(quand on ne lit pas la bible)
Performance participative durant laquelle les spectateurs seront invités à danser jusqu’au bout de la nuit sur une unique chanson diffusée en boucle, celle de Chuck Berry « You never can tell », popularisée grâce au film de Quentin Tarantino « Pulp Fiction ».
(de quoi ça parle en vrai)
Il y a un vide terminologique à l’endroit de ceux qui ont perdu leur enfant, ces « orphelins à l’envers ». C’est la vie marche dans ce désert à la recherche d’un mot, d’un espoir, en invitant deux comédiens à témoigner de cette indicible douleur. Une performance-expérience-limite qui tient sur le fil de la délicatesse. (site du festival d’Automne à Paris)

(ceci n’est pas une critique, mais…)
C’est un « spectacle » qui devance les critiques dès son résumé : « une performance expérience limite qui tient sur le fil de la délicatesse » et va même jusqu’à « fast-checker », dans le livret distribué en début de spectacle, par les comédiens eux-mêmes les mots écrits par Mohamed El Khatib. Un peu comme si l’auteur d’un blog prévenait ses lecteurs qu’ils ne sont pas en train de lire une critique parce qu’il n’est pas bon dans cet exercice, mais qu’il le fait quand même. Car El Khatib a l’habitude de nous laisser nous dépatouiller avec ce qui est vrai et ce qui l’est moins. Tout est écrit, que cela soit… écrit. Il n’est pas évident de critiquer une telle performance tellement elle touche à l’intime et au coeur. Alors oui, on peut trouver que les moments où les comédiens interagissent sont un brin artificiels, mais pourtant essentiels à faire respirer la parole de l’un et de l’autre autour du drame qu’ils ont chacun vécu. D’ailleurs les écrans vidéos viendront les soutenir et alléger leur peine. L’humour y est également très présent, par le truchement des histoires juives racontées avec appétit par David Kenigsberg.
La jauge des spectateurs est réduite, nous sommes au plus près. Le soir où j’ai assisté à la représentation, celle-ci était traduite en langages des signes, ce qui me fait écrire que cela devrait être toujours le cas, tellement ça apporte de la poésie (même si ce n’est pas le but recherché, de toute évidence). Et comme pour « Finir en beauté », les acteurs ne viendront pas saluer mais seront présents à la sortie. Et comme pour « Finir en beauté », je prononçai du bout des lèvres un timide « merci ». L’émotion est là, car la sincérité de Mohamed El Khatib est toujours présente, même dans ses petits arrangements avec les morts, finalement indispensables.
C’EST LA VIE
Une performance documentaire du Collectif Zirlib
Texte et conception : Mohamed El Khatib
Avec Fanny Catel et Daniel Kenigsberg
Réalisation : Frédéric Hocké et Mohamed El Khatib
Régie : Olivier Berthel
Jusqu’au 22 novembre 2017 à l’Espace Cardin – Théâtre de la Ville dans le cadre du Festival d’Automne à Paris.
(une autre histoire)
Il hausse les épaules, sa tête se penche vers la gauche : « C’est la vie ! », me dit-il. Je n’ai pas raté mon métro, je n’ai pas craqué mon pantalon en posant mon pied alors que la selle de mon vélo est bien trop haute, je n’ai pas cramé mon soufflé au fromage, etc. Il me dit « C’est la vie ! » alors que… Je ne sais pas si ce qui m’a insupporté, c’est qu’il me dise ça ou qu’il accompagne cette parole avec ce geste qu’il conclut en tapant le côté de ses cuisses. Ou bien juste après quand il me parle de bien trop près en posant sa main sur mon épaule et en me la malaxant, comme si j’avais besoin d’un massage de l’épaule droite. C’est bien connu, toute la tension se situe dans l’épaule droite, surtout quand on est droitier. Je l’écoute, mais je n’en pense pas moins. Si je pleure, c’est devant l’incroyable imbécilité de ce qu’il me raconte. « Aller de l’avant », « Tu n’es pas tout seul », « Haut les coeurs ». Moi, dans une pareille situation, je ne dis rien. Un sourire de compassion, voilà tout. Je pense, en fait, que ce qui me ferait du bien, c’est lui mettre un pain dans la gueule. Genre, une boule. Pas une demi-baguette, hein, ou une ficelle ? Une boule bien lourde, comme celle que vend le boulanger du bas de ma rue. Pas celui du haut, notez bien, parce qu’il ne faut pas s’étonner s’il y a tous les jours une file d’attente hyper longue devant le boulanger du haut, si longue qu’on se croirait en U.R.S.S.. Il est putain de bon, son pain, au boulanger du haut de ma rue. Je ne sais pas ce qu’il y met. Et c’est pas pour la boulangère qu’on y va. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. La boulangère n’est pas moche, mais cela va au-delà de ses miches. Je n’ai jamais vu ses mioches dans le magasin, cela dit… Cela dit, je mets au rencard mon régime sans gluten, rien que pour leur pain. Parce que le pain, c’est la vie.
« Pourquoi tu souris ? » me demande-t-il, toujours avec sa main et ses ongles beaucoup trop longs pour être honnête sur mon épaule.
« Je souris parce que… parce que… »
Textes (sauf mention contraire) : Axel Ito