Belgium Rules, Belgian Rules (Jan Fabre / La Villette)

(quand on ne lit pas la bible)

Belgium rules, Belgian rules ? Oh un jeu de mots ? Les règles de la Belgique ou bien la Belgique et les Belges, ils assurent ! (dit-il en levant ses deux pouces)

(de quoi ça parle en vrai)

« Bienvenue en Belgique ! Jan Fabre s’empare de son pays pour en faire un portrait chaleureux et ironique. On compte 117 nationalités à Anvers, c’est plus qu’à New-York. Dans ces différences, il y a une unité qu’exaltent Jan Fabre et ses quinze interprètes à coup de bière, de corps, de fougue et de souveraine singularité. Contre la montée des nationalismes, le metteur en scène célèbre l’esprit naturellement critique des Belges, leur anticonformisme vigoureux, leur soif de chair et de vie. Il dessine cet étrange royaume où l’on parle trois langues, où le multiculturalisme et le multi-nationalisme sont des faits. Ici, plus que la loi, la règle ou les mots, c’est l’image qui sert de guide, inspirée par les artistes visuels qui ont jalonné l’histoire du pays, des primitifs flamands aux surréalistes, de Jérôme Bosch aux auteurs de bande-dessinée. Tableaux et esthétiques se succèdent et se tissent pour écrire un récit organique, aux antipodes des peurs et des replis identitaires. (source : ici)

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Crédits photos : Wonge Bergmann

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Je mentirais si je disais que je suis un spécialiste de Jan Fabre. J’ai seulement vu quatre de ses spectacles, le premier étant « Je suis sang » à Avignon en 2001 alors que j’étais dramatiquement puceau (comprenez cela comme vous le souhaitez) et que j’aimerais revoir aujourd’hui avec tout ce que je sais désormais, sur la vie, l’amour et les vaches. Pourtant je ne peux m’empêcher de penser que Jan Fabre nous a concocté ici un « Belgium Rules, Belgian Rules » proche d’un Mount Olympus light. (Pour rappel, Mount Olympus était une performance de 24h : mes chroniques ici et )

Jan Fabre teste toujours autant la résistance de ses artistes que celle des spectateurs : nombre d’entre nous ont quitté la salle tout au long de la performance (3h45 sans entracte sur les banquettes de la Villette, ça fait mal au cucul à la longue ou bien est-ce moi qui suis devenu particulièrement douillet). On a également retrouvé ces scènes où les danseurs scandent ces fameuses règles en exécutant en boucle des exercices de musculation (variante de la corde à sauter dans Mount Olympus) : et ça dure… et ça dure… (« oh, qu’ils sont résistants, oh c’est touchant, ils se donnent vraiment à fond ! »… mais c’est alors qu’on crie « Déjà-Vou »)

Certaines scènes ont également pour objectif de tester notre sens olfactif : encens et bière à gogo (si je devais faire du mauvais esprit, je dirais que c’était de la Tourtel et non une bière d’abbaye).

Alors oui, il y a des tableaux très beaux, hypnotiques même, comme celui des drapeaux (je me suis souvenu qu’en CM2, j’avais participé à la Fête du Stade : c’était au Stade Vélodrome de Marseille et les écoles participantes devaient exécuter une chorégraphie sur une musique de Jean-Michel Jarre. Nous avions chacun deux drapeaux que nous faisions virevolter, tournoyer…). On voit des danseur.ses légèrement vêtu.es (surtout les filles… tiens donc… je ne vais pas me plaindre, hein… mais quand on y pense… je dirais même, quand on y réfléchit…), on y fait gicler la bière, on retrouve ces scènes durant lesquelles les danseur.ses font de la muscu, une dame qui fait pipi… Les passages parlés sont les moins intéressants. Ceci étant dit, les numéros collectifs sont toujours aussi enthousiasmants (avec du Stromae, du Jacques Brel, de la techno style pompier et du Adamo en fond sonore) et parfaitement exécutés.

Pour résumer, dans cette histoire historique et culturelle de la Belgique qui oscille entre amour et haine du plat pays, qui n’hésite pas non plus à égratigner sa politique colonialiste (comme tant d’autres), Jan Fabre fait ce qu’on attend de lui et ce n’est pas suffisant.

(Et je suis curieux de savoir ce qu’en pensent les Belges… Les applaudissements furent plutôt mous hier soir par chez nous…)

 

BELGIAN RULES, BELGIUM RULES

Une production Troubleyn/Jan Fabre

Avec : Lore Borremans, Annabelle Chambon, Cédric Charron, Anny Czupper, Conor Doherty, Stella Höttler, Ivana Jozic, Gustav Koenigs, Chiara Monteverde, Andrew Van Ostade, Pietro Quadrino, Annabel Reid, Ursel Tilk, Irene Urciuoli, Kasper Vandenberghe

Concept, Mise-en-scène: Jan Fabre
Texte: Johan de Boose
Musique: Raymond van het Groenewoud (Belgian Rules et Vlaanderen Boven/Wallonie d’abord); Andrew Van Ostade (toutes les autres musiques)

Dramaturgie: Miet Martens

Assistante à la dramaturgie: Edith Cassiers – Technicien en chef: André Schneider – Chargé de production: Liesbeth Plettinckx – Régisseur lumières: Wout Janssens – Régisseur plateau: Randy Tielemans and Kevin Deckers  – Régisseur son: Tom Buys
Costumes: Kasia Mielczarek, Maarten Van Mulken, Jonne Sikkema, Les Ateliers du Théâtre de Liège, Catherine Somers (chapeaux de carnaval) – Accessoires : Alessandra Ferreri

Jusqu’au 24 mars 2019 à la Grande Halle de la Villette et les 12 et 13 avril 2019 au Théâtre des Salins à Martigues.

 

(une autre histoire)

C’est drôle, parfois, le cerveau humain. J’ai rêvé d’elle les trois nuits suivant notre séparation. Genre de rêve que tu fais au petit matin et qui te suit toute la journée. Comme dans un état second. Et t’es pas bien. Et t’es d’humeur mélancolique. « Ça va ? – Ça peut aller. » Je n’ai jamais su mentir. Je sais bien que cette question n’est que pure rhétorique, mais je ne sais plus sourire et dire : « Oui, ça va. »

J’ai supprimé toute trace (matérielle) d’elle. Photos, lettres. Elle habite quelque part à Bruges, mais je ne me souviens même plus de l’adresse exacte. C’est quoi le mot, déjà, quand on fait tout pour passer à autre chose, quitte à oublier ?

Je l’ai rencontrée ici, mais elle habite là-bas. Je ne me suis jamais rendu là-bas. Parfois je me dis que j’irais bien à Bruges. Qu’au détour d’une rue, même vingt-quatre ans après, je la croiserais. Elle parlerait toujours aussi bien français. Je lui ferais un tour de prestidigitation, elle rirait.

Je l’imagine faire le trajet inverse, aller là où je vivais à l’époque et me chercher en vain.

Parfois j’ai cette cruelle impression que je suis le seul à chercher, à ressasser.

 

Vu le vendredi 22 mars 2019 à la Grande Halle de la Villette, Paris

Prix de ma place : 12€ (tarif personnel Villette – mais c’est pas moi)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

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