Ce qui me manque…

Depuis le début du confinement, les camarades de Radio Mortimer et moi-même livrons des souvenirs de théâtre et/ou lisons des extraits de textes qui ont trait au théâtre. Un exercice auquel je me suis plié volontiers. (lien de la chaîne Youtube de Radio Mortimer : ici)

J’ai pu lire des extraits des Barbelés (d’Annick Lefebvre – avec un plaisir incommensurable), de Daisy (de Rodrigo Garcia – disponible incessamment sous peu), du Réserviste (de Thomas Depryck) et Du luxe et de l’impuissance (de Jean-Luc Lagarce – que j’avais découvert grâce à Tiago Rodrigues).

J’ai aussi raconté, ou plutôt devrais-je dire recyclé des souvenirs de théâtre, déjà présents dans les méandres de ce blog. J’ai évoqué Nusch par le tg STAN, Mon Coeur de Pauline Bureau ou bien ma toute première fois au théâtre (texte qui sera également recyclé – je suis le Roi du Recyclage – dans un seul-en-scène écrit par mes soins et que je répète présentement par visio-conférence avec ma metteuse en scène, tout un poème )

Tout ça pour dire, que j’ai écrit un texte plus ou moins original, qui peut être écouté tout en bas de cette page ou bien lu, juste après cela.

Prenez bien soin de vous,

Moi.

Ps : Comme la fin de cette saison théâtrale a été annulée, tout comme le festival d’Avignon et la Saison d’Été du Théâtre du Peuple de Bussang, auxquels je devais assister… Il se pourrait bien que je prolonge au moins jusqu’à la fin de cette année 2020 cet espace. Mais comme je ne suis pas de nature très stable, on ne sait jamais.

 

CE QUI ME MANQUE…

J’ai des souvenirs, oui, ça je n’en manque pas. J’ai même tendance à ressasser, comme si j’étais sur mon rocking chair devant un feu de cheminée, le plaid sur les genoux, à raconter mes aventures à mes petits-enfants Gaston et Ernestine…
Je pourrais leur raconter le postillon que j’ai reçu de Clotilde Hesme dans Baal, Nicolas Bouchaud qui m’a imité au début de la Loi du Marcheur, mes larmes qui ont coulé à flots à la fin du Massacre du Printemps d’Elsa Granat, l’effet que m’a fait dans mon ventre et dans mon cœur Jerk de Gisèle Vienne avec Jonathan Capdevielle et j’en passe.
Je suis surtout en train de penser à l’absence de souvenirs de spectacles que va représenter cette période.

En fait, non, ce qui me manque, ce n’est pas tant de voir des spectacles. Comme certains, je suppose, je ne peux rester assis devant mon écran pendant deux heures à regarder une pièce de la Comédie Française ou un spectacle de danse. Par exemple, dernièrement, j’ai vu sur Arte, Last Work de Ohad Naharin, que je ne connaissais que de nom. Je ne me suis pas dit : « Waouh, quel spectacle ! » Mais « Ah tiens, c’est typiquement le genre de spectacles qui pourrait me plaire. » Ce qui n’est déjà pas si mal, vous me direz.

Ce que je voulais dire… Ce qui me manque, c’est aller au spectacle. Je suis loin d’être le seul dans ce cas-là, j’ai déjà lu des textes, vu des vidéos, qui parlaient exactement de cela. Je ne dirais pas que prendre le métro me manque, faudrait pas exagérer, mais calculer son temps de trajet pour aller au théâtre, s’arrêter à la station Bréguet Sabin, que je ne sais jamais s’il vaut mieux prendre la sortie de gauche ou la sortie de droite. Un de mes amis dirait : Toujours à gauche, quoi qu’il en coûte ! Passer devant le café de l’Industrie et y jeter un coup d’œil, voir si on ne reconnait pas quelqu’un, s’arrêter devant ce salon de thé où les chats te grimpent dessus, changer de trottoir pour éviter ce clochard qui te demande toujours une pièce (oui, je suis comme ça aussi…), arriver devant le théâtre, saluer la responsable de l’accueil, pourquoi pas embrasser une ancienne camarade de jeu, entrer dans la salle, choisir sa place selon le dispositif scénique, pile au milieu ou le premier siège sur le côté pour pouvoir allonger ses jambes, mais si possible, toujours du côté jardin. A la fin, applaudir, plus ou moins vivement. Attendre un peu à la sortie, mais ne pas oser aborder cette comédienne ou ce metteur en scène qu’on aime tant, rentrer chez soi. Pas tout à fait pareil que quand on a fait le trajet inverse. Ne pas penser au lendemain, au réveil, à la vie normale, à la fausse vie comme l’appelait Fernando Pessoa.

Ce qui me manque, c’est ce laps de temps où on aime rester en suspens.

 

 

Texte, voix et photos : Axel Ito

(la photo de couverture a été prise lors de ma dernière visite théâtrale avant le confinement, au Théâtre des Amandiers de Nanterre, après la représentation de « Le Théâtre et son double » par Gwenaël Morin – la photo de moi sur youtube… dans des toilettes lisboètes, il y a 3 ans pile)

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