YALLA ! (Sonia Ristic / Déborah Banoun / Espace Alya / Avignon Off)

(de quoi ça parle en vrai)

« A la frontière du Liban, face à face, un adolescent palestinien et une soldate israélienne. L’adolescent a une pierre à la main, la soldate le tient en joue. Un instant de temps suspendu, pendant lequel deux monologues intérieurs s’entrecroisent, soufflant un vibrant message d’espoir » (source : ici)

(ceci n’est pas une longue critique, mais…)

J’aime raconter les histoires dans le désordre. Voici donc l’histoire de mon premier spectacle de l’édition 2021 du Festival Off d’Avignon.

Ce n’était pas la première fois que je recevais une invitation pour assister à cette pièce. La Compagnie Jetzt est installée à Romainville, en Seine-St-Denis, pas loin de là où je travaille, et pourtant je n’y suis jamais allé, malgré la présence dans la pièce de Pauline Etienne, que j’ai (re)découverte l’an passé dans la magnifique série « 18h30 », disponible sur Arte.tv. Mais cette fois-ci, je ne me suis pas défilé.

Il s’agit en fait d’une lecture, dans le cadre des plateaux ouverts aux auteurs contemporains et aux artistes, organisés par l’Espace Alya, un lieu que je n’ai pas l’habitude de fréquenter, mais pourquoi pas ? Comme j’arrive un peu en avance pour retrouver un ami, je ne vois pas l’attachée de presse. Je me rends donc à l’accueil pour la presse, qui me renvoie directement à la billetterie. Je me présente, je mentionne « Yalla ! » mais personne ne semble savoir ce que c’est. Je précise qu’il s’agit d’une lecture exceptionnelle. On me donne finalement un billet qui ne s’avèrera pas être le bon (« De toute façon, c’est gratuit ! », c’est ce qu’on me répond). Je discute avec l’ami en question – à Avignon, je mange, bois des coups et discute avec des gens que je pourrais voir à Paris, allez comprendre – et découvre que l’espace de jeu est en extérieur, en plein cagnard, juste à côté de l’entrée qui donne sur la rue très passante Guillaume Puy, pour celles et ceux qui connaissent.

On nous invite à nous installer autour de la longue table (voir affiche). Pauline Etienne et Bachir Tlili sont déjà en place, de part et d’autre de la table, leur cahier en main – c’est une lecture, je le rappelle.

Nous sommes à peine une petite dizaine de spectateurs et je crois que je suis le plus jeune. J’ai mes lunettes de soleil toutes neuves, mais j’ai oublié de mettre de la crème solaire sur mon front qui se dégarnit. Non, évidemment, c’est mon implantation des cheveux, rien à voir. Et nous gardons le masque sur le nez (alors que dans la rue à côté, personne ne se le met, soit dit en passant).

Je ne sais plus qui a commencé à parler. Elle ou lui. Deux monologues, donc. Deux personnes qui se font face. En temps réel, tout se passerait extrêmement vite, mais là nous profitons du détail de leurs pensées, de ce jeune Palestinien et de cette soldate israélienne. Le propos est on ne peut plus d’actualité, comme l’impression que la même pièce aurait pu être écrite, il y a dix, vingt… ans.

Le soleil, dans les yeux, tape fort. Malgré la force du texte, on est quelque peu perturbé par les éléments et les bruits parasites (une parade par ici, des spectateurs par là). Ce n’est décidément pas rendre service aux auteurs contemporains d’organiser cela comme cela. Un coup de vent fait voler les gravillons au sol et la metteuse en scène dit STOP.

Ceci ne fait pas partie du spectacle. C’est abrupt, violent, pour le spectateur, pour les acteurs, mais la metteuse en scène dit STOP. Elle s’excuse, parce que le soleil, parce que le vent, parce que le bruit, parce que la lutte. Elle propose de nous installer ailleurs, un peu plus à l’ombre, de nous servir à boire (ce qui devait être fait un peu plus tard dans la pièce – nous en profitons pour enlever notre masque, sages comme nous étions) et de discuter de ce que nous avions entendu, des avancées des répétitions, de la prochaine création. Pauline Etienne propose de lire la suite, plus calmement. C’est décidé. Bachir Tlili s’allume une cigarette (grâce au briquet de l’ami parisien) et c’est reparti.

C’est bête, mais oui, l’écoute était belle. Il y avait peut-être moins de jeu mais plus d’intensité, cette manière de nous regarder, nous, moi. Le texte fort, mieux entendu. Je ne sais pas si c’est le texte ou les regards de Pauline Etienne et de Bachir Tlili qui m’ont le plus ému. Je ne sais pas si c’est parce que je sais inconsciemment que c’est mon dernier festival en tant que blogueur, qu’il n’y a même pas une semaine, je marchais sur un des chemins de Compostelle et que je me sens encore vidé physiquement et l’impression de ne plus être à ma place, que dedans ma tête, je pense à autre chose ou à quelqu’un d’autre. Parce qu’aussi et surtout cette histoire peut basculer à tout moment, parce que l’issue peut être fatale. J’aime bien l’idée du moment suspendu, parce que c’était tout à fait ça. Je ne sais pas si les comédiens l’ont bien vécu, mais de mon côté, j’ai eu l’impression de vivre un moment rare, impromptu, profond, qui m’a donné envie de voir la création cet automne, pas loin de là où je travaille.

YALLA !

Texte de Sonia Ristic (publié aux éditions Lansman)

Mise en scène de Déborah Banoun

Avec Pauline Etienne, Bachir Tlili

Lumières et régie générale : Pierre Peyronnet – Scénographie : Gala Ognibene, Guillemine Burin Des Roziers

Le 27 novembre 2021 au Pavillon (Romainville) et du 27 au 29 janvier 2022 au Théâtre de l’Opprimé (Paris)

Vu le vendredi 16 juillet 2021 à l’Espace Alya (Avignon) – Festival Off

Prix de ma place : gratuit

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

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