L’Autre Fille (Annie Ernaux / Marianne Basler / J.P. Puymartin / Les Déchargeurs)

(de quoi ça parle en vrai)

« Annie Ernaux adresse une lettre à sa soeur disparue deux ans avant sa naissance, morte à six ans, emportée par la diphtérie. Cette soeur dont elle découvre l’existence passée en entendant les bribes d’une conversation entre une cliente et sa mère dont les paroles “ Elle était plus gentille que celle-là ” se gravent à jamais dans sa mémoire. Elle, l’enfant vivant, dormira dans le lit de la sœur disparue, son cartable deviendra le sien, elle mettra ses pas dans les siens. Au fil de son existence, elle se construit contre elle, entre réel et imaginaire, au gré des objets, des photos, des paroles échappées. » (source : ici)

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Crédits photos : Julien Piffaut

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Un peu plus d’un mois après avoir vu Romane Bohringer prendre à bras le corps un des romans d’Annie Ernaux, c’est au tour de Marianne Basler de s’emparer d’un autre court roman de l’autrice. Les mots ciselés, la parole simple mais directe de l’écrivaine sont un matériel exceptionnel pour toute bonne actrice et Marianne Basler sert à la perfection cette écriture et cette histoire.

On sent l’actrice impliquée : le texte avant tout. La mise en scène est sobre, une petite musique par ici, une voix par là, une porte au loin qui restera fermée pendant pratiquement toute la pièce, rien d’ostentatoire. Car ce texte mérite toute notre écoute, car le jeu de Marianne Basler mérite toute notre attention.

Malgré les petits bruits parasites non-naturels de certains spectateurs qui nous empêchent parfois de rester concentré, mais c’est le lot de toute expérience collective, comme on me l’a fait remarqué dernièrement (je ressens de plus en plus l’incapacité de faire abstraction du téléphone qui vibre, des chuchotements…), on est touché par l’émotion portée par l’interprète.

 

L’AUTRE FILLE

Texte : Annie Ernaux

Mise en scène : Marianne Basler, Jean-Philippe Puymartin

Interprétation : Marianne Basler

Lumières Franck Thévenon – Musique Vincent-Marie Bouvot – Collaboration artistique Elodie Menant

Jusqu’au 1e décembre 2018 aux Déchargeurs, Paris mais également du 24 au 28 avril 2019 aux Bernardines, Marseille

 

(une autre histoire)

J’ai failli ne pas venir parce que j’ai mal aux dents. Donc je dors mal. Donc j’ai fait une micro-sieste avant de partir, mais j’étais tellement bien sous ma couette… C’est parce que j’ai mal aux dents que je deviens sensible à toute perturbation extérieure. Parce que finalement, je suis allé au théâtre.

La représentation d’hier soir… On chuchote, on farfouille dans son sac, on laisse vibrer le téléphone… Parfois j’aimerais entendre le texte dans un casque, qui m’isolerait de toute interférence. On me répond : « En somme, ne pas aller au théâtre ». Je suis désolé mais… Non, je ne suis pas désolé. Si aller au théâtre, c’est se permettre de faire du bruit sans tenir compte des autres spectateurs et des artistes sur scène, je préfère rester chez moi, effectivement.

En fait, ce n’est pas mon mal aux dents qui me fait prendre la mouche. J’étais déjà comme ça avant. Je ne supporte plus les gens. J’ingère les mots de Cioran et de Pessoa depuis trop longtemps. Le gars qui prend tout l’accoudoir, la personne qui se colle à moi dans le métro comme si j’étais invisible, la voiture qui ne s’arrête pas au passage piéton, le jeune qui passe en même temps que moi dans le tourniquet du métro sans me demander mon avis, les gens sur les trottinettes qui ne ralentissent pas sur les trottoirs, celles et ceux qui lisent un mot sur deux.

Mais je suis confiant. Ma voisine ne claque plus sa porte, le matin, quand elle part au travail, tout peut s’arranger. Ah non… En fait, je ne l’entends plus car désormais je pars avant elle pour me rendre au boulot.

 

vu le vendredi 9 novembre 2018 aux Déchargeurs, Paris

prix de ma place : invitation

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

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