous la main. Je repense à ce qu’il m’a dit avant de partir : « C’est que tu parais être quelqu’un de doux, avec une certaine sensibilité. » Oui et oui. Et ?

J’écris ces mots et je pense à elle. Ce quartier, je l’avais choisi à mon arrivée à Paris. Je savais qu’elle vivait là. Ou plutôt que ses parents habitaient ce quartier-là. Je l’ai croisée. Puis re-croisée. Puis. J’hésite à lui envoyer le message. Bref. Une autre fois.

Ce restaurant a changé de nom. Ici je louais mes dvd. Là il n’y avait pas ce trou béant. Tiens la boucherie chevaline existe toujours. Le boulanger fait toujours la gueule. J’attends que le bonhomme passe au vert. Il devient vert, mais il ne s’énerve pas. Je traverse tout en évitant la voiture qui ne s’arrête pas. Je deviens vert mais ne tape pas. J’augmente le volume sonore malgré l’avertissement de mon cellulaire qui a peur pour mes oreilles. Des klaxons des klaxons des klaxons. Ceux des mariages, passent encore, mais je ne supporte plus ceux des gens pressés. Je soupire. Ça picote. Heureusement je suis bientôt arrivé. Je vais m’asseoir et me calmer. Penser à autre chose. Enfin je crois. Je ne sais plus de quoi je voulais parler. De mon trajet, de mon ancien quartier, de ce qu’il y a dans ma tête, de… hein ?

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

Photo : Christophe Raynaud de Lage (Festival d’Avignon 2017)

Camille

Camille au Trianon

avec en invités spéciaux : London Grammar et -M-

(enregistrement de l’émission Alcaline sur France 2)

 

(ceci n’est pas une critique)

On peut penser tout ce qu’on veut de Camille (l’artiste qui vit dans un coin plus ou moins reculé du Vaucluse, qui met ses enfants dans une école Montessori, parce que les enseignants brideraient la créativité de leurs élèves (vive les généralités), qui boit de l’eau dans des bouteilles en verre (Cristaline, définitivement pas son sponsor), qui se balade les pieds nus) mais on ne peut pas lui retirer qu’elle est une des artistes françaises les plus passionnantes sur scène. Pour l’avoir déjà vue à trois reprises en concert (au Cirque d’Hiver pour son album « Le Fil », à la Cigale pour « Music Hole » et au Café de la Danse pour « Ilo Veyou »), je n’ai jamais été déçu, aucune lassitude ne pointant le bout de son nez (note pour plus tard : chercher le participe passé du verbe « poindre »), même quand l’album studio qui venait de sortir me convainquait moyennement (suivez mon regard vers « Music Hole »).

Ici l’exercice était particulier puisqu’il s’agissait d’un concert filmé pour la télévision, avec tous les impératifs que cela peut comporter. La première partie du concert, consacrée essentiellement à « Ouï », le nouvel album de Camille, fut de bonne facture, carrée, sans fioritures, très appliquée même, comme si Camille était intimidée par la mécanique télévisuelle, par un concert hors tournée (elle ne reprendra la route qu’à la fin du mois), ce ne sont que des hypothèses), enchaînant les chansons sans temps mort. Ce ne fut qu’après la reprise de « Night Call » de Kavinski avec le groupe London Grammar que le concert prit véritablement son envol (Camille chanta également un peu plus tôt « Corpus Christi Carol » avec -M-, un joli moment suspendu). Il faut dire que le Trianon, sage, était en configuration assise, là où je me souvins d’une Cigale debout et en folie avec une Camille vêtue d’une combinaison de plongée pratiquant un « Stage Diving » à l’aide d’un matelas gonflable. La deuxième partie du concert vit Camille ressortir des chansons de ses précédents albums, « Pâle Septembre » toujours aussi émouvante, « Paris » qui retentit étrangement dans mon esprit, « Ta Douleur » qui me fit repenser à l’été 2005 que je passai au coeur de la Gaspésie, etc. Le concert se conclut en apothéose avec une chorale composée de spectateurs et une Camille improvisant un air alcalinien.

Camille maîtrise toujours autant son sujet : la voix, le rythme et ce lien si particulier avec le public.

(L’émission sera diffusée sur France 2 le jeudi 5 octobre à 0h… mais je n’ai pas compris si cela sera dans la nuit de mercredi à jeudi ou de jeudi à vendredi)

Vu le samedi 9 septembre à 13h au Trianon, Paris.

Invitation gagnée sur le site ClubFranceTv. J’ai même gagné un badge, un totebag Club France Tv que je n’utiliserai jamais et le nouvel album de Camille « Ouï » (je l’avais déjà acheté donc je l’ai offert à ma +1)

 

(une autre histoire)

Je ne sais pas, le moment d’égarement, appelez cela comme vous voulez. Il y avait des caméras partout mais je les avais oubliées. Je mis l’index de ma main droite dans la narine droite de mon nez, trifouillai à l’intérieur pour enlever ce qui gênait, en fit une boulette entre mon pouce et mon index et d’une pichenette l’envoyai par dessus le balcon pour atterrir dans la chevelure d’une spectatrice en marinière quelques mètres plus bas. Tout fut filmé, enregistré. Évidemment, à l’instant t, je ne réalisai pas mon geste ni ne me rendis compte des répercussions que cela engendrerait. Je ne me vis même pas lors de la diffusion de l’émission quelques semaines plus tard, c’était minuit passé, j’étais bien trop fatigué pour regarder en direct, j’enregistrai donc le programme sur le disque dur de ma box que je n’avais pas encore dépoussiéré. Le lendemain soir, comme tous les soirs, je regardai le « Vu » du jour, vous savez, l’émission qui succéda il y a près d’un an au Zapping de Canal+. Je vis un homme qui me ressemblait, même barbe, même chemisette blanche et dans cet extrait il faisait ce que j’ai décrit un peu plus haut. L’extrait était immédiatement suivi d’un passage de l’émission de télé-réalité « Les Marseillais chez les Nudistes » dans lequel un des participants se faisait épiler intégralement, les narines incluses.

Je reçus un premier texto, puis un deuxième, un troisième, c’est que le début d’accord d’accord. Mes boîtes mails Yahoo, Gmail, Outlook, mes comptes Whatsapp, Instagram, Twitter, Facebook furent instantanément inondés. Une âme charitable eut la glorieuse idée de transformer cette image en meme. Des GIF s’échangeaient à l’envi. La jeune femme qui avait prononcé cette phrase mémorable : « Je suis pas venue pour souffrir, ok ? » laissa un message sur mon répondeur pour me demander si j’avais déjà un agent, parce qu’elle avait une offre à me faire. Mais comment avait-t-elle obtenu mon numéro de téléphone ? Je tentai d’appeler France 2 pour au moins qu’elle interdise la réutilisation des images sur leur canal mais elle me répondit que j’avais signé. J’avais signé une autorisation de prise de vue et de diffusion et que le groupe audiovisuel était autorisé à utiliser les photos et les vidéos sur lesquelles je figurais comme bon il leur semblait, par tous les moyens de diffusion et/ou exploitation connus ou inconnus, j’ai bien écrit inconnus, à ce jour. Et ce sans limitation du nombre de reproductions et/ou de représentations pour le monde entier, j’ai bien écrit monde entier, et sans limitation de durée, autrement dit pour la vie éternelle, amen. Autant dire que je devais mettre une croix sur Adopteunmec ou Tinder. Je me résous à me raser la tête, enfin perdre les dix kilos que j’avais en trop, porter des lunettes comme Clark Kent, changer de métier, d’amis, de parents. J’exauçai mon rêve, celui de suivre les pas de Thoreau et vivre dans une cabane dans la forêt. Là j’avais encore du réseau, donc je jetai dans la rivière asséchée mon cellulaire et mourut de ma belle mort en ingurgitant un champignon mortel. J’aurais dû lire la page d’après de mon manuel de survie en milieu hostile. Je regrettai également d’être parti avant la fin d’ « Into the Wild ». Désolé, je viens de vous divulgâcher la fin du film. Mais je suis mort, je m’en fous.

 

Textes et photo : Axel Ito