L’ARBRE, LE MAIRE ET LA MÉDIATHÈQUE (Eric Rohmer / Thomas Quillardet / Théâtre de la Tempête)

(de quoi ça parle en vrai)

« Une création hors cadre ! À Saint-Juire, il n’est pas question d’amour mais de politique. La ville contre la campagne ? Dans cette fable écologique visionnaire, c’est la beauté d’un saule centenaire qui déclenche la révolte, la quête de l’idéal toujours en filigrane chez Rohmer, mais aussi l’intuition d’une inquiétude, peut-être celle de notre époque. » (source : ici)

© Pierre Grosbois

(ceci n’est pas une micro-critique, mais…)

Rendez-vous est pris devant le théâtre de la Tempête, à la Cartoucherie de Vincennes. De là, on nous guide vers un coin plus ou moins isolé du Parc Floral (et donc en plein air), où nous attendent les comédiens déjà dans leurs rôles, dont le maire socialiste de Saint-Juire (interprété par Gullaume Laloux) qui se présente aux élections cantonales, retour en 1992.

Le cadre est posé, j’assiste à cette (courte) représentation le jour du premier tour des élections régionales et départementales. C’est cocasse. Surtout à entendre tous les discours autour de l’urbanisme, de l’écologie, de la politique, des gens de la ville qui vont s’installer à la campagne tout en conservant une vie de citadin… Puis on pense à ce que l’on vit aujourd’hui et… Eric Rohmer avait pratiquement trente ans d’avance.

Je suis bienheureux de ne pas avoir vu le film avant la pièce (ou l’éternel débat : « Faut-il lire le livre avant d’en voir l’adaptation ? »). Même si je sais que Pascal Greggory, Fabrice Luchini et Arielle Dombasle interprètent les personnages principaux dans le film (non, Luchini ne joue pas un arbre et Dombasle serait bien capable de jouer une médiathèque), ma vision de la pièce n’est pas parasitée par le film. Thomas Quillardet reprend les grandes lignes du long métrage d’Eric Rohmer, parfois les mêmes répliques (je rattrape grâce à Arte le film pendant que j’écris ces quelques phrases) et insuffle à sa troupe les mêmes joie et énergie présentes dans son autre adaptation rohmerienne « Où les coeurs s’éprennent » (d’après Les Nuits de la Pleine Lune et Le Rayon Vert).

Assis sur ma botte de foin, je me disais : « Mais qu’est-ce qu’ils jouent bien, ensemble ! » C’est ça ma micro-critique : Ils jouent trop bien. Pis, c’est fin, drôle. Et ça se termine même en chanson !

L’ARBRE, LE MAIRE ET LA MÉDIATHÈQUE

adapté et mis en scène par Thomas Quillardet d’après des scénarios d’Éric Rohmer

avec Clémentine Baert, Benoît Carré, Florent Cheippe, Nans Laborde-Jourdàa, Guillaume Laloux, Malvina Plégat, Anne-Laure Tondu, Jean-Baptiste Tur et Liv Volckman (enfant)

scénographie James Brandily assisté de Long Ha et Fanny Benguigui – construction du décor Pierre-Guilhem Coste – lumière Nadja Naira – costumes Frédéric Gigout – assistanat à la mise en scène Guillaume Laloux – régie générale Camille Jamin – stagiaires habilleuses Camille Marques, Cécile Robion – stagiaires régie Elliott Legrain, Clara Yris

Au Festival d’été de Chateauvallon le 2 juillet, au Festival Par Has’art à Noisiel le 7 juillet, au Théâtre de Chelles le 9 juillet, au Moulin du Roc à Niort le 17 juillet, au Parc de l’Oasis à Marseille le 24 juillet– Scène nationale, du 19 au 21 août à Aurillac

(d’autres histoires)

L’arbre : Je suis allergique aux cyprès. C’est la véritable raison de mon non-retour en Provence. Je prèfère le béton, la pollution. Plutôt perdre trois ans d’espérance de vie en vivant en ville que d’avoir les yeux qui grattent et qui collent le matin en hiver-printemps.

Le maire : En 1989, pour le bicentenaire de la Révolution Française, mes camarades et moi avions chanté sous le balcon de la Mairie de Marseille. Le Maire de l’époque, Robert Vigouroux n’avait pas daigné montrer le bout de son nez. La rumeur dit qu’il avait plutôt le nez dans son verre de Casanis.

La médiathèque : Je n’ai pas renouvelé ma carte de médiathèque à la Ville de Paris. Il était important de le souligner ici et je ne trouve rien d’autre à dire, même pas quelque chose de drôle. Mis à part que je déteste lire des livres lus par des inconnus. Je n’achète jamais de livres d’occasion. La seule fois que je l’ai fait, c’était « Sur la route » de Jack Kerouac, à l’intérieur, il y avait des phrases soulignées en rouge, j’étais dégoûté. Je crois que je n’ai pas apprécié ce livre à sa juste valeur à cause de ça. Je n’aime pas non plus que quelqu’un lise un livre que j’achète avant moi. Tout comme je ne supporte pas qu’on me mettre du sucre dans le café à ma place, mais ça c’est une autre histoire.

Vu le dimanche 20 juin 2021 au Théâtre de la Tempête – Parc Floral

Prix de ma place : 10€

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

CERVEAU (Clara Le Picard / Théâtre Joliette – Marseille)

(Ceci n’est pas une critique écrite par Axel Decanis mais par le camarade Laurent Suavet)

En cette période compliquée où les portes des théâtres sont fermées au public depuis plus d’un an (hormis quelques brèves semaines l’automne dernier), on est très heureux de pouvoir enfin revenir au théâtre de la Joliette cet après-midi, même s’il s’agit là d’une représentation professionnelle.

A vrai dire, on a même quelques attentes, ayant déjà vu plusieurs spectacles de Clara Le Picard au cours de ces dernières années. En effet, cette dernière nous a souvent séduit par son travail, et notamment par cette manière singulière et assez ludique de nous faire entrer dans un univers, de le restituer avec une apparente facilité et légèreté, en nous faisant oublier le travail de documentation qu’il avait pu nécessiter.

Avec « Cerveau », Clara Le Picard signe probablement son spectacle le plus ambitieux et le plus personnel, comme si elle était allée creuser la part la plus intime d’elle-même. Au départ, il y a un trauma douloureux : sa mère, la comédienne Françoise Lebrun (connue des cinéphiles pour son rôle inoubliable dans le film de Jean Eustache « La maman et la putain », mais aussi pour ses prestations chez Paul Vecchiali, Arnaud Desplechin, Guillaume Nicloux…) tombe soudainement dans le coma, suite à un AVC. A partir de cet épisode éprouvant, Clara va pourtant en tirer un spectacle lumineux, où théâtre, danse et musique cohabitent harmonieusement, aux côtés de considérations plus scientifiques avec paroles de neurologues sur le cerveau et son fonctionnement.

Alors qu’elle a souvent tenu le rôle principal de ses spectacles (même si elle ne jouait pas dans le dernier que nous avions vu d’elle, « A silver factory », consacré à la Factory d’Andy Warhol), Clara Le Picard a fait cette fois le choix de s’accorder un rôle un peu plus en retrait, et d’aller chercher une alter ago fictionnelle, qui lui permettrait de mettre un peu de distance avec ce récit (un peu à la manière de ce qu’avait fait un Nanni Moretti dans « Mia madre »).  Interprétée par la jeune et vibrante Flora Chéreau (qu’on avait vue dans plusieurs spectacles lors de son cursus à l’ERACM, et qui avait enchainé à sa sortie de l’école avec une année à la Comédie Française), le choix s’avère judicieux, celle-ci apportant à la fois une gravité et une belle profondeur au personnage de Laura, une metteuse en scène confrontée à l’angoisse de la disparition de sa mère, et à la culpabilité que cette disparition pourrait générer (sentiment on ne peut plus universel, chacun d’entre nous ayant été, est ou sera amené à traverser cette situation).

© Pierre Gondard

Alors que sa mère est dans le coma, Laura repense alors au souhait que celle-ci avait de jouer « Mrs Dalloway » de Virginia Woolf (roman qui semble pourtant peu se prêter à une adaptation théatrâle, comme le souligne Laura, puisque composé essentiellement des pensées de son héroine). Comme elle l’avait fait il y a quelques années avec « All Bovarys », variation et réflexion autour du personnage de Mme Bovary, créé par Flaubert, Clara Le Picard va cette fois convoquer une autre héroïne classique de la littérature et s’interroger sur l’œuvre de Virginia Woolf, citant notamment plusieurs monologues lus et enregistrés par Françoise Lebrun, qui nous accompagneront durant tout le spectacle.

Si on a surtout évoqué le contenu et le fond du spectacle, la forme nous a également bluffé par sa maitrise absolue et le soin minutieux apporté à chaque détail, CLP ayant visé un spectacle total et négligé aucun aspect. Il y a bien sûr cette musique électronique envoûtante, composée par Fred Nevchéhirlian (compagnon de Clara), qui se mêle merveilleusement à la voix off prononcée par Françoise Lebrun (même si le lien n’est pas direct, on n’a pas pu s’empêcher de repenser au groupe de Michel Cloup, Diabologum, qui avait samplé il y a plus de 20 ans le fameux monologue de Veronika dans « La maman et la putain ». Et constater à quel point la voix de Françoise Lebrun, celle d’hier comme d’aujourd’hui, se prête bien à la mise en musique). On évoquera aussi les nombreuses scènes de danse chorégraphiées par la célèbre Kaori Ito, les vidéos d’Arnold Pasquier projetées en arrière-plan, une scénographie à la fois dépouillée et impressionnante, et un travail sur la lumière tout à fait pertinent. 

 Ainsi, s’il est souvent question du cerveau et de son fonctionnement, de ses mécanismes (y compris le cerveau du spectateur et les différentes parties qui sont sollicitées lorsqu’il regarde le spectacle), on ne peut pas franchement dire qu’il s’agit d’un spectacle cérébral, celui-ci faisant plutôt appel aux sensations, aux pulsations, à l’expression corporelle et à la danse. D’ailleurs, ce qui résonne en nous quelques jours après la représentation, ce sont avant tout des sensations et des émotions, telles celle provoquée par un tube 80’s de Kim Wilde jouée dans une version 33 tours et en français.   

Par ailleurs, si ce spectacle a été pensé et écrit bien avant le Covid, certains dialogues, certaines angoisses relatives à l’avenir et aux questions écologiques résonnent ainsi fortement avec ce que nous vivons actuellement. Ou comment essayer d’envisager l’avenir avec optimisme quand on a un présent aussi sombre devant nous.

Teinté par ces angoisses, « Cerveau » n’a pourtant rien de mortifère et nous est surtout apparu comme un éclatant hymne à la vie.

CERVEAU

texte & projet Clara Le Picard

avec Clara Le Picard, Françoise Lebrun, Lorenzo Vanini, Flora Chéreau

vidéo Arnold Pasquier – chorégraphie Kaori Ito – musique Fréd Nevché – scénographie Marine Brosse & Caroline Frachet – lumière Abigail Fowler – régie Emilie Tramier – conseillère à la dramaturgie Marie Vayssière – assistante à la mise en scène Jeanne La Fonta

production Compagnie à table

les 28 et 29 janvier 2022 au Théâtre Joliette à Marseille

Vu au Théâtre de la Joliette à Marseille le jeudi 25 mars 2021

Prix de la place : Représentation professionnelle

Texte : Laurent Suavet

TIENS TA GARDE (Collectif Marthe / Théâtre de la Cité Internationale)

(de quoi ça parle en vrai)

« Leçon n°1 : « Désapprendre à ne pas se battre ». Pourquoi reconnaît-on aux dominants le droit à la légitime défense, et les femmes en seraient-elles exclues ? Et si l’apprentissage de l’autodéfense était au fondement du combat féministe ? En s’appuyant sur la pensée développée par la philosophe Elsa Dorlin dans son ouvrage Se Défendre, une philosophie de la violence, avec une préparation physique aux arts martiaux et une bonne dose d’humour et d’érudition, l’énergique Collectif Marthe tape du poing, et pas seulement sur la table : du combat de suffragettes formées au jiu-jitsu aux dissidentes d’hier et d’aujourd’hui, elles nous invitent joyeusement à en découdre avec des générations entières de luttes à armes inégales ! (source : ici)

© Jean-Louis Fernandez

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Ecrire une semaine plus tard sur un spectacle qui ne m’a que moyennement convaincu…

Auréolée d’une réputation assez flatteuse, c’est plutôt confiant que j’allais découvrir la deuxième création du Collectif Marthe. La pièce se déroule dans une salle d’armes… ah non en fait, dans une caverne préhistorique… ah non en fait… Vous l’aurez deviné, « Tiens ta garde » nous balade d’une époque à une autre, les comédiennes changent de rôles comme de postiche et dans sa première partie, le tout est enjoué, ludique, avec des personnages hauts en couleur, une Maryline à l’accent chantant (on pourrait avoir un long débat sur l’emploi des accents dans le théâtre et le cinéma, pourquoi on n’en entend pas plus sans être forcément une béquille humoristique ?) ou une doctorante sur les suffragettes qui n’aime pas qu’on prononce le mot « cheval ». C’est lors d’une longue scène de rêve que le spectacle nous perd. Solange, la monitrice du stage d’auto-défense qui réunit tous nos personnages principaux, rêve de son père qui veut la ramener au pays, d’un membre du KKK, de John Locke, d’un Captain America de pacotille… la scène s’étire, on ne sait plus très bien ce que l’on doit comprendre, on s’ennuie et le charme est rompu. On y parle d’émancipation, de la domination masculine, de l’exclusion des femmes depuis la nuit des temps, des sujets dont on parle énormément de nos jours, et à raison. Mais on se perd dans les références, notamment étrangères qu’on ne maîtrise pas forcément, ce qui veut peut-être dire aussi qu’il y a encore du travail au niveau de notre éducation !

On pense aussi à un autre groupe unisexe La Galerie, mené par Céline Champinot, qui, cultive dans ses spectacles un même goût du travestissement et des scènes qui partent dans tous les sens, mais où l’écriture parait plus aboutie voire poétique.

Une petite déception, mais modérée par une énergie parfois communicative de la part des comédiennes, toutes exemplaires.

TIENS TA GARDE

mise en scène Clara Bonnet, Marie-Ange Gagnaux, Aurélia Lüscher, Itto Mehdaoui et Maybie Vareilles

avec Clara Bonnet, Marie-Ange Gagnaux, Aurélia Lüscher en alternance avec Manon Raffaelli, Maybie Vareilles 

écriture le Collectif Marthe et Guillaume Cayet 

dramaturgie Guillaume Cayet 

collaboration artistique Maurin Ollès – scénographie et costumes Emma Depoid assistée de Eléonore Pease – création lumière Juliette Romens – création silhouettes Cécile Kretschmar – régie générale Clémentine Gaud & Clémentine Pradier – auto-défense Élodie Asorin – Octogone autodéfense

Dernière le 26 juin 2021 au Théâtre de la Cité Internationale (Paris) puis à Dijon du 29 juin au 2 juillet 2021.

(une autre histoire)

Je suis un garçon, mais je ne sais pas me battre. Hum hum… pardon… JE SUIS UN HOMME… mais je ne sais pas me battre. La dernière fois que j’ai dû me bagarrer, c’était en CM1 ou en CM2, je ne donnais même pas de coups, je m’accrochais au T-Shirt du gars et je ne lâchais rien. Je ne me suis jamais rien cassé de toute ma vie. J’ai toujours su me préserver. Même quand je me suis fait agresser dans la rue Bussy L’Indien à Marseille, je n’ai pas essayé de me battre, mais seulement de ne pas tomber. Et je ne suis pas tombé. Pourtant c’est beau un corps qui tombe. Il y a des manières de tomber sur scène, sans se faire mal. Je sais faire ça. Tomber. Pour de faux. Parfois sans faire exprès, mais je me relève toujours. Un jour, je ferai semblant de tomber, de m’évanouir. J’ai toujours rêvé de faire ça. Je l’ai vu dans un film. C’était Jean-Pierre Léaud ? Pour ne pas mourir de honte, sans pour autant s’enfuir, on s’évanouit. On tombe dans les pommes. Mon problème, c’est que je ne peux pas croquer les pommes, parce que j’ai la dent de devant qui est cassée et ça briserait le faux bout de dent. Je m’évanouirai, en faisant attention à ne pas croquer la dent en avant quand je tomberai dans les pommes. Pas très viril tout ça. Je suis un garçon, mais je ne fais pas face. Pas toujours. Je m’égare, je crois. Merci.

Vu le vendredi 18 juin 2021 au Théâtre de la Cité Internationale (Paris)

Prix de ma place : invitation Sceneweb

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

QUAND JE SERAI GRANDE (Margaux Cipriani / Sophie Troise / Comédie des 3 Bornes)

(de quoi ça parle en vrai)

« A 30 ans un bilan s’impose ! Il faut quitter l’enfance où on avait encore un pied pour se lancer complètement dans le monde adulte ! Il faut faire le point entre ce qu’on imaginait et la réalité… Mais il ne faut pas pour autant oublier ses rêves ! Il faut les réaliser et passer au-dessus des désillusions…La vie,  la vraie, le travail, la maternité avec toutes ses surprises et sa poésie, la famille, les vieux dans les bus… un monde s’ouvre à nous avec sensibilité et humour… » (source : ici)

© Jean de Caspevi

(ceci n’est pas une micro-critique, mais…)

Ceci est un « seule-en-scène » d’une jeune femme, qui est aussi une mère, une compagne, une belle-fille, une comédienne. Malgré un « parcours » balisé – les mots-clés du spectacle sont projetés côté jardin, comme autant de parties qui s’enchaînent plutôt avec fluidité – on est rapidement séduit par le naturel et la fraîcheur de Margaux Cipriani. Là où on serait peut-être moins convaincu par les anecdotes moins personnelles (les vieux dans les bus, par exemple), on est alternativement touché et amusé par la sincérité qui se dégage de Margaux Cipriani lorsqu’elle se raconte. (oui, j’ai souri, oui, ça m’arrive, non je ne suis pas complètement snob !) Et ce qui est d’autant plus appréciable, c’est qu’elle ne se donne pas forcément le beau rôle. Jamais vulgaire, on devine un amour des mots de la part de cette comédienne, aussi de doublage, qui nous livre par la même occasion quelques subtilités de ce monde qu’on ne connait pas si bien. Le rythme est enlevé mais pas effréné. C’est bien aussi quand ça prend le temps.

Voici donc un spectacle, modeste dans sa facture, qui se démarque par une jolie plume et qui met en lumière une comédienne à découvrir.

QUAND JE SERAI GRANDE

de et avec Margaux Cipriani

mise en scène de Sophie Troise

(au moins) jusqu’au 27 septembre 2021 (tous les lundis) à la Comédie des 3 Bornes (Paris)

(une autre histoire)

« Quand je serai grande… je n’aurai pas deux métiers. Je ne serai pas une danseuse-infirmière ou une chanteuse-instit. Je ne veux surtout pas être maîtresse d’école. Je vois bien dans quel état se met parfois mon maître. C’est très ingrat, si j’ai bien compris. Parfois on me regarde avec des gros yeux ronds, parce que je ne réponds pas aux questions comme une enfant de mon âge devrait répondre. Je suis au CM1, je vais avoir dix ans, j’ai déjà lu tous les Harry Potter, mais je n’en pense pas moins. Je ne sais pas si j’aurai des enfants. Je sais juste qu’ils ne s’appelleront pas Kevin ou Steven. Ce que je sais, quand je serai grande, c’est que je veux avoir mon appartement à moi, ni trop grand ni trop petit. Pas loin de chez mes parents. Et j’irai faire mes courses au marché le dimanche matin. Parce que j’ai toujours aimé ça. Les couleurs, les parfums, les « Et qu’est-ce que je vous sers ma petite dame ! ». Parfois je chipe une cerise, mais faut pas le dire.

Je veux seulement avoir une vie simple et continuer à aller à la piscine. Ça serait pas si mal, non ? »

Vu le lundi 14 juin 2021 à la Comédie des 3 Bornes (Paris)

Prix de ma place : 12,95€

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

Ps : Pour la petite histoire, la metteuse en scène est une amie de vingt-cinq ans (au moins) et accessoirement ma metteuse en voix/scène et si ça ne m’avait pas plu, je n’aurais rien écrit dessus !

TOUT LE MONDE NE PEUT PAS ÊTRE ORPHELIN (Les Chiens de Navarre / Jean-Christophe Meurisse / Bouffes du Nord)

(de quoi ça parle en vrai)

« 91% des Français affirment que la présence quotidienne de leur entourage familial apparaît comme étant essentielle. Je me sens bien souvent un égaré des 9% restants. Personnellement je n’ai jamais vraiment cru à la notion de famille tant mon passé de ce point de vue là n’est pas loin d’un désastre structurel et affectif. Et paradoxalement, le projet, l’idée même me bouleverse puisque j’ai fondé moi-même une famille. J’aurais pu utiliser mon pouvoir bien humain de dire non à la conception mais j’ai dit oui. Pour perpétuer quoi ? Des réveillons de Noël ? Des otites ? De l’amour ? Ce spectre large d’émotions que m’offre cette nouvelle recherche intime et spectaculaire est le point de départ idéal pour tenter de comprendre ce que représente cette société intime, étrange et violente à la fois… » Jean-Christophe Meurisse (source : ici)

© Ph. Lebruman

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Il y a quelque chose de réjouissant à voir les comédiens sur scène, un quart d’heure avant le début officiel de la représentation. Ici, point de clin d’oeil au spectateur, mais une famille qui se prépare au traditionnel dîner de Noël en famille. Les bouteilles sont débouchées, la dinde est découpée, on devine quels sont les liens entre les différents membres de la famille (les parents, les enfants, les pièces rapportées)…

Ici un dézingage en règle de la famille nucléaire traditionnelle. Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, ils sont affreux, sales et méchants. Comme toujours chez les Chiens de Navarre, il n’y a pas d’histoire à proprement parler, mais des histoires. Mais cette fois-ci, tout le monde joue sensiblement le même rôle du début jusqu’à la fin, avec des allées et venues dans le temps.

On se reconnait dans cette famille. Parce que les repas de Noël sont toujours sources de stress, de rires, parfois de larmes. Alors certes, les inconditionnels des Chiens de Navarre pourraient faire la fine bouche en constatant certains gimmicks recyclés, comme le « zizi élastique », la voix trafiquée ou encore l’usage de certaines chansons populaires (on se souvient de Thomas Scimeca, du parachute et de son Homme Heureux). Il n’empêche qu’on arrive toujours à trouver des moments si drôles, à encore s’étonner de l’investissement physique des comédien.nes – Charlotte Laemmel tire ici son épingle du jeu, tantôt Médée ultra-convaincante ou belle-fille engloutie par la cuvette des toilettes (j’ai toujours été d’humeur scatologique).

La bonne idée également de Jean-Christophe Meurisse est de conclure la pièce par une scène assez terrible et touchante que je n’évoquerai pas ici. Le metteur en scène sait également jouer sur la corde sensible et ça aussi, ça fait du bien.

(Une pensée pour Judith Siboni qui jouait dans la pièce lorsqu’elle a été créée et qui est décédée en mars dernier)

TOUT LE MONDE NE PEUT PAS ÊTRE ORPHELIN

Mise en scène Jean-Christophe Meurisse

Avec Lorella Cravotta, Charlotte Laemmel, Vincent Lécuyer, Olivier Saladin, Lucrèce Sassella, Alexandre Steiger et Hector Manuel en alternance avec Cyprien Colombo

Collaboration artistique Amélie Philippe – Régie générale et plateau Nicolas Guellier – Scénographie et construction François Gauthier-Lafaye – Costumes et régie plateau Sophie Rossignol – Création lumière Stéphane Lebaleur et Jérôme Perez – Régie lumière Stéphane Lebaleur – Création et régie son Isabelle Fuchs et Jean-François Thomelin – Directeur de production Antoine Blesson – Administrateur de production Jason Abajo – Attachée d’administration, de production et de communication Flore Chapuis – Stagiaire en administration et production Victoria Bracquemart

Jusqu’au 4 juillet 2021 aux Bouffes du Nord

(une autre histoire)

Le problème, c’est que j’ai une liste de personnes que je ne veux plus évoquer dans ces colonnes. La famille, c’est niet. Donc je parlerai de… Ahlala il fait chaud ces jours-ci, vous ne trouvez pas ? Il fait chaud et sur scène on voit un arbre de Noël, dis donc ! Ah bravo le dérèglement climatique ! J’ai faim. Je les vois manger de la dinde et j’ai faim. Parce qu’il est 20h30 et que je n’ai pas eu le temps de me faire à manger avant de partir. C’est que moi aussi, je suis tout déréglé ! Je l’aimais bien, le couvre-feu à 21h, parce que je savais que je serais rentré chez moi pour dîner ! En fait, ce que j’aime dans le protocole sanitaire, c’est que personne vient s’asseoir à côté de moi. J’ai la place. Ça va me manquer. Dans la chaleur estivale, se coller les uns aux autres sur un banc inconfortable, très peu pour moi. Pis là, on est en placement libre. Ça ne me plait pas. Parce qu’on doit venir plus tôt pour avoir les meilleures places et quand on est tout seul, venir plus tôt, c’est inconfortable. On ne sait pas quoi faire de ses bras, de ses mains, on ne veut pas non plus rester trop scotché sur son téléphone… Je ne suis pas quelqu’un de très sociable. J’en parle parfois à… Non, je m’étais promis de ne pas parler de cette personne-là. Les deux prochaines fois, je ne serai pas tout seul. Mais je me suis promis de ne pas écrire non plus sur les personnes qui m’accompagnent. Donc faut déjà que je réfléchisse à ce dont je vais écrire ici. Ça limite, hein ?

(un texte écrit au son du ventilateur – force 1 – et dans l’attente de possibles effets secondaires de ma deuxième injection Pfizer)

Vu le vendredi 11 juin 2021 aux Bouffes du Nord (Paris)

Prix de ma place : 26€

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

Crédits photos : © Ph. Lebruman

FESTIVAL D’AVIGNON 2021 (sélection)

Non non non, je ne me plaindrai pas des serveurs informatiques du site du Festival d’Avignon qui ont rendu la tâche ardue, pour ne pas dire impossible, de réserver des places de spectalce lors de l’ouverture de la billetterie. (ok, je suis passé par la Fnac…) Parlons plutôt des spectacles !

Qu’il est difficile de faire une sélection cette année. D’habitude, je rechigne un peu, je ne reconnais que le tiers des noms programmés (ce qui va être le cas, paradoxalement, pour ma prochaine sélection Off). Ici, je m’en voudrais presque de ne pas pouvoir / vouloir rester plus longtemps (quatre jours « seulement » cette année), tellement il y a de spectacles qui me donnent envie. Je n’en verrai que trois (les 3 premiers de ma sélection), mais j’espère de tout coeur que nous pourrons rattraper tous ces spectacles dans nos théâtres préférés, à la faveur des coproductions.

(les trois que je verrai cet été)

TIAGO RODRIGUES

(je n’ai toujours pas ma place, mais je vais jouer des coudes ou faire jouer mes relations, une fois n’est pas coutume)

Ceux qui me lisent savent combien l’artiste portugais est important pour moi. Même si « La Cerisaie » sera programmée la saison prochaine à l’Odéon Théâtre de l’Europe, je ne peux rater cette pièce pour plusieurs raisons : Tchekhov + la Cour d’Honneur du Palais des Papes + voir des comédien.nes que j’apprécie, évoluer dans ce lieu mythique : Isabel Abreu, Grégoire Monsaingeon, David Geselson, Alex Descas. J’aurais pu citer Isabelle Huppert, mais je ne suis pas le fan absolu de la Reine Zaza.

LA CERISAIE du 5 au 17 juillet 2021 à la Cour d’Honneur du Palais des Papes

PHIA MÉNARD

Une performance multipliée par trois dont le premier volet m’avait hautement fasciné aux Bouffes du Nord la saison dernière.

LA TRILOGIE DES CONTES IMMORAUX (POUR EUROPE) du 19 au 25 juillet 2021 à l’Opéra Confluences (et peut-être prochainement à la MC93 Bobigny ?)

KORNÉL MUNDRUCZÒ

Celui dont je ne connais que les films adapte justement un de ses films diffusés dernièrement sur Netflix : Pieces of woman. Le réalisateur de « La Lune de Jupiter » et de « White Dog » agace parfois par une certaine prétention « ooouh, regardez comme il est beau et maîtrisé, mon plan séquence ! »), mais je reste curieux de voir ce que ça peut donner dans un grand et long plan séquence, en vrai !

CZASTKI KOBIETY – Une femme en pièces du 17 au 25 juillet 2021 au Gymnase du Lycée Aubanel

(les sept que j’espère ne pas rater la saison prochaine)

NATHALIE BÉASSE

Même si on pourrait reprocher à ses spectacles un côté un peu décousu, il n’empêche que j’en ressors toujours ravi, rempli d’images et d’émotions et j’ai hâte de voir ce spectacle l’an prochain au Théâtre de la Bastille. (© Nathalie Béasse)

CEUX-QUI-VONT-CONTRE-LE-VENT du 6 au 13 juillet 2021 au Cloître des Carmes

JOHANNY BERT

Ceci est une installation, une expérience, tout commencera dans le Jardin de la Vierge, mais je ne sais pas vraiment quand ça sera ni ce que ça sera et j’ai déjà envie d’y être. Par le créateur de Hen. (© Jorge Mayet)

LÀOÙTESYEUXSEPOSENT

EMMA DANTE

Je ne peux pas me vanter d’avoir vu énormément de spectacles de cette artiste sicilienne, j’ai eu beaucoup de rendez-vous ratés, mais je veux m’accrocher et me faire embarquer dans ces univers toujours aussi singuliers. (© Daniela Gusmano & © Masiar Pasquali)

MISERICORDIA du 16 au 23 juillet 2021 à 15h au Gymnase du Lycée Mistral / PUPO DI ZUCCHERO DEI MORTI du 16 au 23 juillet 2021 à 19h au Gymnase du Lycée Mistral

CHRISTIANE JATAHY

Je ne la présente plus. Elle est une de mes chouchoutes, présente en 21/22 avec ce spectacle à l’Odéon Théâtre de l’Europe. Il s’agit toujours d’une adaptation du film « Dogville » de Lars Von Trier, qui se posait déjà là, en terme de cinéma/théâtre. (© Magali Dougados)

ENTRE CHIEN ET LOUP du 5 au 12 juillet 2021 à l’Autre Scène du Grand Avignon – Vedène

ANGÉLICA LIDDELL

Je ne la présente plus. La fascinante Angélica Liddell… Point. (© Angélica Liddell)

LIEBESTOD EL OLOR A SANGRE NO SE ME QUITA DE LOS OJOS JUAN BELMONTE à l’Opéra Confluence du 8 au 14 juillet 2021

FABRICE MURGIA

Celui que j’avais découvert à la Manufacture dans le Off il ya une dizaine d’années, celui que j’ai redécouvert à Bruxelles dans son futur-ex Théâtre National Wallonie-Bruxelles, pour une adaptation du roman de Laurent Gaudé. Que je n’ai pas lu, donc je ne peux même pas faire semblant de savoir de quoi ça va parler. Mais il est bon parfois d’aller sans savoir. Surtout quand on connait la qualité des mises en scène de l’artiste belge. (© Alexander Gronsky)

LA DERNIÈRE NUIT DU MONDE du 7 au 13 juillet 2021 au Cloître des Célestins

DIMITRIS PAPAIOANNOU

Le chorégraphe grec m’avait impressionné au plus haut point, il y a quelques années. J’avais encore une fois manqué sa création pour le Wuppertal Tanztheater, j’espère voir une autre de ses créations la saison prochaine avec le Théâtre de la Ville. Rien à voir, tout à coup, je repense au DV8… (© Julian Mommert)

INK du 20 au 25 juillet 2021 à la FabricA

(quand il n’y en a plus, il y en a encore)

À part ça, j’aurais pu citer Baptiste Amann avec sa trilogie Des Territoires (vue, pas complètement aimée mais audacieuse), Eva Doumbia, avec ce spectacle au magnifique titre : Autophagies – Histoires de bananes, riz, tomates, cacahuètes, palmiers. Et puis des fruits, du sucre, du chocolat, Laetitia Guédon et le spectacle Penthésilé·e·s Amazonomachie (visible au Théâtre de la Tempête la saison prochaine), Caroline Guiela Nguyen et sa Fraternité, Conte Fantastique, qui nous émeuvra peut-être autant qu’avec Saïgon, la mythique chorégraphe Maguy Marin et Y aller voir de plus près, Karelle Prugnaud et son spectacle itinérant Mister Tambourine Man avec l’inénarrable Denis Lavant.

La semaine prochaine, ma sélection dans le Off ! Le temps que le programme complet soit publié… Les places seront chères ! Purée, j’aurais presque hâte d’y être déjà.

Textes : Axel DECANIS

40° SOUS ZÉRO (Copi / Louis Arène / Monfort Théâtre

(de quoi ça parle en vrai)

« Monstrueuses, hilarantes et subversives, ces deux pièces (L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer – Les quatre jumelles) au climat frigorifique mettent en scène les luttes fratricides de personnages cruels et extravagants en marge de la société et de l’espèce humaine. Ici, on change de sexe à gogo et on crève pour mieux ressusciter dans un ballet post-apocalyptique, trash et jubilatoire. » (source : ici)

(ceci n’est pas une critique, mais…)

Deux soirs d’affilée, je vais voir des spectacles écrits par des auteurs qui ne m’attirent pas des masses. Jon Fosse hier, Copi aujourd’hui. Mais j’aime me faire du mal. Je me complais dans cette posture de « J’aime pas mais j’y vais quand même ».

Ce soir, donc, c’est Copi. Auréolé de retours dithyrambiques, le spectacle mis en scène par Louis Arène m’a littéralement épuisé. Faut dire que j’ai dormi durant la première demie heure, celle prénommée « L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer ». En effet, « 40° sous zéro » n’est que la juxtaposition de deux pièces de Copi, celle nommée ci-dessus et « Les Quatre Jumelles ».

Les acteurs ne s’épargnent pas, ils tombent, se relèvent, éructent, surjouent… Ici tout est énorme. Tout se répète, jusqu’à la nausée. Je me suis souvenu avoir déjà vu « Les Quatre Jumelles » par le metteur en scène Jean-Michel Rabeux. Je confirme, je n’aime pas Copi.

J’aurais pourtant dû me douter que ça n’allait pas se passer comme je l’aurais souhaité quand, dans les premières minutes (juste avant que je ne m’endorme), j’entendis rire et ne compris pas pourquoi il fallait rire. Et c’est drôle, pour le coup, de constater que des gags qui m’auraient fait rire en temps normal ne me faisaient même pas sourire.

Cela dit, il y a un gros travail scénographique, des maquillages et des costumes qui transforment la physionomie des comédien.nes en Coneheads. Mais j’ai comme l’impression que c’est déjà très daté et que l’aspect gore/vulgaire/monstrueux ne choque même plus.

Bref, je me suis ennuyé et j’ai même trouvé certains procédés un peu trop faciles comme le final chorégraphié avec la musique qui te fait taper du pied en rythme. (un peu de mauvaise foi, puisque parfois, je tombe complètement dedans, mais pas ici)

Et je ne veux plus entendre de reprise de la chanson de Radiohead « Exit Music », qu’on ne touche plus à ce monument ! Merci bien.

40° SOUS ZÉRO

texte Copi

mise en scène Louis Arene (Munstrum Théâtre)

avec Louis Arene, Sophie Botte, Delphine Cottu, Olivia Dalric, Alexandre Éthève, Lionel Lingelser, François Praud

conception Louis Arene, Lionel Lingelser – dramaturgie Kevin Keiss – assistante mise en scène Maëliss Le Bricon – création costumes Christian Lacroix assisté de Jean-Philippe Pons et Karelle Durand – scénographie, masques Louis Arene – création coiffes, maquillage Véronique Soulier-Nguyen – création lumières François Menou – création sonore Jean Thévenin assisté de Ludovic Enderlen…

jusqu’au 13 juin 2021 au Monfort Théâtre (Paris)

(une autre histoire)

Mine de rien, je bois ma première bière en terrasse. Mes premières terrasses, depuis la réouverture, ont eu lieu le samedi d’avant. D’abord un café, puis un Pepsi avec sucre et deux verres de vin blanc. Du Chardonnay. Trois terrasses en un jour. Bien accompagné en plus. Mais pas de bière. Aujourd’hui c’est bière. Une blonde. J’ai oublié de dire, j’avais failli boire une bière, un soir avant d’aller au cinéma. Mais il n’y avait plus de blonde en pression et comme j’aime pas les IPA, je me suis rabattu sur un jus mixte orange/citron. Je voulais vraiment ma blonde. Je parle toujours de bière. Quoique…

Bref, je buvais ma blonde et y a cet échalas qui s’est posté devant moi et qui a appelé sa copine au téléphone en mettant le haut parleur. Parce que tu comprends, entre la clope roulée entre les index et majeur de la main gauche et son IPA dans sa main droite, il ne pouvait pas tenir le téléphone. Le gars fait sûrement du théâtre, car il a la voix qui porte. J’ai tout compris de la conversation, alors que je suis un peu dur de la feuille. Peut-être parce qu’à ce moment bien précis, je ne porte pas le masque. Et c’est bien connu, le masque sur le nez et la bouche t’empêchent de bien entendre. Je suis celui qui ne répond pas ou qui cache sa bouche quand il répond au téléphone dans le tramway, celui qui s’arrête dans sa marche pour parler au téléphone, parce qu’il ne sait pas faire ces deux choses-là simultanément.

J’avais envie de lui dire de fermer sa gueule, d’aller plus loin, parce que je n’arrivais pas à apprécier sa juste valeur ma première gorgée de bière en terrasse. Mais évidemment, je ne l’ai pas fait. Je cherche donc l’endroit parfait, avec pas trop de monde autour et surtout respectueux, pour boire ma blonde bière première vraie. Oui, dans cet ordre-là.

Vu le samedi 5 juin 2021 au Monfort Théâtre (Paris)

Prix de ma place : 15€ (pass Monfort)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis

Photos : ©Darek Szuster

JE SUIS LE VENT (Jon Fosse / tg STAN / Maatschappij Discordia / Théâtre de la Bastille)

(de quoi ça parle en vrai)

« « Je suis le vent » dure le temps d’une traversée. Deux silhouettes voguent côte à côte, la scène devient une barque suspendue entre deux rives, un voilier imaginaire flottant au-dessus des vagues et en dessous des vagues. En costume noir et chaussures vernies, Damiaan De Schrijver et Matthias De Koning jouent l’Un et l’Autre. Ils sont amis et se retrouvent après plusieurs années d’absence. Leur conversation ressasse et tâtonne, elle tresse un paysage assourdi où chaque clapotis couve une tempête. La langue de Jon Fosse procède ainsi par variations infimes, elle s’enroule autour du vide et les silences parlent autant que les mots… » (source : ici)

(ceci n’est pas une critique, mais…)

On attendait le tg STAN avec deux créations (« La Part d’Ophélie » avec Georgia Scalliet et Frank Vercruyssen et « Via Bérénice » toujours avec Frank Vercruyssen et des spectateurs) en cette saison 2020-21. Mais la situation étant ce qu’elle est, c’est avec une pièce déjà créée mais inédite à Paris que le tg STAN, accompagné du Maatschappij Discordia, revient.

C’est la première fois que Damiaan De Schrijver joue dans la salle du haut. C’est ce qu’il dit aux spectateurs déjà en place. Car comme à leur habitude, les acteurs nous accueillent, nous saluent. Et c’est au premier rang que je me place, pour voir l’oeil de Damiaan qui frise (oui, je l’appelle Damiaan, parce que ça fait tellement de fois que je le vois jouer…).

La langue de l’auteur norvégien Jon Fosse n’est pas celle que j’affectionne le plus. Cette pièce n’est pas non plus la plus accessible. Sa courte durée – à peine une heure – est un argument de taille. On aime ces moments suspendus, durant lesquels les deux comédiens au sommet de leur art observent le silence (le public est comme en apnée, magnifique qualité d’écoute). Parce qu’ils se connaissent par coeur, Matthias de Koning et Damiaan de Schrijver. Ils jouent avec les surtitres (car le spectacle est, une fois n’est pas coutume, en néerlandais) quand ils paraissent ne plus savoir où ils en sont, leur duo est au point, Laurel et Hardy des temps modernes. Ils parviennent à susciter une émotion sans bouger de leur chaise. On n’est pas dans « Onomatopées », autre spectacle mais autrement plus burlesque. Les deux acteurs laissent notre imagination faire le travail, nous sommes sur un bateau avec eux. Parfois notre imagination prend la poudre d’escampette, je l’avoue. Mais nous sommes tout de même ravis par tant de sérieux sans toutefois se prendre au sérieux.

JE SUIS LE VENT

Texte Jon Fosse ‘Eg er vinden’

Traduction Maaike Van Rijn, Damiaan De Schrijver, Matthias de Koning

De et avec Damiaan De Schrijver et Matthias de Koning

Régie technique Tim Wouters – Costumes Elisabeth Michiels – Images Damiaan De Schrijver
Production tg STAN et Maatschappij Discordia

Jusqu’au 26 juin 2021 au Théâtre de la Bastille (Paris)

(une autre histoire)

Il me demande si je préfère le premier rang ou plus haut dans la salle. Au premier rang, pardi. Je m’installe. Les deux comédiens sont déjà assis, boivent de la Cristaline, ouvrent une canette de Kro, Mathias de Koning se lève et part faire un café Nespresso (je reconnais le son de la machine). Ce dernier est moins prolixe que Damiaan De Schrijver, car moins à l’aise avec le français (leur langue maternelle est le néerlandais). Damiaan fume un cigarillo, ça empeste, mais c’est pas grave. Il s’empêchera toutefois de fumer à nouveau pendant la pièce.

J’aime arriver en avance, aussi pour regarder les gens, les spectateurs. Les soirs de première, on y rencontre du beau monde. Une journaliste de Télérama, un directeur de théâtre parisien, une productrice-animatrice de France Inter (C’est drôle de constater que la voix qu’on entend le plus dans la salle avant le début du spectacle, c’est cette voix qu’on aime entendre à la radio. Est-ce mon oreille ou bien cette personne qui parle vraiment trop fort ?), le directeur du théâtre qui heurte un projecteur que Mathias De Koning remettra en place.

Y a un truc que j’aime bien, c’est retourner dans un théâtre que j’adore et ne tout de même pas reconnaître le lieu. Des planches au sol, une tenture en fond de scène, des projecteurs bien plus bas que la normale. Mais où suis-je ?

Les acteurs retournent dans les loges. La semaine dernière, lors d’une répétition, je m’étais changé dans ces loges. Bientôt Nicolas Bouchaud jouera dans la salle du bas et il y a deux loges, laquelle prendra-t-il ? Celle avec l’affiche de Jacques Bonnaffé ou celle avec l’affiche d’un spectacle de Gwenaël Morin avec Grégoire Monsaingeon ? Le semaine dernière, pour la représentation surprise des Infiltré.e.s, je m’étais installé sous le regard bienveillant de Jacques. Je crois que ça m’a porté chance.

Vu le vendredi 4 juin 2021 au Théâtre de la Bastille (Paris)

Prix de ma place : 25€ (oui, j’ai payé ma place plein pot !)

Textes (sauf mention contraire) : Axel Decanis (et je reprends mon vrai nom…)

Photos © Tim Wouters