Novecento

(quand on ne lit pas la bible)

En vrai, comme je considère Alessandro Baricco comme étant un de mes auteurs préférés (« Océan Mer » très haut dans mon palmarès), je sais de quoi ça parle, mais on pourrait dire… Une représentation unique, le vingtième siècle raconté par la suave voix du narrateur de « Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain ».

 

(ce que ça raconte en vrai)

« La dernière fois que j’ai vu Novecento, il était sur un bateau dont il n’est jamais descendu. » André Dussollier donne sa voix au conte fantastique d’Alessandro Baricco. Novecento naît en 1900 sur un paquebot, il devient le plus grand pianiste du monde, mais jamais il ne mettra un pied à terre. (site du Théâtre du Rond Point)

 

De : Alessandro Baricco | Mise en scène : André Dussollier, Pierre-François Limbosch
Crédit photo : Christian Gonet

 

(Ceci n’est pas une critique…)

… mais être assis au deuxième rang peut s’avérer gênant, comme lorsque Laure Calamy dans « Modèles » de Pauline Bureau a capté mon regard au moment même où elle était vêtue d’une petite nuisette et que je la détaillais de la tête au pied. Heureusement ici, André Dussolier garde son costume et ma place près de la scène est un pur délice pour qui aime voir les comédiens de près. Les gouttes de sueur perler sur le front, une mâchoire grande ouverte, l’essoufflement. Tant de petites choses qui font mon bonheur. C’est que l’un des acteurs fétiches d’Alain Resnais ne se ménage pas, à l’image du quartet de jazz ô combien enthousiaste qui l’accompagne dans ces traversées de l’Atlantique et dans cette histoire de Danny Boodmann T.D. Lemon Novecento. Ma mère me glisse dans l’oreille un bémol (elle n’était pas présente, quoique si elle habitait Paris, je lui aurais conseillé ce spectacle, elle qui va rarement au théâtre) : « Il parle trop vite, je ne le comprends pas. » . Il est vrai que le débit mitraillette de Dussolier peut nous perdre et ce dernier se sent même obligé de marquer des pauses après chaque calembour made in Stéphane De Groodt pour nous permettre de les comprendre (embarrassé je fus lorsque, dans cette adaptation à six mains, je reconnus (je ne fus pas le seul, je pense) la plume d’un des auteurs : « Attends, là, c’est le moment où tout le monde est parti s’en jeter un derrière la cravate et que De Groodt a ajouté, ni vu ni connu je t’embrouille, les jeux de mots qui ont fait sa renommée. »)

C’est intéressant de faire le grand écart entre « We love Arabs » et « Novecento » dans la même soirée : passer d’un spectacle à différents degrés de lecture à un autre, lui, assez linéaire et lisse dans ce ce qu’il raconte. Effectivement, c’est une adaptation du court roman d’Alessandro Baricco, mais il me manquait le supplément d’âme, l’émotion que m’avait provoqué la lecture de cette histoire. Reste la satisfaction de voir cabotiner Dussolier sur scène et un spectacle grand public de qualité.

Vu le mercredi 13 septembre 2017 à 20h30 au Théâtre du Rond Point (Paris 08)

Prix de la place : 19€ (tarif abonnement)

 

Novecento

Texte : Alessandro Baricco

Mise en scène, adaptation française et interprétation : André Dussolier

Co-adaptation française : Gérald Sibleyras en collaboration avec Stéphane De Groodt

Scénographie et co-mise en scène : Pierre-François Limbosch – Lumière : Laurent Castaingt – Direction musicale : Christophe Cravero – Piano : Elio Di Tanna – Trompette : Sylvain Gontard en alternance avec Gilles Relisieux – Batterie et percussions : Michel Bocchi – Contrebasse : Olivier Andrès – Images : Christophe Grelié – Costumes : Catherine Bouchard – Assistanat artistique : Catherine D’At – Peinture : Alexandre Obolensky – Régie plateau : Patrick Flahau

Production : Deux Ailes productions, SIC — Scène Indépendante Contemporaine

Jusqu’au 1e octobre 2017 au Théâtre du Rond Point (Paris 9), puis à partir du 6 octobre 2017 au Théâtre Montparnasse (Paris 14) ainsi que du 26/01 au 02/02/18 au Théâtre des Célestins (Lyon)

 

(une autre histoire)

Après « We love Arabs », ma faim me tiraille à nouveau. Je compte mes sous, beaucoup de pièces marrons. J’attendrai l’après « Novecento » et mon chez moi pour manger, il doit me rester de la moutarde et des biscottes. Je sors. Dehors il pleut toujours. Je rentre. Les agents de la sécurité ne veulent toujours pas me palper. Je compte les jours depuis que ma tendre m’a palpé pour la dernière fois. Je n’ai pas assez de doigts de main et de pied pour compter les semaines. Les gens vont, viennent, sortent d’une autre salle, attendent d’être placés au restaurant du théâtre, feuillettent des livres à la librairie, on se croirait dans un multiplexe. Mais ça vit, pas de doute. Je me trouve un coin où m’asseoir, je feuillette « La Terrasse » que je n’arrive pas à lire. Ma mémoire défaille : j’ai reconnu du premier coup cette ex-présentatrice météo (Je suis de mauvaise foi, elle est très connue et a présenté bien d’autres émissions depuis sur le service public. Je dois désormais retrouver ma sagesse d’antan – dans ces derniers mots se cache un indice, sauras-tu de qui je parle ?) mais je ne sais plus comment s’appelle cet acteur… le mec là… avec une barbe… Il a joué dans les Revenants la série et dans Jimmy Rivière… Je vais quand même pas allé le voir pour lui demander son nom et je n’ai même plus assez de batterie sur mon cellulaire pour vérifier. En revanche je reconnais l’amie qui l’accompagne. (ou bien est-ce lui qui l’accompagne ?) Mais je ne vais tout de même pas la saluer alors que je n’ai vu aucun de ses films !

J’entre dans la salle. Deuxième rang à peu près au milieu. Je me lève pour laisser passer les gens, je m’assois. Je me lève pour laisser passer les gens, je m’assois. Aucun merci, aucune excuse. L’agent d’accueil nous demande de nous décaler vers le centre : la place sur ma droite est inoccupée. Je m’exécute. La place est froide. Je regarde ma voisine de gauche qui récupère ma place toute chaude. Je la déteste. Tout comme les spectateurs qui quittent leur siège pour se rendre à la toilette à une minute du début officiel du spectacle. En quoi ça me concerne finalement ?

Dans le métro du retour, une fille tente de lire la quatrième de couverture du livre que je fais semblant de lire. Je fais semblant d’écouter de la musique qui sort de mon téléphone qui a zéro pour cent de batterie. Je fais semblant de compter le nombre d’arrêts avant le mien alors que je sais parfaitement que… Non, je compte vraiment, parce que j’aime compter puis je multiplie ce nombre par un certain nombre de secondes pour évaluer approximativement mon horaire d’arrivée. Je suis placé dans la rame qui s’arrêtera en face de la sortie avec escalator. Dehors il pleut. Mon livre que l’auteur a mis 3 ans pour écrire et que je lis depuis 2 ans et demi prend l’eau. Je n’oublie pas mon code. Une fois, j’ai appelé ma mère (encore elle) pour lui demander le code de chez moi que j’avais oublié, alors qu’elle vit à 700 bornes de Paris. Six étages plus tard, j’ouvre mon frigo et constate que le pot de moutarde est bien à l’intérieur mais il est vide. Alors je mange mes ongles et mes peaux mortes.

 

Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito

 

Photo de couverture : Christian Gonet