Data Mossoul (Joséphine Serre / La Colline)

(de quoi ça parle en vrai)

« À la façon d’un kaléidoscope, Data Mossoul met en scène une ingénieure du web privée d’une partie de sa mémoire, un bibliothécaire collectant les écrits d’anonymes, une archéologue à Mossoul sauvant des tablettes d’argile millénaires des destructions de Daesh et le roi-scribe assyrien Assurbanipal. Évoluant dans ces strates de géographies, d’époques et de civilisations, ces quatre personnages sont liés par la notion de conservation des récits et de transmission de l’Histoire. Avec, en filigrane, la figure de Gilgamesh, roi mythique sumérien dévoré par le désir de trouver l’immortalité et héros du premier récit de l’histoire de l’humanité. » (source : ici)

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Crédits photos : Véronique Caye

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Mes attentes étaient grandes, trop peut-être. Une jeune compagnie, un thème passionnant et ambitieux, le soutien d’une scène nationale (et pas la moindre : la Colline) et malgré tout cela je n’ai pas trouvé la pièce à la hauteur de mes espérances.

La sincérité et la passion de Joséphine Serre pour le sujet sont indéniables, les passages historiques sont bien documentés, l’intrigue anticipationnelle est crédible (une société informatique efface du web, donc de notre mémoire, les informations « obsolètes », de l’énième recette de tarte aux pommes à la Guerre en Irak). Les créations sonore (Frédéric Minière) et vidéo (Véronique Caye) sont convaincantes. Je retrouve avec grand plaisir l’actrice qui a fait battre mon coeur l’été dernier dans « Le Massacre du Printemps » d’Elsa Granat, j’ai nommé Edith Proust.

Mais… mais… l’interprétation est inégale (malgré, également, le charisme d’Estelle Meyer), l’écriture de Joséphine Serre ne m’a pas emporté alors qu’elle se veut profonde, la pièce dure 2h30 (sans entracte) et souffre de la comparaison avec une autre pièce d’anticipation d’une jeune compagnie : « France Fantôme » de Tiphaine Raffier (prochainement en reprise à l’Odéon) qui abordait également le sujet des datas, de la mémoire stockée sur internet… On sent un peu trop également l’influence d’une série comme Black Mirror (elle-même inspirée de notre société, il est vrai) : on rencontre dans la pièce des citoyens obligés d’utiliser internet, dont les notes influent sur le prix de l’assurance : HELLO NOSEDIVE ! La fin de la pièce, qui se veut fantasmagorique et kaleidoscopique, pour reprendre un terme de la note d’intention, m’a complètement perdu et m’a semblé inutile.

Je le répète, sur le papier l’intrigue est passionnante, car elle touche quelque chose qui est on ne peut plus proche de ce que l’observe aujourd’hui : la toute-puissance d’internet, le contrôle de nos mémoires collective et individuelle, de nos vies. Le parallèle avec Mossoul est intéressant. Mais la sauce ne prend pas, pour moi. Est-ce par prétention (Josephine Serre écrit, met en scène, joue), est-ce par manque de moyens ? Je n’ai pas la réponse, mais ça manquait cruellement de souffle.

DATA MOSSOUL

texte et mise en scène Joséphine Serre

avec Guillaume Compiano, Camille Durand‑Tovar, Elsa Granat, Estelle Meyer, Édith Proust, Aurélien Rondeau, Joséphine Serre

collaboration à la mise en scène Pauline Ribat – mise en scène de l’image et création vidéo Véronique Caye – son Frédéric Minière – scénographie Anne-Sophie Grac – stagiaire scénographie Lou Chenivesse – costumes Suzanne Veiga-Gomes assistée de Cécile Box – stagiaire costumes Jovita Negro – lumières Pauline Guyonnet – dessins Guillaume Compiano – assistanat à la mise en scène Pierre-Louis Laugérias

Jusqu’au 12 octobre 2019 à la Colline, Paris

(une autre histoire)

(de la Porte des Lilas à Gambetta)

Les gens baissent la tête. Pas grand chose à voir en l’air, vous me direz, pas d’oiseaux qui s’envolent, un bleu du ciel pas si bleu que cela. On regarde en bas, parce qu’on ne tient pas notre téléphone intelligent en haut. Ni en face de nous, devant nous.

La personne en face de toi a les yeux baissés. Tu marches en sa direction. Tu regardes droit devant. Tu comptes le nombre de secondes. Un, deux, trois. Elle ne relève toujours pas son regard. Quatre, cinq, six. C’est insensé, tout de même. Nez à nez. Elle lève les yeux, ne s’excuse pas, se détourne, parle dans sa barbe.

Mon téléphone vibre. Je lis le message. Je souris. J’écris : « Attention, je tente de t’écrire en marchant. Je suis toujours en avance. Là, je descends l’avenue Gambetta. » Envoi. Elle me répond : « Moi aussi, je marche en t’écrivant. Mais je viens de m’arrêter, je ne sais pas faire deux choses à la fois. » Je lui écris : « Moi aussi. Je m’arrête, je repars. Je m’arrête quand je reçois un appel. Mais comme personne ne m’appelle, je ne m’arrête pas. Pas pour ça. »

A force de m’arrêter et de me repartir, j’arrive en retard au théâtre, alors que j’arrive toujours en avance. Je ne parviens pas à montrer mon billet électronique, je suis de plus en plus en retard. C’est soir de première et je ne connais personne. C’est placement libre, c’est des banquettes, on se serre et j’aime pas quand mon genou touche un autre genou. Surtout un genou de quelqu’un que je ne connais pas et qui ne me plait pas.

Vu le mercredi 18 septembre 2019 à la Colline, Paris

Prix de ma place : 13€ (Carte Colline)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

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